Articles de Edualk - Chapitres 04-06
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Chapitre 4 : Je rêve que je me réveille


Obscurité sans fin, un lieu qui n'existe pas.


...

Je

...

rêve

...

que

...

je

...

dors.

...

... Oubli...
... Vide...
... Combien de... ?
... Difficile....
... Les pensées...

...

... Combien de temps... ?

Je rêve que je rêve.

... Les souvenirs...
... On dirait que...

Je rêve que je rêve...

... Ils reviennent...
... Combien de temps depuis... ?
... Tant de souvenirs...
... Je me souviens...
... Il y a...
... Cette douleur...

Je rêve que je rêve... ?

... Douleur...
... Terrible...
... Le sang...
... Tant de sang...
... Pourq... ?

... Ma belle... Pardonne-moi...

... Cette douleur...
... Ma...
... Pourquoi tant de douleur... ?

Je rêve que je... rêve... ?

... Ma belle...
... Cette douleur...
... Je me souviens...
... Ma belle...

NON !

... Ma belle...

NON !

... Tellement de douleur...

Je rêve que je...

... Ma belle...
... Non...
... Non, pas de...

Je rêve que je...

... Ma...

Je rêve que...

Je rêve...

Je rêve...

Je...

...

Je rêve que je me réveille...

... Je...

...

Je rêve que je me réveille.

...

... Je sens... la douleur...

... Je sens la douleur ?

... Oui...

Je rêve que...

Non.
Je ne rêve plus.
Je me réveille.
Maintenant.
Je me réveille.

MAINTENANT !


***


Chapitre 5 : La douleur qui est moi


Obscurité sans fin, un lieu qui n'existe pas.


Je suis... fatigué. Combien de temps ai-je passé à dormir ? A rêver ? Ai-je seulement rêvé ? Ma tête est lourde. Mon esprit est embrumé. J'hésite. Je ne sais plus rien.
Si. Je me rappelle. Je me rappelle que je sais me souvenir. Et je me souviens.

Ma tête...

Cela fait si longtemps que je dors. Et ensuite, le rêve. Mais le rêve est fini. Ou alors, ne suis-je qu'un rêve moi-même ? Mais la douleur est si forte ! Si forte ! Je la croyais disparue, anéantie.
Terrible douleur. Terrible douleur !

Je dois... réfléchir. Cela fait si longtemps que je dors. Mais j'arrive à penser, à ordonner ma réflexion. Mes souvenirs reviennent. Et cette douleur !

Non. Non ! Je ne dois pas céder. Pas maintenant. Je dois me rappeler de tout. Depuis le début jusqu'à... De tout.


...


Les bribes de souvenirs tournent dans mon esprit. La douleur est toujours là, si terrible, si terrible ! Mais je dois me concentrer. Empêcher la douleur de s'imposer. Je dois me rappeler...
Mon serment.
Je me souviens de ce qu'on m'a appris. Une façon d'être et d'agir. Je me souviens. J'étais... chevalier. Oui. Le mot s'impose à mon esprit. La douleur est... la douleur est là, si... si terrible ! Mais... chevalier. Oui. Ce mot sonne à mon esprit comme un roc sur lequel me raccrocher.

Je dois ignorer... la douleur. Si forte ! Plus forte que celle du corps. J'ai oublié que j'ai un corps. Cela fait... si longtemps.


...


La douleur du corps s'estompe, mais celle en moi est toujours aussi forte. Elle me rend fou !
Non. Pas fou. Ce temps-là est fini. La douleur est terrible, elle me remplit, elle remplit ce vide abyssal qui m'a dévoré. Mais je sais qu'elle ne quittera jamais. Je dois l'accepter. C'est ce que j'ai appris, autrefois. Accepter, et serrer les dents, au nom de ma foi.
Non. Plus de foi. Ce temps-là aussi est fini. Il n'y a que moi. Et cette douleur ! Elle est si forte, si terrible ! Si... puissante. Je crois que...
Non.
Je... Je SUIS cette douleur. Et je sens, au coeur de cette obscurité dans laquelle je dors d'un sommeil sans rêve depuis si longtemps, je sens les ténèbres elles-même se recroqueviller. A cause de la douleur.

