Articles de Xylandar - Ode po?tique ?et PANTHEY MOR
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Par un bel après-midi de printemps, à trois kilomètres d’un village quelconque, deux personnes déjeunaient. Allongés sur un long drap usé, un homme et une femme savouraient l’instant. Ils se buvaient du regard et se nourrissaient de la présence de l’autre. Amoureux, ce jeune couple avait décidé de faire un pique-nique par cette chaude journée. Il avait travaillé toute la matinée aux champs avec son père. Elle avait nettoyé et étendu la lessive avant de préparer le repas. Le lapin avait été cuit à feu doux. Il était croquant et moelleux, fondant comme un délice divin dans leurs bouches affamées. La salade était fraîche et assaisonnée d’une sauce tenue secrète par la grand-mère de Caroline. Le vin était âgé et mariait ses saveurs avec le reste du repas d’une façon délicieuse. Le père de Sébastien l’avait donné à son fils deux années auparavant pour cette occasion. Ils allaient être parents.

Ils se regardèrent longuement, perdus dans les yeux de l’être aimé. Et ils s’embrassèrent. Heureux de partager ce moment. Heureux d’être ensemble. Heureux de vivre. Le monde n’existait plus. Plus rien n’existait. Il n’y avait qu’eux deux. Et leur bonheur charnel qui se révélait avec passion sous le soleil de la plaine. Deux heures passèrent. Ils s’étaient endormis, blottis l’un contre l’autre. Savourant cet instant de tout leur cœur et de toute leur âme, ils avaient oublié leurs devoirs du jour. Mails ils étaient honnêtes et travailleurs. Ils rattraperaient leur retard et la vie suivrait son cours. Tranquille, apaisante, parfaite.

Un groupe de cavaliers nappés de gris galopait sur cette même plaine. Leurs longs manteaux recouvraient la totalité de leurs corps, à l‘exception de leurs bottes de qualité. Chacun avait une capuche qui dissimulait ses traits. Et sans elle, on n’aurait pu voir que des visages impassibles. Des visages forgés dans l’acier et le sang des batailles. Sans expressions. Ils ralentirent leur course en apercevant le chariot des deux amants. Ils se déployèrent avec méthode autour du véhicule. Ils sortirent de sous leurs manteaux de longs et puissants pistolets qu’ils armèrent. L’un d’eux sauta dans le chariot et le fouilla. Il ressortit vingt secondes plus tard et fit « non » de la tête. Les mercenaires se regardèrent et se dispersèrent autour du véhicule, avec la même rigueur et la même méthode qu’auparavant. Une dizaine de mètres plus loin, l’un de ces hommes vit la masse formée par le drap et les deux corps. Il mima le cri d’un aigle et les autres arrivèrent en trottant. Le couple se réveillait tranquillement. Ils étaient habillés mais encore ivres de leur extase mutuelle.

L’un des membres de la Compagnie Grise descendit de son cheval, pistolet au poing. Il s’approcha lentement du couple qui s’étonna de sa présence. Sébastien comprit tout de suite de quoi il s’agissait : le regard du mercenaire qui s’approchait ne laissait aucun doute sur sa détermination. Il sut à cet instant qu’il allait mourir. Un voile de terreur et de tristesse s’abattit sur son regard à présent vide d’espoir. Il se retourna vers Caroline, sa femme. Il voulait lui dire qu’il était désolé. Qu’elle devait courir très vite pour sauver sa vie. Celle de leur fils. Il voulait qu’elle lui pardonne de ne pas être là pour être auprès d’elle pour éduquer leur enfant. Sa bouche s‘ouvrit et se figea. Aucun son n‘en sortit. De son corps, il n’y avait que du sang qui suintait d’un trou béant au milieu de son front.

Caroline n’avait pas entendu le coup de feu. Elle n’avait pas voulu l’entendre et voulait l’ignorer. Le corps de son époux s’écroula sur elle. Elle put alors voir l’homme de gris qui tenait le pistolet. De la fumée s’échappait de l’arme et la pauvre femme se résolut à comprendre.

« Moooooooooooooooooooooooonstre ! » Hurla-t-elle en se redressant.

Elle laissa sur le côté le corps de son mari qui la tachait de sang. Elle prit rapidement le couteau planté dans le fromage et se jeta sur l’homme qui l’avait tué. Il abaissa son arme vide et tendit son bras d’un geste vif. Caroline s’immobilisa. La main gantée du mercenaire enserrait sa gorge avec force. Et l’avait stoppé net dans son élan vengeur. Malgré son impuissance, elle était résolue à venger l’homme qui l’avait rendu heureuse. Qui la rendait heureuse. Et qui l’aurait rendu plus heureuse encore. Les larmes coulaient le long de ses joues, mais ses yeux distinguaient assez de l’homme en face d’elle pour tenter de le transpercer. Elle leva son bras et abattit la lame dans le biceps du guerrier gris. Il ne broncha pas. Pas un rictus de douleur. Aucun mot ni cri d’homme souffrant d‘une plaie ouverte. Il n’y avait que son sourcil qui s’était relevé. Pour ceux qui connaissaient cet homme, ils savaient que ceci signifiait la surprise. L’audace folle d’une femme éplorée avait pu surprendre le général.

Les larmes de Caroline redoublèrent. L’homme en face d’elle avait détruit sa vie. Elle voulait le tuer. Lui faire mal. Mais même après avoir retiré trois fois le couteau de son bras, il n’avait pas bougé. Comme s’il ne pouvait rien ressentir. Après ces quelques minutes instructives, il lui dit : « J’ai dû faire pendre tout un village pour venger la mort de mes guerriers. Ton rebelle de mari a refusé de se soumettre. Et a fait exécuter les hommes, les femmes et même les enfants de tout un village. En leur donnant l’envie de se battre, il les a tous envoyé à la mort. Il les a organisé pour prendre en traître mes collecteurs. Il les a brûlé sur la place publique et a laissé ce village payer pour lui la note de son héroïsme imbécile. »

Une lueur farouche brillait désormais dans les yeux du mercenaire. Caroline comprit alors pourquoi son homme était mort. Elle ne se défendit plus et lâcha le couteau qui tomba par terre. Elle s’effondra et la poigne de Xylandar se desserra pour lui permettre de tomber. Elle pleurait à chaudes larmes.

« Le sang ne coule jamais assez pour les héros. Jamais. »

Il y a trois jours, son mari était revenu à la maison avec un sourire nouveau. Quand elle l’avait questionné sur sa bonne humeur, il n’avait pas dit grand-chose. Ses mots résonnèrent dans sa tête pendant que le général lui tournait le dos et remontait en selle. La troupe partit au galop peu après. Un marchand d’une cinquantaine d’années, trop sage pour s’être approché du lieu quand les guerriers de PANTHEY MOR y étaient encore, vint secourir la femme. Elle pleurait toujours, assise par terre, la robe et le visage éclaboussés de sang. Désormais prisonnière de son enveloppe de chair pour toujours, elle revoyait les yeux de son mari emplis d’une terreur sans nom. Sa bouche ouverte, le terne de son teint. Et ses mots qui résonnaient sans cesse dans la tête vide de ce qui était son épouse: « Aujourd’hui chérie, j’ai œuvré pour un monde meilleur. »

Une semaine plus tard, c’est par dépit qu’on envoya la femme à l’Institut Demen Sya. On dit que le marchand a fait fortune en vendant le récit de cette histoire aux poètes et troubadours de Tecil.
Publié le 27/08/2009 - Pas de modifications
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