Articles de FloOk - VI. SUITE
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Jusqu’à la fin de la matinée, elle n’est pas interrompue, mais peu avant midi, un sergent arrive, le supérieur direct de Gnolguy et Fonbouf. Il constate notre présence défendue, et invective ses deux gardes âprement :

- Qu'est ce qu'il fout lui en plein milieu du puits ? Et elle, elle fait quoi là ?? Vous savez bien qu'il doit être protégé ce puits ! Pourquoi ne les avez-vous pas arrêtés ?

Il scrute ses subordonnés en attendant leur réponse. Les deux gardes, ayant failli à leur devoir, n’avaient pas d’excuse, et n’avouent pas tout de suite qu’ils étaient corrompus. Comme ils ne disent mot, le sergent menace :

- Alors là, vous allez vous retrouver en taule pour un bon bout de temps, vous pouvez me croire !

Tout en disant cela, il s’approche du puits, avec l’intention de nous en extraire. Effrayé à l’idée de faire échouer notre plan, mais surtout d’être emprisonné, Fonbouf s’interpose, tente de soudoyer le sergent, ce qui fait se dresser les cheveux de terreur de son compagnon d’armes, craignant un refus, voire une dénonciation pour tentative de corruption. Fonbouf mise, tout comme Dargore, sur l’argument d’une somme très importante – cinquante pièces d’or – pour se donner les chances de réussites. A leur grand soulagement, leur supérieur accepte, malgré son air militaire dur et droit, et il ferme les yeux sur leur petit marché et notre présence. C’était le prix à payer pour que les deux gardes préservent leur place au soleil…

C’est alors qu’au moment où le sergent s’en allait que des lumières bleues apparaissent au-dessus de l’eau. Des bribes vaporeuses d'eau bleutées lumineuses, flottant en suspension dans l'air au-dessus de la surface, jusqu'à une hauteur d'environ deux mètres, apparaissent progressivement, et se font de plus en plus nombreuses. Kilexia avait fait appel aux forces primordiales du puits, qui venait de s’activer. Elle avait pour cela enfoncé son esprit dans la terre, puis pensé à la déesse Elune, gardienne spirituelle du Puits, faisant apparaître les fameuses couleurs bleutés. Son chant s’était fait dévotion, et dépassait déjà la raison.

Les trois militaires sont stupéfaits, mais le sergent venant d’être corrompu juste avant, renonce lui aussi à faire son devoir, qui aurait été de nous extraire manu militari du puits sacré, puis nous dénoncer à ses supérieurs. Au lieu de cela, il passe son chemin, en ayant marmonné négligemment aux soldats de rester vigilant, et de ne pas hésiter à le rappeler si un évènement nouveau se produirait. Mais cet ordre était plus pour se protéger lui-même de représailles au cas où cela tournerait mal, plutôt que pas réel souci du devoir bien accompli.

 

En début d’après-midi, alors que le soleil propageait une chaleur de plus en plus forte, Kilexia poursuivit la deuxième phase de son rituel : amplifier encore et toujours les forces terrestres du Puits, en se concentrant et en priant, et, le sergent ne voulant pas avoir de problème avec la relève, il punit ses deux subordonnés en les obligeant à faire un deuxième tour de garde, toujours pour se protéger mutuellement de leur corruption, et ne pas ébruiter l’affaire. Les deux gardes s’en moquaient, ils pensaient déjà à leur retraite, et une telle somme d’argent valait bien la peine d’une demi-journée de surveillance supplémentaire. La dernière de leur vie…

 

C’est alors qu’un adjudant, dans l’après-midi, pendant que les gardes cénariens observaient toujours le spectacle les sens en alerte, passe devant le Puits. Il fait à peu près la même remarque que le sergent, et leur demande des explications. Il le fait sur un ton moins menaçant, étant plus surpris qu’en colère, et n’étant pas affecté à la surveillance du bassin sacré. Ne voulant pas perdre plus d’argent que celui déjà donné pour les préserver, Gnolguy trouve une réponse très militaire pour se disculper.

