Au départ un simple "avant-combat" entre deux guerriers, l'optique du texte a changé au dernier moment avec cette touche féminine.
Enfin c'est plus une touche à ce niveau-là...
Ecrit sur
La plate-forme s’élève doucement, sans heurt. Elle, s’y tient dessus sans un seul signe de nervosité. Elle est incroyablement calme et regarde sans les voir les fines lignes noires qui séparent chaque pièce constituant le long tube, et qui défilent du haut vers le bas. Pas le moindre signe de tension tandis que le monoplace prend de l’altitude au centre du cylindre qui constitue sa cage d’ascenseur. La claustrophobie est proscrite dans un tel élévateur, pourtant à ciel ouvert, mais elle est parvenue au sommet.
Et son adversaire est arrivée, synchronisée, par le même biais.
Les socles des ascenseurs se sont fondus dans le sol chromé de l’arène minimaliste, une simple dalle circulaire située à une hauteur vertigineuse.
Elles se toisent mutuellement. Pour elles, le duel est déjà engagé. Immobiles, leur regard glisse de haut en bas et de bas en haut, parcourant chacune la silhouette svelte de l’autre. S’il n’a aucun effet sur l’une ni sur l’autre, le charme qu’elles dégagent en aurait déjà fait succomber plus d’un. Car la masculinité de leur art ne fait que décupler leur féminité aux yeux des hommes. Chassez le naturel, et vous savez ce qu’il advient. Beautés fatales.
Les rictus de défi apparaissent, sourires insolents d’êtres prêts à tout pour démontrer leur écrasante supériorité. Les yeux pétillent de malignité. Les mains se posent délicatement sur les hanches et le dos se raidit, le sourcil droit se lève. Elles affichent l’air le plus hautain possible, comme si l’adversaire n’était pas digne d’elles, pas assez à la hauteur à leur goût. Symétrie parfaite des comportements. Elles. Sont parfaites. Parfaites dans un décor parfaitement épuré à l’altitude parfaite. Exposées à un danger parfait. Et c’est là, lorsqu’elles s’en rendent compte, qu’éclate la seconde phase.
Une déchirure, traînée blanche sur le sol étincelant, mur ténu de poussière mouvante, les sépare soudain. Deux énergies s’affrontent, s’opposent. Les leurs. La dalle, la ville, la plaine, la Terre, l’Univers deviennent deux. Deux moitiés antagonistes. Manichéennes. Pas de nuances possibles, c’est un camp ou l’autre. C’est ce monde là que leur opposition totale façonne, c’est dans celui-là que va s’amorcer les révolutions lors d’une troisième phase inévitable, manifestation universelle d’une gravitation universelle dans un système binaire, mû par la pulsion universelle qui siège en tout combattant qui se respecte.
Elles se tournent autour. Avec une infinie lenteur. D’un pas calculé, faussement nonchalant. Il est en vérité totalement sous contrôle, car une erreur et la crédibilité, et la superbe, et la domination s’effondrent en une seule fois. Tout geste maladroit signera la défaite. Des gestes dont une combinaison moulante vient encore renforcer le pouvoir ensorceleur. Elles se tournent autour. Et leur démarche est magnifiquement chaloupée, elles en rehaussent encore la sensualité. Impitoyables. Elles ne laisseraient pas un seul mâle indemne, si seulement ils étaient là. Mais ils sont là, scotchés à leur écran, devant les images que fournissent les caméras automatisées. Ils sont déjà tous fous d’elles. Et ils choisissent leur camp. Eux ne voient rien du duel qui se déroule, rien de leur opposition surnaturelle, pour eux ce ne sont que les prémices, mais pour elles, le combat est déjà presque acharné. Elles se battent sur tous les plans, et la séduction brute en fait partie…
Elles se tournent autour. Avec une infinie lenteur. Elles ne quitteraient pour rien au monde leur combinaison de combat. Parce que celles-ci sont faites pour le combat, mais je vais le dire : parce qu’elles sculptent aussi parfaitement leur silhouette. Elles. Sont parfaites. La tenue dissimule habilement les courbes pures qu’elle souligne.
Elles se tournent autour… et leurs regards ne se sont jamais décroisés. Leur sourire se fait carnassier. Elles sont chasseresses du même gibier. Elles. Sont… redoutables. En cet instant, rien ne saurait stopper leur ronde incessante. Rien. Encore moins l’insignifiance d’un homme. Le mur d’une confrontation muette et sourde les sépare, et rien ne saurait le briser, de même que l’Univers qu’elles ont scindé ne se réduit plus qu’à un demi-disque. Le Néant, à l’extérieur. L’Insignifiant, écrasé par leur seule volonté.
De deux trappes diamétralement opposées émergent deux supports garnis d’armes de corps à corps. Qui oserait penser qu’elles se précipiteraient pour s’équiper ? Leur ronde n’en est même pas perturbée. Elles se tourneront toujours autour et ne briseront jamais ce qui les unit : leur opposition farouche, leur mur, indestructible pour le reste du Monde. Elles effleurent enfin les armes et choisissent l’une une hallebarde et l’autre un bâton renforcé. Elles préfèrent le contondant au tranchant, peut-être pour plus de noblesse dans l’affrontement, plus de panache, plus d’endurance…
Elles se touchent presque et les faux sourires s’effacent. C’est à partir de maintenant que le système s’effondre.