La chronique de la chopine (4) : La Montagne Noire, enfin…
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Mini Palouf - « Mais je vous reconnèèè vous, hic, z’êtes l’enflé khon a rrrencontrré avec Gunther Humebière à Austrivage lorrs de notrre collecte de dons p’dant la derrnièrreu fête de la Sanssaint !?! »
Ce gros sac à vin de palouf nain semblait avoir fait un effort surhumain (pour un nain, c’est déjà dur d’être à la hauteur, alors là...) afin d’articuler une phrase à la syntaxe correcte et dans un commun peu sûr.
Une analyse sémantique du terme « enflé » apprit rapidement au Darw que le soi-disant souvenir qu’il avait laissé à ce nain et à son compagnon ne devait pas être brillant. Et face à des guerriers de la lumière, vaut mieux être du genre rutilant, impeccable et clinquant...Bah tout le Darw quoi...
Grattage de glotte. Pourquoi ne pas tenter une reconnaissance olfactive, avec les nains, ça marche toujours pas mal...Le Darw huma l’air dans l’espoir de reconnaître plus au moins la « fragrance » du paladin… avant de reculer violemment en serrant les dents, « Poukram. Ouuuh, le salaud…il envoie du gros celui-là…Merde, mais y’a tout un cimetière de macchabées au complet entre ses chicots ou quoi… »
L’odeur, ou plutôt devrait-on dire le miasme, lui hérissa les poils de la fesse gauche…la droite avait été rasée en prévision d’une opération chirurgicale pour lui retirer une dague enfoncée dans la couenne du postérieur lors d’une rixe entre pitanches de taverne. D’ailleurs, le praticien avait fait de très jolis points de suture avec des boyaux de porc. Pour sûr, son boucher savait y faire…Euh, enfin bon, on s’égare là…Revenons à notre histoire trépidante.
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Le maître du jeu – Mon cher Darw, il est temps de faire un jet de dés sur 100 pour savoir si tu peux obtenir des informations sur ce nain…
Darw – Eh oublie pas de compter ma compétence « Odorat développé », ça rajoute + 10 à tous les jets.
Profonde respiration de concentration.
Darw lance les dés.
Darw fait 1.
Le maître du jeu – « Hahahaha toujours pareil, « fumble », « échec critique », vraiment une jolie équipe de bras cassés. La prochaine fois, amenez des cannes blanches les gars…z'êtes carrément pas des lumières. Enfin bref…Heureusement que t’as pris « Odorat développé », sinon je te refilais une maladie en prime. Bon autant te le dire tout de suite : tu n’apprends strictement rien ».
Darw – « Eh merde… »
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L’odeur fut si forte, qu’elle paralysa tous les sens de Darw pendant quelques instants. Et niveau information …que dalle, que de chie, nada…autant cherchez un nain dans une baignoire…Le Darw ne remit carrément pas la tronche du zigue en face de lui, bien que sa face lui évoque une tranche de [Cake aux pruneaux]. S’il fallait commencer à se rappeler la trombine de chaque dézingué qu’on avait croisé dans sa vie, on était pas sorti de l’auberge…surtout avec ces nains, indécrottables et immodérés amateurs de bière.
Le nain mena alors un petit conciliabule avec sa compagne de route. La paladine blonde hocha la tête, puis d’un air grave déclara :
Argantael, fist of god – « Pourriez vous, s’il vous plaît, déclinez votre identité ? »
Lessien, nounours powa – « Pour quelles raisons je vous prie ? »
Argantael, I’m the law – « En tant que fonctionnaires de la police divine, nous souhaitons tout simplement vous soumettre à un contrôle de routine, madame. »
Darw prit Lessien à part.
Darw – « Je le sens mal ce truc. Le nain me dit quelque chose, mais j’arrive pas à mettre la main dessus. Si ça tourne mal, on disparaît…pfiouuut…et on laisse ces quenelles entre elles ».
Lessien secoua négativement la tête. Mais déjà les deux paladins faisaient mine de descendre de leur destrier.
Argantael – « Dépêchons nous sommes pressés. »
Lessien – « Sans raison valable invoquée de votre part, nous ne pouvons donner suite à votre requê…
Haitar, le buveur de bières en série, explosa – « Parrkeu ton kopain là, il est en état d’arrrestation… !!! »
Nomdidiou, j’adore quand un plan se déroule sans aggro, mais là, la situation sent le pied de talbuk faisandé mijoté dans son cubitainer de jaja frelaté. Fidèle à son plan, Darw disparut dans l’ombre d’un coquelicot qui bordait la route. Balèze…Bah quoi, c’est vrai. Réussite critique sur un « Camouflage dans l’ombre », nanèreu…
Lessien - « Nooon, Darw ! »
La tête du paladin s’affaissa tandis qu’il se mit à osciller légèrement d’avant en arrière, visiblement sans connaissance. Darw resurgit près de la blondasse bien décidé à en découdre et à frapper le premier. Passé le moment de surprise, la paladine mit la main à son arme, une superbe [Masse de St Sulpice trois fois bénie par la puissance de Tyr, Casimir et de la ménagère de moins de 50 ans].
