Articles de Asteroth - A Toi
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Il se tenait là, seul, dans le noir. Perdu. Sans but. Errant. Perdu de vue par un monde insipide et sans consistance. A ses yeux. Il avait froid.
Il se tenait là, seul, dans le noir. Déchu. Sans lutte. Souffrant. Oublié par un monde placide et sans attirance. A ses feux. Ils s’y noient.

Il a froid, gelé jusqu’au tréfonds des entrailles, et son âme engourdie ne sait que penser.
Ivre d’effroi, au devant d’une fin qui tiraille, la morsure pénétrante vient le happer.
Il passe une main sur son poitrail, et n’y trouve plus de quoi pulser.
Au point de perdre une bataille, il est prêt à sombrer.

Mais il se souvient. Il se souvient. A qui il l’a donné.
Et il n’en retient… il n’en retient… qu’une chose. On le lui a volé.

Pouvoir des souvenirs en un instant exploité, l’obscurité laisse place à une voûte dorée.
Le voilà abasourdi, affranchi de noirceur, il lève les yeux sous un nouveau firmament,
Fruit de mille éclats de lumière reflétés, d’une mystérieuse origine qui reste masquée.
Une coupole infinie, un toit protecteur, qui semble repousser tous les tourments.
Une douce chaleur s’est répandue, et a vaincu les morsures acérées.
De ses doigts bleuis, de son souffle cristallisé, il ne reste plus une trace.
De l’âme engourdie, et de la froidure passée, sa mémoire se débarrasse.
Ne compte que cet espace nu, illusion de voiles sombres et nacrés.

Car il semble qu’il y ait quelque chose au milieu de ces furtifs reflets irisés.
Car il se pourrait qu’une chose soit dissimulée au plus profond de cette nudité.
Empêtrée dans les voiles, prisonnière d’un Dédale.
Dérobée aux clartés, celée aux sabliers.

Il fronce les sourcils devant ces discrets mouvements
Qu’il ne parvient à définir, à distinguer correctement.
Qu’est-ce que cet espace recèle pour qu’il ne puisse y avoir accès ?
Qu’est-ce que ces voiles révèlent une fois percé leur secret ?
Dans un monde qui a pris naissance au sein des souvenirs,
Il n’y a que l’honteux coupable qui puisse ainsi se tapir !
Celui-là même qui l’a outrageusement volé !
Celui-là même qui l’a vitalement dépossédé !

Il s’avance, incertain, progressant lentement sur un sol dallé si ténébreux
Qu’il éprouve la désagréable impression d’errer dans un cosmos dangereux.
Il se sent livré à lui-même, sans but véritable ni repère.
Il se sait le teint blême, ses yeux fixent la demi-sphère
Décorée d’ornements chatoyants et par la même occasion rassurants.
Il s’élance, plus serein, se précipitant droit devant sans objectif apparent.

Les châles fantomatiques échappent à toute rationalité.
Alors qu’il est persuadé de s’approcher de l’un d’eux,
Il ne parvient pas à l’effleurer, et le perd des yeux
Tant ils se fondent si bien au creux de cette réalité.
Il ne comprend plus s’ils sont faits d’ombres et d’obscurité
Ou d’autres mélanges composés, clairement insidieux.
Et c’est dans cet état d’incompréhension pernicieux
Qu’il commence à enrager face à une telle excentricité.

Ses pas se font plus pesants, plus pressants
A mesure d’un transport en son for grandissant.
Une résolution plus marquée, plus acérée
A mesure qu’un désir se fait imposant.
Le voilà tentant d’arracher, les dents serrées,
Les stupides étoffes qui l’entravent,
D’un bras puis de l’autre,
En vain.
Enfin
Se déchire une des guêtres,
Après un millier de gestes graves,
Lui donnant à examiner. La Vérité.

Vérité qui éclate en silence, dans un halo laiteux.
S’offre alors une Belle évidence, un constat onéreux.
Découverte qui l’époustoufle et le rend silencieux.
Coup de poignard qui l’essouffle tel un cœur comateux.

Un cœur !