- Mon adjudant, ils viennent juste d'arriver. Nous ne savons pas qui c’est, mais nous avons déjà alerté notre sergent. Fonbouf rajoute :

- Nous avons fait notre travail, et sommes restés là pour les surveiller au cas où ça tournerait mal !

- Et votre sergent ne vous a pas demandé de les sortir du puits ?

- Non, il nous a dit de les laisser là, et d’attendre les ordres.

Ce qui reportait la responsabilité de la faute sur leur supérieur s’ils étaient dénoncés, et maintenait le marché passé avec Dargore. Tandis que ce dernier leur avait annoncé une attente d’une heure ou deux, ils avaient compris qu’ils avaient été berné sur la durée, mais comptaient gagner le plus de temps possible. Du fond de leur petitesse, ils avaient une once de droiture qui les poussait à augmenter les chances de réussites de Kilexia.

- Même avec ces lumières magiques ?

Alors qu’il soupçonne quelque chose d’anormal, intrigué par l’activation du Puits, un éclair rouge apparaît subitement au dessus de l’eau, faisant un intense son de courant électrique, et alerte les trois militaires. Puis un autre éclair rouge vif déchire l’air, et encore un autre. C’est mon esprit et mes énergies corrompues qui entrent en conflit avec les forces du puits, les vapeurs bleus magique entrant en opposition avec ma corruption, qui se manifestent par l’apparition des éclairs rouges perturbateurs. Le puits commence à purifier mon corps des énergies négatives qui me possèdent, gênant mon possesseur. L’effet étant spectaculaire, aussi bien d’un point de vue auditif que visuel, le nombre d’éclairs rouge augmentant, l’adjudant se parle à lui-même à voix haute, effaré par le spectacle :

- Ça a l'air vraiment trop spécial pour qu'on prenne nous même une décision. Je vais quérir le commandant en chef du camp immédiatement, sans passer par le capitaine… J'ai peur qu'il se passe quelque chose de grave… Il y a urgence comme dirait l'autre... Vous, vous restez-là, et si une sale bestiole sort de là, vous la tuez !

Eux, de concert :

- A vos ordres mon adjudant !

Pendant que l’adjudant s’éloigne d’un pas vif, les deux elfes règlent leur compte à leur manière, en marmonnant et en serrant les dents, tout en continuant de surveiller le puits.

- Je t'avais dit qu'on allait avoir des problèmes.

- Ta gueule. Il suffit de rien leur dire et puis voilà. C'est pas notre faute si cette sorcière fait son sort de chépakoi.

- Mais on aurait du lui dire que la prêtresse faisait un sort de guérison.

- T'es fou ? Comme ça ils auraient pu comprendre notre marché avec le mort-vivant ! Vaut mieux la fermer je te dis...

- Mais pourtant…

- Ta gueule, on va faire comme si on savait pas.

- Tu sais dire autre chose que « Ta gueule » ?

- Oui, fais pas chier…

- Ouais, ben les cinquante pièces au sergent, c’est pour ta gueule.

- Non, fais pas chier…

Puis ils restent encore sur place, comme deux plantons, gardant leur corruption pour eux.

 

Et Kilexia chantait, et mes frères sorciers n'arrivaient toujours pas...

 

Trois minutes à peine après le départ de l’adjudant, le commandant en chef arrive, accompagné de son second, le capitaine Vish Kozus, marchant d’un pas rapide et ferme. Evaluant rapidement la situation, voyant le puits activé, ainsi que les volutes bleues et les éclairs rouges spectaculaires, ils hésitent toutefois sur la décision à prendre. Le commandant Mar’li, le plus haut militaire du fort, après avoir été intrigué pendant un cour moment, discute avec son capitaine, mais ne savent pas s’il vaut mieux arrêter Kilexia ou la laisser faire, supposant que cela risque d'aggraver la situation dans les deux cas.

S’opposer au rituel avant son commencement aurait été l’idéal, mais ils redoutaient les conséquences de vouloir l’interrompre en cours de réalisation. D’un côté s’ils nous laissaient faire, ils ne savaient pas quelles pourraient être les conséquences, n’y connaissant rien à la magie. D’un autre côté ils avaient l’intuition que s’ils interrompaient la prêtresse, cela pourrait avoir une incidence négative sur le puits, voire le fort tout entier. Craignant de mauvaises surprises de ce qu’ils perçoivent comme étant clairement de la sorcellerie, il se tourne ensuite vers Fonbouf et Gnolguy.

