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Chapitre 1 : Un ami pour la vie

 

 

Avant toute chose, Llégion devait retrouver ses incommensurables pouvoirs maléfiques. Et force était de reconnaître que c'était plutôt mal parti...

 

Malgré son incontestable talent et sa fabuleuse expérience dans les arts occultes, Llégion n'était revenu à la "non-vie" qu'avec une robe pouilleuse, une dague rouillée et surtout un minable trait de l'ombre comme seul sortilège de combat.

C'était à pleurer. Comment voulez-vous conquérir le monde avec un tel équipement ? Quand il pensait à son repaire secret et à tout le matériel qu'il y avait patiemment entreposé...

Bon, c'est vrai que les huissiers avaient déjà tout raflé.

Trois fois.

Mais quand même...

 

Plongé dans ses réflexions, Llégion arriva rapidement au petit bourg situé au nord du tombeau.

Le Glas.

Le bâtiment principal avait l'air minable, et les Morts-Vivants qui y avaient élu domicile étaient à peine mieux.

Au moins, ils ne juraient pas dans l'ensemble.

 

Celui qui semblait le chef - en tout cas, le moins pouilleux de tous, si tenté que cela puisse exister - leva la tête de la partie de carte auquel il participait avec ses congénères.

 

- Bienvenue à toi, Démoniste. Tu es des nôtres, dorénavant.

- Je ne suis pas sûr d'aimer ça...

- Tu verras, tu t'habitueras. Et pour commencer, tu devras faire tes preuves. Je t'ordonne de tuer des morts-vivants qui traînent là-bas et de me ramener leur coeur.

- Tuer des morts-vivants ? Des gars comme nous, vous voulez dire ?

- Je sais, moi aussi je trouve ça foireux, mais que veux-tu, ce sont les ordres... De toutes façon, plus on en tue, plus il y en a de ces saletés. Donc, défoule-toi, c'est gratuit.

 

Bon ben, si c'est gratuit...

 

Mais avant tout, il fallait à Llégion un serviteur. Un démon, donc. Ca tombait bien, il y avait une collègue juste devant lui. Et vu sa tête, son jeu ne devait pas être terrible...

 

- (voix caverneuse) Par la malepeste, que veux-tu, créature ?

- Eh ! C'est mon juron ! C'est moi qui dis ça normalement !

- (voix caverneuse) Tu me fais perdre mon temps, créature.

- Grrr… En fait, vous allez rire, mais bien que je sois un Génie du Mal diplômé, j'ai, hem... "oublié" comment on invoque des démons. Vous voulez bien me le rappeler ?

- (voix caverneuse) Pour commencer, tu devras faire tes preuves, créature. Je t'ordonne de tuer des morts-vivants qui traînent là-bas...

- ... et de vous ramener leur coeur, c'est bon, je connais le topo.

- (voix caverneuse) ... et de me ramener leur crâne. Perdu.

- Pas de problème.

- (voix caverneuse) Ne te trompe pas, créature. Ce sont les squelettes que tu dois tuer.

- Dites donc, ils n'ont pas l'air d'être vos copains, ces morts-vivants.

- Ca fait 15 fois qu'ils ruinent mon potager ! Tu parles que je vais me gêner pour les faire démolir par tous les bouseux qui passent par ici !

- Tiens, vous avez perdu votre voix caverneuse.

- Euh... (voix caverneuse) Ne me fais pas perdre mon temps, créature. (voix normale) Et puis, te gêne pas pour en démolir un bon paquet, hein. De toutes façon, plus on en tue, plus il y en a de ces saletés. Donc...

- ... défoulez-vous, c'est gratuit. Ca aussi, je connais.

 

Il avait donc une mission maintenant : casser du mort-vivant. Y'avait plus qu'à.

 

 

Un quart d'heure plus tard, Llégion titubait maladroitement vers le bâtiment où ses "employeurs" continuaient tranquillement à taper le carton en attendant les débutants comme lui.

Il ne titubait pas pour faire comme un mort-vivant, il avait déjà assez de mal avec cette satanée rob...

 

- Encore ?! Par la malepeste, ras-le-bol ! Jamais je réussis à marcher sans me casser la figure, moi !

