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Race: Humain
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*

 

- Salut l'ami ! Rare de trouver du monde par ici !

 

L'homme ne répond pas.

 

- Il faut reconnaître, on a vu plus hospitalier comme région...

 

L'homme reste muet. A se demander s'il m'a entendu.

C'est bien ma veine, ça ! Le seul type que je rencontre en près d'un mois, et il est aussi bavard que mon vieux bélier !

 

Je grimpe péniblement la petite butte sur laquelle l'homme se trouve, accroupi. J'essaie d'en profiter pour voir à quoi il ressemble, mais le manteau informe qu'il porte cache sa silhouette, et son capuchon ne laisse qu'entrapercevoir ses traits.

 

C'est un homme, aucun doute. Mais difficile d'en dire plus. Ses traits sont anonymes, mais incontestablement fatigués.

Fatigués... ou autre chose. Mais je devine que la vie n'a pas dû être tendre avec lui.

 

J'arrive jusqu'à lui, et je prends quelques instants pour reprendre mon souffle. La grimpette n'est décidemment pas une affaire de Nains !

Devant nous, il n'y a que le gris sinistre qui est la marque de la Gorge des Vents Brûlants. Une région désolée, hostile. Un bon endroit pour être tranquille.

 

Comme l'homme ne semble pas vouloir s'en aller, je sors ma bonne vieille pipe de mon sac. L'homme n'a toujours pas réagi à ma présence, mais cela ne me fait pas oublier les bonnes manières.

Je tends ma blague à tabac à l'homme, qui continue à m'ignorer.

Tant pis.

 

- Du tabac des côteaux de Grim Batol... Une bonne année, en plus. Un vieux souvenir, mais les feuilles se conservent toujours bien.

 

Je tire une bouffée de ma pipe, savourant le goût à la fois âcre et doux du tabac.

 

- Il paraît que c'est une sale habitude, de fumer. Que ça ferait mourir à petit feu. Moi, j'ai toujours dit que mourir à petit feu, c'est la définition même de la vie ! Et puis, on est pas pressé !

 

Je laisse passer un moment de silence, tirant sur ma pipe, regardant le paysage. Je devine devant moi la silhouette sinistre de Rochenoire, enveloppée dans les brumes nauséabondes de soufre.

Je montre d'un bref signe de tête le mont maudit.

 

- Rochenoire. Sale endroit. Sale histoire. Le genre d'endroit à éviter.

 

Je jette un autre coup d'oeil sur l'homme, qui n'a toujours pas bougé.

 

- Tu n'es décidemment pas bavard, l'ami. C'est ton droit. Moi, c'est plutôt le contraire ! Etonnant, non ?

 

J'éclate de rire. Ce bon vieux rire solide de Nain, ce genre de rire qui permet de briser la glace et attire la sympathie.

 

L'homme a-t-il souri ? J'en doute, il ne semble pas avoir une tête à sourire. Mais il réagit enfin - ou alors, il s'est lassé.

Il baisse la tête, puis se relève, sans un bruit.

 

Maintenant qu'il est debout, je peux voir qu'il est d'une bonne prestance. Manifestement costaud. Il se tient droit, et pourtant, il émane de lui comme une... une... une lassitude ?

Non, c'est autre chose.

 

Je tends la main vers lui, sourire aux lèvres.

 

- Je m'appelle Gloïn Marteau-d'Acier. Une vieille tradition familiale, le marteau. Et toi ? Je veux dire, ton nom ! Pas le marteau !

 

Je ris à nouveau, la main toujours tendue.

L'homme ne réponds toujours pas, mais cette fois-ci il me regarde. Nos regards se croisent, un bref instant, et je sens soudain mon enthousiasme disparaître.

Il détourne son regard, sans m'avoir serré la main, et descend de la butte.

 

Je baisse la main lentement, ma pipe toujours à la bouche.

Ce regard...

 

A Forgefer, on m'a surnommé le Vieux Nain. Il est vrai que je ne suis plus tout jeune, quoique toujours vaillant. Mais j'ai surtout de l'expérience. L'expérience de la vie, qui m'a donné beaucoup et m'a pris tout autant. L'expérience du vaste monde, que j'ai arpenté en long, en large et en travers.

 

J'ai vu beaucoup de choses. Joyeuses, qui meublent mes souvenirs les jours de cafard. Tristes, qui me font verser une larme. Et d'autres, oui, d'autres si terribles que leur seul souvenir me fait frissonner de peur...

Et m'a conduit à reprendre la route.

 

Le regard de cet homme... Je n'en ai jamais vu de pareil. Comme un vide abyssal, que rien ne peut combler. Et autour... quelque chose. Quelque chose qui, instinctivement, me terrifie.

Il a dû en voir de dures.

 

Je me secoue en pestant contre moi-même. Allons ! Ne te laisse pas impressionner ! Un Nain ne va pas trembler devant un simple humain !

 

Je le cherche à nouveau du regard. Il s'éloigne, à pied, vers le nord. Etrangement, aucune des créatures qui peuplent cette région et qui, d'ordinaire, attaquent à vue, ne semblent le remarquer.

