Articles de Aly - Deux soeurs
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« Relève toi et cours, idiote !! Sauve-toi ! »

Alyae hurle cet ordre à l’autre Dranei gisant à terre, quelques mètres derrière elle. La première charge des démons les ont prises au dépourvu, dans ce terrain désolé, cette terre aride dont la poussière grise rend l’air irrespirable. Elles ne s’attendaient pas à être découvertes si vite… La guerrière à l’armure sombre rehaussée d’or reprend difficilement son souffle ; son regard est fixé sur la silhouette toujours à terre, robe écarlate brodée d’argent maculée de sang et de poussière, cheveux clairs emmêlés devant un visage rond défiguré par la peur et l’incompréhension, regard vide.

« Etat de choc… Merde, manquait plus que ça, pas maintenant ! » murmure-t-elle. « Alixxe ! Debout, bat toi, ma sœur ! »

Le cri désespéré semble sortir la mage de sa torpeur ; elle se relève lentement en regardant fixement devant elle et tend une main tremblante vers l’horizon.

« Ils… ils reviennent… ».

Alyae devine les mots plus qu’elle ne les entend ; elle se retourne d’un geste vif, affermi sa prise sur la poignée de sa hache, lève son bouclier étincelant. La seconde charge surgit des collines ; ils sont plus nombreux, mieux préparés. A l’avant garde, comme toujours, les molosses à la salive mortelle, le corps surmontés d’ignobles tentacules. Ils arrivent rapidement sur leurs proies. Les premiers sont abattus avant qu’ils ne puissent fixer leurs appendices répugnants, avant qu’ils aient la moindre chance d’aspirer le flux vital de leur victime. Mais ce n’est que le début. Alyae en appelle à la protection de la lumière, ses yeux brillants d’une détermination sans faille ; elle jette un rapide coup d’œil sur sa sœur. Alixxe est debout, chancelante, sa robe déchirée laissant entrevoir la blessure qui l’a jetée à terre. D’une voix qui ne tremble pas, Alyae réitére son ordre, la prière de l’ainée à sa cadette, sachant que ce n’est que mensonge.

« Fuis, reste pas là ! Allez !! Je te rejoins, je te promets ! »

Mais la mage ne bouge pas, les lèvres serrées, autant déterminée à se battre que sa sœur.

« Merde, mais merde, pas toi ! Je te protégerai, je te le jure… »

Cette pensée empli l’esprit de la guerrière d’une résolution inébranlable. Elle se retourne juste à temps pour parer l’attaque d’un molosse. Le coup de bouclier le rejette loin sur le côté. Mais déjà, les démons cornus, monstrueuse insulte à la nature, sont sur elle ; un premier s’effondre, la tête tranchée ; le second est presque coupé en deux ; un troisième est réduit en cendre, son corps rongé de l’intérieur par un éclair aveuglant. Mais cela n’est rien face à leur nombre, bientôt ils auraient l’avantage et elle ne pourrait plus rien faire. Fermant les yeux, elle implore une nouvelle fois la grâce de la Lumière et, se retournant une dernière fois vers Alixxe, invoque sur elle l’aura dorée protectrice du bouclier sacré. Comprenant son geste mais trop tard, sa sœur se retrouve prisonnière de son abri, incapable d’agir tant que son ainée ne la libérerai pas. Laissant monter en elle toute sa haine et sa fureur, la guerrière fait face, prête au combat. Sa hache bénie vole et traverse les ennemis, des éclairs de lumière pure causent des ravages chez les démons ; la Draeneï se bat comme une furie sur une terre bientôt recouverte d’un tapis de sang verdâtre et puant, enjambant les cadavres. Les yeux embrumés de larmes, impuissante, Alixxe ne peux que suivre le combat sans espoir de sa sœur ; bientôt, la guerrière est entourée, acculée dans ses derniers retranchements. La mage voit la lame se lever, transpercer le corps soudain si fragile de sa sœur, elle ne peut qu’observer, impuissante et voir la guerrière encore si fière un instant auparavant empalée sur la lame immonde, gisant tel un pantin dont on a coupé les fils. Elle sent dans tout son être la déchirure, quand la dernière parcelle de l’âme de sa soeur quitte ce corps sanguinolent, livré aux bêtes. Sa mémoire imprime cette scène à jamais et dans le même temps, comme un automatisme salvateur et tandis que le bouclier de Lumière se désagrège, elle prononce les mots qui la sauveront, les mots invoquant le sort qui l’enverra très loin de ce lieu de carnage.

Sa tâche terminée, le démon laisse enfin choir à terre le corps agonisant de sa victime avant de s'en retourner au delà des collines arides avec ses congénères. La Draenei n'est plus qu'une masse de chair inerte, dont les derniers restes de conscience partent en lambeaux. Bientôt, ce qui était Alyæ sera englouti à jamais par le voile du néant. A distance, observant, espionnant pour leur maître, les émissaires du Roi Liche n'ont pas perdu une miette de la bataille.


Hurlevent, quelques années plus tard. En haut du quartier des mages.

Agenouillées dans l’herbe, les quatre filles discutent, plaisantent et rient ensemble. Trois jeunes humaines et leur compagne d’étude, une Draeneï aux cheveux clairs. Tour à tour, chacune montre aux autres les résultats de leur apprentissage ; des boules de feu et de magie pure volent dans les airs, déclenchant les exclamations et les cris d’enthousiasme des quatre amies. La Draeneï lance des regards émerveillés à chaque nouveau sort qu’elle lance, suit du doigt les volutes de magie dans l’air en riant à gorge déployée, sans se douter un seul instant qu’elle est observée. Non loin de là en effet, se tenant dans l’ombre d’une porte cochère, une grande silhouette engoncée dans un manteau noir semble porter une grande attention au spectacle. Son visage est surmonté d’une capuche sombre qui le recouvre presque entièrement, ne laissant apercevoir qu’une bouche fine et une peau pâle, trop pâle. Seule la lueur d’un regard bleuté perce l’ombre. Un léger sourire triste naît sur ses lèvres pour mourir aussi vite et une main aussi blanche que la porcelaine la plus pure vient essuyer une larme qui roule doucement le long de sa joue.

« Alixxe… Soit heureuse. Ca vaut mieux comme ça. »

Après avoir murmuré ces mots d’une voix basse et légèrement métallique, emplie de tristesse et de regrets, la silhouette se détourne et redescend rapidement vers la cité en contrebas. Plus haut, comme par un reflexe inexplicable, la Draeneï dénommée Alixxe se retourne vers la ruelle désormais vide et la scrute d’un air curieux avant de revenir à ses occupations premières.

 

(Petite précision: dans le texte, Alyæ est effectivement une paladine. J'ai usé du mot "guerrière" à la place, dans le sens de combattant, le trouvant beaucoup plus agréable que "paladine". Question de choix esthétique... ^^)

Publié le 05/02/2009 - Modifié le 29/11/2010
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