Articles de FloOk - VI. SUITE ET FIN
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Pendant ce temps, si mon corps physique est toujours en lévitation dans le puits, en d’autres lieux, mon possesseur était parvenu à extirper mon âme de mon corps, et il me faisait à nouveau traverser le néant distordu, mettant à rudes épreuves mon effroi. Il me fait traverser des quantités de dimensions, m’attirant un peu plus vers son fief. Je lutte contre lui en essayant de changer de dimension au sein du néant distordu, mais il me rattrape à chaque fois, ayant plus de facilité pour le faire. Je tente aussi de disparaître, par un sort de camouflage magique, mais ce sort, d’une efficacité ridicule par rapport aux siens, ne le trompe pas. Tout en luttant, nous nous menacions, lui pour m’asservir, et moi pour lui montrer que je ne comptais pas me laisser faire, ni me soumettre.

Mon possesseur se manifeste alors, sur un ton cruel et effrayant. Je vois son visage, tel que lors de mon dernier cauchemar avant d'être banni de la guilde, hideux et repoussant :

«  N'essayes pas de me résister, tu es à moi ! »

- Non ! Vas te faire foutre ! Je te jure que je me vengerais de tout ce que tu m'as fait subir !

« Tu ne peux rien faire contre moi. Quand votre petit jeu de mortels sera fini, je recommencerais à me servir de toi, et tu continueras à servir ma cause. »

- Jamais ! Jamais !

« Alors je te torturerais pour l'éternité. »

- Jamais ! Jamais !

« Tu n’as plus aucune chance, tu arrives à présent chez moi, et tu seras prisonnier pour toujours ! »

Je suis terrorisé, mais je m’oppose à lui, seulement en mots, dans une tentative vaine et désespérée de lui faire croire – ou de me persuader – que j’avais encore une chance de lui échapper, mais après avoir utilisé tous les moyens dont je disposais pour lutter contre lui, je comprend que je ne peux plus rien tenter. Je ne pouvais plus invoquer aucun démon pour me protéger, mais était ce seulement utile ? Mes démons devaient être soit d’une puissance ridicule par rapport à lui, soit de son côté, ignorant toujours à qui j’étais confronté.

 

Pendant ce temps, devant le puits, Huum Crin sauvage s’aperçoit que je commence à psalmodier des phrases en langage démoniaque. Mon ton de voix, d’abord murmuré, s’amplifie de plus en plus, et lorsqu’il le perçoit, il comprend qu’il s’agit de contre sorts pour s’opposer à lui ou la prêtresse. Il fait un effort pour traduire le langage châtié, et, dans le peu qu’il entend, comprend que c’est pour s’opposer à son propre champ de force, et le détruire. Car mes paroles maudites sont exécutés sur l’ordre de mon possesseur, qui a le don d’ubiquité. Alors qu’il m’attire inexorablement vers ses terres, il se trouve en même temps devant le puits, active mes cordes vocales, et me fait incanter les contres sorts.

Le chaman intensifie sa bulle protectrice, et est obligé d’incanter à son tour des sorts en langue chamane pour limiter l’action de mon sortilège. Les deux langages magiques traversent l’air, entrent en opposition, s’interférant dans des modulations harmoniques étranges, le magicien semblant négocier avec la voix, tel un diplomate qui tient compte de son interlocuteur et acquiesce, tout en restant ferme sur ses souhaits.

A force de psalmodies répétées, la subtilité du verbe du chaman, plus intelligente et maîtrisée, annule progressivement mes incantations. Grâce à cela, nous sommes toujours protégés de la tempête, mais un effet négatif fut quand même produit, celui de lui faire consommer plus de mana, et donc de réduire la durée pendant laquelle il pouvait nous protéger.

 

Kilexia, quant à elle, continue encore de maintenir le Puits activé, et de s’opposer à ma lévitation, mais elle faiblit. Elle était plongée dans l’exécution de son rituel depuis plus de treize heures, sans aucune interruption. Elle avait réussit son invocation du Loa, et avait compris qu’il n’était plus nécessaire de communiquer avec lui. Elle était toujours concentrée sur ses deux autres opérations magiques simultanées.