 

Je cours pour ne pas me laisser distancer.

 

- Allons, l'ami ! Tu pourrais m'attendre ! Et tu vas où, sans indiscrétion ?

 

Toujours le même silence. Mais il ne fait aucun geste pour me chasser. Je ne suis pas sûr que l'homme m'ignore. Donc...

 

- Ca ne t'ennuie pas si je fais un brin de route avec toi ? Non ? Excellent ! Tu verras, je suis un bon compagnon ! Et si tu ne parles pas, je parlerai pour deux. J'ai l'habitude !

 

J'éclate à nouveau de rire, mon bon vieux rire de Nain.

A-t-il souri ? Impossible à dire, il me tourne le dos et sa capuche cache son visage. Mais imperceptiblement, il a ralenti le pas. Je crois sentir, vaguement, comme une acceptation de ma présence.

 

Drôle de compagnon pour un drôle de voyage. Mais pourquoi pas ? Pour un tout dernier voyage...

 

 

...

 

 

Si l'homme a décidé de mettre mon endurance à rude épreuve, il s'y prend mal. Cela fait trois jours et trois nuits que nous marchons sans nous arrêter pour dormir.

Il mange à peine, des rations à l'aspect peu engageant, et boit peu, uniquement de l'eau des rivières. Je lui propose régulièrement de partager ma nourriture et ma gourde, mais il ne répond pas.

Oui, il s'y prend mal s'il veut se débarrasser de moi. Les Nains sont endurants, peu doués pour la vitesse certes, mais capables de rester debout pendant des jours.

Surtout quand on a un but, comme moi.

 

Il marche, calmement, tranquillement, sans s'arrêter.

De temps en temps, il regarde autour de lui. Je comprends assez vite qu'il semble avoir un but. Qu'il cherche quelque chose. Ou quelqu'un ?

Plusieurs fois je l'interroge, jamais il ne répond. Mais il ne me chasse pas.

Et sa route est celle que je veux suivre. Celle qui doit me mener à...

 

 

Le quatrième jour, il s'arrête enfin. Je surprends un bref regard de sa part, toujours avec la même absence d'expression.

Il pose son sac, et observe autour de lui.

Pour ma part, je profite de l'occasion.

 

- On s'arrête un moment ? Histoire de savoir si je fais du feu.

 

Toujours le silence. Soit, je ramasse du bois mort et sors mon briquet pour faire une bonne flambée. Les Hautes Terres d'Arathi sont fraiches la nuit en cette saison.

 

 

Nous avons abattu de la route depuis la Gorge. L'homme m'a d'ailleurs surpris en se dirigeant d'emblée vers le Passage de Formepierre au lieu de se diriger vers les Terres Ingrates, le chemin habituel pour qui dirige ses pas vers le nord.

Formepierre est un passage entre la Gorge et le Lac Modan, fermé depuis longtemps maintenant.

 

Arrivé devant la lourde grille barrant le tunnel, l'homme a sorti une clef et l'a introduite dans la serrure.

Un claquement sonore, et la grille s'est ouverte.

Intéressant, de la part d'un humain, alors que les Nains ont condamné le tunnel pour éviter les invasions, il y a déjà longtemps.

 

L'homme a passée le seuil et pénêtré dans le tunnel. Puis s'est arrêté.

Je l'ai suivi après un temps d'hésitation. Ce n'est qu'une fois dans le tunnel que l'homme s'est retourné et, toujours aussi silencieux, a refermé la grille et l'a verrouillée à nouveau dans un claquement sec.

 

J'ai su à ce moment que mon étrange compagnon m'avait accepté - à sa façon.

 

Nous avons cheminé dans le tunnel sombre. Aucune lumière, et un silence pesant. Même moi j'ai tenu ma langue.

Je n'ai aucun problème à voir dans l'obscurité, comme tous les Nains, surtout dans une de nos constructions.

Et l'homme non plus n'a pas semblé être gêné par l'obscurité. Mais j'ai assez vite compris que mon taciturne compagnon n'était pas un individu ordinaire.

 

Nous avons ensuite contourné le Lac Modan jusqu'au passage vers les Paluns.

J'ai sorti mon marteau, celui qui me donne mon nom, celui de mes ancêtres, en arrivant aux tunnels. Tout le monde sait que des Orcs tiennent le passage, et je doutais qu'ils nous laissent passer sans faire de difficultés.

 

Je me suis trompé.

Nous sommes passés en plein jour, mais pas âme qui vive. Je pouvais voir leur forteresse un peu plus loin, mais j'avoue ne pas avoir vérifié si elle était toujours aux mains des peaux-vertes.

Etait-ce un autre des "talents" de mon compagnon ? J'y ai pensé, mais comment être sûr ? Les Orcs sont moins stupides ou barbares que beaucoup ne le croient. Ils ont de l'instinct, plus que nous autres, habitués aux villes et à la sécurité. Peut-être ont-ils senti... ?

 

Les Paluns sont un marécage putride. L'homme se dirigeait toujours vers le nord, vers le Viaduc de Thandol qui fait, à juste titre, la fierté des Nains.

Et toujours, le même mutisme. Et toujours, malgré la faune locale agressive, la tranquillité.