 

Llégion se releva en pestant et ramassa le tas de coeurs décomposés et de crânes pourrissants, récupérés de haute lutte sur les sacs d'os se baladant dans le village en ruine.


Passablement encombré, il se planta devant sa consoeur.

 

- Bon, voila, je vous ai apporté les crânes. Un boulot pourri, soi dit en passant. Vous me montrez l'invocation, maintenant ?

- (voix caverneuse) Tu as bien travaillé, créature. Laisse-moi te montrer...

 

L'apprentissage se révéla plus fastidieux que prévu. Llégion avait notamment du mal avec le passage avec les mains, mais au bout d'une heure d'efforts, il réussit enfin à piger le truc.

Llégion se frotta les mains.

 

- Enfin ! Un démon puissant et destructeur ! Soumis à mes ordres ! Ils vont voir, ces ploucs ! Maintenant, oui, maintenant, Llégion repart à la conquête du monde ! Mouahahahahahahah !

 

Llégion remonta ses manches et entreprit de procéder au rituel qu'il venait d'apprendre. Après quelques secondes de recueillement, il lança le puissant sortilège qui allait lui donner l'instrument de sa volonté toute puissante.

 

Le sortilège fit trembler les murs de la réalité. Un portail s'ouvrit devant lui, donnant à voir une infime partie des Enfers.

Le puissant démon qu'il avait invoqué parut alors, et traversa le portail.

 

- Enfin ! Oui, enfin ! Tu es dorénavant à mes ordres, démon ! Et je t'ordonne de... euh... Par la malepeste, c'est quoi ce truc ?

 

Le "truc" en question n'avait rien du puissant démon envisagé. Au contraire. Petit, vaguement agité, avec des ailes ridicules...

 

- Un Diablotin ! Par la malepeste ! Ils m'ont fourgué une saleté de Diablotin ! Je l'crois pas ! Eh ! Rouvrez le portail, vous vous êtes trompé ! C'est pas le bon modèle !

- Bonjour ! C'est vous mon Maître ?

- Non ! J'ai demandé un puissant démon, pas une petite crotte ! Dégage ! Retourne en Enfer et dis-leur de m'envoyer le bon !

- Désolé, Maître, mais conformément à la directive infernale 427 alinéa 38 du Code de Procédure d'Invocation, les Démonistes en noviciat d'invocation n'ont pas accès aux susdits infernaux d'une habilitation supérieure au niveau dudit novice.

- ... Hein ?

- Ca veut dire que vous êtes trop nul pour avoir autre chose qu'un Diablotin pour l'instant... Maître. Pas de bol.

- Par la malepeste, mais j'ai un monde à conquérir, moi ! Tu ne te rends pas compte ! Comment je fais moi, sans un puissant démon pour anéantir mes ennemis ?

- Vous inquiétez pas, je suis pas si mauvais que ça... moi... Maître.

- Dis donc, toi, tu ne serais pas en train de légèrement me charrier, là ?

- (air innocent) Moi ? Nooonnn... Ce serait surprenant. Ne suis-je pas votre serviteur, ô mon Maître ?

- Tu es un vrai faux-cul, toi... Tu me plais bien, finalement. Et tu t'appelles ?

- Abatik, Maître. Ca vient de mon arrière-grand-oncle qui servait...

- On s'en fout. Et tu sais faire quoi ? Tu connais des sorts, au moins ?

- Des sorts ? *sourire pervers* Je ne vous ai pas encore montré mon sort préféré, Maître. Ca s'appelle...

 

Cinq minutes plus tard.

 

- Sympa. J'aime bien la façon dont ils courent dans tous les sens, et les flammes, ça donne un côté festif. Et tu appelles ça... ?

- Eclair de feu, Maître. Simple et de bon goût. En plus, cela présente l'avantage sur les traits d'ombre de cuire la viande en même temps. Sans le goût faisandé.

- Bien, je crois que finalement, je vais quand même te garder.

- Mon Maître est trop bon. C'est un honneur de servir un tel seigneur...

- On lui dira, on lui dira... Bon, c'est pas tout ça, mais que penses-tu de partir à la chasse ?

- La chasse ? Je ne connais pas, Maître. Ca marche comment ?