La densité énergétique du lieu devenait de plus en plus importante. Toutes les forces magiques différentes cumulées et concentrées sur le même lieu s’intensifiaient, au point de devenir palpable. Le Puits de lune imprégnait toute la place du fort de son aura, puissante, et dont les ondes magiques se propageaient jusqu'aux plus proches bâtisses, en les illuminant d'une faible lueur bleutée .

 

Lukou, quant à lui, s’était rendu devant le puits. Il était dans la dimension la plus proche de la notre, et observait la scène de sa vision magique. Il voyait la scène, percevant de façon superposée la matière et l'énergie ambiante. Ayant examiné rapidement la situation, il constate immédiatement que mon âme est déjà volée. Il part alors sans tarder en chasse à ma retrouvaille, en explorant le néant distordu, puis, ne me trouvant pas devant sa vertigineuse immensité, décide de se rendre directement au fief de mon possesseur. Il traverse les dimensions, avec une rapidité digne de l’éclair, arrive devant le fief du démon avant lui, se poste en altitude au dessus de celui-ci, et attend.

Arrive ensuite mon possesseur, accompagné de son esclave, le malheureux démoniste que j’étais, complètement sonné par les traversées violentes et brutales des multiples dimensions, dont je m’avais pas eut le temps de m’adapter au passage de chacune d’elles. Alors que le démon ouvre magiquement la porte d’entrée de sa demeure, Lukou prend son envol, et pique droit sur nous.

J’étais désespéré. Je me doutais qu’une fois à l’intérieur, je ne pourrais plus rien faire pour me sauver, et que j’allais probablement souffrir un martyre encore plus horrible que celui de mon exil dans le désert des Terres ingrates. La possession du démon obscurcissait mon esprit, en m’empêchant d’avoir une pensée claire. C’est alors que je repense à Kilexia, et la deuxième partie de son exorcisme, qui m’avait conseillée de rester vigilant, et de croire en mes chances de survie, même au moment où tout semblait perdu. Cela me donne l’ultime sursaut de regarder autour de moi, alors que j’étais hypnotisé par la porte d’entrée, et j’aperçois le Loa…

Une entité, de pure lumière blanche, à la forme d’un oiseau géant, peut être semblable à un aigle ou un faucon. Etait-ce sa forme magique réelle, ou mon imaginaire qui déformait la perception de sa nature intrinsèque ? Ou encore était-ce l’une des nombreuses formes qu’il pouvait revêtir, celle-ci étant celle lui permettant de voyager ? Les plumes de ses ailes semblaient être des flèches blanches, prêtes à être décochées, telles des armes, ou au contraire des énergies de guérison, voire les deux à la fois, la nature de ses attributs divins m’échappant en partie. Son visage de rapace était quant à lui indicible, et ses yeux encore plus, à la fois dotés d’énergie blanche intense et de vide insondable sans aucune matière ou énergie.

Tout cela, je le perçois en une fraction de temps, et c’est alors, que cet être majestueux passant à ma portée, je saisis par réflexe les serres de ses pattes dans les airs, et il m’amène, après être passé au travers du démon. Ce dernier était de forme mouvante et expansive, occupant un espace cent fois supérieur au Loa. Tandis que ce dernier au contraire, était d’une taille minuscule par rapport à lui, faîte d’énergie condensée et concentrée à l’extrême.

Constatant son sauvetage, mon possesseur enrage en poussant un hurlement de terreur, et Lukou prend de la vitesse pour retourner au puits de Lune. Au passage, grâce à la lumière magique qui émanait du Loa, je parviens à apercevoir le fief de mon possesseur, vu de l'extérieur, et je tente de mémoriser son aspect…

Le démon, craignant de se faire doubler, nous poursuit, et il continue de me menacer.

« N'essayes pas de m'échapper, tu es à moi !! »

Ma haine est féroce, et je le défie :
- Non ! Qui que tu sois, je te retrouverais, démon !
Lui, narquois.

« Ouais, c'est ça. Essayes de me retrouver. »

Conclut-il sur un ton teinté d'une ironie malsaine.