Aucune attaque.

Tant mieux. J'économise mes forces. J'en aurais besoin si je trouve, comme je l'espère et le crains, ce que je cherche.

 

 

La nuit est tombée sur les Hautes Terres d'Arathi, et mon étrange compagnon a fini par s'asseoir devant le feu. Je sors ma pipe, lui propose encore du tabac, sans réponse toujours.

 

Son regard semble se perdre dans les flammes crépitantes. Je frissonne - la nuit est fraiche, mais est-ce seulement la nuit ?

 

Je ne me sens pas d'humeur à faire la conversation. Cette nuit est particulière pour moi. Une nuit de tristesse et de douleur. En tirant doucement sur ma pipe, je me souviens de ce que j'ai perdu lors d'une nuit semblable, il y a des années de cela.

Cela fait longtemps maintenant, mais la douleur est toujours présente.

 

Plongé dans mes pensées, je me remémore les joies et les peines. Surtout les joies, mais elles me rendent mélancolique.

 

Je porte le nom de Marteau-d'Acier, comme mon père avant moi, et le père de mon père, et ce jusqu'à mon ancêtre qui, le premier, forgea l'arme que nous portons depuis dans notre famille de génération en génération.

Je suis le dernier des Marteau-d'Acier, et à ma mort, mon nom s'éteindra.

Depuis cette funeste nuit où j'ai perdu ma seule richesse en ce monde.

Mon fils.

 

Une branche éclate dans le feu et me fait sursauter. Je lève les yeux et croise le regard de l'homme qui est assis en tailleur de l'autre côté.

Et qui me regarde.

 

Je n'ai pas le temps d'éviter de croiser son regard. Je me rappelle de la fois précédente, de ce que j'ai ressenti, et je sers les dents.

Mais pas cette fois-ci. Il ne m'en montre pas assez pour que cela me fasse mal.

 

Je comprends, alors que nos regards se parlent, que l'homme a lui aussi connu une douleur comme la mienne. Et qu'elle l'habite toujours.

Je la sens, plus terrible, plus exigeante que je ne l'aurais cru possible chez un simple mortel.

Et un vide que rien ne peut combler.

 

Comment peut-on vivre ainsi ? Comment peut-on continuer à respirer, à marcher, alors qu'à l'intérieur, votre âme n'est qu'un champs de ruines et de douleur ?

 

Je suçote le bout de ma pipe, tout en continuant à regarder l'homme. Mais différemment cette fois-ci. Plus sérieusement.

 

- Qui es-tu donc, l'ami ? Quelle est ton histoire ? Tu dois bien en avoir une. Et un nom ?

 

L'homme ne répond pas. Il baisse les yeux, reprenant sa contemplation du feu qui crépite et qui pourtant ne me réchauffe plus guère maintenant.

 

- Tout le monde a un nom. Tout le monde a un passé. Même douloureux.

 

Il ne répond pas.

 

Je soupire et reprends ma pipe. L'homme continue de rester silencieux. La nuit passe ainsi.

 

 

...

 

 

L'aube se lève, et nous reprenons notre voyage. Nous traversons l'Arathi, et passons le Mur de Thobardin pour entrer en Hautebrande.

Je ne connais toujours pas sa destination. Mais je connais la mienne. Et je me prends à espérer, confusément, que ce soit la même que lui.

Pour ne pas affronter ce que je cherche seul.

Pour ne pas mourir seul...

 

En tout cas, son pas est plus ferme, plus déterminé.

Oui. Il cherche quelque chose.

 

L'atmosphère a changé. Plus lourde.

Je commence à à avoir peur.

 

 

Nous réagissons tous les deux en même temps juste avant que cela ne se produise.

Un cri. Ou plutôt un vagissement d'enfant.

Il déchire le calme et poignarde mon coeur.

Ce n'est pas le cri ordinaire d'un enfant. J'y sens une peur, une douleur. Atroce.

 

L'homme a réagi aussi. Il m'ignore, mais après une brève hésitation se dirige vers la source du cri. Je le suis, mon marteau à la main.

Je sens la peur m'envahir. Je connais ce cri. Je sais ce que nous allons trouver.

Ce que je suis venu chercher.

 

L'homme a pressé le pas. Nous distinguons une ferme devant nous. Aucune fumée. Pas d'odeur de feu, ou pire.

 

Le cri n'a pas cessé.

 

Un bruit sifflant. Une araignée géante.

Je me précipite vers le bruit, la peur au ventre, le marteau levé. Je vois l'araignée, et la source du cri, mais je l'ignore pour le moment - je DOIS l'ignorer.

Mon marteau frappe la bête avec force et violence. Elle essaie de me toucher, mais j'esquive et frappe, encore et encore.

 

Ne pas regarder la source du cri. Pas encore.

 

Je m'arrête, alors que l'araignée se recroqueville sur elle-même au milieu de son sang. Je baisse mon arme, reprends mon souffle et, le ventre noué, me tourne enfin vers la source du cri d'enfant qui n'a pas cessé.

L'homme est déjà à côté. Il s'agenouille.