- On tue des trucs.

- Intéressant. Je sens que ça va me plaire, Maître...

- En plus, tu as le droit de les faire souffrir.

- ... vraiment me plaire, Maître.

 

Abatik. Hypocrite, tordu et malin comme un singe. Un nouveau serviteur. Finalement, tout ceci prenait une tournure assez sympathique...

 

- Vous ne vous êtes pas fait mal, Maître ?

- RHHHAAA !!! Par la malepeste ! Marre de cette robe à la con !

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

- (voix geignarde) Je veux un pantalon...

- N'ayez crainte, Maître. J'ai ma petite idée...

 

 

***

 

 

Chapitre 2 : De fil en aiguille

 

 

Llégion était assis à une table à l'auberge du Pendu de Brill, devenu son quartier général faute de mieux.

 

- Par la malepeste, pour une idée à la con, c'est vraiment une idée à la con. Et je m'y connais.

- Mais non, Maître. C'est simplement logique. Faites attention à votre ourlet.

- On ne peut pas trouver des gens pour faire ça à ma place ? Genre de charmantes demoiselles, avec des yeux de biche, un sourire ravageur, une longue chevelure bouclée...

- Maître...

- Des cuisses fermes et bronzées, des petites fesses dodues...

- Maître !

- Quoi ?

- Vous êtes mort, Maître. Vous vous faites du mal. Et en plus, vous n'en n'avez pas besoin.

- Je suis un Génie du Mal. Je suis sensé me vautrer dans le stupre et la luxure.

- C'est prévu, Maître. Un peu de patience...

- C'est-à-dire ?

- Vous avez entendu parler de la Succube, Maître ?

- La Succube ? C'est quoi ?

- Je vous laisse la surprise, Maître. Mais ça va vous plaire, croyez-moi.

- Si tu le dis... Mais pour en revenir à ton idée à la con...

- De toutes façons, il faut de l'argent pour acheter, Maître. Même moi je sais ça. Et on a combien ?

- ...

- Donc : il vous faut un métier, Maître. Et la couture, pour un Démoniste, c'est une base.

- N'empêche, je trouve ça, comment dire... pas très malfaisant.

 

Il se replongea dans son canevas.

 

Franchement, moi, Llégion, le plus grand cerveau criminel de tout Azeroth, un pur Génie du Mal, faire de la couture...

Le pire, c'est que ça commençait à lui plaire…

 

Il fallait reconnaître au moins un avantage à ce métier. Pour coudre, il faut du tissu. Et du tissu, on en trouve sur des ennemis. Morts, vu que ce sont de sales égoïstes. Et avec Abatik, Llégion avait vite pris le coup pour ce qui était de tuer des trucs sans prendre de risques...

 

...

 

Une heure plus tard, du côté de la Tour de Garde occupée par les Ecarlates.

 

- Euh... Maître ?

- Oui, Abatik ?

- Je ne veux pas avoir l'air de me plaindre, Maître...

- Alors ferme-la. Et prépare ton éclair, j'ai repéré des guerriers Ecarlates là-bas.

- Je ferais bien une pause, Maître.

- Pourquoi donc, par la malepeste ? Tu ne t'amuses pas ?

- C'est la douzième fois que je meurs cet après-midi, Maître ! J'en ai marre !

- Tu es un démon. Tu ne peux pas mourir.

- Quand même. J'aime pas me faire invoquer, Maître. J'ai les oreilles qui bourdonnent pendant une heure à chaque fois.

 

De toutes façons, les guerriers Ecarlates avaient fini par décider d'aller se planquer du côté du Monastère ce jour-là. Beaucoup trop de jeunes Morts-Vivants enthousiastes dans le coin, et donc beaucoup trop de pertes pour les soi-disant champions de la Lumière.

De plus, Llégion avait son content de tissu pour se faire quelques habits un peu moins pouilleux. Abatik poussa un soupir de soulagement et les deux suppôts du Mal repartirent vers Brill.

 

- Par la malepeste, il faudrait que j'achète des sacs. Ca commence à faire juste, là.

- Il faut des sous pour ça, Maître.

- Oui. Et vu que je suis raide...

