Edualk
Race: Humain
Classe: Paladin
Niveau: 80
Serveur: Les Clairvoyants
Jeu: World of Warcraft
Etat: Actif
Infos
39 articles
3 commentaires
2 images
Du même auteur
Rejoignez-nous !
Publiez vous aussi les exploits de vos personnages en ouvrant un compte sur rp.azrelia.fr !
Site hors-charte
Choisissez une catégorie
39 messages - Cliquez sur un titre pour afficher la page dans une autre fenêtre

*

Le vieil homme marchait d'un pas ferme, sans tenir compte des passants qui devaient s'écarter de son chemin. Les plus informés, qui l'avaient reconnu, prenaient soin de ne pas le gêner, pour le cas où...
Certes, tout le monde savaient que ce n'étaient qu'un vieil imbécile, mais un vieil imbécile méchant comme une teigne et suffisamment mauvais pour vous faire payer votre simple existence.
La simple vision de son chapeau noir de sorcier, qui cachait ses traits, faisait fuir tout le monde.

Derrière le vieil homme, un jeune officier tentait de ne pas se laisser distancer, moitié marchant, moitié courant pour rester à sa hauteur. Pour un vieillard marchant appuyé sur un bâton, il était étonnamment véloce.

Le vieil homme savait exactement où aller, ce qui étonnait l'officier qui l'avait juste informé et demandé qu'il vienne... Comment savait-il où elle était ?
Mais en même temps, c'était un sorcier, donc...

Le vieil homme tourna dans une ruelle sombre et s'arrêta devant une porte cachée sous une arche, dans l'obscurité.
L'officier, haletant, prit quelques secondes pour reprendre son souffle et sortit une clé de sa poche.

- Les lieux sont restés exactement les mêmes, messire.
- Parce que vous avez eu peur.

La voix était sèche, mauvaise et méprisante. Mais l'officier grimaça intérieurement en songeant qu'il disait vrai.
Il préféra ne pas relever.

- C'est l'état-major qui nous a donné votre nom, messire. Elle n'avait plus de famille, et vous...
- Ouvrez.

L'officier avait déjà mis la clé dans la serrure avant de s'en rendre compte. Une voix de commandement, implacable.
Il tourna la clé, et un claquement sec retentit dans la ruelle tandis qu'il déverrouillait la serrure.

- On l'a trouvée hier soir. C'est une voisine qui s'inquiétait de ne plus la voir, et qui s'est permise d'entrer.

Le vieil homme passa devant l'officier tandis que celui-ci ouvrait la porte, remonta le couloir sombre devant lui et s'arrêta devant une seconde porte dégondée sur laquelle était clouée une feuille manuscrite aux armes de Lordaeron.

- Nous avons mis les scellés, mais la porte est ouverte - on a dû la défoncer pour entrer.

Le vieil homme poussa la porte brisée du bout de son bâton. Elle s'ouvrit en craquant et en gémissant, laissant voir derrière elle un escalier s'enfonçant dans l'obscurité.
L'officier avait sorti un briquet et s'apprêtait à allumer une torche.

- Je vais vous éclairer, messire.

Il leva la tête et n'eut que le temps d'entre-apercevoir le vieil homme descendre avec facilité et rapidité l'escalier pourtant plongé dans le noir et, il en savait quelque chose, truffé de marches traitresses.

[i]Ce vieillard a des yeux de chat ![/i] pensa l'officier en saisissant sa torche et en le suivant, plus lentement.


L'officier arriva sans trop de difficultés au bas de l'escalier, qui donnait dans une salle humide éclairée par un brasier rougeoyant en son centre.
Il grimaça en revoyant les inscriptions sur le sol et les murs, les ustensiles divers éparpillés sur les tables, et surtout...

Dans un des coins de la salle, on avait recouvert quelque chose d'un drap blanc. Le vieil homme se tenait debout devant la forme, ses yeux éclairés par le brasier semblant luire d'une lueur rougeâtre et dangereuse.
L'officier s'approcha doucement de lui.

- Elle était dans cette position, messire.

Le vieil homme brandit à nouveau son bâton, et se servit du bout pour soulever le drap et le rejeter.
L'officier ne put s'empêcher de pâlir et de frissonner.

La jeune femme était jolie. Elle avait le teint frais, à peine rendu pâle par la mort. Elle devait avoir à peine vingt ans, et un léger sourire flottait sur ses lèvres.
Ses lèvres...

L'os de la mâchoire était à nue, la peau arrachée. Le sang avait coulé sur son cou, souillant sa robe. Ses mains avaient encore des morceaux de peau et de sang sous leurs ongles.
Deux trous noirs regardaient vers son giron. Elle n'avait plus d'yeux. Ils gisaient, desséchés, sur une table à côté d'elle.
Arrachés.

Et ce sourire léger, flottant sur ses lèvres, le regard posé sur le paquet qu'elle tenait dans ses bras.

Le vieil homme souleva encore une fois son bâton, et dégagea le tissu enveloppant le paquet. L'officier épongea son front en sueur avec sa manche, tandis que le bâton, délicatement, faisait apparaitre un petit visage momifié.
Celui d'un très jeune enfant.

L'officier déglutit.

- D'après notre expert, l'enfant est mort depuis plus longtemps qu'elle. Peut-être six mois. Il semble avoir fait l'objet de... mesure de conservation.

Le vieil homme n'avait pas bougé, son regard dur posé sur les deux corps. L'officier laissa passer un temps de silence, qu'il se sentit obligé de briser.

- D'après nos informations, vous étiez proche d'elle avant son mariage. Nous avons cherché à retrouver son mari, mais il semble que personne ne l'ai vu depuis son départ en mission, il y a de cela plusieurs semaines...
- Il ne reviendra pas.

L'officier hésita. Ce n'était qu'un vieil imbécile, terré dans un château miteux au coeur des marais. Un sorcier raté. Mais sa voix était... convaincante.

- C'est un bon officier, messire, et une mission de routine...
- Non. Il y a plus derrière toute cette histoire.
- Je...
- N'essayez pas de comprendre. Vous n'avez pas les capacités pour cela.

La voix du vieil homme s'était faite cinglante, tandis qu'un sourire ironique apparaissait sur ses lèvres.
L'officier sentit la colère monter en lui. Pour qui se prenait-il ! Comment osait-il proférer de telles insultes !

- Je ne vous permets pas, messire ! Je...

Le vieil homme tourna la tête vers l'officier qui le défiait du regard, la colère montant en lui. Il sembla évaluer l'officier, son sourire - son damné sourire ! - toujours aux lèvres.

- Il s'agit d'une histoire. Une simple histoire.
- Une histoire ?!
- Elle n'a pas encore commencé. Ce n'est qu'un... prologue. La fin est encore loin. Mais vous n'y assisterez pas.

La voix était ironique. L'officier sentit la colère prendre le dessus, mais il se força à garder son calme. Pas devant ce vieil imbécile !

- Que voulez-vous dire, messire ? Que pouvez-vous savoir de ce qui se passe en ce moment ? Cela fait des années que vous n'avez pas quitté le taudis dans lequel vous vivez. Je sais qui vous êtes, messire.

Le vieil homme garda son sourire.

- Je ne doute pas que vous sachiez [i]qui[/i] je suis. Mais savez-vous [i]ce que[/i] je suis ?
- Je...
- Non. Bien que vous ayez entendu des histoires.
- Vous...
- Tout n'est qu'histoires. La vôtre n'a aucun intérêt. Mais sa fin sera... brutale.

Le sourire du vieil homme se fit soudain triste.

- Ainsi que celle de ce royaume. Vous êtes un homme respectable, et honnête. Avez-vous une famille ? Oui. Une gentille famille.

La voix du vieil homme était implacable. Glaçante.

- Vous la verrez mourir. Vous n'y pourrez rien. Vous, peut-être...

Le vieil homme jaugea l'officier du regard, à nouveau. Celui-ci était tétanisé, comme soumis au regard dur du vieil homme.

- Qui peut dire ce qu'il adviendra ensuite ? Il y a... peut-être, oui... des possibilités ? Mais rares sont ceux qui reviendront.

L'officier ouvrit la bouche pour répondre, puis la referma lentement.
Il disait vrai. C'était impossible, c'était folie, mais il sentait au fond de son âme désormais glacée qu'il disait la vérité.

- ... Pourquoi ?
- Pourquoi ? Parce que c'est ainsi que se déroule cette histoire-là. Le sort de Lordaeron est scellé.
- J'ai trois enfants...
- Considérez que vous n'en avez plus.
- Je...

Le vieil homme leva la main, interrompant l'officier.

- Oubliez.

Il hésita, le regard perdu au loin, la main toujours levée devant le jeune officier silencieux et figé.

- Profitez de votre famille. Pendant qu'il est encore temps. Je... peux faire cela pour vous. Cela, vous ne l'oublierez pas.

Puis il baissa la main, et son regard reprit sa dureté et son mépris habituels.
L'officier hésita un instant, sembla reprendre ses esprits et cligna des yeux. Puis il vit les deux corps et grimaça.

- Je... Oui, nous ne pouvons prévenir son mari. Et...
- Oui.
- Croyez bien que j'aurais préféré ne pas avoir à vous déranger...
- Grand bien me fasse.
- Et bien... Hem. Il y a... un problème.

Le vieil homme fusilla l'officier du regard.

- Ce lieu... Elle a traité avec des forces démoniaques. Elle ne peut... Enfin, vous comprenez que les prêtres...
- Non.
- Quand ils apprendront...
- Ecoutez moi attentivement. Elle sera enterrée comme il convient. Personne n'en saura rien.
- Son âme est damnée.
- Laissez-moi m'occuper de ce qui me regarde. Et occupez-vous des formalités.
- Je...
- C'est un ordre.

L'officier ouvrit la bouche mais fut incapable de répondre. Le regard dur du vieil homme le clouait sur place. Un regard si... convaincant.

- Ce n'est pas bien.
- Vraiment ?

L'officier regarda à nouveau les deux corps enlacés. Le visage de la jeune femme, tourné vers le petit corps desséché et sans vie. La douceur infinie dans ses traits.

- Ce n'est pas bien. De la laisser comme cela.
- Elle sera traitée comme il faut.

Ce n'était pas une question.

- Oui, messire. Vous pouvez compter sur moi. Mais pour les prêtres...
- Cela me regarde.
- Bien. Je pense qu'elle pourra être enterrée d'ici trois jours. D'ici là...
- Laissez moi. Maintenant.

Encore une fois l'officier se surprit à se diriger vers l'escalier sombre avant même de réaliser l'ordre du vieil homme. Sa voix était tellement... implacable !
Mais oui, il avait raison. On ne pouvait vouer cette pauvre femme à être jetée dans une fosse commune.
Cela n'était pas bien.

...

Le vieil homme attendit que les pas lourds de l'officier s'estompent. Puis il fit un geste de la main et au loin, le bruit de la porte se fermant avec force se fit entendre.

Il était seul.

Le vieil homme s'effondra dans un vieux fauteuil, dégageant un nuage de poussière qui le fit tousser et pester pendant quelques minutes.
Puis, ayant repris son souffle, il s'installa correctement dans le fauteuil, joignit ses mains et ferma les yeux. Après quelques secondes de silence, il commença à murmurer dans un langage inconnu de ce monde.

L'obscurité se fit se progressivement, une obscurité lourde et pesante. Puis le brasier au centre de la pièce explosa dans une gerbe de flammes, illuminant d'une lueur inquiétante la sombre silhouette dans le fauteuil.
Le vieil homme fit quelques gestes avec les mains tout en continuant à murmurer. Sur le sol et les murs, les inscriptions rougeoyèrent, semblèrent se tordre et se modifièrent.
Autour du brasier, de nouvelles inscriptions, formant un cercle, apparurent dans un sifflement de pierre en fusion.

Puis le vieil homme se tut, ouvrit les yeux et se leva.
Il vérifia du regard l'état de la pièce, puis sourit, non plus avec son mépris habituel, mais avec certitude et confiance.
Il récupéra son bâton posé contre le fauteuil, et frappa le sol avec, produisant un bruit de tonnerre qui fit trembler la pièce.
Puis il prononça un mot, qui claqua dans le silence.