 

C'est un enfant, encore un bébé. Il est assis dans l'herbe, et crie, ne cessant que pour reprendre un semblant de souffle pour crier encore, et encore.

Le sang.

Ne regarde pas.

Le sang.

Pas encore.

Le sang.

 

L'odeur âcre et poisseuse domine tout. J'ai essayé de l'ignorer, mais c'est impossible.

Je regarde le visage de l'enfant.

Couvert de sang.

Le sang.

Ruisselant de deux trous noirs.

Le sang.

Là où auraient dû se trouver ses yeux.

Le sang.

 

L'enfant a les yeux crevés. Le sang continue à couler.

Le sang.

C'est ce qui a attiré l'araignée.

Le sang.

Tout autour de l'enfant, encore du sang.

Le sang.

Le sang.

Le s...

 

- Il suffit.

 

Je hoquette, grimace de douleur, et tombe à genou.

Je vomis, une bile acide qui me brûle la bouche. Et me fait reprendre conscience.

Je lève la tête vers l'homme.

 

Ces deux mots sont de lui. Ils ont résonné dans mon âme comme un coup de tonnerre, brisant le délire dans lequel je m'enfonçais.

Chassant l'odeur du sang, omniprésente, envahissante, exigeante.

 

Je me relève, les jambes tremblantes. Je sens encore cette obsession, oppressante, exigeante, qui a manqué de me briser.

Le sang, celui de l'enfant, et aussi...

 

Mon regard se tourne vers la ferme. Je ne devrais pas le sentir, pas à une telle distance, mais l'odeur âcre sature l'atmosphère.

J'y devine des morts, j'y devine des corps mutilés.

Et du sang partout.

Omniprésent.

Exigeant.

 

J'ai trouvé ce que je suis venu chercher.

C'est encore pire que je ne le craignais.

 

Le cri de l'enfant cesse, doucement. Je me retourne et voit l'homme prendre délicatement l'enfant dans ses bras.

J'esquisse un geste, car l'enfant ne supportera pas ce contact qui m'a fait si mal. Mais l'enfant semble s'apaiser. Je sens, instinctivement, la peur et la douleur le quitter, et passer dans l'homme.

 

Comment un homme peut-il prendre sur lui une telle atrocité ? Une douleur si terrible qu'elle en est palpable ? Mais lui le fait, et je commence à comprendre ce que l'homme a dû être, autrefois.

 

L'enfant cesse de pleurer, ses traits se détendent, il s'abandonne dans les bras de l'homme qui pose sa main sur sa tête.

 

Je sens la Lumière autant que je la vois. Elle a jailli de la main de l'homme, passant en l'enfant. Je sens la paix m'envahir, et surtout, je sens l'âme de l'enfant, pourtant si terriblement meurtrie, quasiment détruite, se restaurer, retrouver la paix.

 

Je suis sans voix. Un Paladin. Mon étrange compagnon est - était ? - un Paladin. Et cette force n'est pas celle d'un simple serviteur de la Lumière.

J'ai connu Uther Porteur de Lumière. Cet homme-là est plus grand que lui.

Ou était.

 

Il me regarde, le visage toujours aussi inexpressif. Puis me tend l'enfant que je prends, délicatement.

 

Ses traits sont apaisés. Son visage est sans blessure. Il dort, la respiration tranquille, sa tête sur mon épaule couverte d'acier.

 

L'homme et moi-même échangeons un nouveau regard, puis nous tournons ensemble vers la ferme. Je pense un instant saisir mon arme, mais j'abandonne l'idée. Il n'y a plus de danger là-bas. En tout cas physiquement.

 

 

La ferme est tranquille. Trop tranquille. Aucun bruit. Pas même le chant des oiseaux. Ce qui a frappé ce lieu est pire que la mort.

Je le sais.

Je l'ai déjà affronté.

Mais pas à ce point.

 

Je me dirige d'abord vers l'étable, vérifiant que l'enfant dans mes bras dort toujours. Je sens, en approchant, l'atmosphère devenir de plus en plus lourde, oppressante.

 

Ce ne sont que des animaux, la scène ressemble à celle que l'on voit dans n'importe quel abattoir, mais elle est affreuse, abominable.

L'étable est remplie d'animaux morts.

Je constate deux choses, avec un détachement qui me surprend moi-même.

D'abord, l'absence de mouches. Les corps sont là depuis plusieurs heures, et pourtant la vermine est absente.

L'autre chose me frappe immédiatement, car je sens sa présence, obsédante, exigeante, et pourtant elle n'est pas là.

Le sang.

Aucune trace de sang, ni dans l'étable, ni sur les corps, exsangues.

Et toujours, cette odeur, cette présence du sang, cette présence qui a failli me rendre fou plus tôt.

 

Je cherche alors du regard l'homme. Il se tient à l'entrée de l'habitation. Je le rejoins en pressant le pas.

Chaque pas que je fais vers le bâtiment nécessite de plus en plus de volonté de ma part pour ne pas m'effondrer. Quand je rejoins l'homme, j'ai l'impression de nager dans une mer de sang, poisseux, âcre, chaud.

Obsédante.

 

L'homme pénétre dans la bâtisse.

