Articles de Asteroth - Le Fils Des Elements
Retour au site de Asteroth
Article précédent - Article 4 sur 27 - Article suivant
Le vent est un peu frais. C’est un air agréable qui s’engouffre dans mes habits d’été. La caresse du soleil se fait plus douce que tout à l’heure, celui-ci étant désormais rasant à l’horizon. Il est grand temps que je rentre à la maison, la journée a été longue et je suis épuisé. Il faut encore que je pédale, c’est harassant. Papa aurait pu m’envoyer faire ce boulot un autre jour quand même… j’aurais bien aimé pouvoir profiter de la journée…
Les rues, les habitations, les quartiers défilent alors que je progresse sur mon deux-roues. La route est encore longue, c’est pénible ! Une goutte s’écrase sur mon front. Je décolle les yeux du bitume et fixe le ciel azur qui commence à se parsemer de rais d’or. Le gris y a fait de petites irruptions. Pas de quoi m’inquiéter.
Mais le vent se lève, par petites bourrasques, et je frissonne. L’or s’est étalé, mais le gris commence à s’imposer. Le ciel s’assombrit. La route s’assombrit. De minces traînées fugaces rayent ma vision à chaque seconde : cette fois, la pluie commence. Cela ne me dit rien qui vaille. J’augmente mon effort pour accélérer, et les habitations se succèdent alors sans que je n’y prête attention. Etrange, ma vue baisse. Tout s’assombrit encore. Le gris qui s’étend est en train de conquérir le ciel encore bien plus rapidement. Les rafales de vent sont plus soutenues, les gouttes glaciales prennent un malin plaisir à s’insinuer dans mon cou, et me font me recroqueviller. J’ai… une drôle de sensation. Un pressentiment. Et si…
Le soleil est encore indemne. Je le vois cependant rougir, d’un rouge pâle, et il est sur le point d’être noyé dans ce gris froid et insensible. La pluie se densifie, je suis déjà trempé jusqu’aux os… jusqu’à l’âme. Il faut vraiment que j’accélère malgré la fatigue, alors je passe sous silence la complainte de mes muscles et augmente encore la cadence de mes cycles. Pour le coup, je maudis Papa de m’avoir envoyé si loin.
Cette fois, je n’ai plus aucun doute, il se passe quelque chose : le noir s’allie à ce gris terne. Un noir inquiétant, lourd, le noir que l’on redoute lorsque l’on est jeune, celui qui masque les créatures issues de nos peurs dans le tréfonds de ces nuits. Et ce noir se répand à une vitesse alarmante. Le soleil est toujours là. Il résiste, il lutte pour survivre, mais déjà il n’illumine plus rien. Il pleut des cordes, et tout s’efface. Je ne vois plus qu’à quelques mètres devant moi, les ténèbres envahissent les lieux. Et je plie sous le poids des trombes d’eau qui s’abattent sur moi. Mes jambes se font lourdes et douloureuses. Les éléments se déchaînent pour m’empêcher de revenir, je le sais…
Mais le soleil est encore là. Il me donne l’espoir de continuer malgré la douleur. Je vois le disque écarlate qui perce encore les nuages, même s’il ne parvient plus à m’éblouir. Je sais que je ne suis plus bien loin. Et la Nature semble le savoir aussi. Le déluge est tel que des torrents d’eau dévalent la route, à hauteur de mes roues. Je suis contraint de descendre. Je lutte contre le courant. Le vélo est emporté avec facilité. Je peine à faire le moindre pas contre ce courant si puissant. Pourquoi les éléments m’entravent-ils ? C’est la première fois qu’ils me sont hostiles. Ils m’ont toujours aidé par le passé.
Les ténèbres ont beau tenter de me désorienter, je sais que la maison n’est plus qu’à quelques mètres. Le courant s’intensifie, et va jusqu’à menacer de m’emporter. Je suis à bout de forces, je vais céder. Mais il y a quelque chose. Pourquoi… pourquoi se dresser contre moi ? Pourquoi ?!!
La pensée est si forte que j’ouvre mes bras, je mets ma poitrine à découvert, comme un guerrier qui s’offre en pâture à son adversaire, et à l’adresse du ciel, luttant contre le déluge, j’hurle à pleins poumons :

LAISSE-MOI ALLER EN PAIX !


Et le torrent se déchire, cesse le combat. Il s’ouvre en deux et me laisse le champ libre. Je peux enfin me rendre à la maison. Alors que j’ouvre la porte, je ne vois pas le disque solaire répandre sa couleur. Je ne vois pas ce rouge qui envahit le ciel à son tour. Ce rouge qui suinte. Ce rouge poisseux.
Je la vois au sol, et je tombe à genoux. Je le savais. Je l’ai toujours su. La Nature m’a toujours protégé, toujours. Cette fois, elle a juste voulu me préserver, mais il ne fallait pas, j’ai bien fait de m’y opposer.
Tu as beau m’avoir écarté Papa, je te retrouverai, et aidé des éléments, te tuerai. Comme tu viens de tuer Maman.
Publié le 12/09/2008 - Pas de modifications
Retour au site de Asteroth