- Pourquoi ne les avez vous pas empêchés ? Vous serez jugés pour ça, vous pouvez en être assurés.

Il le dit sur un ton calme et sans animosité, mais qui effraie pourtant les deux gardes, qui tremblent des jambes. Juste après ça, le commandant et son second nous regarde à nouveau, et constatent éberlué que mon corps commence à se mettre en lévitation. Mon corps se soulève, lentement, s’éloignant des caisses de bois, et monte doucement dans les airs. Cela les surprend, et les laisse interdits.

La raison de ma lévitation était due à mon possesseur, qui essayait de me faire sortir du puits, par lévitation forcée, afin de ne plus me faire bénéficier des effets magiques de l’eau sacrée. Kilexia s’en était aperçue, et malgré qu’elle s’efforce de maintenir les forces du puits actives, elle fit un effort supplémentaire en s’interposant au démon. Le résultat fut intermédiaire : une lévitation au-dessus de l’eau, à environ un mètre de sa surface, les forces de la prêtresse et de mon possesseur étant à peu près égales. Car le démon devant résister aux forces du puits qui gênaient sa noirceur, sa puissance était réduite à l’intérieur du bassin, alors que ses pouvoirs dépassait largement ceux de la prêtresse.

Ce sortilège accentuant la méfiance du commandant, il prend une décision et donne l’ordre idoine à son second :

- Capitaine, faîtes venir ma garde personnelle immédiatement, ainsi que tous mes officiers disponibles. Si je ne sais pas quoi faire avec eux pour l’instant, je veux être en mesure de répondre par les armes si une attaque inattendue devait se produire.

- Oui mon commandant.

Il claque les talons et s'en va chercher sa garde personnelle. Il continue de nous observer, lucide mais indécis, et, quelques minutes à peine après, deux lieutenants, trois adjudants, quatre sergents, ainsi qu'une quarantaine de gardes d'élite arrivent devant le puits, en armure et armés jusqu’aux dents. Ils se positionnent en rangs, occupant la quasi-totalité de la place centrale du fort, et attendent les ordres. Gnolguy et Fonbouf sont effrayés ; leur marché avec Dargore était à présent visiblement compromis de façon irréversible. Ils prient de toute leur force pour se faire oublier, en restant à leur place, en retrait par rapport à la garde d’élite, mais ils ne pouvaient pas se faire plus petits que ce qu’ils n’étaient déjà…

Rassuré par la présence de sa garde, le commandant continue de réfléchir sur notre sort. Au bout d’un moment, comprenant qu’il ignorait ce qu’il se passait exactement, et estimant que son hésitation augmentait de plus en plus le risque de problème, il prend la décision de faire quérir le magicien en chef du fort, pour lui demander conseil, sur ce qui se tramait au grand jour, insolemment aux yeux de tous. Comment deux inconnus osaient se permettre de faire de la sorcellerie, qui plus est en transgressant l’interdiction de pénétrer le puits sacré ? Et dans quel but ? Il comptait sur lui pour l’aider à prendre la meilleure décision possible. Il donne l’ordre à un de ses adjudants d’aller le chercher le plus vite possible. Le sous-officier s’exécute et part en courant.

 

Pendant ce temps, Huum Crin sauvage était dans son laboratoire. Une grande pièce, parsemée d'innombrables objets en tous genres, servant à la pratique magique et alchimique, et dont les murs débordaient d'étagères où trônaient des grimoires plus ou moins rares. Tout ce qui concernait les affaires magiques du camp, ainsi que celles de toute la région de Silithus était de son ressort. Autant dire qu'il était puissant. Ce Tauren avait, du bureau personnel de son laboratoire, détecté une anomalie au niveau du Puits de lune, peu de temps après le début du rituel de Kilexia. Plus précisément il le perçut lors de l’activation de celui-ci, à travers une orbe de cristal, mais il avait préféré rester à l'analyser de son laboratoire pour essayer d'en savoir plus, avant de se rendre sur place. Il le regretterait par la suite…