Je le suis, l'enfant toujours dans les bras. Il remue alors, lâche un gémissement qui déchire mon coeur.

 

L'homme pose la main sur sa tête, et je sens le petit corps se détendre, s'apaiser.

Il y a en cet homme une force si formidable...

Sa présence, à mes côtés, est à la fois anodine et réelle. Sans lui, je sais que j'aurais sombré depuis longtemps, tellement l'atmosphère est chargée de douleur, de terreur, et surtout, surtout... de sang.

Le sang.

Il couvre les murs de la pièce.

Le sang.

Il colle à mes bottes.

Le sang.

Son odeur m'emplit la bouche.

Le sang.

Le sang.

Le...

 

- Non.

 

L'homme a encore parlé, et ce mot brise à nouveau cette folie qui manque de m'envahir.

 

Je me retiens de prendre une profonde inspiration et je serre les dents tout en passant en revue l'amas de corps sans vie.

Les traits et les corps figés dans la douleur et la peur.

Et surtout, surtout, malgré son odeur entétante, malgré l'impression de nager dedans... l'absence de toute trace de sang. J'ai cru marcher dedans, je sens son odeur, je le vois sur les murs, je sais qu'il est là, partout, et pourtant, pas une trace.

 

L'homme marche au milieu des corps, de son pas calme, en évitant de poser le pied sur eux. Je me demande comment il arrive à se déplacer dans cette atmosphère si poisseuse et oppressante.

Il marche au milieu des corps, puis se retourne. Je regarde son visage, et vois qu'il a changé.

 

Son visage inexpressif s'est durci. Je sens une colère, dure, sèche, sans pitié, émaner de lui. Une colère pourtant contenue, domptée.

Je la sens, et vois aussi sur son visage quelque chose de nouveau, en plus de cette colère.

Une détermination.

Je comprends que l'homme a trouvé ce qu'il cherchait.

La même chose que moi.

Cette dernière quête ne va peut-être pas me tuer, finalement.

 

J'ai retrouvé toute ma lucidité. L'atmosphère s'est dégagée, chassée par la colère de l'homme.

 

Nous échangeons un nouveau regard. Je hoche la tête.

 

- L'esprit de sang. C'est le nom que m'a donné un vieil Orc. Il a pris possession d'une Elfe, d'après ce que je sais. Ce n'est qu'une soif sans limite et sans pitié. C'est ce que je cherchais. Et toi aussi.

 

L'homme reste silencieux.

Pas le temps de bavarder, de jouer. Nous devons aller rapidement.

 

- Si elle s'était dirigée vers l'est, nous l'aurions su. Donc, vers l'ouest. Je pense que la piste sera facile à suivre maintenant.

 

L'homme est toujours silencieux, mais baisse le regard sur l'enfant dans mes bras.

Je le regarde moi aussi.

 

- Il y a un village du nom d'Austrivage un peu plus loin. Nous le laisserons là.

 

L'homme, toujours silencieux, sort de la maison maudite. Je le suis, l'enfant dans les bras.

 

 

...

 

 

Austrivage est un village paisible. Mais l'atmosphère est lourde, et les regards sont fuyants.

 

Nous avons laissé l'enfant à une des familles du village. Leurs traits sont tirés, la peur se lit dans leurs yeux, comme dans ceux de tous les habitants.

La ferme est trop proche pour qu'ils n'aient pas entendu le massacre.

 

Je ne leur reproche rien. Ce qu'il s'est passé là-bas est effroyable. Comment aurais-je réagi moi-même, si je n'étais qu'un simple villageois ?

 

En sortant du village, deux gardes nous attendent. Ils sont jeunes, et je vois plus loin deux femmes avec de jeunes enfants et des larmes dans les yeux.

Le plus déterminé m'explique qu'ils ont décidé de nous accompagner pour abattre la "bête". C'est le nom qu'ils lui donnent.

Ils ont peur, ils ont des familles, et aucune expérience d'un vrai combat, d'un vrai danger.

 

Je m'apprête à le leur dire, à leur expliquer que ce combat n'est pas le leur, qu'ils ne sont pas de taille, quand l'homme parle. Un seul mot court.

 

- Non.

 

Le plus déterminé des gardes se tourne vers lui, prêt à argumenter, mais il voit le visage de l'homme et se tait. Puis il baisse la tête, et les deux gardes retournent au village.

Je vois le soulagement sur les visages des deux femmes, et la honte sur ceux des gardes. Mais ils ne sont pas de taille. Il y aura trop de morts dans cette histoire, autant éviter la leur.

 

L'homme est déjà parti, je le rejoins en courant. Il ralentit le pas pour ne pas me distancer, et je presse le mien.

Pas de temps à perdre. Ce n'est plus une promenade.

 

 

...

 

...

 

 

Notre proie laisse une trace atroce derrière elle, une trace de plus en plus fraîche.

Nous sommes sur la bonne route, cela seul compte.

 

Les massacres se suivent, tous identiques : aucun survivants, aucune trace de sang, la terreur et la douleur tordant les corps des victimes.