De plus et optionnellement le manche en métal est amovible et permet d’obtenir un efficace et esthétique [Rouleau à pâtisserie concasseur de morts vivants et de maris indélicats]. Pfff, je vous jure, qu’est-ce qu’on peut pas faire aujourd’hui avec cette belle ingénieurie gobeline. La description traîne en longueur ? Nerf les paloufs et leurs armes en mousse ? Certes, certes, vous avez raison, reprenons…
Argantael – « Pour l’amour de Tyr, qu’est-ce que vous faites ? »
Darw arbora un sourire hideux, porteur de sombres intentions – « Je t’emmène ramasser des pâquerettes ma douce…ou sucer leurs racines, je sais plus trop » et s’élança en poussant son cri de guerre « Dabouuuuuuuuuu !!! Gérooooooooni… ».
Alors que les premiers coups allaient être échangés, les deux combattants abaissèrent leurs armes, stoppés net dans leur attaque. La druidesse avait surgi entre eux à la vitesse du félin, résolument décidée à s’interposer et à empêcher un désastre.
Lessien, le regard triste mais ferme, se retourna vers Darw – « Non, je ne peux pas te laisser faire ça. Les choses ne doivent pas prendre cette tournure.
Puis s’adressant à la paladine « Rangez votre arme, s’il vous plaît, et laissez moi vous expliquer ».
Après quelques instants de méfiance réciproque, les deux duellistes firent disparaître leurs armes. Darw s’éloigna quelque peu du groupe, les oreilles en arrière, aux aguets du moindre mouvement. Malgré la blondeur de sa chevelure, la paladine de Tyr évalua assez justement la situation. De bonne grâce, elle écouta Lessien lui apprendre qu’ils étaient tous deux des agents du SI7 en mission. Par conséquent, ils bénéficiaient d’une protection juridique et devaient être traités comme des membres officiant pour le gouvernement d’Hurlevent. Pour appuyer ses dires, Lessien présenta sa carte officielle et se porta garante pour le sieur Darwinfugu. Tout semblait en ordre.
Le paladin nain revenu de sa stupeur, n’en crut pas ses oreilles qu’il avait courtes et poilues.
Haitar – « Lui un SI7 ?!? Vous vous foutez de ma goule ? Euj’ l’ai vu traîner dans les rades les pûû krrades d’Austrivage. Po possible ! Nous a même foutu des coups de pieds au cul parke kon a eu eul malheur d’lui d’mander une [Bière de Sombrelune]…
Darw – « Ah, c’était donc vous…Dans ce cas, dérober serait plus juste… » rectifia le voleur.
Haitar grommela en nain dans sa barbe, visiblement énervé et outré de l’issue que prenait cette rencontre : – « En tauleuu, tu f’rrras moins ‘eul mariole, ‘spèce de conno des montagnes d’engeance dégénérée de trogg lépreux et boursouflé d’elfe eud merde…».
Darw – « Pov nazgul en tong…vais t’en foutre moi, ouais…un coup à te déchausser les dents et te péter la mâchoire. Tu pisseras tellement le raisiné par la gueule qu’on croira qu’t’es une fontaine à picrate…Saccarot de palouf … ». Pour ponctuer cette superbe tirade, le Darw tira du plus profond de ses entrailles, un immonde glaviot, qu’il cracha aux pieds du paladin.
Argantael, éberluée, coupa court à une nouvelle dispute s’annonçant à l’horizon – « Très bien en votre qualité d’agent en service, nous ne pouvons rien faire actuellement contre vous ». Se tournant vers Lessien, elle poursuivit : « Cependant, les actes inqualifiables dont nous avons été témoins de la part de l’agent « la Chopine » ne peuvent rester impunis. Cela ne pourrait être. Voici donc ce que je vous propose :
- Nous vous accompagnerons jusqu’à votre destination afin de surveiller les agissements du sieur Darwinfugu …
(pendant ce temps dans la tête d’Argantael : « parce qu’on a rien d’autre à foutre de toute façon et que faire la tournée des veuves et des orphelins ca m'emmerde »).
- Nous nous joindrons à vous pour parcourir les sombres tunnels de la Montagne Noire afin que la lumière divine puisse repousser le mal qui y demeure
(« et que les coffres des orcs viennent nous remplir les poches de pognon »).
