Articles de Amiya - Celle qui venait de Strangleronce
Retour au site de Amiya
Article précédent - Article 3 sur 5 - Article suivant

On se souvient encore de ce jour à Baie-du-Butin...

 

Un navire battant pavillon des Flots Noirs accosta. Des marins en descendirent, heureux de toucher terre après des mois à faire l'aller-retour entre Baie-du-Butin et Cabestan. Ils avaient plus que mérité leur permission. On déchargeait seulement les marchandises et déjà un nouvel équipage prenait possession du navire.

Parmi ceux qui retrouvaient le plancher des vaches, une femme. La peau noire et les cheveux crépus des humains du sud d'Azeroth. La seule femme de l'équipage. Habillée simplement d'un pantalon et d'une chemise de toile, des bottes solides en cuir, un foulard pour retenir sa chevelure.

Elle salua ses compagnons d'un signe de tête et se dirigea vers l'ancienne capitainerie du port d'un pas décidé. Elle pénétra dans le bâtiment et y jeta un coup d'oeil circulaire. Ses yeux se posèrent sur une forge éteinte dans un coin. Son visage se renfrogna et elle quitta l'endroit en grommelant des insultes. Elle se calma brusquement et sa voix devint douce. Le tas de chiffons qu'elle portait avec précaution dans ses bras s'agitait. Tout en chantonnant, elle se rendit à une petite cabane à la sortie de la ville. La maison semblait vide. La femme s'apprêta à repartir mais un léger ronflement la fit changer d'avis. Elle déposa son précieux paquet devant la porte. Un dernier regard au bébé qui dormait et elle partit vers l'auberge.

Le soleil de Baie-du-Butin tapait dur. Il lui fallait de quoi se rafraîchir. Une bière pour commencer...

 

Dans la cabane, l'homme affalé sur son hamac se réveilla. Il lui avait semblé entendre des bruits de pas. Il tendit l'oreille mais seul le cri des mouettes lui parvint. Il se rendormit.

 

Des pleurs le sortirent définitivement de son sommeil. Il se redressa sur son hamac, bien décidé à chasser le gamin qui pleurait devant sa maison. D'un geste las, il recoiffa vaguement ses longs cheveux noirs dérangés par la sieste. Il déplaça sa lourde carcasse fatiguée à travers l'unique pièce de la maison. Il passa sa tête  au travers du léger rideau de perles qui tenait lieu de porte. Il ne vit personne mais les pleurs, eux, étaient bien réels. Et ils étaient proches de lui. Sous son nez en fait...

Il baissa les yeux et remarqua enfin le bébé qui pleurait, enroulé dans une couverture. L'homme le souleva avec précaution et l'emporta dans sa cabane. Il déposa l'enfant sur l'unique table et partit à la recherche de quelque chose pour le nourrir. Il revint finalement avec un peu de lait et une bouteille trafiquée par un ami gobelin pour servir de biberon. L'enfant pleurait toujours. L'homme le prit dans ses bras maladroitement et lui fit boire le lait tant bien que mal. Le bébé s'endormit, rassasié, et l'homme s'autorisa enfin un soupir de soulagement.

Il déposa l'enfant dans le hamac et plia la vieille couverture trouée qui avait servie à le couvrir. Un papier plié s'en échappa. L'homme le déplia et le lut. Son visage passa de la stupéfaction à la colère au fur et à mesure de la lecture.

Joao, je te présente ta fille. Cette petite s'appelle Amiya. Surtout, prend bien soin d'elle !

PS : Si tu veux partager une bière ou deux avec moi, je serai à l'auberge...

                                                                                                                        Koliana

 

Joao se précipita à l'auberge. Le soleil allait bientôt se coucher et celle-ci se remplissait déjà de marins et d'aventuriers en quête d'un peu de compagnie. Il n'eut aucun mal à trouver celle qu'il cherchait. Koliana dansait sur une table, sa chemise à moitié ouverte. Elle se déhanchait au rythme des tambours que quelques trolls martelaient de leurs mains puissantes. Une horde de mâles de toutes races l'entouraient et l'encourageaient.