Et partout, toujours, la même atmosphère oppressante, poisseuse, puant le sang, harcelant mon esprit. Mais la présence de l'homme à mes côtés m'empêche de sombrer.

Il émane de lui une force incommensurable qui empêche le sang de me rendre fou. Mais cette atmosphère est terrible. Plus que je ne l'aurais imaginé.

 

Nous rencontrons d'autres enfants comme celui de la ferme. Yeux crevés, tous mutilés. Tous morts, dévorés vivants par les animaux sauvages de la région.

 

Je commence à penser que je vais finir fou devant tant d'atrocités gratuites. Mais je résiste, car l'homme est là et que Gloïn Marteau-d'Acier ne recule pas devant son devoir.

Jamais.

Foutu devoir.

Foutue nuit où j'ai perdu ma seule richesse...

 

 

...

 

 

Le Royaume de Lordaeron est calme, mais l'atmosphère est pesante. Il y a l'atmosphère de sang, celle que nous suivons depuis la ferme. Et... autre chose. De diffus.

Mes sens sont en alerte, et je devine que quelque chose de grave se prépare. Mais cela n'est pas de mon ressort.

 

Une ferme isolée.

Le massacre est récent. Quelques heures à peine.

Je peste.

Car cette fois-ci, aucune trace de notre proie.

 

L'atmosphère étrange de la région brouille la piste. Je sanglote de fatigue, de nervosité, de dépit.

L'homme se contente de rester debout, d'observer autour de lui.

Puis il tend le bras, vers le nord.

 

- Là.

 

Comment peut-il être sûr ? Mais je lui fais confiance, même s'il me mène certainement à ma mort.

Ce que nous traquons est plus fort que moi.

Je sais que je vais mourir.

 

 

...

 

 

Cela me frappe comme une vague.

SANG

Violente et brutale.

SANG

Poisseuse, âcre.

SANG

Le sang.

SANG

Il noie mes sens.

SANG

Balaye mes défenses.

SANG

Ravage mon âme.

SANG

Je sens le sol

SANG

sous mes mains

SANG

J'ai dû tomber

SANG

à genoux.

SANG

Mon esprit

SANG

s'effondre

SANG

tout

SANG

se noie

SANG

Je

SANG

SANG

SANGSANGSANGSANG...

 

- Il suffit.

 

J'entends un hurlement inhumain. Le mien. Douleur et peur.

Et je sens la main de l'homme sur mon épaule.

 

Le contact est comme un fer porté au rouge qui pénêtre mon âme et brûle tout ce que je suis.

Puis une Lumière, douce, apaisante, réconfortante.

Réparatrice.

 

Je sens mon âme affolée et brisée, noyée dans le sang, qui reprend vie.

Et dans ce délire qui est le mien, je vois devant moi l'âme de l'homme. Un vide absolu, sans limite, affamé.

Mais tenu en laisse par une douleur qui ne peut être de ce monde.

C'est cette douleur qui a brisé le sang qui était en train de me détruire.

 

Je me relève, péniblement, la main de l'homme toujours sur mon épaule. Ce contact me fait mal, mais cette douleur, quasiment physique, m'aide à ne pas me noyer.

Autour de nous, la campagne, paisible.

Et pourtant, une atmosphère étouffante, comme si tout était noyé dans le sang.

Et au milieu de cette atmosphère, une volonté, une soif sans limite.

L'esprit de sang.

Notre proie.

 

Mes mains, mes jambes, tout mon corps tremble, de peur, de fatigue. Cette volonté que je devine devant nous n'est pas de ce monde. Je n'ai jamais rien connu de pareil.

Comme une bête féroce, indomptable, perpétuellement affamée, perpétuellement assoiffée.

Assoiffée de sang.

 

L'homme est toujours le même. Silencieux. Calme. Déterminé.

 

- Ca... ne peut... être... vaincu... Trop... trop puissant.

 

Je halète. Chaque mot me demande un effort surhumain. Malgré la protection que le contact de l'homme m'apporte, la volonté de notre proie est si puissante qu'elle me domine et m'écrase.

 

L'homme tourne la tête vers une maison isolée, devant nous.

Une fine silhouette est debout devant la maison. J'ai mal rien qu'à la regarder.

 

L'homme tend alors le bras vers la silhouette, et dit un mot, un seul.

 

- Toi.

 

Ce mot est comme un coup de tonnerre. Il balaie l'atmosphère saturée de sang, de peur et de douleur, ne laissant que la maison, et la fine silhouette.

C'est manifestement une Elfe. Jeune. Presqu'une enfant d'après son allure. Corps frèle, chevelure de cendre. Des habits ordinaires.

 

Nous approchons, l'homme et moi. Je suis terrorisé, mais la main de l'homme sur mon épaule est un appui inestimable. Et je me suis juré d'aller jusqu'au bout.

Nous nous arrêtons à quelques pas de l'Elfe. Je me sens comme dans l'oeil d'un cyclone sanglant.

 

L'Elfe lève la tête et nous regarde. Son visage dégouline de sang frais. Elle tient dans sa main droite quelque chose qu'elle enfourne dans sa bouche. Le bruit de mastication est abject.

Dans sa main gauche, une jambe. Petite. Potelée.