Le brasier s'affaiblit, mais en restant toujours vif. Puis... "quelque chose" y apparut.
Une vision du passé.

...


La jeune femme était fatiguée, mais elle serra les dents et continua ses préparations. Il ne fallait pas s'arrêter. Pas maintenant !
Elle fit un signe de tête au Diablotin au sourire torve qui se trouvait près d'elle. Celui-ci sautilla jusqu'à une table, y prit une fiole, puis revint en sautillant toujours auprès de la jeune femme.

- Tenez, Maîtresse. Après ça, ce sera presque fini.

La jeune femme continua ses préparations, et lança un regard inquiet au démon.

- Et vous me direz comment finir ? Vous l'avez promis !
- Pas d'inquiétude, Maîtresse. Nous finirons notre affaire, et vous aurez la fin de la formule. Faites-moi confiance.

La jeune femme était trop absorbée par sa préparation et ne vit pas le sourire pervers du Diablotin.

Puis, après quelques longues minutes à mélanger des fioles sous les conseils précis du Diablotin, la jeune femme poussa un soupir de soulagement et marcha en boitillant vers un fauteuil dans lequel elle s'effondra plus qu'elle ne s'assit.

- Votre jambe vous fait encore mal, Maîtresse ?
- La plaie cicatrise mal, malgré votre onguent. Elle me lance.
- Vous auriez dû faire plus attention. Je vous avez prévenue, mais vous n'avez pas voulu écouter.
- Je ne me souviens pas de votre avertissement. Mais... je suis si... fatiguée... Je ne sais plus...

Le Diablotin lui prit la main et la tapota.

- Allons, Maîtresse, c'est bientôt fini.
- Je vais prendre un peu de repos avant...
- NON !

Le Diablotin hésita, mais voyant que la jeune femme n'avait pas relevé, reprit son assurance.

- Non, il ne faut pas interrompre le processus. C'est ce qui rend cette formule si difficile à fabriquer.
- Quelques instants, juste pour fermer les yeux...
- Pensez à votre petit.

La jeune femme ouvrit les yeux brusquement et tourna le regard vers un berceau installé à côté du fauteuil. Elle tendit la main, des larmes dans les yeux, puis secoua la tête et revint vers le Diablotin.

- Oui. Oui ! Je dois terminer. Mon tout petit... Mais maman va te faire revenir. Et tout sera comme avant. Mon tout petit... Mon bébé...
- Maîtresse ? Nous avons notre affaire à terminer.
- Oui. Je sais.

Le Diablotin, tout sourire, claqua des doigts, faisant apparaitre un écritoire, une plume et un parchemin. Il prit la plume et la tendit à la jeune femme.

- Piquez la plume sur votre doigt. Vous devez signer de votre sang.
- Et vous me donnerez la fin de la formule ? Comme promis ?
- Nous avons fait un marché. Votre âme, en échange de la vie de votre enfant.

La jeune femme pencha la tête vers le parchemin en plissant les yeux.

- Qu'est-il écrit ? Mon mari m'a toujours dit de lire avant de signer.
- Pensez à votre enfant. Son âme attend de revenir. Plus vous attendez, plus les risques d'échec augmentent. Signez.
- Des risques d'échec ? Vous avez dit...
- Signez. Il vous appelle.

Le sourire du Diablotin s'était fait insistant, tandis qu'il mettait la plume entre les doigts de la jeune femme.

- Oui. Mon tout petit...

La jeune femme poussa un cri de douleur quand elle se piqua le doigt avec la plume et que le Diablotin la lui enfonça plus profondément.

- Pour que cela fonctionne mieux. Signez.

Puis, grimaçant sous la douleur, pleurant de fatigue et d'espoir, elle signa.

Le Diablotin fit disparaitre prestement l'écritoire, la plume et le parchemin, tandis que la jeune femme s'affalait au fond du fauteuil.

- Bien. Voilà qui est fait. Nous sommes à jour de nos comptes, maintenant.
- La fin de la formule... Vous avez promis.
- La fin de... ? Ah oui ! J'avais failli oublier.

Le Diablotin, tout sourire, claqua à nouveau des doigts et fit apparaitre une fiole à l'aspect louche, contenant un produit de couleur verdâtre peu engageant.

- Voilà. Mélangez le contenu de cette fiole avec l'autre. Puis donnez le résultat à votre enfant. Allez ! Pressez-vous !

La jeune femme se leva en grimaçant, poussant un gémissement de douleur à chaque pas boitillant qu'elle faisait. Mais elle atteignit la table, prit la fiole du Diablotin et celle qu'elle avait préparée, puis mélangea les deux dans une nouvelle fiole.
Le mélange produisit un sifflement inquiétant et une odeur de charogne qui fit glousser le Diablotin. Mais la jeune femme était trop fatiguée pour s'en rendre compte.

Elle prit la fiole, boita jusqu'au berceau et en retira délicatement un petit corps langé.
Elle dégagea avec soin le visage, et resta silencieuse à le regarder, les yeux débordant d'amour et d'espoir.

- Mon tout petit... Mon bébé... Tout va aller, maintenant.

Puis soudain, elle se tourna vers le démon.

- Mais... Son corps... Vous m'avez dit... L'embaumement !

Le Diablotin sourit encore plus.

- N'ayez crainte. Je sais que ce fut terrible pour vous, prendre le corps de votre enfant, lui faire toutes ces choses horribles, pour que le temps ne puisse détruire son enveloppe. L'embaumement était la seule solution. La seule.
- Et la fiole...
- Ne vous en souciez pas. Faites-moi confiance. Donnez-lui la fiole.

Quasi-hypnotisée par la voix du démon, la jeune femme versa le contenu de la fiole dans la bouche du bébé. Une odeur encore plus abominable se dégagea.
La jeune femme, le regard figé sur son enfant, tituba et s'assit par terre, recroquevillée dans un coin de la pièce.

- Mon tout petit... Mon bébé... Mon... Mais... Pourquoi... Il ne se passe rien !

Elle jeta un regard terrifiée au démon qui riait ouvertement maintenant. Dans ses bras, le corps restait sans vie.

- Il... Vous m'avez promis ! Promis !
- Promis ?
- Oui !

Le Diablotin secoua la tête.

- J'avais promis de vous donner de quoi faire revenir votre enfant. mais je crains d'avoir fait une erreur.
- Une erreur !
- Oui. Vous auriez dû y penser. C'était votre enfant, après tout. L'embaumement rend tout ceci inutile.
- C'est... Vous avez promis !
- Aucune garantie. Lisez notre contrat.
- Non ! Vous avez promis !

Le démon sourit de toutes ses dents, et sembla savourer l'instant avant de répondre.

- Qui fait confiance à un démon ?

La jeune femme resta silencieuse, les langes toujours inanimés dans ses bras. Elle ne pleurait plus, ses larmes s'étaient taries.
Puis elle baissa lentement les yeux vers son giron, et serra tendrement l'enfant sans vie, tandis qu'un sourire se dessinait sur ses lèvres.

- Mon tout petit... Regarde. Maman est là. Maintenant, tout va bien aller. Tu es si mignon, mon bébé...

Puis elle fronça les sourcils.

- Non... Tu sembles... Je sais que tu es là. Mais tu... Mes yeux...

Elle leva les yeux vers le Diablotin, soudain mal à l'aise.

- Je vois qu'il est mort. Mais non. Il vit. La formule. Il vit. Mes yeux mentent.

Délicatement, sans la moindre hésitation, elle leva la main et, avec lenteur, sans sembler sentir la douleur, s'arracha les yeux. Le sang coulait, tandis qu'elle posait tranquillement ces yeux qui lui mentaient sur la table à côté d'elle.
Puis elle tourna les deux trous béants vers le corps sans vie de son enfant.

- Voilà. Je sais. Ils ne mentent plus. Ils ne mentent plus. Ils ne mentent plus...

Le Diablotin secoua la tête de dépit, tandis que le jeune femme désormais aveugle répétait sans s'arrêter ces quelques mots. Tout à son obsession, elle commença à se griffer la mâchoire, faisant couler le sang, souillant sa robe.

- Et merde. Elle a viré cinglé. Son âme ne va plus valoir grand-chose maintenant. Ca va pas arranger mes affaires, ça...

Puis il soupira et disparut dans un claquement de doigts.


***

***

La vision s'effaça, laissant la pièce dans la pénombre. Le vieil homme s'était rassis dans le fauteuil, et réfléchissait.
Puis il soupira.

- Mayrie... Pauvre sotte... Qui fait confiance à un démon... Pauvre sotte.. Pourquoi n'es-tu pas venue me voir...

Il lança un regard triste vers les deux corps, et sembla avoir pris une décision.

Prenant une profonde inspiration, le vieil homme se leva et se planta à nouveau devant le brasier entouré du cercle. Il leva son bâton, marmonna quelques paroles obscures puis en frappa le sol.
Le cercle autour du brasier se tortilla, et se modifia sous le regard implacable du vieil homme.

Il vérifia du regard le résultat, puis, un sourire suffisant aux lèvres, leva la main et prononça un seul mot qui claqua dans le silence.

Rien en se passa pendant plusieurs secondes, puis le brasier commença à se tortiller.
Sous les yeux du vieil homme, une forme sombre apparut, d'abord vaporeuse, puis solide.
Visage cruel, regard reflétant toute la perversité de l'univers, corps tordu et obscène, le démon s'inclina, une lueur moqueuse dans les yeux.

- Je suis à vos ordres, puissant seigneur.
- Une âme a été vendue ici. Celle de cette femme.

Le démon jeta un regard méprisant sur le cadavre.

- Peut-être, puissant seigneur. Tant d'âmes passent...
- Ne joue pas avec moi, démon.

Le démon prit un air offensé.

- Jouer ? Avec vous, puissant seigneur ? Je ne fais que vous prévenir qu'il est difficile...
- J'ordonne. Tu obéis. Ou tu en acceptes le prix. Le veux-tu ? Veux-tu... me défier ?

Une lueur de défi passa dans les yeux torves du démon.

- Tout à un prix, puissant seigneur. Celui de l'âme de cette mortelle... sera à la hauteur de son importance pour vous.

Le vieil homme se rapprocha du brasier. Bien que la chaleur soit extrême, il semblait ne rien sentir. Le démon baissa la tête, l'air faussement soumis.

- Voulez-vous que je recherche cette âme ? Il y aura un coût...

Brusquement, la main du vieil homme jaillit, franchit le cercle dans un grésillement d'énergie et agrippa la gorge du démon qui poussa un glapissement de surprise et commença à se tortiller pour se dégager.
Le bras du vieil homme commença à noircir sous la chaleur - celle des Enfers - mais cela ne sembla pas le gêner.
Sa voix se fit sifflante.

- Pas avec moi, démon. Je peux te briser. Obéis. Soumets-toi. Ou sois brisé.

Le démon leva timidement les yeux sur le vieil homme. L'ironie avait laissé la place à la peur.

- Vous... Vous ne respectez pas les règles.
- Non. Je suis ta seule règle.
- Je... J'obéis, puissant seigneur.
- L'âme de cette femme.

Le démon roula les yeux, mais était incapable de résister.

- Elle a été revendue à un démon. Une âme de folle. Peu de valeur... sauf pour vous.
- Je la veux.
- Son prix...
- J'ai déjà payé. Ne me défie pas.

Le démon hésita, puis un sourire apparut lentement sur son visage.

- Oui, vous avez déjà payé. Mais, puissant seigneur... Il y a une autre âme, liée à la sienne.

Le vieil homme resta silencieux, plongé dans ses pensées.

- Combien ?
- Cette âme-là est plongée au plus profond des ténèbres. Une âme innocente, corrompue par sa propre mère. La récupérer sera... compliqué.
- Que veux-tu ?
- Moi ? Rien. Mais je connais celui qui pourra vous la rendre.

Le vieil homme réfléchit. Puis il soupira.

- Je devine le prix.
- Vous êtes perspicace, puissant seigneur.
- Celui réclamé depuis le début. Soit. Envoie-le moi. Je payerai.

Le vieil homme lâcha la gorge du démon qui disparut dans un rire sardonique et une gerbe de flammes.