Furieux, mon possesseur nous poursuit, mais le vol du Loa est plus rapide et habile, et parvient à le distancer. Son vol est tel – au moins dix fois plus rapide que celui du démon – que mon âme s’évanouit purement et simplement, ne pouvant plus supporter à nouveau la traversée des dimensions, de surcroît à cette vitesse prodigieuse. Alors que j’allais lâcher les serres du Loa, perdant peu à peu conscience, celui-ci croise ses deux pattes, emprisonnant ainsi mes poignets, en me liant de force à lui, pour ne pas retomber dans les griffes de mon adversaire démoniaque, ou me perdre dans le néant distordu. Amené par le Dieu, nous volons en direction de la dimension d'Azeroth.

 

C’est ainsi que nous arrivons à la dernière dimension avant de rejoindre le puits, et Lukou fait à nouveau appel à Kilexia pour lui demander d’ouvrir un passage dimensionnel. La prêtresse entend son appel, et afin de faire le pont entre notre dimension et celle du néant distordu, elle incante un nouveau sortilège, qui la fait se dématérialiser à moitié, laissant le chaman médusé par sa transformation. Sa danse atteint son paroxysme dans sa beauté et sa magnificence, dans le sens où son corps disparaît complètement pendant une fraction de secondes pour se rematérialiser ensuite quelques centimètres plus loin, les séquences de déplacement dimensionnels s’accordant sur le même rythme que sa danse. Elle est en osmose parfaite entre le monde de la densité et les dimensions subtiles. Sa robe et sa cape enchantées s’illuminent d’éclairs multicolores qui jaillissent tout autour d’elle, parcourant son corps complètement électrisé. Elle est à la fois matière et énergie, à la limite du translucide.

Elle ouvre le passage dimensionnel, qui se matérialise par un vortex tourbillonnant d’environ deux mètres de diamètre et, une fois le Loa ayant pénétré dans notre dimension, il réintègre mon âme dans mon corps, en le protégeant des possessions.

Huum Crin sauvage n’avait jamais vu de divinité trolle se matérialiser devant lui, et l’aura d’énergie blanche l’aveugle. Tout en plissant les yeux, il maintient toujours la bulle protectrice, et il est surpris que le Loa puisse la traverser sans encombre. Kilexia ayant les yeux fermés, et le Loa faisant partie de son école de magie, est moins gênée que le chaman. Elle est juste impressionnée par la puissance émanant de l’oiseau divin, augmentant encore plus la densité énergétique du lieu.

Les différentes énergies de chaque entité se chevauchant et s’interpénétrant de force dans un espace aussi réduit que les alentours du Puits, la charge magique globale devenait difficilement supportable pour eux deux. Mais la robustesse du corps massif du Tauren lui permettait d'encaisser les charges magiques, bien que péniblement, tandis que la prêtresse, dont le corps transcendait la matière, supportait plus facilement les cumuls d'énergies magiques.

 

Le démon arrive juste après. Il essaye de me posséder à nouveau, mais ne le peut plus malgré ses tentatives, et comprend que le Loa m’a protégé. C’est la première chose qu’il tenta de faire, faisant fi de toute autre chose, et son échec le fait enrager. Il est au dessus de nous tous, le Loa interposant sa présence entre lui et moi, virevoltant de son vol imprévisible, attendant une réaction du démon avant de déployer sa force.

Etait-ce pour lui faire reporter son attention sur lui, ou pour régler des comptes ? Qu’elle qu’en fut la raison, ils s'observent et se défient mutuellement pendant un instant, durant lequel le chaman retient son souffle, appréhendant la suite des évènements. Puis, passant à l'attaque, s’ensuit un combat épique et titanesque, pendant lequel le démon essaye d’engloutir l’oiseau lumineux dans son néant d’ombre, ce à quoi le Loa contre attaque en décochant ses plumes blanches contre lui. Des étincelles, des gerbes d’énergie foudroyantes projetées contre le démon, sont si intenses lors de leur impact qu’elles illuminent toutes les bâtisses du fort par successions de flashs. Mais les villageois jurèrent par la suite qu’il s’agissait d’éclairs du tonnerre de la tempête.

 

Seul un petit enfant eut le courage de regarder à travers l’interstice du volet de sa demeure, et vit une infime partie du combat, éberlué et ébahi. De là où il était, il voyait une partie du puits, mais surtout les deux entités magiques qui s’opposaient violemment. Il garderait un souvenir impérissable de cette vision, épouvanté et émerveillé à la fois, et lui donnerait par la suite le désir de connaître l’origine des puissances magiques et des forces de l’au-delà. Il vit également des éclairs de plumes déviées s’écraser contre les piliers du puits, ainsi que sur les murs des bâtisses avoisinantes, les déchiquetant dans des fracas et des projections de pierre, l’effrayant par la violence des explosions. Que nous ne soyons pas touché tenait du miracle. Un seul de ces éclairs aurait suffit à nous foudroyer et nous tuer net en nous transformant en tas de cendres.