Oui... Cette douleur est si puissante que je pourrais... que je vais l'utiliser.
Mes souvenirs reviennent et s'organisent, et mon esprit raisonne de mieux en mieux. Et me confirment ce que je devine depuis mon réveil : je n'ai rien, je ne suis rien. Mais j'ai - je suis cette douleur.

Je sens une étrange sensation, pourtant familière. Oui, je me rappelle... je souris. C'est cela que je sens : le sourire qui tord ma bouche et plisse mes yeux. Et tout de suite après, j'entends - encore une nouvelle sensation, pourtant familière - un hurlement.
C'est moi ! Je hurle de douleur ! Une douleur physique, cette fois-ci, fulgurante ! Qui me brise et m'écrase ! Mon corps éclate, mes poumons se déchirent, ma gorge est de la lave en fusion, je vais mourir, je meurs, dans une souffrance effroyable !
Une souffrance que je connais du tréfonds de mes souvenirs. Que je n'aurais jamais dû ressentir à nouveau.

Je respire. C'est cela qui me déchire, comme elle déchire le nouveau-né qui sort du ventre de sa mère. Cela fait si longtemps que je ne respire pas.

La douleur cesse aussi soudainement qu'elle est apparue. J'entends ma respiration, oppressée, paniquée, rapide et désordonnée, puis qui se calme, qui reprend son rythme, qui réapprend.
Une sensation lancinante parcourt mon corps, venant de ma poitrine jusqu'à mes extrémités. Et j'entends un nouveau son. Régulier, puissant, venant de moi.
Les battements de mon coeur. Je reste à l'écouter battre, tranquillement, ramenant la vie dans mon corps. Cela m'apaise, et je remarque que la douleur qui est moi se mêle avec harmonie à ces battements, qu'elle accompagne et soutient mes poumons qui se remplissent et se vident sans s'arrêter.

Il me reste encore une chose à faire. Mais saurais-je m'en souvenir ? Cela fait si longtemps, si longtemps... Et cela semble si naturel à l'époque. Comment fait-on ? J'hésite.
Ce corps... Comment le mouvoir ?
J'ai oublié. Je cherche dans ma mémoire, dans mes souvenirs maintenant revenus, dans ce corps qui reprend vie, mais je ne trouve rien. Comment fait-on !
Je sens un nouveau sentiment se mêler à mon hésitation. Le désespoir. Je ne peux pas, je n'y arrive pas... Cela fait si longtemps, si longtemps...

Et je sens la douleur qui est moi. Et je lève mon bras, sans hésitation, sans crainte ni angoisse. Et je souris, à nouveau. C'est donc cela. J'ai oublié comment être, comment vivre et bouger, mais la douleur qui est moi est si forte qu'elle plie mon corps si fragile et le domine.
Je sens quelque chose de nouveau se répandre dans mon corps, venant de cette douleur. Mes veines, mes nerfs, mes muscles se transforment et s'adaptent sous la puissance de la douleur. Je lève l'autre bras, et je le sens réagir immédiatement, obéir comme pour une marionnette.

Mais ce n'est pas ainsi que la vie fonctionne. Ce n'est pas ainsi que nous avons été créés. La vie est instinctive, elle n'est pas un jouet entre les mains d'une sensation. Ce que je fais, ce que fait la douleur qui est moi est hérésie. Elle est obscénité. Elle est insulte à l'univers.
Oui. C'est ce que je suis maintenant.

J'hésite. Et la douleur qui est moi hésite. Car cela ne peut être. Mais quel autre choix ?