Secouant son bras qui reprenait lentement ses couleurs, il se rassit dans le fauteuil poussiéreux.

- Vous obtenez ce que vous cherchiez. Pour l'âme de Mayrie. Et de son enfant. J'en accepte le prix.

Puis soudain, il sourit.

- Mais à ma façon. Selon mes règles. Je devine...

Il leva la tête, semblant voir à travers le plafond de pierre, perçant du regard jusqu'à l'air libre, jusqu'à cette cité si magnifique et pourtant, il le savait, condamnée.

- Je devine... Traîtrise. Mort. Chaos. Pas tout de suite, mais... c'est inéluctable. Une nouvelle histoire. Mais... sans moi, cette fois-ci.

Le vieil homme baissa la tête, plongeant dans ses pensées.

- Il y a... autre chose. Je le connais. Je [i]la[/i] connais. [i]Elle[/i] arrive... Le sang. Sans limite.

Le vieil homme, lentement, se mit à sourire.

- Je te devine, je te sens, guettant l'instant propice. Ce sera sans moi. Mais... [i]lui[/i]. [i]Il[/i] sera là.

Le vieil homme plongea son regard dans le brasier maintenant faible.

- Un long repos... Mais pas une fin. Tout n'est qu'histoires. Il y en aura de nouvelles.

Le vieil homme sourit à nouveau.

- Celle-ci sera... amusante.

Il se renfrogna.

- Et baignée de sang. Mais soit ! Après tout, toutes les histoires ont une fin. Y compris la mienne.

Le vieil homme se leva en grimaçant, et fit quelques pas dans la pièce plongée dans la pénombre, jusqu'au corps sans vie. Il se baissa et, délicatement, posa sa main sur la joue de la jeune femme, en souriant tristement.

- Tu ne mérites pas cela, mon enfant. Je ferai ce qu'il faut. Et j'en payerai le prix. Mais [i]mon[/i] prix. A [i]mes[/i] conditions. Ainsi que je l'ai toujours fait.

Il leva à nouveau les yeux vers le plafond.

- Il fera bientôt froid. L'hiver va venir... et il n'aura pas de fin.


Dehors, au-dessus de la pièce souterraine, dans un palais de lumière et de vie, un enfant jouait. Et dans les yeux du prince de Lordaeron, luisait une lueur de glace...


***

Poster un commentaire - Commentaires (0)
Créé le 25/11/2009 à 16:39:23 - Modifié le 02/02/2010 à 18:54:22


Devant mes yeux s'étendent les neiges blanches du Norfendre. Les restes des dragons, dont ce lieu est le cimetière.

Devant mes yeux... Que fais-je ici ?
Cette vie... J'ai eu tant de vie...


Ma première vie a sombré dans les limbes de l'oubli. Il me reste quelques filaments de souvenirs. Il n'y avait rien à en dire.
Elle s'est terminée par mes mains sur sa gorge, serrant, serrant, avec force, jusqu'à ce qu'elle ne bouge plus.
J'ai oublié son nom, j'ai oublié la raison qui m'a conduit à la tuer. Peut-être la désirais-je. Peut-être pour l'argent. J'ai oublié. Elle n'avait pas d'importance, sauf qu'elle mit fin à cette vie.

La fuite.

...

Ma seconde vie fut dans une forêt. Je maniais la hache, je coupais des arbres. Là encore, il n'y avait rien à en dire.

Il y eut encore une femme.
Je n'ai pas souvenir qu'elle m'ait jamais souri. Ni de notre union.
Etions-nous amoureux ? Etions-nous heureux ? Je ne sais plus. Elle n'avait pas d'importance. Je crois... que nous étions bien.
Je me souviens de l'enfant. Etait-ce un garçon, ou une fille ? Je crois que j'étais fier, donc ce devait être un garçon. Une fille est moins utile, dans une ferme, au milieu des bois.
Je me souviens des bois, du bruit de ma hache sur les arbres : Tchac !
Elle me dit au revoir - ça, je m'en souviens, et l'enfant dans ses bras.
Je suis revenu, fatigué, ma hache sur l'épaule. Il y eut un Tchac ! sonore quand je l'ai frappée en pleine tête avec cette hache.
Elle n'étais plus ma compagne. Des yeux de folie, une odeur de charogne, la bave, le cri de rage et de faim. Elle m'a attaqué, je l'ai tuée.
La puanteur horrible... On l'a appelé "Fléau", et cette peste l'a frappée. Ma hache a mis fin à son existence.
L'enfant... Je me souviens du désordre dans la maison, tout ravagé.
Je crois qu'elle l'a dévoré. Je sais que les goules ont toujours faim.
Je ne me souviens pas avoir pleuré. Ils n'avaient pas d'importance.
Cela a clos cette seconde vie.

J'ai marché, je ne sais plus combien de temps.

...

Encore l'errance. Ma troisième vie a commencé dans un camp. L'odeur de viande grillée, je m'en souviens. Le bruit du métal, les hennissements des chevaux, les ordres des chefs.
Des soldats. Je n'oublierai jamais leur nom : la Croisade Ecarlate. Je porte encore leur tabard
J'ai bâti des camps avec ma hache. J'ai tué des abominations avec ma hache.
J'ai vu mes camarades mourir, déchirés, dévorés, et se retourner contre moi.
Je m'en souviens, distinctement, et des prières, des serments. La Lumière.
Je ne l'ai jamais vue. Je me souviens des prières. Des combats. Des camarades tombés. Ils n'avaient pas d'importance.
Il y a la douleur, quand la lame de l'épée a transpercé ma poitrine, je tombe à genoux, le sang dans ma bouche, les rires de ces choses qui ont pris le contrôle des ruines de la vieille cité.
Je meurs, et cela n'a pas d'importance.

Tout sombre dans le néant.

...

Ma quatrième vie. Encore les rires, quand je renais. Ils se nomment Réprouvés, et dorénavant, parce qu'ils l'ont voulu, parce que cela est amusant, je suis l'un des leurs.
Mon corps est tordu, ma chair tombe en morceaux, je ne ressens rien.
Ils m'ont laissé ma hache. Ils m'ont laissé mon tabard, portant la marque de cette Croisade qu'ils exècrent. Cela les fait rire. Ils n'ont pas d'importance.
Je sais manier ma hache, et je tue. Le Tchac ! sec et régulier quand je frappe. Il y a des cris - je crois. Je reconnais leurs visages, ils étaient mes camarades, je les tue. Cela n'a pas d'importance.
Les flèches qui me transpercent ne sont rien. Je ne ressens rien. Je tombe à genoux, et je meurs, encore une fois.

Le néant, encore.

...

La douleur, effroyable. Elle est importante. Elle me détruit. Elle me déchire. Je ne peux rien faire.
Puis il y a la voix. Elle murmure à mon âme. Elle tient la douleur en laisse. Elle m'offre une éternité de servitude en échange d'une nouvelle vie.
Ma cinquième vie. Que cesse la douleur, en échange d'un serment prêté à genoux. Cela n'a pas d'importance.
Une voix de métal. Le froid, qui jamais ne cesse. Une armure de terreur, pour servir un maître.
Je suis Chevalier de la Mort. Je tue pour mon Maître, le Roi-Liche. Cela, je le sais, je m'en souviens. Le sang, les hurlements, et la voix, toujours, qui chuchote à mon âme et me promet l'éternité.
Et la voix cesse de me parler. Je vois celui qui dit être notre chef être vaincu par cette Lumière auquel je n'ai jamais cru. Il se met à genoux.
Et la voix se tait, vaincue, chassée.
Je suis libre.
Je ne suis rien.

On m'envoie auprès d'un Orc, jeune, imposant. Il émane de lui de la noblesse et de la sagesse. Je pourrais le frapper, cela n'aurait aucune importance.
Rien n'a d'importance.
Je suis libre.
Ce mot n'a pas de sens pour moi.

...

Ma sixième vie commence - mais est-ce une vie ? J'erre, ma hache à la main. Mes pas me portent vers un nouveau monde, disloqué, ravagé, que l'on nomme Outreterre.
Rien n'a d'importance. On me propose des tâches, je les effectue, pourquoi pas ?
La Péninsule des Flammes Infernales. Mon regard n'y voit rien.
Nagrand. Les vrombissements des insectes, leurs piqures sur ma peau moisie. Je ne ressens rien.
Les Tranchantes. Encore un nom, vide de sens.
Raz-de-Néant, et les Gobelins. Ils n'ont pas d'importance.
Je suis libre.
Je ne suis rien.

Et j'entends parler du Norfendre. Une terre gelée, où les Héros de nos mondes y affrontent le Fléau et son maître, le Roi-Liche.
Le Fléau. Je le connais.
Le Roi-Liche. Sa voix n'est plus là, mon âme est vide.
J'ai regardé mes mains desséchées, et la hache qu'elles portent. J'ai réfléchi, pour la première fois de toutes ces vies si vaines.
Mes mains sur sa gorge. Le bruit de ma hache sur son crâne. L'épée qui me transperce. Les flèches qui me tuent, encore. La voix qui disparait. Le vide, le néant, l'absolue inutilité de mon existence.

...

Ma septième vie commence ici, sur ce continent glacé. Je porte ce tabard usé aux armes de la Croisade Ecarlate. J'ai une hache, lourde, affutée. Une armure solide.
Le Fléau.
Ce qu'il m'a pris n'a pas d'importance.
Ce que je lui prendrais en aura.


J'ai oublié mon nom. Je n'ai pas souvenir d'en avoir eu, un jour.
Je me nomme moi-même Rèdemption. Un Elfe que j'ai croisé a souri et m'a surnommé Red. Il trouve cela amusant, pour quelqu'un qui porte les armes de la Croisade Ecarlate. Je ne comprends pas pourquoi.
Il est amusant. Peut-être même... important.
Important...


Je crois que ma septième vie sera intéressante.
Et je commence à croire, au fin fonds de mon coeur sans âme, qu'elle aura, peut-être, oui... de l'importance...

 

Poster un commentaire - Commentaires (0)
Créé le 05/02/2010 à 13:15:17 - Pas de modification

 

Pourquoi suis-je ici ? Je n'aime pas la forêt. Trop d'espace, trop d'endroits où aller, à surveiller.
Trop d'ennemis qui rôdent.
Peu à voler.

Je suis un voleur.
Je m'introduis dans vos maisons, la nuit, sans vous réveiller.
Je fouille vos poches, sans que vous ne me remarquiez.
Je vous fait croire que ce qui n'existe pas est vrai.
Car je suis un voleur.

Je n'aime pas la forêt. Je devrais être dans la cité, celle que je vois là-bas, au loin. Mais je suis ici, en Elwynn, car c'est le seul endroit pour le moment où je peux apprendre.

Etrange, non ? Qu'un voleur soit obligé de trainer au beau milieu d'une forêt pour progresser ? Mais ce monde est ainsi fait. J'accomplis les tâches que l'on m'assigne.
Pour l'expérience.
Pour l'or.
Pour le butin.
Car je suis un voleur.

Je vois aussi des maisons, un peu plus loin. Sans intérêt.
Elles ne recélent aucune richesse. Rien à dérober.
Seulement quelques habitants peu loquaces, et bien sûr, les enfants.
Je ne les aime pas.
Ils me font peur.
Comme un goût de ténèbres au milieu de l'innocence.

Alors je reste dans la forêt, à chercher mes victimes - mes proies.
Pour l'expérience.
Pour l'or.
Pour le butin.
Car je suis un voleur, errant au milieu de la forêt d'Elwynn.


Le temps passe. Je continue à errer, à chercher, à progresser.
A m'enrichir - un peu. Que de choses étranges on trouve dans l'estomac de certains animaux !
Mais je m'y habitue. Car ce monde est ainsi fait.

J'apprends à me fondre dans l'obscurité.
A me cacher de mes ennemis.
A utiliser mes dagues, sur leur gorges découvertes.
Car je suis un voleur.

C'est alors que je le vois.
Il est seul.
Lui aussi s'est fondu dans l'obscurité.
Lui aussi se cache.
Car lui aussi est un voleur.

