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Ce furent les cris des albatros qui la réveillèrent cette fois-ci.

 

La marée montait dangereusement, et elle fut reconnaissante aux oiseaux de l’avoir tirée de sa torpeur avant que l’eau glacée ne l’atteigne. Elle se redressa malgré ses muscles ankylosés et épousseta d’un geste las le sable qui s’incrustait dans les plis de ses vêtements. Les rafales de vent charriaient avec elles des bourrasques de neige, et la caresse glacée de leurs flocons était un réconfort pour ses lèvres gercées par le sel.

 

Elle parcouru la plage des yeux, cherchant la source du bruit qui l’avait éveillée, et aperçu les oiseaux, groupés autour de ce qui ressemblait à la carcasse d’un dauphin. Saisissant l’une de ses dagues, elle s’approcha, poussant de grands cris pour écarter les charognards. Le dauphin n’était pas mort depuis longtemps, mais déjà a moitié dévoré. A l’aide de la lame, l’elfe de sang découpa plusieurs morceaux, qu’elle enroula dans ce qu’il restait de son tabard. La simple idée de toute cette nourriture la faisait saliver : les moules et les quelques bernacles qu’elle avait récolés jusqu’ici étaient loin de suffire a ses besoins nutritifs.

Serrant son butin contre sa poitrine, elle remonta péniblement la côte jusqu'à son petit abri, dans les rochers. Le feu était froid, comme après chacune de ses « absences ». Déposant la viande à l’abri, elle choisit une bûche dans sa réserve de bois flotté et entrepris de rallumer le foyer.

 

Elle ignorait depuis combien de temps elle se trouvait là, et les absences rendaient impossible un calcul du temps passé sur l’îlot. Levant les yeux vers l’océan, elle aperçut dans la brume la poupe du Solstheim et fronça les sourcils. Si proche et pourtant inaccessible, on aurait dit que le bâtiment la narguait…

Le navire et le démon qui l’habitait l’avaient emmenée ici après la bataille de la Baie, supposait-elle sans pour autant comprendre pourquoi. A son premier réveil, elle avait escaladé les rochers jusqu’au sommet, et contemplé dans son entier le petit îlot désert. Le climat glacial lui laissait supposer qu’elle se trouvait quelque part à hauteur du Norfendre, mais quand à savoir ou, impossible. Parmi les quelques affaires qu’elle avait encore sur elle ne figuraient ni sa boussole, ni sa goboradio, ni sa gemme. Quelques unes de ses dagues de lancer étaient cependant encore accrochées a son armure, ainsi que, louée soit la lumière, la sacoche contenant son nécessaire a feu. Elle s’était trouvé un abri contre les rafales chargées de neige et était parvenue tant bien que mal à allumer un petit foyer. Les premiers jours, elle s’était donné la peine de graver un trait pour chaque aube sur un morceau de bois flotté, mais avait fini par brûler ce dernier après quelques absences.

 

Celles-ci arrivaient toujours de la même façon. Tout d’abord il y avait cette présence, pression familière et douloureuse à l’intérieur de son crâne que l’elfe avait depuis longtemps identifiée comme appartenant au Léviathan, le démon qui hantait son navire. La douleur s’intensifiait de seconde en seconde, la faisant immanquablement s’écrouler. Elle tentait de lutter, chaque fois, de toutes ses forces, mais la puissance du démon dépassait de loin la sienne et sa prise de contrôle était inexorable : hurlant et se débattant, elle finissait toujours par perdre conscience. Puis elle se réveillait la, sur cette plage, engourdie par le froid et a demi recouverte de sable.

 

C’était sa cinquième absence. Duraient-elles des heures, des jours, des semaines ? Que faisait-elle pendant ces périodes de noir ? L’elfe n’en avait aucune idée. Repoussant ses réflexions, elle se força a se concentrer sur le présent : il fallait allumer ce feu. Elle jura. Elle était arrivée au bout de sa réserve d’amadou et le bois flotté, trop humide, refusait de prendre. Les atermoiements de l’affamée ne durèrent pas bien longtemps, cependant. Lâchant le silex, elle ramassa le morceau de dauphin et mordit à pleines dents dans la viande crue.

Publié le 29/04/2009 - Pas de modifications
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