 

Devant le puits, l'après-midi s'éternise sous un soleil de plomb. Les gardes, sous leurs lourdes armures de plaques suent abondamment, et endurent l'usure du soleil, mettant à l'épreuve leur résistance. Et la prêtresse poursuivait son exorcisme, inflexible et déterminée, dont le chant résonne aux oreilles des soldats, telle une berceuse, les obligeant à faire des efforts supplémentaires pour ne pas succomber à la tentation de l’endormissement que ses psalmodies induisent.

La tentative de me faire extraire du puits en faisant léviter mon corps était un premier coup bas de mon possesseur, et la prêtresse avait eut la présence d’esprit et le pouvoir de s’y opposer suffisamment pour me maintenir dans l'enceinte du Puits, mais cela lui usait plus de mana. Quant à moi, je sens que le démon fait tout pour extirper mon âme de mon corps, et, en me sapant à l’usure, il était en train d’y parvenir petit à petit. C’était un jeu contre la montre, car le démon détestait devoir être à proximité du puits – qui plus est en plein dedans – pour faire sortir mon âme de mon corps. Je luttais contre lui, mais sentais que je ne pourrais pas résister encore très longtemps.

Au bout d’un assez long moment d’attente supplémentaire, la pression psychologique augmentant, et ne voyant pas le magicien en chef arriver, le commandant décide de faire arrêter Kilexia. Il commande à un lieutenant de la tirer hors du puits, et de l'attacher si nécessaire. Le lieutenant s'approche de la prêtresse, tend la main, et attrape la robe de la troll. Il affermit sa prise, et avec lenteur, craignant une sorcellerie inattendue, il fait pression sur sa robe, ce qui perturbe partiellement sa danse. Elle ne se laisse toutefois pas interrompre, et continue son rituel sans relâche, en bandant ses muscles pour résister à l’action du militaire.

Elle a envie de lui dire qu’il est inconscient, qu’il ne se rend pas compte de ce qu’il fait, et de la laisser poursuivre son œuvre, mais elle ne peut plus parler. Elle doit mobiliser toute sa concentration et son intelligence pour maintenir le puits actif et s’opposer à ma lévitation. Et parler lui aurait demandé de revenir brusquement dans la réalité, en plus d’interrompre son chant magique. Alors que la pression du lieutenant se fait plus forte, altérant la beauté de sa danse, insistant, au point de risquer de tout faire rater, la cloche d'alerte du camp sonne, l’interrompant dans son mouvement. La vigie crie à gorge déployée :

- Une tempête arrive vers l'ouest ! Elle sera là dans quelques heures !

Le lieutenant relâche la robe, surpris par l’alerte. Cela lui donne un prétexte pour retarder l’exécution de son ordre, angoissé par la peur de la sorcellerie. Il regarde son commandant, attendant un ordre. Ce dernier oublie un instant Kilexia, se tourne vers l'ouest, fais quelques pas, et dit à voix basse :

- Ho non, quel est encore ce nouveau maléfice ?

Il voit effectivement au loin un minuscule point mouvant et flou, signe d'une tempête. L'observant pensant quelques instants, le regard ferme, ne se laissant pas impressionner, a l'intuition que cette tempête n'est pas anodine. Il se tourne vers un autre lieutenant qui se tenait en faction :

- Lieutenant, donnez l'ordre à tout le monde de se mettre aux abris, aussi bien les civils que les militaires. Et vite !

- A vos ordres mon commandant !

Les sous-officiers donnent des ordres, et la garde d'élite se retire. Elle ne combattu finalement pas, et s'en alla se mettre aux abris, tandis que les officiers et sous-officiers donnent des ordres pour accélérer le repli généralisé. Une énorme agitation s’ensuit, pendant laquelle civils rangent en urgence leurs affaires les plus importantes laissées à l’extérieur, et militaires les poussent prestement à faire au plus vite.

