-"Sähtraa, qu'es-ce qui te prend? T'as l'air d'un p'tit vieux trainant toute une vie derrière lui!"
L'homme se soutenait la tête a l'aide de sa main, appuyé a une table de l'auberge de l'Eau profonde. Il balbutia quelques mots incompréhensibles, et jeta un regard rapide vers son ami, les yeux aussi vides que sa chope de bière.
-Sähtraa, tu....
Son ami fut coupé par les hurlements de Sahtraa. Ce dernier, se tenant le poignet droit, se tordait devant lui, le visage crispé de douleur.
-"Qu'es-ce que..?!?
Plié en deux, la paladin essayait tant bien que mal de contrôler sa douleur, ce qui lui semblait impossible. L'impression démente que de l'acide lui coulait dans les veines et que sa peau se déchirait fit vaciller son esprit violemment. Il cru perdre connaissance. La douleur n'était pourtant qu'au niveau du poignet, mais d'une telle violence qu'il sentait les répercussions de tous ses membres. Tout son corps se crispait au rythme des pulsations démoniaques qui lui ravageaient le poignet. Il resta quelques secondes encore crispé, puis, aussi brutalement que la douleur était apparu, elle s'apaisa. Säthraa, encore tremblant et transpirant d'émotion, enleva son gant et retira les plaques, la maille et le tissu qui lui recouvraient l'avant-bras.
Ce qu'il vit le fit tressaillir.
Au milieu de sa main, a l'endroit même ou une tache sombre naissait la veille, apparaissait maintenant une forte rougeur plissée, parcourue par de petites veines qui ressortait trés nettement. Autour de la tache, la rougeur s'amenuisait, et seules les veines, noircies par le fléau, continuaient en de petites courbes irrégulières. Elles couraient le long de ses doigts, en faisant le tour, et gagnait également le poignet et le dessus de la main. La maladie partait du centre de la paume et contaminait peu a peu les zones autour d'elle...
-"Oh, mon vieux, c'est moche ce que t'as, là. Tu devrais aller faire un tour chez l'alchimiste, ou chez les médecins d'Ironforge, c'est vraiment pas beau a voir. T'as chopé ça ou?", l'interrogea son ami sans réussir a détourner son regard fixant la main de son ami, les yeux pourtant révulsés de dégout.
Sähtraa haussa les épaules d'un air lassé.
"-A quoi bon de toute façon? Je ne suis pas libre. Prisonnier de ce monde, voila tout! Si tu savais, mon pauvre, si tu savais ce qui se trame ici! Ce monde, ces terres, tout ce que tu crois vrai au fond...Ah, si tu savais! Pure folie que de vivre ici! Je ne peux pas me confier, je ne peux pas t'en dire plus, mais c'est mieux ainsi. Plus rien n'importe désormais."
Abasourdi, son ami le regarda différemment.
"- Tu devrais aller te calmer quelque temps, trouver un endroit bien, enfin...changer un peu d'air. Tu crois pas que tu fatigue avec tout ce qu'il se passe ici? Le conseil, ces réunions, ces recherches incessantes...Tout ça te monte à la tête!"
"- Me monte a la tête?!? A la suite d'un conseil du clan, j'ai entrepris certaines recherches qui m'ont conduis a des déductions logiques...mais démentielles! Inadmissibles! Inconcevables!! Je n'ai pu en parler, on m'aurait pris pour un fou. J'ai disparu, sans donner de trace, et je ne veux pas qu'on me retrouve. Je ne veux pas être la cause d'une hérésie ou avoir a expliquer des sujets inexplicables."
Il recouvrit son avant bras de ses armures habituelles, puis ajouta :
"Je fuis, mon ami. Je m'en vais, parce que je détiens une vérité qui n'est pas compréhensible par le monde qui nous entoure. Je détiens une vérité qui détruirait tellement de choses...si ce n'est tout! Si cette vérité éclate, il est certain que les conséquences en seront désastreuses...Une sorte d'implosion sociale, de nous-même, qui annihilerait la volonté et le libre arbitre de ce bas monde! Mais j'en ai déjà trop dit. Ne parle de cela a personne, mon ami, je devais au moins te dire adieu, c'est désormais chose faite. Ne me cherchez pas, je serais a l'endroit ou le passé, le présent et le futur se rejoignent continuellement!"
Son ami ne comprit pas grand chose. A vrai dire, Sähtraa avait toujours était un homme étrange, plongé dans ses pensées, et particulièrement émotif. Il suffisait d'un évènement malheureux et il devenait incontrôlable. Combien de bagarre, combien d'insultes avaient fusées lors de certaines soirées mondaines ou quelque chose ne lui plaisait pas?!? Hier soir encore, il avait avoué avoir insulté un gnome démoniste qui lui bouchait le passage après l'avoir bousculé.
-Bof, pensa t'il tout bas, encore une crise du quotidien. Il reviendra, plus vif que jamais, une fois cette tréve terminée.