Il baisse les yeux vers sa poitrine, de stupeur,
Et ne réalise pas d’où viennent ces battements.
Son côté gauche s’anime et s’emballe pourtant,
Frénésie issue des sentiments, de leur demeure.
Le phénomène garde ceci d’étrange
Qu’il est à la fois réel et rêvé,
Tour à tour observé et souhaité.
Sa raison se perd presque dans ces échanges.

Son regard glisse et parcourt avec délicatesse
Chaque parcelle de sa lumineuse silhouette,
Suivant chacun des fils d’or qui embellissent
Le velours d’une robe à la beauté secrète.
Elle lui tourne le dos aux trois-quarts,
Un reflet trahit une dague au poignet,
Lestée d’habile façon, sommet de son art.
Une Voleuse piégée dans un temps à l’arrêt.
Mais le halo s’élargit, et donne à voir
Foule insupportable d’hommes agglutinés
En contrebas, face à elle surélevée
Qui les observe patiemment sans s’émouvoir.

L’envie déjà forte se fait irrépressible,
Celle de franchir les dernières distances,
De détourner son regard autant que possible,
Et d’apaiser ce cœur qui le lance.
Mais l’idée à peine effleurée le condamne,
Des chaînes le lient à un mur colossal,
La séparation devient monumentale
Et le prive toujours plus de son éclat diaphane…

Son image s’éloigne encore en amenuisant ses espoirs,
Il est paralysé par l’idée fixe de ne plus la revoir.
La colère de l’impuissance monte graduellement,
Dompte une mine résignée et explose complètement…

ASSEEEEEZ !!

C’est une longue plainte qui s’échappe brutalement
Et trouve au milieu de l’infini un écho assourdissant
Immobilisant jusqu’à cette fuite perpétuelle.
C’est l’occasion d’un dernier discours rationnel…

Assez ! Assez……
Pourquoi partir ?! Tu es si loin de moi ! Je ne sais même pas si tu m’entends, mais s’il le faut, je crierai tout ce que j’ai à te dire ! Une dernière fois, une bonne fois pour toutes !
Tu dois te demander pourquoi je fais tout cela, alors que tout semblait clair depuis quelques temps. Et ça l’était ! Ça l’était dans mon esprit aussi. Ça l’est encore finalement, je ne suis pas perdu pour autant vis-à-vis de toi, bien au contraire. Simplement… d’anciennes questions ont ressurgi, et de nouvelles se sont posées. En fait, si je fais tout cela… c’est parce que je ne laisserai pas passer la plus infime possibilité que m’offre l’une d’elle. Tu as des chances de trouver cela bien vain, et je te répondrai alors que je préfère vivre sans regrets. Et j’agirai de manière à ne pas en avoir. Telle est la raison qui m’a fait atterrir ici, je le sais maintenant.

Alors par où commencer ? Par ces questions, certainement. Par cette question, à vrai dire. Une seule question qui m’a suffi à en arriver là, ici, précisément. Cette question, tu la connais déjà, je te l’ai déjà posée mais tu n’as pas su y apporter une réponse précise, il y a quelques mois : quatre exactement, à l’instant même où je te parle, si tant est que nous pouvons évoquer le temps dans un endroit pareil.
Je ne t’en veux pas, malgré l’importance que cette question possédait à mes yeux. Maintenant, je pense que tu te doutes de cette fameuse question, et peut-être même que tu la redoutes déjà, car il est possible que tu n’aies pas plus d’éléments de réponse qu’avant. Qu’importe, je ne te l’assènerai pas, elle a évolué désormais, vers une interrogation bien plus fondamentale.

Beaucoup de « je pense », de « peut-être », de « il est possible » transparaît ou transparaîtra dans ce discours. Comprends bien que je n’ai d’autre choix que de le teinter d’incertitude, car je n’aurai pas la prétention de me croire dans ta tête. D’ailleurs, si ça avait été le cas, ce monde qui nous entoure n’aurait jamais existé.