Joao la regardait, complètement hypnotisé par ses gestes. Il se reprit cependant et se fraya un chemin parmi le cercle d'admirateurs. Il attrapa la jeune femme par le bras et la força à descendre de la table. Koliana se laissa entraîner sans résister. Mais une fois à l'extérieur de l'auberge, elle inversa les rôles. Elle plaqua Joao contre un mur et l'embrassa sans lui laisser le temps de réagir. Le temps s'arrêta pour eux...

 

Le temps ne reprit son cours normal que le lendemain. Joao émergea difficilement. L'enfant, lui, était bien réveillé et le faisait savoir.

-Mes aïeux, quelle nuit...maugréa t’il dans sa barbe.

Il se leva et s'étira, faisant craquer ses articulations. Tout son corps était courbaturé.

-Me suis endormi sur la natte... On a fait ça à la barbare... Un vrai couple de trolls...

Il entreprit de nourrir et de changer le bébé qui pleurait toujours.

-Oui, t'es bien une fille, murmura t’il en souriant. Et je sens que tu tiens de ta mère...

Joao prit la petite dans ses bras, maladroitement.

-Il va me falloir un moment avant de savoir comment m'occuper de toi correctement.

Le bébé gazouillait joyeusement, ce qui le fit sourire. Un petit sourire qui illuminait son visage marqué par la vie et le soleil de Strangleronce. Ce petit être...Cet enfant, son enfant, le rendait heureux par sa seule présence. Un claquement dans l'air le fit sursauter.

Un navire avait bordé ses voiles et s'apprêtait à dépasser le cap Janeiro. Les mouettes le suivaient, piaillant, criant, riant presque de la lenteur du navire. Et soudain, les voiles captèrent un souffle de vent. La toile blanche gonfla, se tendit et le vaisseau fendit les vagues. Rapidement, il disparut à l'horizon. Joao retourna dans sa cabane.

Il n'avait pas besoin de demander aux marins ivres qui dessaoulaient sur les quais. Il savait que Koliana était repartie.

-Cette femme... Elle me rendra chèvre. C'est comme une braise, impossible de la garder dans la main sans se brûler. Ca te fait rire, Ruu ?

-J'me marre l'ami. C'pas un crime.

Un orc se tenait dans l'encadrement de la porte.

-J't'avais dis que c'te femme était dangereuse. Te v'la avec un p'tiot sur les bras maint'nant, baragouina t’il dans un commun approximatif.

Joao ne répondit pas et sortit quelques instants. Il revint avec des planches et des outils et essaya de bricoler un berceau. Ruu le regarda faire, attendri par le spectacle qu'offrait le jeune père

-Gaga d'vant la mère, gaga d'vant la fille, murmura t’il. J'vais m'occuper d'la forge, prend soin d'ta p'tite ! dit-il à l'attention de l'homme absorbé par son travail.

-Je te remercie, Ruu. Je termine juste ça et j'arrive.

-Tut tut, fit l'orc. T'reste là et tu t'occupe d'elle. J'me charge du reste !

-Mais...

L'orc partit sans lui laisser le temps de répliquer. Joao secoua la tête, un peu dépassé par le comportement de son ami. Il retourna à son ouvrage, le coeur un peu plus léger. Son vieil ami lui offrait son soutien. Il n'aurait pas à choisir entre sa fille et la forge.

Dans le hamac, l'enfant dormait, bien loin des préoccupations de son père. Le lieu, les gens la rassuraient. Ne manquait plus que la présence d'une mère...

 

Loin, loin d'ici... Une femme sur un fier navire...

 

Publié le 06/02/2009 - Modifié le 06/02/2009
Retour au site de Amiya