 

Et Kilexia dansait, et mes frères sorciers n'arrivaient toujours pas…

 

Pendant ce temps, l’adjudant qui avait été envoyé pour chercher le magicien en chef s'était rendu à son laboratoire. Arrivant devant la porte blindée verrouillée magiquement par Deathmask et l'elfe, il tombe nez à nez avec ce dernier, qui était revenu.

- Bonjour, le commandant m'a donné l'ordre d'amener le magicien Huum Crin sauvage, il est dans son bureau ?

- Non, il a du partir vers l'ouest, pour étudier une anomalie magique sur place. Il ne sera pas de retour avant longtemps, je le crains.

- Pouvez-vous me dire où il est parti exactement ?

- Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que c'est pile à l'ouest du fort...

- Très bien, merci. Je vais le chercher.

Après un salut militaire, il part en direction d'une écurie pour prendre une monture.

L’assistant, du nom de Keyl Vivegriffe, qui venait d'échanger ces quelques mots avec l'adjudant, souriait diaboliquement, en pensant que Huum Crin sauvage était à quelques mètres d'eux à peine, absorbé par son travail, et qu'il venait d'envoyer l’adjudant sur une fausse piste, en l'induisant facilement en erreur, dans le but d’éviter l’intervention de son supérieur au Puits.

Le militaire, chevauchant un destrier, se dirige au triple galop vers l’ouest, droit sur la tempête. Après avoir parcouru plusieurs lieues, la voyant arriver au loin, il est surpris, car étant parti du fort avant l’alerte de la vigie. Tirant sur les rênes pour calmer la fougue du cheval, qui s'agitait et piaffait nerveusement à cause de la tempête, il murmure :

- Par les Dieux, elle va droit sur le camp...

Effrayé, il décide alors de rebrousser chemin et retourne au fort, toujours au galop. Il comptait prétexter son abandon de la recherche du magicien pour prévenir de la tempête qui arrivait, mais ne nous leurrons pas, il voulait surtout sauver sa peau, en évitant d’être pris au piège et emporté par les sables volants…

En revenant au fort, le hasard voulut qu’il passât devant le laboratoire du magicien, et il entend que celui-ci tambourine à la porte en criant. Intrigué par ses cris, et reconnaissant sa voix, il entre dans le bâtiment. Arrivé devant la porte blindée du laboratoire, l'elfe ayant disparu, l'adjudant constate qu'elle est verrouillée. Huum entendant sa présence, l’interpelle vivement :

- Ouvrez ! Ouvrez la porte !
- Je suis là, où est la clé ?

- Il n’y en a pas ! Il faut l’enfoncer ! Prenez un objet lourd pour l’enfoncer ! Dépêchez-vous !

Le magicien avait la clé, mais elle était inutile. Le verrouillage magique de Deathmask et du premier assistant scellait la serrure. L'adjudant prend un coffre lourd en bois, et assène les coups les plus forts possibles sur la porte, toute aussi lourde de chêne massif. Dans le même temps, le magicien opère des sorts de déverrouillage magique, en cherchant les codes adéquats pour délier le sortilège. Le sort de Deathmask et de Vivegriffe est puissant, et font perdre du temps aux deux hommes, un temps précieux qui empêche le magicien de se rendre au Puits...

 

L’après-midi touchant à sa fin, la tempête de sable s’approche à présent, et une légère brise annonciatrice caresse le fort, à présent désert, excepté les personnes restées devant le puits. Le commandant veut rester devant celui-ci le plus longtemps possible, à la fois pour surveiller les évènements, et pour intervenir si nécessaire. Si le magicien n’arrivait pas, il comptait mettre un terme au rituel de la prêtresse, et l’arrêter pour l’interroger avant que la tempête ne l’en empêche. Quant à moi, il ne sait pas quoi faire, inquiet des conséquences de me toucher ou me déplacer. Mon aura démoniaque l’effraye, et les perturbations magiques à l’intérieur du puits ne le rassurent pas plus. Il nous observe toujours, subissant un sentiment d’impuissance.

Le chant de consolation de Kilexia m’avait redonné espoir, et apaisé mes traumatismes de façon accélérée. Mon possesseur, comprenant qu’on tente de l’empêcher de voler mon âme, me tourmente. Mais l’action conjuguée du puits à mes résistances avaient suffis à maintenir mon âme dans mon corps pendant toute la journée.

