Amiral Jes-Tereth,

 

le Saint Greyneas navigue désormais sans but !

L'amiral nous a confié, il y a peu, qu'elle avait de moins en moins de contacts avec Gilnéas, jusqu'à ne plus en avoir du tout depuis plusieurs semaines à présent.

 

Il m'est difficile d'évaluer si l'amiral est sincère dans ses paroles. Le royaume de Gilnéas rencontre-t-il des raisons internes particulières de ne pas pouvoir, ou vouloir, communiquer avec le navire, ou bien l'amiral nous ment-elle sciemment ? Dans le dernier cas, depuis combien de temps, si ce n'est depuis le début peut-être ?

 

Je conçois mal un navire corsaire sans commanditaire. Ou alors le commanditaire est différent de celui qu'il semble être, ou bien il reste de grandes zones d'ombre dans le rôle tenu par l'amiral et celui qui incombe aux supposées autorités de Gilnéas en cette affaire.

Toujours est-il que le navire a perdu sa fonction de course première.

 

L'amiral, vraisemblablement accrochée à son bâtiment, comme un avare à ses richesses, estime de son devoir de ne pas quitter le navire et ne pas modifier sa politique de brigandage maritime... pour le moment au profit du navire lui-même. Elle s'est aussi engagée à régler elle-même les frais d'entretien et les soldes des marins tant que ses capacités le lui permettent.

 

Cela n'a, bien évidemment, pas été sans soulever nombre d'objections, de défiance, de découragement, voire de tentatives de désertion et de trahison.

Certains membres ont d'ores-et-déjà quitté le navire aussi discrètement que possible. L'amiral a engagé un garde du corps afin de se protéger jour et nuit.

Le capitaine Nacära Amakir est loin d'être la première à défendre le navire. Quelques mots échangés laissent clairement à penser qu'elle s'esquivera avant que n'arrive la tempête.

 

L'ambiance à bord est donc des plus suspicieuses.

C'est à la foi une force et une faiblesse.

Je peux plus facilement inciter les membres, mêmes fidèles, au découragement et prévenir d'attaques contre les forces de l'Alliance, ou encore retourner les plus mécontents afin de les enrôler à mon service.

En revanche, le climat est à la délation, et je dois redoubler de vigilance quant à mes propres agissements. L'amiral semble parfois se méfier de moi plus que de rigueur. Et je crains que ma couverture tende à être dévoilée un jour.

 

Il est aussi à envisager l'opportunité, si l'amiral disait vrai, que j'insinue la possibilité pour l'équipage de se porter alors au service de Hurlevent.

Cela reste toutefois une décision à la fois dangereuse et difficile, et un choix politique qui peut s'avérer désastreux selon l'écho qu'il aura à bord.

Je reste dans l'expectative en attendant de déceler des signes avant-coureurs en faveur de cette possible évolution.