Pourquoi n’existe-t-il que maintenant ? Pourquoi ai-je été si long à réagir ? Ça peut paraître anodin, mais à y réfléchir, ça ne l’est pas tant que ça. Il y a plusieurs raisons conjuguées à ma « lenteur ». Tout d’abord, parce que j’ai écarté d’office certaines pensées sans même m’en rendre compte, pris dans des pensées bien différentes ce jour-là, et les autres qui suivirent. Pensées que je n’ai récupérées qu’une fois un certain recul acquis, je dirais même, un déclic. Ensuite, pour réfléchir à tout ce que nous avons vécu, et comprendre là où nous avons échoués, nous ou moi. J’ai passé en revue je ne sais combien de choses, certaines incertaines, d’autres peut-être moins. Et cela m’a amené droit vers une solution. Une solution qui peut te plaire, comme elle peut te déplaire, mais que moi, je suis prêt à accepter.

Toi, si éloignée de moi en cet instant, je pourrais presque te voir sous le choc d’ici. Une solution ? Oui, et il est temps d’en venir au fait, et de dire tout haut ce qui est l’évidence même : le but de ce discours. Je parle de solution, oui, parce que je me dis que tout n’est peut-être pas perdu. Combien de chances y a-t-il pour que tu trouves cela ridicule, que tu considères le passé comme irrévocable ? Je dirais élevées, et si j’ai raison, alors ce discours s’arrête là. Mais je te rappelle que je ne connais pas tes pensées et par conséquent, je ne sais pas comment tu as envisagé l’après. Je te rappelle aussi que j’ai décidé de vivre avec le moins de regrets possible, et ainsi, ici, en faisant ce que je fais, je n’en aurai pas.

Je te parle de solution parce que je pense que l’on peut repartir sur d’autres bases. Si jamais j’ai vu juste jusqu’ici, alors j’expliquerais notre échec si brusque, si soudain par la façon que l’on avait de voir les choses. Ne peut-on pas simplement envisager de changer la manière dont on appréhendait tout cela ? Ne peut-on pas se contenter de l’instant présent, de le vivre comme s’il n’avait pas de lendemain, ensemble, à profiter simplement de l’autre lorsqu’il est près de nous ? Et ne peut-on pas vivre nos vies individuelles comme nous les avons toujours vécues, sans se soucier de l’autre, lorsqu’il n’est plus là ?
Regarde-les, ces hommes en contrebas, regarde-les. Et regarde la distance infinie qui nous sépare. Ce que je veux dire, c’est que même si notre lien existe, je ne saurai détourner tes yeux tant que je ne serai pas à tes côtés, pour te laisser vivre ta vie. Simplement.

Drôle de conception ? La vérité, et je sais que tous mes mots m’ont trahi jusque là, c’est que je t’aime. Horriblement, terriblement, irrésistiblement. Oui, on croit en finir, mais c’est exactement l’inverse qui se produit. La petite parcelle d’espoir qui est née a suffi à ressusciter ce qui agonisait. Je croyais en finir. Et je pense que toi aussi, alors laisse-moi te dire que c’est ma toute dernière intervention à ce sujet. Je suis convaincu qu’il ne pourra pas y en avoir de prochaine, mais pour ce qui est de celle-ci, je ne pouvais pas ne pas essayer.

Je voulais te dire enfin que tout te révéler d’ici ne me plaît pas. Oui, j’y gagne la maîtrise de mes mots, mais j’y perds le timbre de ma voix. Je ne suis pas un surhomme : ces chaînes qui m’entravent ne semblent pas prêtes à céder. Je n’aurais pas hésité à te rejoindre si ça avait été le cas contraire, pour te livrer ce que j’avais sur le cœur.
Quoiqu’il en soit, si je me suis trompé, je serai toujours l’ami sur lequel tu pourras compter, mais je ne pourrai plus prétendre n’être que ça. Je serai simplement l’ami qui continuera à te dire je t’aime en silence, parce qu’il ne peut pas en être autrement…

Et parce qu’il ne peut pas en être autrement,
Le silence s’impose, les voiles se refermant.
Lui replonge au beau milieu de l’inconnu
Mais sourit à ces murmures : *Je t’ai entendu*.

Publié le 12/09/2008 - Pas de modifications
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