Kilexia, estimant que son chant revigorant à mon égard est suffisant, le conclut par un rappel télépathique que je reste vigilant, et entame la troisième partie de son rituel. Tout en maintenant les forces du puits actives, elle passe à l’invocation du Loa. Pour se faire, elle entre en transe, et après être entré en contact par une prière invocatoire, elle parle à Lukou, dieu Troll de la guérison. Elle pénètre dans une dimension baignée de lumière blanche et aveuglante, et est obligée de fermer son regard magique pour ne pas être gênée par la clarté. Son entrée dans la dimension du Loa a pour effet d’électriser sa robe de raies bleutées, qui rajoute un détail supplémentaire à l’aspect fantastique de la scène.

- Bénis soyez-vous Dieu Lukou… Pouvez-vous déposséder mon ami ?

Elle répète son antienne, pour être sure d’être entendue, tout en explorant le monde enchanté du Loa, afin de le trouver. Finalement, Lukou l’entend, vient à elle, puis lui répond.

« Nous ne t'aiderons pas parce qu'il est un démoniste, car son âme est noire, et la notre est blanche. Nous ne t'aiderons pas parce qu'il est un Orc, car les Orcs sont vils, et nous sommes des divinités des Trolls. Nous t'aiderons car nous n'aimons pas l'entité qui menace ton compagnon »

- Merci Dieu Lukou.
« A présent, continues ton office… »
 

Et Kilexia invoquait, et mes frères sorciers n'arrivaient toujours pas...

 

La nuit tombant, la tempête s'abat à présent sur le fort, et devient peu à peu à la limite du supportable. Les rafales de vent les poussent de plus en plus violemment, et le sable gêne leur respiration. Le commandant et son second ajustent un foulard sur leur visage pour se protéger. Kilexia, quant à elle, ne tiendrait plus longtemps son rituel dans ses conditions, et elle faiblissait. La fatigue mentale se faisait sentir, et son mana s’épuisait peu à peu, mais elle persévérait dans son rituel, faisant abstraction de la tempête pour rester concentrée, en poursuivant toujours sa danse. Le capitaine, qui connaissait le souhait du commandant de rester le plus longtemps possible, lui fait part malgré tout du péril grandissant.

- Commandant ! Il faut faire quelque chose ! On ne peut plus rester là !

- On va prendre la Troll pour la faire parler, et on va laisser l'Orc ici ! Sortez-la du puits avec le plat de votre épée, et saisissez-vous d’elle !

Le capitaine dégaine, approche son épée de Kilexia, mais hésite. La robe de la prêtresse est électrisée, et les raies d’énergie bleutées qui parcourent sa tenue l’inquiète ; cela le fait s’interroger sur la façon de s’y prendre pour la sortir du puits. L’officier ne savait pas si la conductance métallique de son arme aurait une incidence sur son corps. Il s'approche quand même, réfrène sa peur de subir une décharge magique, et pose le plat de son épée sur la robe de la Troll. Il déplace sa lame, pour tester son action, et, ne constatant pas de décharge ou d'effet magique, la pousse. Doucement d'abord, puis avec plus de force ensuite, mais toujours avec prudence et lenteur. Cela commence à perturber une nouvelle fois la danse de la prêtresse, et donc son invocation du Loa, et risquait de mettre à nouveau un terme au long rituel. Elle continue malgré tout son chant et sa danse, imperturbable, mais l’intervention du militaire risque encore de tout faire rater. Kilexia résiste, mais l’officier insiste, forçant de plus en plus la pression de son épée sur elle, et les incantations allaient s’interrompre définitivement, et faire échouer l’exorcisme.

Au dernier moment, alors qu'il était sur le point de renverser la prêtresse, le magicien, qui avait enfin réussit à se libérer de son laboratoire, arrive en courant.

- Arrêtez ! Arrêtez !