- Une fois votre mission terminée, l’agent « la Chopine » devra se mettre à notre disposition pour être jugé équitablement sous le chef d’inculpation suivant : « agression contre la personne de fonctionnaires assermentés et sacrés »
(« et parce que j’aime pas ta tronche de nèfle »).
Lessien – « Bien. Qu’il en soit ainsi. »
Darw, à part lui – « Tu peux toujours te brosser la couenne, la suceuse d’hosties…on verra tantôt si tu peux me foutre le grappin dessus, poufiasse… »
Argantael, dressant l’oreille – « Comment ? »
Darw - « Je ne crois pas que l’on me laisse le choix. Il en sera donc fait selon vos désirs, votrrrre magnificience ».
La paladine ne releva pas, déjà occupée à remonter à cheval. Quelques instants plus tard, tous reprirent la route, les uns sur leurs chevaux, les autres en se servant de deux énormes appendices plus communément appelés des « panards ». Très pratique pour les longues randonnées.
Le voyage fut ponctué de quelques insultes volant de çi, de là entre Haitar et Darw…Ils avaient une réputation à tenir. Les nains n’aimaient pas les elfes, les elfes n’aimaient pas les nains. Et ce, depuis la nuit des temps. C’était la tradition. Certaines étaient belles et bonnes, remémorant la grandeur des temps anciens ; d’autres particulièrement bêtes et connes comme celle que nous venons de mentionner. Mais on les gardait, soi-disant parce que « c’était la tradition ».
Quoi qu’il en soit, cela mit un peu d’animation pendant le voyage surtout lorsqu’ils traversèrent les mornes territoires quasi désertiques des Steppes Ardentes.
Les dissensions reprirent bien sûr, notamment quand notre petit groupe croisa la route d’un colporteur au teint rubicond pour ne pas dire d'un rouge comaque. Si son nez avait été un légume, il aurait été assurément un superbe chou-fleur dopé au lisier de porc. Lorsque celui-ci, ayant vite fait de jauger la clientèle, leur proposa quelques bobonnes de [Gnôle qui rend aveugle], Darw et Haitar s’y jetèrent dessus sans crier gare. Des coups bas, des insultes fleuries, des casseroles, des tomates et des bouts de gomme volèrent. Mais elles firent bientôt place à une douce hébétude car les deux zigues avaient un peu trop forcé sur la bibine. Le colporteur n’avait pas menti…cette eau de vie était forte, trop forte.
Paladin comme voleur furent sous le coup d’une cécité temporaire qui marqua le dégel des relations et le début de papotages incessants entre druidesse et paladine. Des trucs de filles quoi. Elles avaient enfin la paix et comptaient bien en profiter pour tailler la bavette. Pour la première fois, un calme royal entre les deux mâles du groupe s’était établi du fait de l’arrêt de leurs chamailleries de gnoll prépubère. Mais plus important, fini de jouer à celui qui a la plus grande…Je parle ici, bien entendu… d’intelligence. Puisque comme nous l’avons vu plus haut…les deux protagonistes ont un langage châtié et de la plus haute tenue.
Si bien qu’à force d’avoir tous les deux, les yeux rougis et larmoyants, brûlant de milles chardons ardents, soumis à la « torture » d’une conversation féminine (sic^^), ils se sentirent unis dans une même galère (enfin un peu,…faut pas déconner non plus, ça reste un nain, l’ôt zouave !).
Leur progression fut lente et leur repas frugal basé essentiellement sur les restes d’araignées de lave qu’ils chassaient pour se nourrir : [Gratin d’intestins d’arachnide], [Soupe de fiel à la lave et ses mouillettes de pattes croustillantes], [Yeux d’araignée sur son lit de Fleur de feu]… Bref des trucs pas franchement folichons pour les estomacs délicats. Des jours, des semaines même passèrent…des collines, des monticules mais rien ressemblant de près ou de loin à une véritable montagne.
Ce jour cependant arriva. Ils avaient presque recouvré la vue lorsque dans le lointain se découpèrent les premiers sombres contreforts entourant le pic de la Montagne Noire. Ils progressèrent et débouchèrent au niveau d’une voie pavée d’un métal couleur d’obsidienne semblant absorber toute lumière. Un métal que seuls d’antiques forgerons nains savaient travailler et dont le secret avait été perdu depuis des temps immémoriaux.
Enfin, ils foulaient le sol du berceau des nains Sombrefer. Les deux paloufs mirent pied à terre et rendirent grâce à Tyr, la druidesse à Elune, le rogue à ses arpions* qui l’avaient supportés jusque-là. Ensemble, ils levèrent les yeux au ciel…
Deux visages monumentaux de nain Sombrefer les toisaient de toute leur hauteur. Les gigantesques portes de la Montagne Noire s’ouvraient devant eux…