Mais il n'est pas comme moi. Il n'appartient pas à mon monde.
Pour moi, je le sais, il n'est qu'une proie.
Il n'est là que pour me permettre de progresser.
D'avoir du butin.
D'avoir de l'or.

Je sais aussi que, si je le tue, il reviendra. Encore, et toujours.
Car ce monde est ainsi fait.

Je sors mes dagues. Inutile de me cacher, je suis plus fort que lui.
Il m'a vu. A-t-il souri ? Difficile à dire.
Ils sont tous pareils à mes yeux. Les mêmes tics. Les même façons d'agir, de se battre.
De mourir.
Nous sommes des voleurs, tous les deux.
Mais nous n'appartenons pas au même monde.

Je l'attaque. Il esquive.
Mais je suis plus fort que lui. Plus rapide. Plus expérimenté.
Cette forêt dans laquelle j'erre depuis tant de temps m'a beaucoup appris.
J'ai tué beaucoup de ses semblables.
Et je suis plus fort que lui.

Je l'achève d'un geste élégant. Il tombe à terre, la gorge tranchée, dans un dernier rictus d'agonie.
Devrais-je avoir des scrupules d'avoir tué un homme ? Non. Car ce monde est ainsi fait.
Et je sais, car cela fait maintenant longtemps que j'erre dans cette forêt, qu'il reviendra. Encore, et toujours.
Pour m'apporter de l'expérience.
Du butin.
De l'or.
Car je suis un voleur.

Le loup me déchire le mollet d'un coup de croc vif et douloureux. Je plie de douleur - j'ai mal ! Comment est-ce possible ?
Son grognement me fait tourner la tête, alors que j'essaie d'esquiver son attaque.
Mais il est plus fort que moi.
Je n'ai pas encore récupéré de mon combat précédent.
Je vais mourir.

Il frappe encore, d'un coup de gueule qui fait tomber au sol. Je vois, sans comprendre, le sang - mon sang - couler de mes blessures. Et l'obscurité tombe tandis que je m'enfonce dans la nuit.

Je vois le visage ricanant qui se penche sur moi, et je sens ses mains qui me fouillent.

Mais je n'ai pas peur.
Je sais que je vais revenir.
Car ce monde est ainsi fait.
Car je suis un voleur.

Car je suis, pour l'éternité, un Défias, errant à jamais dans la forêt d'Elwynn...

Poster un commentaire - Commentaires (1)
Créé le 05/02/2010 à 13:18:41 - Pas de modification

*

 

- Salut l'ami ! Rare de trouver du monde par ici !

 

L'homme ne répond pas.

 

- Il faut reconnaître, on a vu plus hospitalier comme région...

 

L'homme reste muet. A se demander s'il m'a entendu.

C'est bien ma veine, ça ! Le seul type que je rencontre en près d'un mois, et il est aussi bavard que mon vieux bélier !

 

Je grimpe péniblement la petite butte sur laquelle l'homme se trouve, accroupi. J'essaie d'en profiter pour voir à quoi il ressemble, mais le manteau informe qu'il porte cache sa silhouette, et son capuchon ne laisse qu'entrapercevoir ses traits.

 

C'est un homme, aucun doute. Mais difficile d'en dire plus. Ses traits sont anonymes, mais incontestablement fatigués.

Fatigués... ou autre chose. Mais je devine que la vie n'a pas dû être tendre avec lui.

 

J'arrive jusqu'à lui, et je prends quelques instants pour reprendre mon souffle. La grimpette n'est décidemment pas une affaire de Nains !

Devant nous, il n'y a que le gris sinistre qui est la marque de la Gorge des Vents Brûlants. Une région désolée, hostile. Un bon endroit pour être tranquille.

 

Comme l'homme ne semble pas vouloir s'en aller, je sors ma bonne vieille pipe de mon sac. L'homme n'a toujours pas réagi à ma présence, mais cela ne me fait pas oublier les bonnes manières.

Je tends ma blague à tabac à l'homme, qui continue à m'ignorer.

Tant pis.

 

- Du tabac des côteaux de Grim Batol... Une bonne année, en plus. Un vieux souvenir, mais les feuilles se conservent toujours bien.

 

Je tire une bouffée de ma pipe, savourant le goût à la fois âcre et doux du tabac.

 

- Il paraît que c'est une sale habitude, de fumer. Que ça ferait mourir à petit feu. Moi, j'ai toujours dit que mourir à petit feu, c'est la définition même de la vie ! Et puis, on est pas pressé !

 

Je laisse passer un moment de silence, tirant sur ma pipe, regardant le paysage. Je devine devant moi la silhouette sinistre de Rochenoire, enveloppée dans les brumes nauséabondes de soufre.

Je montre d'un bref signe de tête le mont maudit.

 

- Rochenoire. Sale endroit. Sale histoire. Le genre d'endroit à éviter.

 

Je jette un autre coup d'oeil sur l'homme, qui n'a toujours pas bougé.

 

- Tu n'es décidemment pas bavard, l'ami. C'est ton droit. Moi, c'est plutôt le contraire ! Etonnant, non ?

 

J'éclate de rire. Ce bon vieux rire solide de Nain, ce genre de rire qui permet de briser la glace et attire la sympathie.

 

L'homme a-t-il souri ? J'en doute, il ne semble pas avoir une tête à sourire. Mais il réagit enfin - ou alors, il s'est lassé.

Il baisse la tête, puis se relève, sans un bruit.

 

Maintenant qu'il est debout, je peux voir qu'il est d'une bonne prestance. Manifestement costaud. Il se tient droit, et pourtant, il émane de lui comme une... une... une lassitude ?

Non, c'est autre chose.

 

Je tends la main vers lui, sourire aux lèvres.

 

- Je m'appelle Gloïn Marteau-d'Acier. Une vieille tradition familiale, le marteau. Et toi ? Je veux dire, ton nom ! Pas le marteau !

 

Je ris à nouveau, la main toujours tendue.

L'homme ne réponds toujours pas, mais cette fois-ci il me regarde. Nos regards se croisent, un bref instant, et je sens soudain mon enthousiasme disparaître.

Il détourne son regard, sans m'avoir serré la main, et descend de la butte.

 

Je baisse la main lentement, ma pipe toujours à la bouche.

Ce regard...

 

A Forgefer, on m'a surnommé le Vieux Nain. Il est vrai que je ne suis plus tout jeune, quoique toujours vaillant. Mais j'ai surtout de l'expérience. L'expérience de la vie, qui m'a donné beaucoup et m'a pris tout autant. L'expérience du vaste monde, que j'ai arpenté en long, en large et en travers.

 

J'ai vu beaucoup de choses. Joyeuses, qui meublent mes souvenirs les jours de cafard. Tristes, qui me font verser une larme. Et d'autres, oui, d'autres si terribles que leur seul souvenir me fait frissonner de peur...

Et m'a conduit à reprendre la route.

 

Le regard de cet homme... Je n'en ai jamais vu de pareil. Comme un vide abyssal, que rien ne peut combler. Et autour... quelque chose. Quelque chose qui, instinctivement, me terrifie.

Il a dû en voir de dures.

 

Je me secoue en pestant contre moi-même. Allons ! Ne te laisse pas impressionner ! Un Nain ne va pas trembler devant un simple humain !

 

Je le cherche à nouveau du regard. Il s'éloigne, à pied, vers le nord. Etrangement, aucune des créatures qui peuplent cette région et qui, d'ordinaire, attaquent à vue, ne semblent le remarquer.

 

Je cours pour ne pas me laisser distancer.

 

- Allons, l'ami ! Tu pourrais m'attendre ! Et tu vas où, sans indiscrétion ?

 

Toujours le même silence. Mais il ne fait aucun geste pour me chasser. Je ne suis pas sûr que l'homme m'ignore. Donc...

 

- Ca ne t'ennuie pas si je fais un brin de route avec toi ? Non ? Excellent ! Tu verras, je suis un bon compagnon ! Et si tu ne parles pas, je parlerai pour deux. J'ai l'habitude !

 

J'éclate à nouveau de rire, mon bon vieux rire de Nain.

A-t-il souri ? Impossible à dire, il me tourne le dos et sa capuche cache son visage. Mais imperceptiblement, il a ralenti le pas. Je crois sentir, vaguement, comme une acceptation de ma présence.

 

Drôle de compagnon pour un drôle de voyage. Mais pourquoi pas ? Pour un tout dernier voyage...

 

 

...

 

 

Si l'homme a décidé de mettre mon endurance à rude épreuve, il s'y prend mal. Cela fait trois jours et trois nuits que nous marchons sans nous arrêter pour dormir.

Il mange à peine, des rations à l'aspect peu engageant, et boit peu, uniquement de l'eau des rivières. Je lui propose régulièrement de partager ma nourriture et ma gourde, mais il ne répond pas.

Oui, il s'y prend mal s'il veut se débarrasser de moi. Les Nains sont endurants, peu doués pour la vitesse certes, mais capables de rester debout pendant des jours.

Surtout quand on a un but, comme moi.

 

Il marche, calmement, tranquillement, sans s'arrêter.

De temps en temps, il regarde autour de lui. Je comprends assez vite qu'il semble avoir un but. Qu'il cherche quelque chose. Ou quelqu'un ?

Plusieurs fois je l'interroge, jamais il ne répond. Mais il ne me chasse pas.

Et sa route est celle que je veux suivre. Celle qui doit me mener à...

 

 

Le quatrième jour, il s'arrête enfin. Je surprends un bref regard de sa part, toujours avec la même absence d'expression.

Il pose son sac, et observe autour de lui.

Pour ma part, je profite de l'occasion.

 

- On s'arrête un moment ? Histoire de savoir si je fais du feu.

 

Toujours le silence. Soit, je ramasse du bois mort et sors mon briquet pour faire une bonne flambée. Les Hautes Terres d'Arathi sont fraiches la nuit en cette saison.

 

 

Nous avons abattu de la route depuis la Gorge. L'homme m'a d'ailleurs surpris en se dirigeant d'emblée vers le Passage de Formepierre au lieu de se diriger vers les Terres Ingrates, le chemin habituel pour qui dirige ses pas vers le nord.

Formepierre est un passage entre la Gorge et le Lac Modan, fermé depuis longtemps maintenant.

 

Arrivé devant la lourde grille barrant le tunnel, l'homme a sorti une clef et l'a introduite dans la serrure.

Un claquement sonore, et la grille s'est ouverte.

Intéressant, de la part d'un humain, alors que les Nains ont condamné le tunnel pour éviter les invasions, il y a déjà longtemps.

 

L'homme a passée le seuil et pénêtré dans le tunnel. Puis s'est arrêté.

Je l'ai suivi après un temps d'hésitation. Ce n'est qu'une fois dans le tunnel que l'homme s'est retourné et, toujours aussi silencieux, a refermé la grille et l'a verrouillée à nouveau dans un claquement sec.

 

J'ai su à ce moment que mon étrange compagnon m'avait accepté - à sa façon.

 

Nous avons cheminé dans le tunnel sombre. Aucune lumière, et un silence pesant. Même moi j'ai tenu ma langue.

Je n'ai aucun problème à voir dans l'obscurité, comme tous les Nains, surtout dans une de nos constructions.

Et l'homme non plus n'a pas semblé être gêné par l'obscurité. Mais j'ai assez vite compris que mon taciturne compagnon n'était pas un individu ordinaire.

 

Nous avons ensuite contourné le Lac Modan jusqu'au passage vers les Paluns.

J'ai sorti mon marteau, celui qui me donne mon nom, celui de mes ancêtres, en arrivant aux tunnels. Tout le monde sait que des Orcs tiennent le passage, et je doutais qu'ils nous laissent passer sans faire de difficultés.

 

Je me suis trompé.

Nous sommes passés en plein jour, mais pas âme qui vive. Je pouvais voir leur forteresse un peu plus loin, mais j'avoue ne pas avoir vérifié si elle était toujours aux mains des peaux-vertes.

Etait-ce un autre des "talents" de mon compagnon ? J'y ai pensé, mais comment être sûr ? Les Orcs sont moins stupides ou barbares que beaucoup ne le croient. Ils ont de l'instinct, plus que nous autres, habitués aux villes et à la sécurité. Peut-être ont-ils senti... ?