***


Chapitre 6 : Il me faut revenir


Etrange sensation. Des pensées tournent dans ma tête. Un serment. Un engagement.

NON !
Cela n'est plus. Je ne suis plus ce que j'étais.

L'hésitation se fait certitude. Comment pourrais-je revenir ? Comment pourrais-je arpenter à nouveau le monde ? Marcher sous le... le...
Le souvenir me fait hurler. La douleur qui est moi se tord et tord mon corps. La lumière du soleil. Rien que le souvenir suffit à me déchirer.
Je respire, je calme l'effroi qui m'envahit. Et la douleur qui est moi, qui remplit ce vide terrible en moi, cherche un moyen. Je la sens, exigeante, tyrannique. Sans pitié.

Je me souviens... De mon serment. De ce que je fus.
Pas comme cela. PAS COMME CELA ! JAMAIS !

La douleur qui est moi me force, me brutalise. Je n'ai plus qu'elle, je ne suis plus qu'elle. Sans elle, il n'y a que le vide. Abyssal. Infini. Impossible à remplir.
Et soudain, l'odeur. Elle remplit mon esprit, arrête la douleur, fait cesser le tourment du vide en moi.
Un souvenir. Une odeur âcre. Un goût dans la bouche, de métal.
Oui.
Le sang.
Et les pleurs, la folie.
Et derrière ces pleurs, derrière cette folie...

Je me souviens...

Une enfant. Une Elfe. Couverte du sang des innocents. Tant de sang que l'odeur envahissait tous les sens. Son rire. Sa démence.

Non. Pas la sienne. Autre chose. Un esprit venu d'ailleurs. Si terrible, si exigeant que ce que j'étais devenu n'a pu que le sentir et le haïr.
Je me souviens de l'Elfe, meutrière, cruelle et folle. Mais ce n'était pas elle. Je me souviens de l'esprit qui l'utilisait. Un Esprit de Sang. C'est le nom que l'on m'avait donné. Je me souviens de notre combat. Esprit contre esprit. Douleur contre folie.
J'ai vaincu.
Et les pleurs de l'enfant, sans fin et sans repos. Libre mais détruite.

La douleur qui est moi est toujours là. Elle cherche. Et trouve.
Elle est là.
L'enfant.
Son esprit est encore présent. Dans ce sanctuaire de paix que je lui ai ménagé, dernier serment prêté au nom d'une foi sans objet.
Apaisé.
Seul.
Seul... ?
SEUL !

NON ! Cela ne se peut ! Comment a-t-il pu ?!
La douleur qui est moi cherche. Je sens sa fébrilité, la mienne. Je sens... l'échec.
La douleur qui est moi cherche encore. Tord ce qui reste de mon esprit, me violente, cherche encore et toujours. En vain.
Je sais. Mais la douleur qui est moi refuse, se révolte. Je sens sa colère, sa haine, sa force... En ce lieu qui n'existe pas, mon ennemi, mon prisonnier, la raison de mon exil, a trouvé un moyen de s'échapper.

La douleur qui est moi cesse soudain. Me parle, sans mots, sans paroles. Je souris. En cette obscurité sans fin, en ce lieu qui n'existe pas, nous nous comprenons. La douleur qui est moi approuve. Je la sens, elle me remplit, mais je comprends qu'elle et moi pouvons être... alliés.

Un même but.
Un même ennemi.
Au nom des serments anciens.
Au nom de ce que je fus.
Au nom de ce qui aurait dû être et qui ne fut pas.


...


Ma décision est prise.

Je ne suis plus ce que je fus.
Je ne suis qu'une insulte faite à l'univers.
Une abomination.
Une souffrance qui fait reculer jusqu'aux ténèbres.

Il me faut revenir. Au nom d'un serment qui n'est plus.


...


Obscurité sans fin. Un lieu qui n'existe pas.

J'ouvre les yeux.
MAINTENANT !


Publié le 02/10/2012 - Pas de modifications
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