L’entendant, le capitaine retire son épée et la laisse dégainée. En arrivant sur les lieux, Humm Crin sauvage comprend en un instant l'explication à ce qu'il avait perçu depuis son laboratoire, et regrettait de n’avoir pas pu venir plus tôt. Le commandant, le voyant arriver, le questionne aussitôt. Il n'était plus temps de se saluer.

- Vite ! Vous savez ce qu'ils font ?

A cause du rugissement de la tempête, ils sont obligés de crier pour se faire entendre.

- Elle incante un sort positif qui n'affecte pas le puits ! C'est l'Orc allongé qui le perturbe ! Mais le Puits de lune limite son action ! C'est pour ça qu'il y a ces éclairs !

- Oui ! Mais pourquoi ils font ça ?

- Je sais pas ! A mon avis elle doit essayer de sauver l'Orc !

Les deux officiers comprirent enfin qu’il s’agissait d’un exorcisme.

- Oui mais si on les laisse ici, ils vont y passer tous les deux !

- Et vous les connaissez ?

- Non! Je les ai jamais vus !

- Et la tempête ! Elle est naturelle ou magique ?

- Non ! Elle est magique ! C'est Ossirian qui l'envoie ! Mais le type allongé doit être sauvé tout de suite ! Je sens qu'on pourra pas le sauver si on recommence demain ! Il est trop atteint ! Et si le rituel est interrompu, ça peut les tuer !

Ossirian, dit l’Intouché, était l’une des plus puissantes entité Anubisath de l’empire Qiraji, un peuple d’insectes intelligents peuplant une partie du désert de Silithus. Le magicien comprit qu’il avait envoyé cette tempête pour contrecarrer l’exorcisme de Kilexia, mais il n’avait pas besoin de le préciser ; le commandant le comprit intuitivement aussi. Pour qu’une attaque d’une telle ampleur soit lancée contre nous, il pensait que nous devions sûrement avoir une certaine importance. Et même s’il ignorait complètement le rôle que nous tenions, ainsi que l’enjeu des évènements, cela le confortât enfin dans son intention de ne pas s’interposer à nous, et ainsi nous donner une chance d’achever le rituel.

- Vous pouvez faire quelque chose pour eux ?

- Oui ! Je peux créer un champ de force protecteur autour d'eux ! Mais je sais pas combien de temps je pourrais tenir !

- D'accord ! Je vous charge de le faire ! Protégez-les le plus longtemps que vous pouvez ! Si ça tourne mal, sauvez votre peau !

- D'accord !

- Vous avez quelque chose à transmettre à des proches ?

- Oui ! Si j'y passe, donnez la direction de mon labo d'alchimie à Garrula ! C'est mon deuxième assistant ! Et faîtes tout pour arrêter Vivegriffe ! C'est mon premier assistant ! Il veut ma place mais c'est une ordure ! Vous trouverez la preuve de son complot dans le coffre de mon labo !

Il prend la clé autour de son cou et la donne au commandant.

- Prenez mes documents comme pièce à conviction ! Vivegriffe est un tordu ! Même à vous il peut poser des problèmes !

- D'accord ! J'ai compris ! On y va maintenant ! Bonne chance !

 

Alors que le commandant et son second quitte les lieus en courant, le magicien monte sur le rebord du puits, incante rapidement son sort de champs de force, en calculant une taille minimale du volume pour lui permettre de le maintenir actif le plus longtemps possible. Son champ se matérialise sous la forme d'une sphère verte aux bords faiblement luisants, d'environ quatre mètres de diamètre, englobant les trois quarts du puits, ainsi que nous trois. La lumière dégagée amplifie encore plus l’aspect surréaliste de la scène, dont la couleur contraste avec la pâleur de la nuit du désert. Pour le maintenir actif, il doit se concentrer en psalmodiant le sort en continu, en gardant le bras droit en l'air. L'action de la bulle est efficace, et le vent rugissant ainsi que le sable projeté aux alentours sont entièrement neutralisés à l'intérieur de celle-ci.

En partant, le commandant jette un dernier regard en arrière, et voit le champ de force activé. Lui et son capitaine courent, en faisant d'énormes efforts pour ne pas emportés, mais ils parviennent à regagner les abris in extremis.

 

Publié le 18/01/2009 - Pas de modifications
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