Articles de Edualk - Il ?tait une fois un Paladin, un Belle et un drago
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- Vous voulez l'entendre ?

- Entendre quoi ?

- Leur histoire. Celle du plus parfait des Paladins. D'une belle. Et d'un dragon.

 

Cela commencera comme une farce. Mais ne vous laissez pas abuser.

Ceci n'est pas une histoire amusante.

 

Mais entendez-la. Car elle mérite d'être contée.

 

L'histoire de ce qui aurait dû être, et qui ne fut pas…

 

 

***

 

 

Chapitre 1 : Il était une fois

 

 

Cela commence comme une histoire ordinaire, comme il y en a tant en Azeroth.

 

Donc : il était une fois…

 

Il était une fois un jeune Paladin. Enthousiaste, courageux et pieux. Cinq fois de suite lauréat du prix Interalliance de la Pureté et de la Valeur, catégorie Lumière. Capitaine de l'équipe Paladine universitaire de "Le mur ou ma tête", et quatre fois vainqueur du championnat royal contre la fameuse équipe des Guerriers "Là-un-truc-chargez !" (y'a pas que les Paladins qui ont du mal…).

Oui, je sais. Ca fait pitié. Mais que voulez-vous… Il faut de tout pour faire un monde.

 

Bref, un boulet de première. Mais gentil.

 

Un Paladin, quoi.

 

Ce jeune Paladin avait suivi sa formation avec l'enthousiasme, le courage et la piété de tout jeune Paladin de l'Alliance. Et il avait été reçu avec mention, parce qu'il était un Paladin enthousiaste, courageux et pieux.

Pour les autres Paladin, c'était le top en matière de Paladinat.

La référence absolue.

Le modèle à suivre.

Le must.

THE Paladin.

 

Pour un individu ordinaire, ça restait quand même un boulet...

 

Ce jeune Paladin était aussi, faut-il le préciser, beau comme un Dieu. Forcément. Quand on vous dit qu'il n'y a pas de justice… Même chez les Paladins…

Il arriva donc ce qui devait arriver : il tomba amoureux d'une belle jeune femme lors d'un bal donné à Hurlevent. Une prêtresse, gracieuse, élégante et aux cheveux blonds comme les blés.

 

Aux cheveux blonds, oui…

 

Cela va vous surprendre – si si - mais la belle jeune femme avait l'intelligence de sa beauté, autant dire qu'elle n'avait pas inventé l'eau froide – ne parlons même pas de l'eau chaude…

En un mot : une cruche.

Elle avait la capacité d'attention d'un Diablotin sous acide, ce qui expliquait son incapacité à penser à quelque chose plus de trois secondes d'affilée.

Vous remarquerez que je n'ai pas dit quelque chose "d'intelligent".

 

 

Bref, le couple idéal, dont la perfection faisait l'admiration de tous les Paladins, jamais les derniers pour s'extasier devant la beauté et la grâce.

 

Les Prêtresses, quant à elles, bavaient toutes devant le jeune Paladin, même celles qui avaient d'autres ambitions que d'épouser un type riche et toujours en vadrouille qui ne rechignerait pas à payer les factures sans poser de questions.

Et elles estimaient bien entendu, parce que la solidarité et la tolérance sont des vertus essentielles pour des Prêtresses de la Lumière, que leur consoeur étaient la plus belle salope de tout Azeroth, vu qu'elle avait réussi à mettre la main sur ce magnifique exemplaire du mâle contemporain.

 

Ah, les femmes…

 

Et bizarrement, il se trouva qu'elles n'avaient pas tout à fait tort…

 

 

Car il y avait un petit, un léger détail. Oh, trois fois rien, une broutille. La belle était, comment dire... une cruche, oui, on l'a dit. Non, le petit détail, c'est que... bon, on va dire que sa moralité ne correspondait pas tout à fait à sa grâce et à sa beauté.

Bon d'accord. Elle couchait avec tout ce qui bouge, et pas seulement humain. Ni humanoïde, si on en croit certaines rumeurs persistantes venant du camp des bûcherons de la forêt d'Elwyn.

Oui, vous voyez le genre.

Hum.

Une fille populaire, quoi.

TRES populaire.

 

Il va de soi que notre jeune Paladin, enthousiaste, courageux et pieux, je vous le rappelle, connaissait aussi bien la vie, je veux dire la VRAIE vie, que, disons... une planche de bois sur le toit d'une léproserie.

Et encore, pour la planche, je ne suis pas vraiment sûr... en fait, on ne sait pas vraiment ce qui se passe dans une léproserie, non ? Quelqu’un est déjà allé voir ?