 

Les Paluns sont un marécage putride. L'homme se dirigeait toujours vers le nord, vers le Viaduc de Thandol qui fait, à juste titre, la fierté des Nains.

Et toujours, le même mutisme. Et toujours, malgré la faune locale agressive, la tranquillité.

Aucune attaque.

Tant mieux. J'économise mes forces. J'en aurais besoin si je trouve, comme je l'espère et le crains, ce que je cherche.

 

 

La nuit est tombée sur les Hautes Terres d'Arathi, et mon étrange compagnon a fini par s'asseoir devant le feu. Je sors ma pipe, lui propose encore du tabac, sans réponse toujours.

 

Son regard semble se perdre dans les flammes crépitantes. Je frissonne - la nuit est fraiche, mais est-ce seulement la nuit ?

 

Je ne me sens pas d'humeur à faire la conversation. Cette nuit est particulière pour moi. Une nuit de tristesse et de douleur. En tirant doucement sur ma pipe, je me souviens de ce que j'ai perdu lors d'une nuit semblable, il y a des années de cela.

Cela fait longtemps maintenant, mais la douleur est toujours présente.

 

Plongé dans mes pensées, je me remémore les joies et les peines. Surtout les joies, mais elles me rendent mélancolique.

 

Je porte le nom de Marteau-d'Acier, comme mon père avant moi, et le père de mon père, et ce jusqu'à mon ancêtre qui, le premier, forgea l'arme que nous portons depuis dans notre famille de génération en génération.

Je suis le dernier des Marteau-d'Acier, et à ma mort, mon nom s'éteindra.

Depuis cette funeste nuit où j'ai perdu ma seule richesse en ce monde.

Mon fils.

 

Une branche éclate dans le feu et me fait sursauter. Je lève les yeux et croise le regard de l'homme qui est assis en tailleur de l'autre côté.

Et qui me regarde.

 

Je n'ai pas le temps d'éviter de croiser son regard. Je me rappelle de la fois précédente, de ce que j'ai ressenti, et je sers les dents.

Mais pas cette fois-ci. Il ne m'en montre pas assez pour que cela me fasse mal.

 

Je comprends, alors que nos regards se parlent, que l'homme a lui aussi connu une douleur comme la mienne. Et qu'elle l'habite toujours.

Je la sens, plus terrible, plus exigeante que je ne l'aurais cru possible chez un simple mortel.

Et un vide que rien ne peut combler.

 

Comment peut-on vivre ainsi ? Comment peut-on continuer à respirer, à marcher, alors qu'à l'intérieur, votre âme n'est qu'un champs de ruines et de douleur ?

 

Je suçote le bout de ma pipe, tout en continuant à regarder l'homme. Mais différemment cette fois-ci. Plus sérieusement.

 

- Qui es-tu donc, l'ami ? Quelle est ton histoire ? Tu dois bien en avoir une. Et un nom ?

 

L'homme ne répond pas. Il baisse les yeux, reprenant sa contemplation du feu qui crépite et qui pourtant ne me réchauffe plus guère maintenant.

 

- Tout le monde a un nom. Tout le monde a un passé. Même douloureux.

 

Il ne répond pas.

 

Je soupire et reprends ma pipe. L'homme continue de rester silencieux. La nuit passe ainsi.

 

 

...

 

 

L'aube se lève, et nous reprenons notre voyage. Nous traversons l'Arathi, et passons le Mur de Thobardin pour entrer en Hautebrande.

Je ne connais toujours pas sa destination. Mais je connais la mienne. Et je me prends à espérer, confusément, que ce soit la même que lui.

Pour ne pas affronter ce que je cherche seul.

Pour ne pas mourir seul...

 

En tout cas, son pas est plus ferme, plus déterminé.

Oui. Il cherche quelque chose.

 

L'atmosphère a changé. Plus lourde.

Je commence à à avoir peur.

 

 

Nous réagissons tous les deux en même temps juste avant que cela ne se produise.

Un cri. Ou plutôt un vagissement d'enfant.

Il déchire le calme et poignarde mon coeur.

Ce n'est pas le cri ordinaire d'un enfant. J'y sens une peur, une douleur. Atroce.

 

L'homme a réagi aussi. Il m'ignore, mais après une brève hésitation se dirige vers la source du cri. Je le suis, mon marteau à la main.

Je sens la peur m'envahir. Je connais ce cri. Je sais ce que nous allons trouver.

Ce que je suis venu chercher.

 

L'homme a pressé le pas. Nous distinguons une ferme devant nous. Aucune fumée. Pas d'odeur de feu, ou pire.

 

Le cri n'a pas cessé.

 

Un bruit sifflant. Une araignée géante.

Je me précipite vers le bruit, la peur au ventre, le marteau levé. Je vois l'araignée, et la source du cri, mais je l'ignore pour le moment - je DOIS l'ignorer.

Mon marteau frappe la bête avec force et violence. Elle essaie de me toucher, mais j'esquive et frappe, encore et encore.

 

Ne pas regarder la source du cri. Pas encore.

 

Je m'arrête, alors que l'araignée se recroqueville sur elle-même au milieu de son sang. Je baisse mon arme, reprends mon souffle et, le ventre noué, me tourne enfin vers la source du cri d'enfant qui n'a pas cessé.

L'homme est déjà à côté. Il s'agenouille.

 

C'est un enfant, encore un bébé. Il est assis dans l'herbe, et crie, ne cessant que pour reprendre un semblant de souffle pour crier encore, et encore.

Le sang.

Ne regarde pas.

Le sang.

Pas encore.

Le sang.

 

L'odeur âcre et poisseuse domine tout. J'ai essayé de l'ignorer, mais c'est impossible.

Je regarde le visage de l'enfant.

Couvert de sang.

Le sang.

Ruisselant de deux trous noirs.

Le sang.

Là où auraient dû se trouver ses yeux.

Le sang.

 

L'enfant a les yeux crevés. Le sang continue à couler.

Le sang.

C'est ce qui a attiré l'araignée.

Le sang.

Tout autour de l'enfant, encore du sang.

Le sang.

Le sang.

Le s...

 

- Il suffit.

 

Je hoquette, grimace de douleur, et tombe à genou.

Je vomis, une bile acide qui me brûle la bouche. Et me fait reprendre conscience.

Je lève la tête vers l'homme.

 

Ces deux mots sont de lui. Ils ont résonné dans mon âme comme un coup de tonnerre, brisant le délire dans lequel je m'enfonçais.

Chassant l'odeur du sang, omniprésente, envahissante, exigeante.

 

Je me relève, les jambes tremblantes. Je sens encore cette obsession, oppressante, exigeante, qui a manqué de me briser.

Le sang, celui de l'enfant, et aussi...

 

Mon regard se tourne vers la ferme. Je ne devrais pas le sentir, pas à une telle distance, mais l'odeur âcre sature l'atmosphère.

J'y devine des morts, j'y devine des corps mutilés.

Et du sang partout.

Omniprésent.

Exigeant.

 

J'ai trouvé ce que je suis venu chercher.

C'est encore pire que je ne le craignais.

 

Le cri de l'enfant cesse, doucement. Je me retourne et voit l'homme prendre délicatement l'enfant dans ses bras.

J'esquisse un geste, car l'enfant ne supportera pas ce contact qui m'a fait si mal. Mais l'enfant semble s'apaiser. Je sens, instinctivement, la peur et la douleur le quitter, et passer dans l'homme.

 

Comment un homme peut-il prendre sur lui une telle atrocité ? Une douleur si terrible qu'elle en est palpable ? Mais lui le fait, et je commence à comprendre ce que l'homme a dû être, autrefois.

 

L'enfant cesse de pleurer, ses traits se détendent, il s'abandonne dans les bras de l'homme qui pose sa main sur sa tête.

 

Je sens la Lumière autant que je la vois. Elle a jailli de la main de l'homme, passant en l'enfant. Je sens la paix m'envahir, et surtout, je sens l'âme de l'enfant, pourtant si terriblement meurtrie, quasiment détruite, se restaurer, retrouver la paix.

 

Je suis sans voix. Un Paladin. Mon étrange compagnon est - était ? - un Paladin. Et cette force n'est pas celle d'un simple serviteur de la Lumière.

J'ai connu Uther Porteur de Lumière. Cet homme-là est plus grand que lui.

Ou était.

 

Il me regarde, le visage toujours aussi inexpressif. Puis me tend l'enfant que je prends, délicatement.

 

Ses traits sont apaisés. Son visage est sans blessure. Il dort, la respiration tranquille, sa tête sur mon épaule couverte d'acier.

 

L'homme et moi-même échangeons un nouveau regard, puis nous tournons ensemble vers la ferme. Je pense un instant saisir mon arme, mais j'abandonne l'idée. Il n'y a plus de danger là-bas. En tout cas physiquement.

 

 

La ferme est tranquille. Trop tranquille. Aucun bruit. Pas même le chant des oiseaux. Ce qui a frappé ce lieu est pire que la mort.

Je le sais.

Je l'ai déjà affronté.

Mais pas à ce point.

 

Je me dirige d'abord vers l'étable, vérifiant que l'enfant dans mes bras dort toujours. Je sens, en approchant, l'atmosphère devenir de plus en plus lourde, oppressante.

 

Ce ne sont que des animaux, la scène ressemble à celle que l'on voit dans n'importe quel abattoir, mais elle est affreuse, abominable.

L'étable est remplie d'animaux morts.

Je constate deux choses, avec un détachement qui me surprend moi-même.

D'abord, l'absence de mouches. Les corps sont là depuis plusieurs heures, et pourtant la vermine est absente.

L'autre chose me frappe immédiatement, car je sens sa présence, obsédante, exigeante, et pourtant elle n'est pas là.

Le sang.

Aucune trace de sang, ni dans l'étable, ni sur les corps, exsangues.

Et toujours, cette odeur, cette présence du sang, cette présence qui a failli me rendre fou plus tôt.

 

Je cherche alors du regard l'homme. Il se tient à l'entrée de l'habitation. Je le rejoins en pressant le pas.

Chaque pas que je fais vers le bâtiment nécessite de plus en plus de volonté de ma part pour ne pas m'effondrer. Quand je rejoins l'homme, j'ai l'impression de nager dans une mer de sang, poisseux, âcre, chaud.

Obsédante.

 

L'homme pénétre dans la bâtisse.

Je le suis, l'enfant toujours dans les bras. Il remue alors, lâche un gémissement qui déchire mon coeur.

 

L'homme pose la main sur sa tête, et je sens le petit corps se détendre, s'apaiser.

Il y a en cet homme une force si formidable...

Sa présence, à mes côtés, est à la fois anodine et réelle. Sans lui, je sais que j'aurais sombré depuis longtemps, tellement l'atmosphère est chargée de douleur, de terreur, et surtout, surtout... de sang.

Le sang.

Il couvre les murs de la pièce.

Le sang.

Il colle à mes bottes.

Le sang.

Son odeur m'emplit la bouche.

Le sang.

Le sang.

Le...

 

- Non.

 

L'homme a encore parlé, et ce mot brise à nouveau cette folie qui manque de m'envahir.

 

Je me retiens de prendre une profonde inspiration et je serre les dents tout en passant en revue l'amas de corps sans vie.

Les traits et les corps figés dans la douleur et la peur.

Et surtout, surtout, malgré son odeur entétante, malgré l'impression de nager dedans... l'absence de toute trace de sang. J'ai cru marcher dedans, je sens son odeur, je le vois sur les murs, je sais qu'il est là, partout, et pourtant, pas une trace.

 

L'homme marche au milieu des corps, de son pas calme, en évitant de poser le pied sur eux. Je me demande comment il arrive à se déplacer dans cette atmosphère si poisseuse et oppressante.

Il marche au milieu des corps, puis se retourne. Je regarde son visage, et vois qu'il a changé.

 

Son visage inexpressif s'est durci. Je sens une colère, dure, sèche, sans pitié, émaner de lui. Une colère pourtant contenue, domptée.

Je la sens, et vois aussi sur son visage quelque chose de nouveau, en plus de cette colère.

Une détermination.

Je comprends que l'homme a trouvé ce qu'il cherchait.