Ses yeux sont baignés de sang.

 

Aucun bruit. Un silence de mort et de folie.

 

L'homme lâche mon épaule et fait encore un pas vers l'Elfe immobile. Il tend à nouveau le bras vers elle.

 

- Il suffit.

 

L'Elfe reste silencieuse.

Puis elle éclate de rire. Un rire tellement humain, tellement normal qu'il en est terrifiant.

Puis elle cesse, brutalement. Et reste immobile et silencieuse, devant nous.

 

Puis soudain, une nouvelle vague déferle. L'Elfe jette sur nos âmes sa soif de sang, si absolue, si illimitée. Mais la vague se brise sur l'homme, et m'épargne.

 

- Il suffit.

 

L'Elfe plisse les yeux, puis pousse... Une gorge ne peut produire un tel son. Comme un feulement, mais empli de haine et d'un désir, d'une soif sans limite.

 

- Il suffit.

 

Chaque mot de l'homme déforme les traits de l'Elfe, qui se courbe, tel un animal aux aguets. Je sens l'affrontement des deux volontés, la soif sans limite de l'Elfe, la douleur terrible de l'homme.

L'Elfe s'accroupit, comme prête à bondir, la bouche grande ouverte, bavant du sang poisseux, le feulement continue.

 

- Il suffit.

 

L'Elfe éclate à nouveau de rire, un rire si normal, si ordinaire. Puis soudain, ses yeux s'écarquillent, ses traits se liquéfient, elle se met à trembler. La lueur rougeoyante dans ses yeux disparaît d'un coup.

Ce n'est plus la soif sans limite. Nous n'avons plus devant nous qu'une enfant terrorisée, tremblante.

 

Elle lève les yeux vers l'homme, la bouche tremblante.

 

- Pitié...

 

La voix tremble, terrorisée.

L'homme ne dit rien, il se contente de la regarder.

L'Elfe est prostrée sur le sol, tremblante.

 

- Tuez-moi...

 

Puis soudain, son visage se déforme à nouveau, la lueur réapparaît dans ses yeux, le feulement reprend.

 

- Non.

 

L'Elfe - ou plutôt l'esprit obscène qui semble la posséder - pousse un hurlement de haine qui me vrille les tympans et me fait tomber à genou.

 

- Il suffit.

 

La lueur disparaît à nouveau du regard.

 

- Assez... Assez...

 

L'Elfe tend une main hésitante vers l'homme, qui continue à rester immobile et silencieux.

Son visage montre une lutte interne, entre l'Elfe terrorisée et l'esprit assoiffé. L'âme de l'Elfe n'est pas encore détruite, elle lutte sans espoir.

Une pure abomination.

 

- Il suffit.

 

Un nouveau hurlement de rage et de haine.

L'homme fait un pas en avant. A travers ma vue brouillée, je le vois au milieu d'une tempête de haine, de folie, et cette soif absolue et obscène.

 

- Il suffit.

 

Encore un pas, encore plus de soif, de sang. Toute l'attention de l'esprit qui possède l'Elfe est concentrée sur l'homme, m'ignorant.

Je me lève en tremblant, et empoigne mon marteau. Le legs de ma famille. Mon nom et ma vie. Mon devoir.

Une seule chance. Frapper vite, et fort. Ne pas hésiter. Ne pas se tromper.

 

J'avance par le côté en trébuchant, laissant l'Elfe et l'homme s'affronter. Espérant pouvoir saisir ma chance de mettre fin à cette monstruosité.

 

- Assez... Assez... Pitié...

 

L'Elfe geint, pleurniche, bave du sang, feule, rit... Tout son être est ravagé par le combat entre l'esprit qui la possède et ce qui doit rester de son âme. Je grimace en entendant des craquements, quand je comprends soudain que ce sont ses os qui se brisent, tandis que son corps se tord.

Le sang coule de sa bouche, de ses yeux, de ses oreilles. De ses blessures, provoquées par les os qui se brisent et déchirent sa chair.

 

- Il suffit.

 

Encore un pas. L'homme est maintenant devant elle. Il se penche, tandis que j'arrive par sa droite, mon marteau comme soudé à ma main.

La tête. Frapper fort. Faire éclater ce crâne fragile, qui se déforme devant moi tandis que ses os se brisent.

Je lève mon bras.

Et m'arrête.

L'homme me regarde. Son regard me fige. M'empêche de continuer.

Puis il pose sa main sur le visage de l'Elfe, tétanisée.

 

- Dors maintenant.

 

Hurlement.

Obscurité.

 

 

...

 

 

Je reviens à moi. Mon corps me fait mal. Le prix de la tension.

L'Elfe !

J'ouvre les yeux et me relève rapidement, cherchant de la main et du regard mon marteau.

Et me fige.

 

Les oiseaux chantent dans les arbres.

 

Je prends une profonde respiration qui me fait mal aux côtes. J'ai l'impression que cela fait une éternité que je n'ai pas respiré normalement.

 

Je suis devant la maison.

L'Elfe est étendue sur le sol.

L'homme a le genou à terre, à ses côtés. Sa main est sur son front.