 

Alors que le combat fait rage, l’action purificatrice du puits finit par avoir raison des forces corrompues de mon être, et les éclairs rouges disparaissent progressivement. Mais hélas, tandis que le chaman était soulagé de voir les inquiétants courants électrique rouge s'éteindre, un dernier éclair, plus fort que les autres, électrise ma robe, et l’enflamme. Le feu se propage progressivement sur ma robe, me menaçant d’une nouvelle mort, alors que je venais de réintégrer mon corps depuis quelques instants à peine. Je suis brutalement réveillé par la morsure brûlante des flammes, et la douleur que je ressens est si intense que je hurle à présent de ma vraie voix. Assistant à ce nouveau péril, le chaman écarquille les yeux, et voit le danger immédiat. Par réflexe, il hurle à l’attention de la prêtresse.

- IL BRULE ! PRETRESSE ! IL BRULE !

Mais Kilexia n’entend plus rien. Elle est toujours concentré à maintenir le Puits actif, et à s’opposer à ma lévitation. Ainsi, moi, lévitant dans les airs, en train de brûler, tandis que les deux dieux s’affrontant au-dessus du Puits, sous le regard médusé du chaman qui maintient sa bulle protectrice, inquiet de constater qu’il n’a presque plus de mana, et la fatigue de la prêtresse, qui tenait désormais à peine sur ses jambes. La situation, compliquée et insoutenable, devenait critique.

 

Et je brûlais, et mes frères sorciers n'arrivaient toujours pas...

 

Mon possesseur met alors toute sa puissance en jeu. Tandis qu’il poursuit sa tentative d’absorption du Loa, il subit cependant quatre pressions en même temps : les contre attaques du Loa, la plus puissante de toutes, l’opposition de Kilexia à ma lévitation, qui atténuait légèrement ses ressources, l’attraction du crâne vaudou, à l’action ridicule, et les forces du Puits de lune, puissantes.

C'est trop. Ces énergies et attaques cumulées finissent pas le faire ployer, mais plutôt que de fuir, il décide alors de feindre de céder au crâne vaudou. Par ruse, car l’attraction exercée par ce dernier est ridiculement faible par rapport à lui. En fait, son intention est de trouver un sursis, en faisant croire qu’il est vaincu, pour lui donner le temps de trouver un moyen de poursuivre le combat.

 

Mon possesseur se laisse absorber par le crâne vaudou, Kilexia s'effondre par terre, ma lévitation s'interrompt brusquement et je chute.

 

Je tombe brutalement, et, sous la violence du choc, les caisses de bois vermoulues se brisent. Je me retrouve totalement immergé sous l'eau, gisant parmi les éclats de bois qui se dispersent dans l'eau, et commence à me noyer. Ma tête heurte le fond en pierre, et m’assomme. Ainsi, après avoir été mis en péril par les forces du feu, j'allais périr noyé par les forces de l'eau.

Alors que le démon attend patiemment dans le crâne de la prêtresse, le Loa s'en fut de son vol majestueux et retournât dans son monde enchanté. Il se dématérialise dans de derniers éclairs blancs, et disparaît. Même les dieux pouvaient ils se tromper ? Estimait il que sa tâche était accomplie, ou était il brusquement appelé ailleurs ? Qui aurait su le dire ?

Le magicien voit effaré que je me noie, mais il ne peut pas se mouvoir, car il sait que cela risque de perturber son champ de force. Il observe la scène, halluciné, se sentant impuissant. Pourtant, sa conscience ne pouvait pas lui laisser me voir mourir sous ses yeux, alors qu’il était à quatre pas de moi à peine. Alors, après une hésitation, il tente le tout pour le tout. Il prend le risque de rentrer dans le puits, en se déplaçant le plus lentement possible.

