Articles de Nora - Chapitre 2
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Chapitre 2 : Quand les ennuis commencent…
 
                        Il faisait nuit depuis plus d’une heure et la plupart des gens étaient d’ors et déjà dans leurs foyers –à l’exception bien sûr de quelques fêtards, bien qu’ils soient assez rares…
            Leviath avait insisté pour raccompagner Cécile jusqu’à chez elle –galanterie oblige-, mais il n’avait pas prévu de passer l’après-midi entière et une bonne partie de la soirée à traîner avec elle, écumant les boutiques, commentant absolument tout ce qu’elle essayait –ce qui devait constituer environ la moitié du magasin.
Et ce ne fut que chargés de seulement quelques sacs qu’ils prirent de chemin de la –enfin, de sa- maison, bavardant comme s’ils étaient amis depuis des lustres.
-         Franchement les bottes étaient superbes ! Mais un peu chères… En plus j’en avais déjà. C’est pour ça que j’ai pris les bottines à talons !
-         Tu n’as pas besoin de te justifier, c’est ton argent –heureusement, d’ailleurs…
-         En tout cas, tu étais un peu chiant : tu n’as pas arrêté de dire « ça me gonfle ».
-         Je l’ai même pas dit vingt fois !
-         C’est déjà pas mal !
-         Pff… ça me g…
-         Oui ?
-         Non, rien…
-         Dis-moi, quelle est la réputation des Français, ici ?
-         Ici ? Dans cette rue ?
Une goutte de sueur coula lentement le long de la tempe de la jeune femme. Il faisait semblant, c’était évident.
-         Mais non, au Japon !
-         Ah oui, bien sûr…
Ce n’était pas si certain, en fait.
-         Eh bien, reprit-il avec un léger sourire –ah, si, il se moquait bien d’elle-, vous êtes assez bien vus dans l’ensemble. Pour nous, France rime avec romance…
-         Pour nous aussi, le coupa Cécile, l’air mutine.
-         Pardon ?
-         Non, rien, les deux mots, « France » et « romance » riment vraiment dans ma langue.
-         Ah ? Bon, où en étais-je… Ah oui, donc romantiques, filles faciles, bons amants…
-         Super… Je comprends pourquoi le type m’a abordée dans le café, alors.
-         Pas moi, il ne savait pas que tu étais française.
-         Ce que tu as dit, bien que parfaitement justifié et logique, est un tantinet vexant…
L’air de Leviath –un air perdu et désespéré, le regard vide et fixe, les lèvres entrouvertes, les sourcils froncés- suscita une nouvelle vague de désarroi chez la jeune fille. Mais comment pouvait-il être aussi lent ?
-         Tu viens de sous-entendre qu’il n’y avait aucune raison pour qu’il me drague, donc que j’étais laide et inintéressante.
-         J’ai vraiment dit tout ça en à peine quelques mots…
-         En deux mots, tu as dit tout ça en seulement deux mots. Le « pas moi » suffisait pour cela.
-         Vraiment ? Il va falloir que je fasse plus attention à ce que je dise, alors.
-         Exact.
-         Ça me gonfle, pff…, soupira le jeune homme aux cheveux bleus, en levant des yeux pleins de larmes –enfin, on se les imagine bien- vers le ciel.
-         Vingt-deux.
-         Hein ?
-         Ça fait vingt-deux fois que tu dis « ça me gonfle ».
-         Parce que tu fais le compte en plus !?
Le regard sadique et machiavélique que lui lança Cécile, accompagné d’un rictus maléfique, lui donna immédiatement sa réponse. Il n’avait pas fini d’en entendre parler… Soudain, quelque chose attira son attention. Une aura, non, plusieurs auras qui s’approchaient à grande vitesse.
Merde.
Il ne tenait pas vraiment à révéler sa véritable identité dès maintenant à la jeune femme, mais, en même temps il ne pouvait ni fuir devant l’arrivée prochaine de membres de la Résistance –du moins, le supposait-il-, ni décider de ne pas utiliser ses pouvoirs.
-         ça va ?