L'Elfe respire, profondément, les yeux clos.

 

Je m'approche. L'Elfe est indemne. Pâle, ses traits sont marqués mais apaisés. C'est n'est qu'une enfant, une jeune fille.

Je regarde alors l'homme. Toujours aussi déterminé.

 

- L'esprit ? Il est détruit ?

- Cela n'est pas en mon pouvoir.

 

L'homme, à ma grande surprise, me répond. Je ne relève pas.

 

- Alors ?

- Cela restera contenu.

- Mais où ? Comment ?

 

L'homme ne répond pas. Il me lance juste un bref regard, et je vois dans ces yeux comme une faible lueur rougeâtre.

 

- Tu peux contenir cette... "chose" ?

 

Il ne répond pas.

Je secoue la tête.

 

- En tuant l'Elfe...

- Non. Pas ainsi.

 

Je hoche la tête.

 

- Oui... Il s'emparera d'un autre si elle meurt. L'Orc m'a prévenu. Mais alors...

 

L'homme ne répond pas.

Je regarde autour de moi. Le calme. La paix.

 

- Et maintenant ?

 

L'homme se lève. Je vois alors comme il est grand. Plus grand que je ne le pensais.

Il baisse le regard vers l'Elfe.

 

- Son âme est détruite. Elle sera mon fardeau. Pour ce qui aurait dû être et qui ne fut pas.

 

Je me tais. Sur mes joues, je sens de l'humidité. Des larmes.

 

- En souvenir des serments anciens. Je veillerais sur elle.

 

Je suis incapable de parler. Mais je pleure, ouvertement, sans honte.

 

- Cela ne doit pas recommencer. J'y veillerai.

 

J'essaie de parler, mais aucun mot n'arrive à passer mes lèvres.

L'homme se retourne. Je ne vois qu'une forme, noyée par mes larmes.

Je me jette sur lui, je l'étreins, pleurant, bafouillant.

 

- C'est... C'est toi ! C'est toi !

- Ce fut...

 

Je pleure, pour mes souvenirs, pour l'homme que j'ai tant admiré et tant aimé, et qui ne sait plus pleurer.

Je pleure pour ce qui aurait dû être et qui ne fut pas.

Je pleure pour l'homme qui fut mon ami, perdu et retrouvé.

Qui ne m'a jamais abandonné. Même ici. Même maintenant.

 

Je lève la tête vers son visage. Maintenant je le reconnais.

 

- Je t'ai cru mort...

 

L'homme ne répond pas. Puis, lentement, pâle et triste... un faible sourire.

 

- Non.

 

Je fais deux pas en arrière en titubant, m'essuie le visage du revers de la main. Je prends une profonde inspiration.

Nous restons de longues secondes à nous regarder, en silence.

 

- Que se passe-t-il maintenant ?

 

Je désigne l'Elfe étendue de la tête.

L'homme - mon ami, mon meilleur ami, perdu et retrouvé - se retourne et se penche vers elle. Délicatement, il la prend dans ses bras.

 

- Elle mérite la paix.

- L'esprit qui la possédait à dû réduire en pièces son âme...

- Aucune âme ne disparaît.

- Et l'esprit ?

- Il ne reviendra plus.

 

Nous nous regardons à nouveau, en silence. Puis je souris.

 

- Et ton frère...

- Oublie.

 

Je hausse les épaules.

 

- Je ne l'ai jamais aimé. Foutu sorcier. Est-ce qu'il y a quelqu'un à prévenir ?

 

L'homme va pour parler, puis se reprend. Il hésite. Réfléchit.

J'insiste.

 

- Quelqu'un qui puisse connaître ton histoire. Et puis, on ne sait jamais...

 

Mon regard se porte sur l'Elfe.

L'homme semble prendre une décision.

 

- Il y a un homme. Il est de mon sang.

- Alors je lui raconterai ton histoire. L'histoire de ce qui aurait dû être et qui ne fut pas. L'histoire du plus parfait des Paladins. L'histoire de l'homme qui est mon ami.

 

L'homme ne dit rien. Il regarde le visage de l'Elfe dans ses bras.

Puis il se détourne, et part.

J'entends ses derniers mots, portés par le vent.

 

- Adieu, mon ami...

 

Et il disparaît.

A jamais... ?

 

 

...

 

 

Obscurité sans fin.

Un lieu qui n'existe pas.

 

Deux âmes détruites.

Mon serment.

 

Obscurité sans fin.

 

Je rêve que je m'endors.

Je rêve que je ne me réveille plus.

Je rêve que je ne rêve pas.

Je rêve que...

 

 

...

 

 

Près d'une maison abandonnée, un Nain à la barbe grise frissonne et referme son manteau. Il ne regarde pas le marteau d'acier posé au sol. Abandonné.

Il lève la tête vers le ciel lourd, vers les nuages noirs venant du nord.

Puis soupire.

Et s'en va.

 

Ce n'est pas encore l'hiver.

Mais il arrive.

Il sera rude.

Et long.

Un vent froid sur Lordaeron.

Venu du Norfendre...

 

 

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Créé le 05/02/2010 à 13:21:06 - Pas de modification
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