 

Bref, un boulet + une cruche, ça pouvait donner un beau mariage. Affligeant, certes, mais beau.

Par contre, un boulet + une cruche à la jambe légère (on va dire comme ça)... ben... ça promettait une nuit de noce assez folklorique, déjà !

 

 

Le mariage du Paladin et de sa belle fut très vite l'évènement majeur de tout Azeroth. Non seulement tout ce que Hurlevent comptait d'aventuriers et de notables, mais aussi des délégations venues exprès de la lointaine Darnassus, avaient programmé un déplacement à la cathédrale de la capitale des Humains pour assister au mariage.

Et se payer la plus belle tranche de rigolade depuis un siècle, parce que la guerre, c'est marrant, mais ça... ça valait le coup de faire une trêve avec les Hordeux et même de leur abandonner quelques champs de bataille.

D'ailleurs, c'est étrange, mais un certain nombre de Hordeux, ayant en commun d'être tous vétérans de raids sur Hurlevent, avaient prévu d'attaquer la ville PILE ce jour-là.

Et pas pour le butin ou pour massacrer quelques gardes. La plupart n'avaient même pas pris la peine d'emporter leurs armes et leurs armures.

Hum.

 

TRES TRES populaire, on vous dit.

 

 

***

 

 

Chapitre 2 : Le vol du dragon

 

 

Mais notre jeune Paladin avait un frère cadet. Un Sorcier. Un garçon gentil, sympathique et serviable, qui avait choisi la voie de la sorcellerie pour apporter paix et prospérité aux peuples d'Azeroth.

Pas de la même façon que son frère, néanmoins. Pour ce jeune homme, un tel but altruiste nécessitait la conquête du monde et la soumission de toute vie à sa volonté.

Et puis, s'il lui restait un peu de temps libre à la fin, il n'était pas contre l'idée d'un petit génocide ou deux, pour la gourmandise.

 

Vous ne serez pas surpris si je vous dis que ce jeune homme économisait pour s'acheter un repaire maléfique, et qu'il s'entraînait chaque jour à lancer son rire malfaisant.

Bref, un sale type.

 

Les deux frères avaient au moins une chose en commun : le sentiment d'avoir un Destin (avec une majuscule). Et ce Destin passait fatalement par leur affrontement.

 

En attendant ce jour, le cadet continuait à travailler son rire malfaisant, et l'aîné assumait avec modestie – parce qu'en plus d'être parfait, ce Paladin était modeste – ses devoirs de défenseur de la Lumière.

 

 

Néanmoins, le cadet n'approuvait pas franchement l'union de son aîné avec cette pét... cette sal... cette put... RHAAA !!! cette fille très populaire. Même si lui ne prenait pas l'air gêné de circonstance quand il parlait avec ses confrères des frasques de la belle, vu que tout le monde la connaissait.

Un peu.

Beaucoup.

Enfin...

 

Bon d'accord, il faut dire qu'il pleuvait, et puis y'avait un feu dans la cheminée, bref... Mais bon, ça n'était arrivé qu'une fois. Deux à tout casser. Pas plus de trois en tout cas. Quatre maxi. De toutes façons, au bout de la dixième, on arrête de compter...

Il avait bien essayé de prévenir son frère, mais celui-ci était un parfait Paladin. Et amoureux, en plus. Donc, un  abruti au stade terminal, avec sourire béat et gouzi-gouzi de circonstance.

 

Mais il était dit qu'il y avait un dieu pour les abrutis. Pervers et tordu, certes, mais un dieu. Probablement le même qui leur évite de se faire tuer tous les trois pas à cause de leur sourire niais ou en voulant jouer au jeu du "le mur ou ma tête" - en les dotant notamment d'un physique à faire rougir de honte un barbare de Cimmérie ainsi qu'une capacité de résistance aux coups digne d'un Wil Coyote.

 

A la grande déception des invités et des Hordeux qui s'étaient tranquillement installés dans un coin de la cathédrale et avaient déjà attaqué le buffet – et aussi quelques gardes, histoire de ne pas perdre la main... - le mariage fut annulé.

 

Pourquoi ?

 

La belle fut enlevée par un dragon.

 

 

Sur le coup, tout le monde se dit que, décidément, cette fille avait VRAIMENT l'art de se rendre populaire. Même si un dragon... Les esprits les plus imaginatifs avaient du mal à imaginer la scène.

Un dragon... quand même...

 

Il y eut immédiatement un mouvement spontané pour porter assistance au jeune Paladin qui, bien évidemment, avait fait voeu de secourir sa belle de l'infâââme créature. Il fut quand même surpris de se retrouver avec un bon millier de volontaires, dont un certain nombre de bestioles diverses ayant la décence de regarder ailleurs d'un air gêné. Un tic très répandu ce jour-là.