-         Mm…
-         Eh ! Je te parle !
-         Tiens, tiens… ça ne serait pas ta demoiselle, Beloss ?
Les deux jeunes gens se retournèrent d’un même mouvement, pour faire face aux quatre agitateurs du bar. Ils arboraient tous un sourire goguenard et supérieur, ce que Cécile trouva parfaitement stupide et ridicule –même pas capables de se rendre compte de sa propre valeur…
-         Sa demoiselle ? Dans ses rêves les plus fous, peut-être… Et encore, c’est totalement contre mon gré. Je devrais peut-être demander des dommages et intérêts… Qu’est-ce que tu en dis, Leviath ?
-         Demander, tu peux toujours…
-         Ça veut dire quoi, ça ?
-         Ça veut dire que tes chances de réussites se situent entre O et -10.
-         Merci. Non, merci beaucoup, vraiment. C’est bien de se sentir soutenue…
Puis, d’un air qui se voulait fier et digne –mais qui en réalité était tout simplement boudeur-, elle reporta son attention sur les inopportuns. Ceux-ci fixaient Leviath d’un air éberlué et conversaient entre eux à voix basse, si bien qu’elle ne pouvait les entendre.
-         Mais qu’est-ce que vous avez tous ? Bon sang, je dois vraiment être sans intérêt !
-         Leviath, répéta l’un des hommes. Tu ne serais pas le Général de l’Armée infernale de l’Eau ?
Cette fois-ci, elle ne put se retenir, elle éclata de rire. L’Armée infernale de l’Eau, mais qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre, franchement !
-         Ils plaisantent, bien sûr…, siffla-t-elle, en plissant les yeux devant les airs tout ce qu’il y a de plus sérieux des nouveaux venus –qui commençaient à s’éterniser de façon exaspérante, d’ailleurs.
-         Non, soupira le jeune homme aux cheveux bleus. Ils ont raison.
La jeune femme le regarda avec des yeux ronds. Il se fichait encore d’elle ? Mais, il gardait la tête baissait et n’osait croiser son regard, comme s’il était en tord, qu’il craignait quelque réprimande. Que signifiait tout cela ?
Tout à coup, alors qu’elle en était encore à se demander si tout cela n’était pas qu’une vaste mascarade –filmée, les Japonais sont fourbes, c’est bien connu-, elle fut tirée en arrière, un bras énorme lui écrasant la poitrine, quelque chose de dur et de froid plaqué contre sa gorge. Elle sentit un souffle chaud et putride contre sa joue.
Si elle demeura invisible pour celui qui la maintenait, tous purent voir distinctement la –certes brève, mais pas assez- grimace de dégoût de Cécile, avant qu’elle ne se reprenne et n’arbore ce masque froid, hautain et indifférent si propre aux Français.
-         Si tu fais le moindre geste, je l’égorge, lança une voix près de son oreille.
-         Ça me gonfle, pff…
-         Pas si fort, crétin ! Tu n’es pas obligé de m’arracher le tympan ! Tu sais tu peux parler normalement, il est à peine à deux mètres de toi ! Abruti… Ah, et, Leviath, si tu fais ce qu’il te dit, tu ne pourras plus jamais mâcher une salade de ta vie…
-         Ce n’est pas grave je n’aime pas la salade.
-         Oui, enfin, si tu ne peux plus mâcher de salade tu ne pourras plus mâcher grand-chose d’autre… De la soupe, à la rigueur.
-         Mais, la soupe, ça ne se mange pas, ça se boit…
-         Boutade, Leviath, boutade ! Décidemment, tout une éducation humoristique à refaire !
-         Si je bouge, il te tue. Si tu meurs, tu ne pourras pas m’éduquer humoristiquement.
-         Qui a dit que c’était moi qui m’en chargerais ? Et, tu es sûr que ça existe comme mot, « humoristiquement » ?
-         Je n’en sais rien… Mais, l’important c’est que tu m’as compris, n’est-ce pas ?
-         Peut-ê… Mais ! Ôte tes mains de là !!!!
Publié le 24/06/2008 - Pas de modifications
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