Alrik était recroquevillé sur le sol, subjugué par la masse mouvante et hurlante des gobelins en furie. Son armure commençait à se fendre sous les coups de ses assaillants. Il sentait les griffes et les crocs déchirer ses vêtements, pénétrer ses chairs, lacérer son visage. La douleur était insoutenable, mais étouffé sous ses ennemis, il ne pouvait ni bouger, ni même crier. Il sentait sa dernière heure arriver, et son âme commençait à s’immiscer hors de son corps déchiré.
Dans un dernier effort de concentration, il récita du bout des lèvres une prière pour ceux qu’il avait aimé et ceux qui l’avaient aidé et soutenu durant son existence. Son père écrasé par le labeur, ses frères et sœurs, Misspiff et son clan. Il leur souhaitait à tous de trouver le bonheur et de vivre encore longtemps. Il espérait de tout cœur que le destin serait clément pour eux. Il songea aussi à sa mère, qu’il rejoindrait bientôt dans l’autre monde, là où vont les âmes des morts.
Il pensa ensuite aux paysans qu’il était venu protéger. De toute évidence, il avait échoué. Accablé par le désespoir, de terribles visions lui apparurent. Il voyait le village à feu et à sang, les cadavres exsangues éparpillés de partout, les enfants hurlant en tenant dans leurs bras le corps éviscéré de leur mère et le faciès ricanant des gobelins. Ses yeux s’emplirent de larmes, qui ruisselèrent sur son visage, se mêlant au sang qui s’échappait de ses blessures béantes.
Il se sentait partir. Il n’était plus complètement dans ce monde, mais pas encore non plus de l’autre côté. Les hurlements stridents des gobelins ne constituaient plus qu’une rumeur étouffée qu’il entendait à peine. Les larmes et le sang obscurcissaient sa vision et il ne distinguait plus que quelques formes aux contours flous, tels des spectres inconsistants. Un voile d’ombre s’empara de son esprit et il se sentit partir.
Soudain, les cris semblèrent s’intensifier, et les braillements victorieux des hideuses créatures se changèrent en hurlements de terreur. Une douce chaleur envahit subitement le corps du chevalier et il sembla percevoir une vive lueur orangée.
Mais il sentit ses dernières forces le quitter, et ne put comprendre à temps ce qu’il se passait. Il sombra dans l’inconscience. Son corps s’étala sur le sol, le visage dans la boue souillée de son propre sang…