Huum fait un premier pas en posant son pied dans l’eau, et son champ de force se met subitement à grésiller, perturbé par son déplacement, comme il s’y attendait. Il s’arrête, se re concentre, renforce la bulle, et fait un deuxième pas. La sphère se dégrade dangereusement à nouveau pendant un instant, menace de se rompre, et laisse pénétrer du sable à l’intérieur. Il s’en prend dans les yeux, met brusquement son poignet gauche devant son visage par réflexe, et est obligé de s’arrêter à nouveau. Le sable affectant douloureusement ses yeux, il fait alors un troisième pas les yeux fermés, bousculés et ralentis par les vents. Pourtant je suis en train de me noyer, il sait que chaque secondes est vitale pour m’extirper du fond du puits. Il réduit la taille de la bulle, en brûlant toute l’énergie vitale qui lui reste. Il parvient à faire un quatrième pas, et arrive enfin devant moi. Son pied bute sur mon épaule. Il s'accroupit, cherche à tâtons mon corps avec sa main gauche, le trouve, et sort ma tête hors de l'eau. Il la cale contre son genou droit, tout en maintenant son bras droit en l'air, et me sauve in extremis de la noyade.

Mais les vents pénètrent à présent dans la bulle de façon sporadique, et menacent de plus en plus de nous emporter. Pendant que je tousse en recrachant l'eau de mes poumons entres deux spasmes, le sable se répand partout en tourbillons et gênent nos respirations. Le chaman constate qu’il n’a pratiquement plus de mana, la protection de sa sphère s’amenuise inexorablement, et ne voie pas comment sortir de ce guêpier. Il repense à l’ordre du commandant qui lui avait intimé de se sauver s’il devait craindre pour sa vie, mais il ne pouvait pas faire de longues distances à pied en maintenant sa bulle protectrice. Les quatre difficiles pas qu’il avait accomplit pour me sauver de la noyade le prouvait bien. Il était piégé.

Il se sait condamné, et regrette amèrement de ne pas pouvoir vivre plus longtemps pour continuer ses recherches en magie qui lui tenaient tant à cœur. Il repense aussi à ses proches, ses amis, et voit alors sa vie défiler dans son esprit en accéléré. Il l’interprète comme un signe des dieux le rappelant à lui, tandis qu’il maintenait toujours ma tête hors de l’eau, avec les yeux fermés.

 

Et le magicien faiblissait, et mes frères sorciers n'arrivaient toujours pas…

 

Dans le même temps du sauvetage improvisé de Huum, Kilexia s’était effondrée par terre au moment de l’interruption de ma lévitation. Elle est allongée sur le ventre, sur le rebord du puits, un bras dans l'eau et l'autre pendant sur le sable qui borde le bassin. Elle halète, exténuée par la longue succession de sortilèges opérés pendant toute la journée et une partie de la nuit. Elle s’est rematéralisée, et commence à retrouver peu à peu ses esprits. Elle est vidée de ses forces et éreintée. Elle est désormais incapable de tenter quoi que ce soit de surnaturel, ayant elle aussi épuisée toutes ses ultimes réserves de mana. Pourtant elle a conscience que la bataille n’est pas terminée, sentant la présence du démon dans le crâne posé à côté d’elle. Elle se demande ce qu’elle peut bien tenter, mais sans mana, elle perd tout espoir d’achever l’exorcisme. Le départ du Loa augmente son découragement, et, sans soutien de sa part, elle craint la défaite sous peu. La situation lui semblait désespérée.

Finalement, elle respire fortement pour se réanimer, et, dans un ultime effort, elle rampe lentement dans le puits, en se mouillant de l’eau sacrée, pour parvenir à l’extrémité basse de mon corps gisant. Instinctivement, et comme devinant ce qui allait se produire, elle saisit mes deux chevilles, et les serre de toutes les forces qui lui restaient.

