Articles de Airain - Prologue
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            Il était une fois…
            Tss… Je me suis toujours gaussé de toutes les histoires qui débutaient ainsi. Mais, finalement, c’est une façon comme une autre d’introduire un récit, vous ne croyez pas ? Peut-être utilisé trop souvent, et à des fins déplorables –j’en conviens-, pour véritablement convenir à quelque épopée sérieuse et digne de ce nom.
            Il était une fois…
            Vous vous attendez sûrement à ce que je vous parle de Reines et de Rois, d’une chaste Princesse arrachée des griffes acérées d’un Dragon maléfique par un fringant et beau Chevalier blond, courageux, qui abattit la Bête d’un puissant coup d’épée –une épée rutilante et effilée, cela va sans dire- dans le poitrail. Et, évidemment, la Fin ne pourra être que celle-ci : « Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».
            J’ai toujours été sceptique sur ce dernier point. Enfin, depuis que l’on m’a dévoilé le secret –ô combien honteux- de la procréation. Je me suis laissé dire –une erreur de jeunesse, je le déplore autant que vous- que l’accouchement était très douloureux. Pour la femme. Oui, le père ne ressent pas grand-chose. D’ailleurs la période de grossesse elle-même est un véritable calvaire. Nausées matinales –puis nausées tout court-, contractions…
            Alors, je veux bien que les nuits précédant la conception de l’enfant soit un moment de pur bonheur et de plaisir intense, mais je doute que la suite fut réellement réjouissante pour la princesse. De plus, le Prince risque d’aller voir ailleurs, plutôt que de rester avec sa dulcinée, ronde, grosse, et crispée de douleur, puisqu’ils ne peuvent plus se livrer à leur activité nocturne.
            Evidemment, non, mes amis, je ne vous infligerai pas pareil conte innocent, peuplé de méchants monstres, de gentils nobles et de belles femmes. La réalité en est souvent éloignée, je vous l’accorde… 
            Mais, revenons à nos moutons –ou, plus exactement, allons-y.
            Il était une fois, un Royaume, peuplé de fiers Guerriers, féroces et valeureux, mais si stupides qu’aucun n’avait la présence d’esprit de demander pourquoi ils se battaient. Fort heureusement, il y avait, à l’intérieur des mêmes frontières, des Hommes à l’Âme noire, aux Paroles empoisonnées, à l’Intelligence retorse et perverse, qui avaient ainsi le champ libre pour manigancer et comploter autant qu’ils le voulaient.
            Ah ! Quel Temps faste pour ces gens ! Des imbéciles se battaient pour eux, pensant sans doute à leur Gloire et à celle de leur Patrie, alors qu’ils ne contribuaient qu’à servir la Puissance et l’ambition de Seigneurs machiavéliques. Oui, une période très plaisante…
            Mais comme toute bonne chose, celle-ci avait une Fin fatale et inéluctable.
           Cette situation dura un peu plus d’un siècle, avant que les Soldats ne découvrent qu’ils pouvaient, eux aussi penser, agir de leur propre chef et même réfléchir. D’un jour à l’autre, la Réflexion –on ne pouvait pas décemment parler d’intelligence- ne fut plus l’apanage des Chefs et des Dirigeants, mais aussi celui de l’Homme du commun.
            Cela, évidemment, horrifia les hautes instances du Pays, qui se pressèrent autour du Roi, affolés, en une Réunion extraordinaire et précipitée, dont le But unique consistait à trouver une solution à ce problème effroyable, issu -semblait-il- de leurs pires cauchemars.
            « Que faire ? Que faire ? » Gémissaient-ils, atterrés. « Il faut trouver une solution, la situation ne doit pas demeurer ainsi ! »
            Le Souverain qui, de loin, surpassait tous ses Ministres de par sa remarquable Intelligence ne mit que quelques jours à trouver la Solution, celle qui allait résoudre tous ses problèmes et qui assurerait la fidélité de son Peuple –au moins jusqu’à sa mort, ce qui lui convenait parfaitement.
            « Ecoutez ! » Tonna-t-il. « Ecoutez votre Suzerain. Certes, ces Hommes, ces Paysans se sont mis à réfléchir. Certes, ils peuvent désormais agir sans qu’on leur dise quoi faire. Certes, ils ont des pensées, des rêves. Mais ce Don leur est encore obscure, il leur est trop nouveau pour qu’ils puissent trop bien l’utiliser, le contrôler. Profitons-en, mes Amis. Apprenons-leur ce que nous savons, enseignons-leur nos doctrines, nos Idées. Que les Leurs soient les Nôtres ! Ainsi, ils seront comme nous. Non pas des frères, ni des fils, mais quelques neveux éloignés, ramenés vers nous par les Aléas du Temps et du Destin ! »
            La Sagesse du Roi s’imposa à l’Esprit de ses sujets avec une Force et une Magnificence incomparable, tel un Eclair foudroyant de Lucidité, éclatant dans déchaînement soudain et violent d’Intelligence, accompagné d’un puissant coup de Tonnerre.
            Sitôt les Ordres donnés, l’Etat s’agita, et veilla personnellement à leur bonne exécution. Si bien que, rapidement, tous –du plus démunis au plus riche- reçurent une instruction des plus raffinés, traitant de l’Histoire –une version légèrement modifiée, présentant tout autre peuple comme inférieur et barbare-, des Mathématiques –cela, il faut le leur reconnaître, ils savent parfaitement compter-, de la Science –bien sûr, découper des corps en morceaux a toujours été leur spécialité ; pouvions-nous attendre autre chose de Guerriers ?-, et de bien d’autres matières que je n’énumérerais pas ici ; la liste serait trop longue.
            Auriez-vous deviné, cher Lecteur –cher Auditeur ?- de quel Royaume, de quelle Nation je parlais ?
            Non ? Vraiment, pas la moindre petite idée ? Cherchez un peu, réfléchissez.
            Allons, un petit indice : si je vous parlais de la Raison, et de la Supériorité intellectuelle incontestable –et contestée- du Peuple en question, de leur arrogance, et de leur prétention.
            Oui, voilà, c’est cela. Le Septentrion, le Royaume du Nord ! Les Guerriers de l’Hiver et les Armées des Monts. Nos voisins, Les Arkadiens…
            […]
 
De l’Origine et de l’Histoire d’Arkadia,
Chapitre III : L’Education universelle
Airain, Membre de la Guilde des Ménestrels.
Publié le 24/06/2008 - Pas de modifications
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