Ainsi que, ô surprise, tout une délégation de Hordeux qui "passaient par hasard dans la région en se rendant à Orgrimmar - on était en plein milieu de la forêt d'Elwyn, je le rappelle - et étaient prêts à aider le jeune puc... le jeune Paladin à sauver sa belle", et qui s'était jointe au raid de leurs collègues précédemment évoqué.

 

Les gardes faisaient juste un peu la gueule à cause de la manie des Hordeux de s'essuyer les bottes sur leurs cadavres, mais dans l'ensemble, tout le monde montrait un formidable enthousiasme pour l'aventure à venir.

 

Ah oui, j'ai failli oublier. Oui, vous avez bien deviné. Ils regardaient tous leurs pieds d'un air quelque peu gêné.

 

Vraiment vraiment très très populaire. Vraiment.

 

Notre jeune Paladin était fou de joie à la vue de cette magnifique armée – malgré le tic dont ils étaient tous affligés, celui du regard quand il leur souriait d'un air ravi.

"Ravi", dans tous les sens du terme. C'est toujours notre jeune Paladin amoureux, n'oubliez pas.

 

L'armée ne dura que 4 minutes. Le temps que les compagnes, épouses, fiancées, mères, etc. de nos valeureux volontaires n'apprennent la nouvelle et se ruent sur leurs compagnons, époux, fiancés, fils, etc. pour leur rappeler que les conneries, ça va bien 5 minutes, et que si l'autre abruti veut récupérer sa garce de salope, il n'a qu'à se débrouiller tout seul.

 

Et tu rentres tout de suite à la maison ! Sans discuter ! Et tu en profiteras pour sortir les poubelles !

 

 

Notre jeune Paladin se retrouva donc subitement seul, avec quand même son jeune frère qui le regardait d'un air affligé et triste. Car comment voulez-vous conquérir le monde et imposer votre volonté à toute vie si votre aîné est affligé d'une bêtise crasse et a la fâcheuse tendance de foncer dans le tas en hurlant d'un air extatique "Pour la Lumière, espèce de sale méchant !" (depuis la dernière réforme du Ministère de la Lumière, les cris de guerre étaient soumis à la loi contre les propos discriminatoires).

Le fait que sa belle soit une "folle du cul", pour reprendre les termes élégants du Sorcier, et qu'elle se soit enfuie avec un dragon, ne pouvait que nuire à la réputation du futur Maître d'Azeroth.

On ne choisit pas sa famille, mais quand même…

 

Et dans le même temps, le jeune Paladin commençait à se demander si, éventuellement, peut-être, tout ceci ne cachait pas quelque affaire louche dont sa belle serait à l'origine.

 

Car il arrive aux Paladins, parfois, de réfléchir. Si si, j'vous jure ! Ca prend du temps, ça n'a rien de brillant ni de fulgurant, mais ça arrive.

Et notre jeune Paladin commençait à expérimenter cette situation des plus nouvelle pour lui : utiliser sa tête autrement que pour le jeu du "Le mur ou ma tête".

 

 

Notre Paladin partit donc en quête de sa belle et du dragon, accompagné de son frère qui n'avait pas voulu l'abandonner dans cette difficile affaire.

 

Et puis en plus, il était resté bloqué toute une journée devant un arbre en se demandant par quel côté le contourner tout en restant fidèle à son serment à la Lumière.

 

Oui, effectivement, à ce point-là, on ne l'avait quand même jamais vu. THE Paladin, on vous dit.

 

 

***

 

 

Chapitre 3 : On vous avait bien dit que ce n'était pas drôle !

 

 

Le jeune Paladin traversa beaucoup de régions. Il voyagea dans tout Azeroth, explora systématiquement tous les donjons, participa à toutes les batailles.

Il rencontrait toujours des gens connaissant sa belle. Et regardant leurs pieds d'un air gêné.

 

La quête dura longtemps. De très longues années. Le Paladin cessa d'être jeune, son visage commença à se rider, ses cheveux blanchirent, mais toujours il cherchait.

Son sourire niais avait disparu. Son enthousiasme avait fondu. Sa piété... il n'en parlait plus. Son courage était toujours là, mais il ne consistait plus à charger l'ennemi en hurlant. Il était devenu dur, méthodique, froid... et silencieux.

Et toujours ces mêmes regards gênés, toujours cette même absence d'indice.

Et ce doute qui s'était mué en quelque chose de froid et de dur en son coeur.