La même chose que moi.

Cette dernière quête ne va peut-être pas me tuer, finalement.

 

J'ai retrouvé toute ma lucidité. L'atmosphère s'est dégagée, chassée par la colère de l'homme.

 

Nous échangeons un nouveau regard. Je hoche la tête.

 

- L'esprit de sang. C'est le nom que m'a donné un vieil Orc. Il a pris possession d'une Elfe, d'après ce que je sais. Ce n'est qu'une soif sans limite et sans pitié. C'est ce que je cherchais. Et toi aussi.

 

L'homme reste silencieux.

Pas le temps de bavarder, de jouer. Nous devons aller rapidement.

 

- Si elle s'était dirigée vers l'est, nous l'aurions su. Donc, vers l'ouest. Je pense que la piste sera facile à suivre maintenant.

 

L'homme est toujours silencieux, mais baisse le regard sur l'enfant dans mes bras.

Je le regarde moi aussi.

 

- Il y a un village du nom d'Austrivage un peu plus loin. Nous le laisserons là.

 

L'homme, toujours silencieux, sort de la maison maudite. Je le suis, l'enfant dans les bras.

 

 

...

 

 

Austrivage est un village paisible. Mais l'atmosphère est lourde, et les regards sont fuyants.

 

Nous avons laissé l'enfant à une des familles du village. Leurs traits sont tirés, la peur se lit dans leurs yeux, comme dans ceux de tous les habitants.

La ferme est trop proche pour qu'ils n'aient pas entendu le massacre.

 

Je ne leur reproche rien. Ce qu'il s'est passé là-bas est effroyable. Comment aurais-je réagi moi-même, si je n'étais qu'un simple villageois ?

 

En sortant du village, deux gardes nous attendent. Ils sont jeunes, et je vois plus loin deux femmes avec de jeunes enfants et des larmes dans les yeux.

Le plus déterminé m'explique qu'ils ont décidé de nous accompagner pour abattre la "bête". C'est le nom qu'ils lui donnent.

Ils ont peur, ils ont des familles, et aucune expérience d'un vrai combat, d'un vrai danger.

 

Je m'apprête à le leur dire, à leur expliquer que ce combat n'est pas le leur, qu'ils ne sont pas de taille, quand l'homme parle. Un seul mot court.

 

- Non.

 

Le plus déterminé des gardes se tourne vers lui, prêt à argumenter, mais il voit le visage de l'homme et se tait. Puis il baisse la tête, et les deux gardes retournent au village.

Je vois le soulagement sur les visages des deux femmes, et la honte sur ceux des gardes. Mais ils ne sont pas de taille. Il y aura trop de morts dans cette histoire, autant éviter la leur.

 

L'homme est déjà parti, je le rejoins en courant. Il ralentit le pas pour ne pas me distancer, et je presse le mien.

Pas de temps à perdre. Ce n'est plus une promenade.

 

 

...

 

...

 

 

Notre proie laisse une trace atroce derrière elle, une trace de plus en plus fraîche.

Nous sommes sur la bonne route, cela seul compte.

 

Les massacres se suivent, tous identiques : aucun survivants, aucune trace de sang, la terreur et la douleur tordant les corps des victimes.

Et partout, toujours, la même atmosphère oppressante, poisseuse, puant le sang, harcelant mon esprit. Mais la présence de l'homme à mes côtés m'empêche de sombrer.

Il émane de lui une force incommensurable qui empêche le sang de me rendre fou. Mais cette atmosphère est terrible. Plus que je ne l'aurais imaginé.

 

Nous rencontrons d'autres enfants comme celui de la ferme. Yeux crevés, tous mutilés. Tous morts, dévorés vivants par les animaux sauvages de la région.

 

Je commence à penser que je vais finir fou devant tant d'atrocités gratuites. Mais je résiste, car l'homme est là et que Gloïn Marteau-d'Acier ne recule pas devant son devoir.

Jamais.

Foutu devoir.

Foutue nuit où j'ai perdu ma seule richesse...

 

 

...

 

 

Le Royaume de Lordaeron est calme, mais l'atmosphère est pesante. Il y a l'atmosphère de sang, celle que nous suivons depuis la ferme. Et... autre chose. De diffus.

Mes sens sont en alerte, et je devine que quelque chose de grave se prépare. Mais cela n'est pas de mon ressort.

 

Une ferme isolée.

Le massacre est récent. Quelques heures à peine.

Je peste.

Car cette fois-ci, aucune trace de notre proie.

 

L'atmosphère étrange de la région brouille la piste. Je sanglote de fatigue, de nervosité, de dépit.

L'homme se contente de rester debout, d'observer autour de lui.

Puis il tend le bras, vers le nord.

 

- Là.

 

Comment peut-il être sûr ? Mais je lui fais confiance, même s'il me mène certainement à ma mort.

Ce que nous traquons est plus fort que moi.

Je sais que je vais mourir.

 

 

...

 

 

Cela me frappe comme une vague.

SANG

Violente et brutale.

SANG

Poisseuse, âcre.

SANG

Le sang.

SANG

Il noie mes sens.

SANG

Balaye mes défenses.

SANG

Ravage mon âme.

SANG

Je sens le sol

SANG

sous mes mains

SANG

J'ai dû tomber

SANG

à genoux.

SANG

Mon esprit

SANG

s'effondre

SANG

tout

SANG

se noie

SANG

Je

SANG

SANG

SANGSANGSANGSANG...

 

- Il suffit.

 

J'entends un hurlement inhumain. Le mien. Douleur et peur.

Et je sens la main de l'homme sur mon épaule.

 

Le contact est comme un fer porté au rouge qui pénêtre mon âme et brûle tout ce que je suis.

Puis une Lumière, douce, apaisante, réconfortante.

Réparatrice.

 

Je sens mon âme affolée et brisée, noyée dans le sang, qui reprend vie.

Et dans ce délire qui est le mien, je vois devant moi l'âme de l'homme. Un vide absolu, sans limite, affamé.

Mais tenu en laisse par une douleur qui ne peut être de ce monde.

C'est cette douleur qui a brisé le sang qui était en train de me détruire.

 

Je me relève, péniblement, la main de l'homme toujours sur mon épaule. Ce contact me fait mal, mais cette douleur, quasiment physique, m'aide à ne pas me noyer.

Autour de nous, la campagne, paisible.

Et pourtant, une atmosphère étouffante, comme si tout était noyé dans le sang.

Et au milieu de cette atmosphère, une volonté, une soif sans limite.

L'esprit de sang.

Notre proie.

 

Mes mains, mes jambes, tout mon corps tremble, de peur, de fatigue. Cette volonté que je devine devant nous n'est pas de ce monde. Je n'ai jamais rien connu de pareil.

Comme une bête féroce, indomptable, perpétuellement affamée, perpétuellement assoiffée.

Assoiffée de sang.

 

L'homme est toujours le même. Silencieux. Calme. Déterminé.

 

- Ca... ne peut... être... vaincu... Trop... trop puissant.

 

Je halète. Chaque mot me demande un effort surhumain. Malgré la protection que le contact de l'homme m'apporte, la volonté de notre proie est si puissante qu'elle me domine et m'écrase.

 

L'homme tourne la tête vers une maison isolée, devant nous.

Une fine silhouette est debout devant la maison. J'ai mal rien qu'à la regarder.

 

L'homme tend alors le bras vers la silhouette, et dit un mot, un seul.

 

- Toi.

 

Ce mot est comme un coup de tonnerre. Il balaie l'atmosphère saturée de sang, de peur et de douleur, ne laissant que la maison, et la fine silhouette.

C'est manifestement une Elfe. Jeune. Presqu'une enfant d'après son allure. Corps frèle, chevelure de cendre. Des habits ordinaires.

 

Nous approchons, l'homme et moi. Je suis terrorisé, mais la main de l'homme sur mon épaule est un appui inestimable. Et je me suis juré d'aller jusqu'au bout.

Nous nous arrêtons à quelques pas de l'Elfe. Je me sens comme dans l'oeil d'un cyclone sanglant.

 

L'Elfe lève la tête et nous regarde. Son visage dégouline de sang frais. Elle tient dans sa main droite quelque chose qu'elle enfourne dans sa bouche. Le bruit de mastication est abject.

Dans sa main gauche, une jambe. Petite. Potelée.

Ses yeux sont baignés de sang.

 

Aucun bruit. Un silence de mort et de folie.

 

L'homme lâche mon épaule et fait encore un pas vers l'Elfe immobile. Il tend à nouveau le bras vers elle.

 

- Il suffit.

 

L'Elfe reste silencieuse.

Puis elle éclate de rire. Un rire tellement humain, tellement normal qu'il en est terrifiant.

Puis elle cesse, brutalement. Et reste immobile et silencieuse, devant nous.

 

Puis soudain, une nouvelle vague déferle. L'Elfe jette sur nos âmes sa soif de sang, si absolue, si illimitée. Mais la vague se brise sur l'homme, et m'épargne.

 

- Il suffit.

 

L'Elfe plisse les yeux, puis pousse... Une gorge ne peut produire un tel son. Comme un feulement, mais empli de haine et d'un désir, d'une soif sans limite.

 

- Il suffit.

 

Chaque mot de l'homme déforme les traits de l'Elfe, qui se courbe, tel un animal aux aguets. Je sens l'affrontement des deux volontés, la soif sans limite de l'Elfe, la douleur terrible de l'homme.

L'Elfe s'accroupit, comme prête à bondir, la bouche grande ouverte, bavant du sang poisseux, le feulement continue.

 

- Il suffit.

 

L'Elfe éclate à nouveau de rire, un rire si normal, si ordinaire. Puis soudain, ses yeux s'écarquillent, ses traits se liquéfient, elle se met à trembler. La lueur rougeoyante dans ses yeux disparaît d'un coup.

Ce n'est plus la soif sans limite. Nous n'avons plus devant nous qu'une enfant terrorisée, tremblante.

 

Elle lève les yeux vers l'homme, la bouche tremblante.

 

- Pitié...

 

La voix tremble, terrorisée.

L'homme ne dit rien, il se contente de la regarder.

L'Elfe est prostrée sur le sol, tremblante.

 

- Tuez-moi...

 

Puis soudain, son visage se déforme à nouveau, la lueur réapparaît dans ses yeux, le feulement reprend.

 

- Non.

 

L'Elfe - ou plutôt l'esprit obscène qui semble la posséder - pousse un hurlement de haine qui me vrille les tympans et me fait tomber à genou.

 

- Il suffit.

 

La lueur disparaît à nouveau du regard.

 

- Assez... Assez...

 

L'Elfe tend une main hésitante vers l'homme, qui continue à rester immobile et silencieux.

Son visage montre une lutte interne, entre l'Elfe terrorisée et l'esprit assoiffé. L'âme de l'Elfe n'est pas encore détruite, elle lutte sans espoir.

Une pure abomination.

 

- Il suffit.

 

Un nouveau hurlement de rage et de haine.

L'homme fait un pas en avant. A travers ma vue brouillée, je le vois au milieu d'une tempête de haine, de folie, et cette soif absolue et obscène.

 

- Il suffit.

 

Encore un pas, encore plus de soif, de sang. Toute l'attention de l'esprit qui possède l'Elfe est concentrée sur l'homme, m'ignorant.

Je me lève en tremblant, et empoigne mon marteau. Le legs de ma famille. Mon nom et ma vie. Mon devoir.

Une seule chance. Frapper vite, et fort. Ne pas hésiter. Ne pas se tromper.

 

J'avance par le côté en trébuchant, laissant l'Elfe et l'homme s'affronter. Espérant pouvoir saisir ma chance de mettre fin à cette monstruosité.

 

- Assez... Assez... Pitié...

 

L'Elfe geint, pleurniche, bave du sang, feule, rit... Tout son être est ravagé par le combat entre l'esprit qui la possède et ce qui doit rester de son âme. Je grimace en entendant des craquements, quand je comprends soudain que ce sont ses os qui se brisent, tandis que son corps se tord.

Le sang coule de sa bouche, de ses yeux, de ses oreilles. De ses blessures, provoquées par les os qui se brisent et déchirent sa chair.