Par les yeux et la bouche du crâne vaudou, de la fumée noire s’exhale, signifiant que la charge qu’il contient est trop forte pour son mot de pouvoir de contention. De petites fissures apparaissent sur les joues, s'étendent sur la mâchoire, puis sur l'ensemble du crâne, qui prend une teinte noire. Et c’est alors que mon possesseur commet sa dernière félonie : il fait éclater le crâne, pour s’en libérer, et la puissance de la déflagration est telle qu’un éclat frappe Huum entre les deux yeux, transperce violemment sa tête, et le projette en arrière. Il meurt sur le coup, le champ de force est brisé instantanément, et la tempête qui faisait rage depuis la tombée de la nuit fait subitement irruption dans le puits. La force des vents, irrésistible, nous emportent tous trois, tels des fœtus de pailles, et le corps du magicien en chef disparaît quelque part dans le désert. Il ne serait jamais retrouvé…

 

Et le magicien mourut en héros, et mes frères sorciers n’arrivaient toujours pas…

 

Kilexia et moi, liés par ses mains sur mes chevilles, sommes emportés dans la furie de la tempête. Nous volons de façon complètement chaotique, dépassant par moment le sol de plusieurs mètres, tandis que mon possesseur disparaît à son tour, frustré de ne pouvoir plus me posséder. Au bout d’un moment, alors que des cendres de ma robe s'éparpillent dans tous les sens, nous heurtons violemment la façade d’une des bâtisses du fort, et nous sommes à nouveau projetés dans les airs, jusqu’à atterrir dans la cour intérieure d’une maison en pierre. Les quatre murs nous protégeant un peu des vents, la prêtresse en profite pour me traîner devant l’une des portes, et essaye de l’ouvrir. La porte étant fermée, elle tire désespérément et frénétiquement sur la poignée en criant pour l’ouvrir, mais elle n’y parvient pas.

C’est alors que, tenant fermement la poignée, elle est entraînée brutalement par une nouvelle rafale de vent, qui fait céder la serrure sous son poids. Les gonds sont violemment arrachés, et la porte est emportée au loin par les vents furieux. Elle se casse le poignet au passage, mais oubliant la douleur, elle entre rapidement à l’intérieur, et découvre un long couloir sombre. Elle m’amène avec elle, alors que je suis à moitié dans le coma, titubant, hurlant des frottements du sable et de Kilexia contre mes brûlures, et elle cherche un abri contre les vents qui nous pourchassent. Ces derniers, des élémentaux, ont l’aspect de visages de sable rugissant et maléfiques, perceptibles par moment entres deux tourbillons chaotiques. Leurs hurlements effrayants se mêlent aux sons des vents, en se confondant au point qu’il était impossible de distinguer leurs cris des feulements des vents réels.

Après avoir traversé le couloir, elle ouvre une porte, pénètre dans une grande salle, et constate qu’il s’agit d’une salle d’armes déserte. Tandis qu'elle cherche un abri, les démons du vent nous poursuivent, et nous éprouvons tous deux des difficultés pour respirer. La force de leur action nous renverse souvent, entamant le courage de la prêtresse exténuée.

Finalement, elle se relève à chaque fois, s’approche d’une grosse armoire métallique d'armement, l’ouvre, me tire à l'intérieur, referme la porte, s’assoit, et me prend dans ses bras dans une posture protectrice. Les démons du vent sont bloqués par l'armoire. Ces derniers étant furieux de ne pouvoir nous assaillir de leurs vagues de sables, ils hurlent devant pendant ce qui nous semblât durer une éternité, mais ils finirent eux aussi par abandonner et partir enfin au bout d’une bonne heure...

 

Petit à petit, la tempête finit par se retirer, et la nuit s'acheva par un Puits de lune à moitié détruit, dans un fort au trois quart ensevelit par les sables, et par ses occupants laissés totalement apeurés et hébétés…

 
…Et mes frères sorciers n’étaient pas arrivés…
 

Les forces magiques de l’Eau sacrée,

Salvatrices et traîtres à la fois,

N’eurent pas raison de notre ténacité,

Et affirmèrent leur loi.

 

Les forces du Feu,

Avaient beau m’avoir menacé,

Elles ne firent que me blesser,

Laissant mon corps affreux.

 

Les esprits mauvais du Vent,

Les serviteurs d'Ossirian,

Finirent par s'en aller,

Frustrés d'avoir échoués.

 

Les tempêtes se retirèrent,

De ceux-là qui lâchement tentèrent,

De faire échouer les forces de la Terre,

Laissant derrière eux leurs complaintes amères…

 

Ainsi, mon possesseur avait maintenant une dette envers Ossirian l'Intouché, et bien sur il était furieux. Furieux d'avoir échoué face à des soit disant minables mortels…

 
 
 
 
 
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Publié le 18/01/2009 - Pas de modifications
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