 

Puis un jour le Paladin trouva. Un antre sombre perdu au milieu de nulle part. Un village soumis à la volonté d'un monstre ailé. Et un paysan accompagné de ses deux enfants.

Qui baissa le regard d'un air gêné quand il posa sa question.

Lui aussi.

 

 

La suite, le Paladin ne souvient plus très bien. Il se souvient distinctement d'avoir attrapé les cheveux du paysan et de lui avoir soulevé la tête de force. De l'avoir regardé dans les yeux. De lui avoir enfoncé son épée dans la gorge.

Le sang qui gicle sur son armure.

Il se souvient du hurlement des enfants, qui s'interrompt brutalement dans un bruit d'acier.

L'épée qui se lève et s'abat. Sans s'arrêter. Sans faiblesse. Sans pitié. Des cris. Des suppliques. Des pleurs. Du sang. Des cadavres.

Et le silence qui s'abat soudain sur le village. Les corps partout. Hommes, femmes, vieillards, enfants. Hommes et bêtes.

Morts.

Sans exception.

 

Puis le Paladin pénétra dans l'antre.

 

Son frère était là. En tant que Sorcier, il en avait plus vu que n'importe qui en ce monde. Il était horrifié, mais tout ceci était tellement... logique. Tellement évident. Tellement inévitable.

 

Il le suivit dans l'antre du monstre ailé.

 

Le dragon était là. Il plongea son regard dans celui du Paladin. Pour la première fois depuis toutes ces longues années, une créature vivante le regardait en face, dans les yeux.

 

Le monstre ne dit rien. Et ne bougea pas. Le Paladin posa une question, une seule, la même qu'il posait depuis si longtemps :

 

- Où est ma belle ?

 

Le dragon répondit. Peut-être souriait-il. Difficile à dire.

 

- Un humain est venu. Un jeune Paladin. Enthousiaste, courageux et pieux. Il m'a affronté et vaincu. Il est parti avec la femme. Je crois savoir qu'ils se sont mariés. A Hurlevent. C'était il y a… longtemps.

 

Oui. Tellement logique. Tellement évident. Tellement inévitable.

 

Le Paladin regarda son frère. Longuement. Ses épaules étaient basses. Son regard las. Ce qui était froid et dur dans son cœur avait disparu, et il n'y avait plus rien.

Il ne dit rien. Il n'y avait rien à dire, et les paroles n'étaient plus nécessaires depuis longtemps entre eux. Il se contenta de graver dans sa mémoire le visage de celui qui ne l'avait jamais abandonné.

Son frère.

Son ennemi.

 

Puis il tourna les talons, et s'en fut.

Vers Hurlevent.

Vers sa belle.

 

Personne ne l'arrêta malgré le sang sur son armure. Le sang des innocents. Quelque chose en lui faisait reculer les plus valeureux. Comme un vide abyssal que rien ne pouvait combler.

 

 

Hurlevent. Capitale des Hommes.

 

Le dragon avait dit vrai. La belle était mariée et mère de famille.

Ou plutôt, avait été.

 

Toute la ville en parlait. Un drame affreux avait eu lieu. Un incendie avait détruit sa maison. Tous les membres de sa famille avaient péri, brûlés vifs. Elle-même avait survécu, mais son corps autrefois si parfait était atrocement mutilé.

 

Ce drame s'était produit au moment même où un monstre ailé parlait à un Paladin, loin de là, près d'un village rempli de cadavres.

 

Loin, très loin de là...

 

Tellement logique. Tellement évident. Tellement inévitable.

 

 

Le temps a encore passé. De longues années. Des guerres. Des batailles. De l'héroïsme et de la veulerie. Azeroth continua de vivre et les héros de se couvrir de gloire et de mourir.

 

Chaque semaine, sans aucune exception, un homme sans nom et sans passé vient voir celle qui autrefois fut belle et désirée, et qui n’est plus qu’une ombre solitaire. Dans cette demeure si vide, il lui tient la main, délicatement.

Je ne saurais vous dire s’ils parlent. Personne à Hurlevent ne vient plus voir cette femme mutilée. Sauf cet homme sans nom et sans passé, chaque semaine.

 

 

La femme est morte, dernièrement. Son enterrement fut décevant. Le soleil lui-même n'eut pas la décence de se cacher derrière la pluie.

La journée était belle et agréable, et dans le cimetière d'Elwyn, un homme sans nom et sans passé, entouré d'un Sorcier au regard dur et d'un prêtre peu inspiré, enterrait une femme mutilée qui autrefois fut belle et désirée...

 

 

Publié le 05/02/2010 - Pas de modifications
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