 

- Il suffit.

 

Encore un pas. L'homme est maintenant devant elle. Il se penche, tandis que j'arrive par sa droite, mon marteau comme soudé à ma main.

La tête. Frapper fort. Faire éclater ce crâne fragile, qui se déforme devant moi tandis que ses os se brisent.

Je lève mon bras.

Et m'arrête.

L'homme me regarde. Son regard me fige. M'empêche de continuer.

Puis il pose sa main sur le visage de l'Elfe, tétanisée.

 

- Dors maintenant.

 

Hurlement.

Obscurité.

 

 

...

 

 

Je reviens à moi. Mon corps me fait mal. Le prix de la tension.

L'Elfe !

J'ouvre les yeux et me relève rapidement, cherchant de la main et du regard mon marteau.

Et me fige.

 

Les oiseaux chantent dans les arbres.

 

Je prends une profonde respiration qui me fait mal aux côtes. J'ai l'impression que cela fait une éternité que je n'ai pas respiré normalement.

 

Je suis devant la maison.

L'Elfe est étendue sur le sol.

L'homme a le genou à terre, à ses côtés. Sa main est sur son front.

L'Elfe respire, profondément, les yeux clos.

 

Je m'approche. L'Elfe est indemne. Pâle, ses traits sont marqués mais apaisés. C'est n'est qu'une enfant, une jeune fille.

Je regarde alors l'homme. Toujours aussi déterminé.

 

- L'esprit ? Il est détruit ?

- Cela n'est pas en mon pouvoir.

 

L'homme, à ma grande surprise, me répond. Je ne relève pas.

 

- Alors ?

- Cela restera contenu.

- Mais où ? Comment ?

 

L'homme ne répond pas. Il me lance juste un bref regard, et je vois dans ces yeux comme une faible lueur rougeâtre.

 

- Tu peux contenir cette... "chose" ?

 

Il ne répond pas.

Je secoue la tête.

 

- En tuant l'Elfe...

- Non. Pas ainsi.

 

Je hoche la tête.

 

- Oui... Il s'emparera d'un autre si elle meurt. L'Orc m'a prévenu. Mais alors...

 

L'homme ne répond pas.

Je regarde autour de moi. Le calme. La paix.

 

- Et maintenant ?

 

L'homme se lève. Je vois alors comme il est grand. Plus grand que je ne le pensais.

Il baisse le regard vers l'Elfe.

 

- Son âme est détruite. Elle sera mon fardeau. Pour ce qui aurait dû être et qui ne fut pas.

 

Je me tais. Sur mes joues, je sens de l'humidité. Des larmes.

 

- En souvenir des serments anciens. Je veillerais sur elle.

 

Je suis incapable de parler. Mais je pleure, ouvertement, sans honte.

 

- Cela ne doit pas recommencer. J'y veillerai.

 

J'essaie de parler, mais aucun mot n'arrive à passer mes lèvres.

L'homme se retourne. Je ne vois qu'une forme, noyée par mes larmes.

Je me jette sur lui, je l'étreins, pleurant, bafouillant.

 

- C'est... C'est toi ! C'est toi !

- Ce fut...

 

Je pleure, pour mes souvenirs, pour l'homme que j'ai tant admiré et tant aimé, et qui ne sait plus pleurer.

Je pleure pour ce qui aurait dû être et qui ne fut pas.

Je pleure pour l'homme qui fut mon ami, perdu et retrouvé.

Qui ne m'a jamais abandonné. Même ici. Même maintenant.

 

Je lève la tête vers son visage. Maintenant je le reconnais.

 

- Je t'ai cru mort...

 

L'homme ne répond pas. Puis, lentement, pâle et triste... un faible sourire.

 

- Non.

 

Je fais deux pas en arrière en titubant, m'essuie le visage du revers de la main. Je prends une profonde inspiration.

Nous restons de longues secondes à nous regarder, en silence.

 

- Que se passe-t-il maintenant ?

 

Je désigne l'Elfe étendue de la tête.

L'homme - mon ami, mon meilleur ami, perdu et retrouvé - se retourne et se penche vers elle. Délicatement, il la prend dans ses bras.

 

- Elle mérite la paix.

- L'esprit qui la possédait à dû réduire en pièces son âme...

- Aucune âme ne disparaît.

- Et l'esprit ?

- Il ne reviendra plus.

 

Nous nous regardons à nouveau, en silence. Puis je souris.

 

- Et ton frère...

- Oublie.

 

Je hausse les épaules.

 

- Je ne l'ai jamais aimé. Foutu sorcier. Est-ce qu'il y a quelqu'un à prévenir ?

 

L'homme va pour parler, puis se reprend. Il hésite. Réfléchit.

J'insiste.

 

- Quelqu'un qui puisse connaître ton histoire. Et puis, on ne sait jamais...

 

Mon regard se porte sur l'Elfe.

L'homme semble prendre une décision.

 

- Il y a un homme. Il est de mon sang.

- Alors je lui raconterai ton histoire. L'histoire de ce qui aurait dû être et qui ne fut pas. L'histoire du plus parfait des Paladins. L'histoire de l'homme qui est mon ami.

 

L'homme ne dit rien. Il regarde le visage de l'Elfe dans ses bras.

Puis il se détourne, et part.

J'entends ses derniers mots, portés par le vent.

 

- Adieu, mon ami...

 

Et il disparaît.

A jamais... ?

 

 

...

 

 

Obscurité sans fin.

Un lieu qui n'existe pas.

 

Deux âmes détruites.

Mon serment.

 

Obscurité sans fin.

 

Je rêve que je m'endors.

Je rêve que je ne me réveille plus.

Je rêve que je ne rêve pas.

Je rêve que...

 

 

...

 

 

Près d'une maison abandonnée, un Nain à la barbe grise frissonne et referme son manteau. Il ne regarde pas le marteau d'acier posé au sol. Abandonné.

Il lève la tête vers le ciel lourd, vers les nuages noirs venant du nord.

Puis soupire.

Et s'en va.

 

Ce n'est pas encore l'hiver.

Mais il arrive.

Il sera rude.

Et long.

Un vent froid sur Lordaeron.

Venu du Norfendre...

 

 

Poster un commentaire - Commentaires (0)
Créé le 05/02/2010 à 13:21:06 - Pas de modification

 

- Vous voulez l'entendre ?

- Entendre quoi ?

- Leur histoire. Celle du plus parfait des Paladins. D'une belle. Et d'un dragon.

 

Cela commencera comme une farce. Mais ne vous laissez pas abuser.

Ceci n'est pas une histoire amusante.

 

Mais entendez-la. Car elle mérite d'être contée.

 

L'histoire de ce qui aurait dû être, et qui ne fut pas…

 

 

***

 

 

Chapitre 1 : Il était une fois

 

 

Cela commence comme une histoire ordinaire, comme il y en a tant en Azeroth.

 

Donc : il était une fois…

 

Il était une fois un jeune Paladin. Enthousiaste, courageux et pieux. Cinq fois de suite lauréat du prix Interalliance de la Pureté et de la Valeur, catégorie Lumière. Capitaine de l'équipe Paladine universitaire de "Le mur ou ma tête", et quatre fois vainqueur du championnat royal contre la fameuse équipe des Guerriers "Là-un-truc-chargez !" (y'a pas que les Paladins qui ont du mal…).

Oui, je sais. Ca fait pitié. Mais que voulez-vous… Il faut de tout pour faire un monde.

 

Bref, un boulet de première. Mais gentil.

 

Un Paladin, quoi.

 

Ce jeune Paladin avait suivi sa formation avec l'enthousiasme, le courage et la piété de tout jeune Paladin de l'Alliance. Et il avait été reçu avec mention, parce qu'il était un Paladin enthousiaste, courageux et pieux.

Pour les autres Paladin, c'était le top en matière de Paladinat.

La référence absolue.

Le modèle à suivre.

Le must.

THE Paladin.

 

Pour un individu ordinaire, ça restait quand même un boulet...

 

Ce jeune Paladin était aussi, faut-il le préciser, beau comme un Dieu. Forcément. Quand on vous dit qu'il n'y a pas de justice… Même chez les Paladins…

Il arriva donc ce qui devait arriver : il tomba amoureux d'une belle jeune femme lors d'un bal donné à Hurlevent. Une prêtresse, gracieuse, élégante et aux cheveux blonds comme les blés.

 

Aux cheveux blonds, oui…

 

Cela va vous surprendre – si si - mais la belle jeune femme avait l'intelligence de sa beauté, autant dire qu'elle n'avait pas inventé l'eau froide – ne parlons même pas de l'eau chaude…

En un mot : une cruche.

Elle avait la capacité d'attention d'un Diablotin sous acide, ce qui expliquait son incapacité à penser à quelque chose plus de trois secondes d'affilée.

Vous remarquerez que je n'ai pas dit quelque chose "d'intelligent".

 

 

Bref, le couple idéal, dont la perfection faisait l'admiration de tous les Paladins, jamais les derniers pour s'extasier devant la beauté et la grâce.

 

Les Prêtresses, quant à elles, bavaient toutes devant le jeune Paladin, même celles qui avaient d'autres ambitions que d'épouser un type riche et toujours en vadrouille qui ne rechignerait pas à payer les factures sans poser de questions.

Et elles estimaient bien entendu, parce que la solidarité et la tolérance sont des vertus essentielles pour des Prêtresses de la Lumière, que leur consoeur étaient la plus belle salope de tout Azeroth, vu qu'elle avait réussi à mettre la main sur ce magnifique exemplaire du mâle contemporain.

 

Ah, les femmes…

 

Et bizarrement, il se trouva qu'elles n'avaient pas tout à fait tort…

 

 

Car il y avait un petit, un léger détail. Oh, trois fois rien, une broutille. La belle était, comment dire... une cruche, oui, on l'a dit. Non, le petit détail, c'est que... bon, on va dire que sa moralité ne correspondait pas tout à fait à sa grâce et à sa beauté.

Bon d'accord. Elle couchait avec tout ce qui bouge, et pas seulement humain. Ni humanoïde, si on en croit certaines rumeurs persistantes venant du camp des bûcherons de la forêt d'Elwyn.

Oui, vous voyez le genre.

Hum.

Une fille populaire, quoi.

TRES populaire.

 

Il va de soi que notre jeune Paladin, enthousiaste, courageux et pieux, je vous le rappelle, connaissait aussi bien la vie, je veux dire la VRAIE vie, que, disons... une planche de bois sur le toit d'une léproserie.

Et encore, pour la planche, je ne suis pas vraiment sûr... en fait, on ne sait pas vraiment ce qui se passe dans une léproserie, non ? Quelqu’un est déjà allé voir ?

 

Bref, un boulet + une cruche, ça pouvait donner un beau mariage. Affligeant, certes, mais beau.

Par contre, un boulet + une cruche à la jambe légère (on va dire comme ça)... ben... ça promettait une nuit de noce assez folklorique, déjà !

 

 

Le mariage du Paladin et de sa belle fut très vite l'évènement majeur de tout Azeroth. Non seulement tout ce que Hurlevent comptait d'aventuriers et de notables, mais aussi des délégations venues exprès de la lointaine Darnassus, avaient programmé un déplacement à la cathédrale de la capitale des Humains pour assister au mariage.

Et se payer la plus belle tranche de rigolade depuis un siècle, parce que la guerre, c'est marrant, mais ça... ça valait le coup de faire une trêve avec les Hordeux et même de leur abandonner quelques champs de bataille.

D'ailleurs, c'est étrange, mais un certain nombre de Hordeux, ayant en commun d'être tous vétérans de raids sur Hurlevent, avaient prévu d'attaquer la ville PILE ce jour-là.

Et pas pour le butin ou pour massacrer quelques gardes. La plupart n'avaient même pas pris la peine d'emporter leurs armes et leurs armures.

Hum.

 

TRES TRES populaire, on vous dit.

 

 

***

 

 

Chapitre 2 : Le vol du dragon

 

 

Mais notre jeune Paladin avait un frère cadet. Un Sorcier. Un garçon gentil, sympathique et serviable, qui avait choisi la voie de la sorcellerie pour apporter paix et prospérité aux peuples d'Azeroth.

Pas de la même façon que son frère, néanmoins. Pour ce jeune homme, un tel but altruiste nécessitait la conquête du monde et la soumission de toute vie à sa volonté.

Et puis, s'il lui restait un peu de temps libre à la fin, il n'était pas contre l'idée d'un petit génocide ou deux, pour la gourmandise.

 

Vous ne serez pas surpris si je vous dis que ce jeune homme économisait pour s'acheter un repaire maléfique, et qu'il s'entraînait chaque jour à lancer son rire malfaisant.

Bref, un sale type.

 

Les deux frères avaient au moins une chose en commun : le sentiment d'avoir un Destin (avec une majuscule). Et ce Destin passait fatalement par leur affrontement.

 

En attendant ce jour, le cadet continuait à travailler son rire malfaisant, et l'aîné assumait avec modestie – parce qu'en plus d'être parfait, ce Paladin était modeste – ses devoirs de défenseur de la Lumière.

 

 

Néanmoins, le cadet n'approuvait pas franchement l'union de son aîné avec cette pét... cette sal... cette put... RHAAA !!! cette fille très populaire. Même si lui ne prenait pas l'air gêné de circonstance quand il parlait avec ses confrères des frasques de la belle, vu que tout le monde la connaissait.

Un peu.

Beaucoup.

Enfin...

 

Bon d'accord, il faut dire qu'il pleuvait, et puis y'avait un feu dans la cheminée, bref... Mais bon, ça n'était arrivé qu'une fois. Deux à tout casser. Pas plus de trois en tout cas. Quatre maxi. De toutes façons, au bout de la dixième, on arrête de compter...

Il avait bien essayé de prévenir son frère, mais celui-ci était un parfait Paladin. Et amoureux, en plus. Donc, un  abruti au stade terminal, avec sourire béat et gouzi-gouzi de circonstance.

 

Mais il était dit qu'il y avait un dieu pour les abrutis. Pervers et tordu, certes, mais un dieu. Probablement le même qui leur évite de se faire tuer tous les trois pas à cause de leur sourire niais ou en voulant jouer au jeu du "le mur ou ma tête" - en les dotant notamment d'un physique à faire rougir de honte un barbare de Cimmérie ainsi qu'une capacité de résistance aux coups digne d'un Wil Coyote.

 

A la grande déception des invités et des Hordeux qui s'étaient tranquillement installés dans un coin de la cathédrale et avaient déjà attaqué le buffet – et aussi quelques gardes, histoire de ne pas perdre la main... - le mariage fut annulé.

 

Pourquoi ?

 

La belle fut enlevée par un dragon.

 

 

Sur le coup, tout le monde se dit que, décidément, cette fille avait VRAIMENT l'art de se rendre populaire. Même si un dragon... Les esprits les plus imaginatifs avaient du mal à imaginer la scène.

Un dragon... quand même...

 

Il y eut immédiatement un mouvement spontané pour porter assistance au jeune Paladin qui, bien évidemment, avait fait voeu de secourir sa belle de l'infâââme créature. Il fut quand même surpris de se retrouver avec un bon millier de volontaires, dont un certain nombre de bestioles diverses ayant la décence de regarder ailleurs d'un air gêné. Un tic très répandu ce jour-là.

Ainsi que, ô surprise, tout une délégation de Hordeux qui "passaient par hasard dans la région en se rendant à Orgrimmar - on était en plein milieu de la forêt d'Elwyn, je le rappelle - et étaient prêts à aider le jeune puc... le jeune Paladin à sauver sa belle", et qui s'était jointe au raid de leurs collègues précédemment évoqué.

 

Les gardes faisaient juste un peu la gueule à cause de la manie des Hordeux de s'essuyer les bottes sur leurs cadavres, mais dans l'ensemble, tout le monde montrait un formidable enthousiasme pour l'aventure à venir.

 

Ah oui, j'ai failli oublier. Oui, vous avez bien deviné. Ils regardaient tous leurs pieds d'un air quelque peu gêné.

 

Vraiment vraiment très très populaire. Vraiment.

 

Notre jeune Paladin était fou de joie à la vue de cette magnifique armée – malgré le tic dont ils étaient tous affligés, celui du regard quand il leur souriait d'un air ravi.

"Ravi", dans tous les sens du terme. C'est toujours notre jeune Paladin amoureux, n'oubliez pas.

 

L'armée ne dura que 4 minutes. Le temps que les compagnes, épouses, fiancées, mères, etc. de nos valeureux volontaires n'apprennent la nouvelle et se ruent sur leurs compagnons, époux, fiancés, fils, etc. pour leur rappeler que les conneries, ça va bien 5 minutes, et que si l'autre abruti veut récupérer sa garce de salope, il n'a qu'à se débrouiller tout seul.

 

Et tu rentres tout de suite à la maison ! Sans discuter ! Et tu en profiteras pour sortir les poubelles !

 

 

Notre jeune Paladin se retrouva donc subitement seul, avec quand même son jeune frère qui le regardait d'un air affligé et triste. Car comment voulez-vous conquérir le monde et imposer votre volonté à toute vie si votre aîné est affligé d'une bêtise crasse et a la fâcheuse tendance de foncer dans le tas en hurlant d'un air extatique "Pour la Lumière, espèce de sale méchant !" (depuis la dernière réforme du Ministère de la Lumière, les cris de guerre étaient soumis à la loi contre les propos discriminatoires).

Le fait que sa belle soit une "folle du cul", pour reprendre les termes élégants du Sorcier, et qu'elle se soit enfuie avec un dragon, ne pouvait que nuire à la réputation du futur Maître d'Azeroth.

On ne choisit pas sa famille, mais quand même…

 

Et dans le même temps, le jeune Paladin commençait à se demander si, éventuellement, peut-être, tout ceci ne cachait pas quelque affaire louche dont sa belle serait à l'origine.

 

Car il arrive aux Paladins, parfois, de réfléchir. Si si, j'vous jure ! Ca prend du temps, ça n'a rien de brillant ni de fulgurant, mais ça arrive.

Et notre jeune Paladin commençait à expérimenter cette situation des plus nouvelle pour lui : utiliser sa tête autrement que pour le jeu du "Le mur ou ma tête".

 

 

Notre Paladin partit donc en quête de sa belle et du dragon, accompagné de son frère qui n'avait pas voulu l'abandonner dans cette difficile affaire.

 

Et puis en plus, il était resté bloqué toute une journée devant un arbre en se demandant par quel côté le contourner tout en restant fidèle à son serment à la Lumière.

 

Oui, effectivement, à ce point-là, on ne l'avait quand même jamais vu. THE Paladin, on vous dit.

 

 

***

 

 

Chapitre 3 : On vous avait bien dit que ce n'était pas drôle !

 

 

Le jeune Paladin traversa beaucoup de régions. Il voyagea dans tout Azeroth, explora systématiquement tous les donjons, participa à toutes les batailles.

Il rencontrait toujours des gens connaissant sa belle. Et regardant leurs pieds d'un air gêné.

 

La quête dura longtemps. De très longues années. Le Paladin cessa d'être jeune, son visage commença à se rider, ses cheveux blanchirent, mais toujours il cherchait.

Son sourire niais avait disparu. Son enthousiasme avait fondu. Sa piété... il n'en parlait plus. Son courage était toujours là, mais il ne consistait plus à charger l'ennemi en hurlant. Il était devenu dur, méthodique, froid... et silencieux.

Et toujours ces mêmes regards gênés, toujours cette même absence d'indice.

Et ce doute qui s'était mué en quelque chose de froid et de dur en son coeur.

 

Puis un jour le Paladin trouva. Un antre sombre perdu au milieu de nulle part. Un village soumis à la volonté d'un monstre ailé. Et un paysan accompagné de ses deux enfants.

Qui baissa le regard d'un air gêné quand il posa sa question.

Lui aussi.

 

 

La suite, le Paladin ne souvient plus très bien. Il se souvient distinctement d'avoir attrapé les cheveux du paysan et de lui avoir soulevé la tête de force. De l'avoir regardé dans les yeux. De lui avoir enfoncé son épée dans la gorge.

Le sang qui gicle sur son armure.

Il se souvient du hurlement des enfants, qui s'interrompt brutalement dans un bruit d'acier.

L'épée qui se lève et s'abat. Sans s'arrêter. Sans faiblesse. Sans pitié. Des cris. Des suppliques. Des pleurs. Du sang. Des cadavres.

Et le silence qui s'abat soudain sur le village. Les corps partout. Hommes, femmes, vieillards, enfants. Hommes et bêtes.

Morts.

Sans exception.

 

Puis le Paladin pénétra dans l'antre.

 

Son frère était là. En tant que Sorcier, il en avait plus vu que n'importe qui en ce monde. Il était horrifié, mais tout ceci était tellement... logique. Tellement évident. Tellement inévitable.

 

Il le suivit dans l'antre du monstre ailé.

 

Le dragon était là. Il plongea son regard dans celui du Paladin. Pour la première fois depuis toutes ces longues années, une créature vivante le regardait en face, dans les yeux.

 

Le monstre ne dit rien. Et ne bougea pas. Le Paladin posa une question, une seule, la même qu'il posait depuis si longtemps :

 

- Où est ma belle ?

 

Le dragon répondit. Peut-être souriait-il. Difficile à dire.

 

- Un humain est venu. Un jeune Paladin. Enthousiaste, courageux et pieux. Il m'a affronté et vaincu. Il est parti avec la femme. Je crois savoir qu'ils se sont mariés. A Hurlevent. C'était il y a… longtemps.

 

Oui. Tellement logique. Tellement évident. Tellement inévitable.

 

Le Paladin regarda son frère. Longuement. Ses épaules étaient basses. Son regard las. Ce qui était froid et dur dans son cœur avait disparu, et il n'y avait plus rien.

Il ne dit rien. Il n'y avait rien à dire, et les paroles n'étaient plus nécessaires depuis longtemps entre eux. Il se contenta de graver dans sa mémoire le visage de celui qui ne l'avait jamais abandonné.

Son frère.

Son ennemi.

 

Puis il tourna les talons, et s'en fut.

Vers Hurlevent.

Vers sa belle.

 

Personne ne l'arrêta malgré le sang sur son armure. Le sang des innocents. Quelque chose en lui faisait reculer les plus valeureux. Comme un vide abyssal que rien ne pouvait combler.

 

 

Hurlevent. Capitale des Hommes.

 

Le dragon avait dit vrai. La belle était mariée et mère de famille.

Ou plutôt, avait été.

 

Toute la ville en parlait. Un drame affreux avait eu lieu. Un incendie avait détruit sa maison. Tous les membres de sa famille avaient péri, brûlés vifs. Elle-même avait survécu, mais son corps autrefois si parfait était atrocement mutilé.

 

Ce drame s'était produit au moment même où un monstre ailé parlait à un Paladin, loin de là, près d'un village rempli de cadavres.

 

Loin, très loin de là...

 

Tellement logique. Tellement évident. Tellement inévitable.

 

 

Le temps a encore passé. De longues années. Des guerres. Des batailles. De l'héroïsme et de la veulerie. Azeroth continua de vivre et les héros de se couvrir de gloire et de mourir.

 

Chaque semaine, sans aucune exception, un homme sans nom et sans passé vient voir celle qui autrefois fut belle et désirée, et qui n’est plus qu’une ombre solitaire. Dans cette demeure si vide, il lui tient la main, délicatement.

Je ne saurais vous dire s’ils parlent. Personne à Hurlevent ne vient plus voir cette femme mutilée. Sauf cet homme sans nom et sans passé, chaque semaine.

 

 

La femme est morte, dernièrement. Son enterrement fut décevant. Le soleil lui-même n'eut pas la décence de se cacher derrière la pluie.

La journée était belle et agréable, et dans le cimetière d'Elwyn, un homme sans nom et sans passé, entouré d'un Sorcier au regard dur et d'un prêtre peu inspiré, enterrait une femme mutilée qui autrefois fut belle et désirée...

 

 

Poster un commentaire - Commentaires (0)
Créé le 05/02/2010 à 13:26:47 - Pas de modification
Pages: 1   2   3   4   5   6   7   8