- L'idéal, Maître, ce serait de trouver un riche pigeon et de lui soutirer son or.

- On est au milieu de nulle part, et je n'aime pas mendier. Ca fait plouc. On va plutôt continuer à tuer des trucs. En plus, il me semble que tu meurs moins, ces temps-ci...

- (Tu parles...) Vous avez raison, Maître.

- Mais il me faudrait une autre arme. Un bâton ou une épée, par exemple, pour remplacer cette dague minable. Et une baguette. Et j'ai besoin de cuir pour mes bottes. Et...

- Maître, on est raide.

- Ah, oui. Il me faudrait un bon plan pour me faire du fric facilement. Genre trouver un riche pigeon et lui soutirer son or. Tu en penses quoi ?

- (Ben tiens...) Une idée lumineuse, Maître.

- Bon, je te laisse les détails. Mais dépêche, on n'a pas toute la journée.

 

Abatik s'assit un moment, se caressant le menton d'un air pensif. Puis un sourire commença à apparaître sur son visage tordu.

 

- Je pense que je tiens quelque chose, Maître...

- Alors, c'est quoi ton plan ?

- Vous avez encore de la famille, Maître ?

- Aucune idée. Peut-être du côté de mon frère. Il a eu un fils autrefois. Il doit bien y avoir quelque marmaille qui en est sortie.

- On vérifiera dans les archives de Fossoyeuse, Maître. Et vous aimez écrire ?

- Ca fait parti de mes nombreux talents. Je suis un Génie du Mal, ne l'oublie pas.

- Alors Maître, voilà ce que vous allez faire...

 

 

***

 

 

Chapitre 3 : L'art de plumer un pigeon

 

 

Abatik avait eu une bonne idée. Comme Llégion l'avait subodoré dès leur rencontre, le Diablotin s'y connaissait en matière d'arnaques et de coups tordus.

 

Quelques recherches dans les archives de Fossoyeuse avait permis de retrouver la trace d'un arrière petit-neveu encore en vie, un certain Edualk, Paladin de son état, disposant d'un permis de voyage pour l'Outreterre en bonne et due forme.

Donc probablement riche.

 

Llégion se souvenait du grand-père du Paladin, son neveu donc, quand celui-ci n'était qu'un enfant. Un gniard classique, sage, poli, serviable. Il avait toujours de furieuses envies de balancer un coup de pied dedans, mais ce ne sont pas des choses à faire en réunion de famille.

Il paraît.

Que le petit-fils soit devenu Paladin ne le surprenait pas outre mesure.

 

C'est ainsi que le Démoniste se retrouva attablé à l'auberge de Brill, une plume à la main.

 

- Bon, je récapitule, Maître. Vous envoyez la lettre, on part ensuite à Baie du Butin…

- Pourquoi Baie du Butin ?

- C'est encore un des rares endroits d'Azeroth où Hordeux et Allianceux peuvent se rencontrer sans s'entretuer, Maître. Donc, vous déguisé en moine, moi en mignon orphelin – argh -, on repère le neveu, on récupère le fric et on se casse.

- Ca me parait bien. Tu crois qu'il va marcher ?

- C'est un Paladin, Maître. Courage, générosité, tout le toutim. Le pigeon idéal. En plus c'est la Semaine des Enfants, il ne pourra pas se défiler.

- Okay. Donc, je relis : "Cher messire Paladin. Vous n'êtes pas sans savoir les drames que provoquent les guerres innombrables contre les valeureux champions de la Horde..."
- Mettez plutôt "infâmes raclures" au lieu de "valeureux champions", Maître.

- Bien vu. "... les infâmes raclures de la Horde. Parmi tous ces drames, ces saletés de gniards..."
- Euh, non, Maître. Faudrait plutôt dire "nos chers et adorables enfants". On est sensé être, hum... gentil... argh... sur ce coup-là.

- Effectivement... "...nos chers et adorables enfants sont ceux qui ont le plus à souffrir des combats. Combien d'orphelins en pleurs les valeureux - pardon, les infâmes - raclures de la Horde ont-ils envoyés sur les routes ? Songez à leurs petits yeux emplis de larmes, leur adorable bouille attristée, leur rires joyeux que la guerre a fait taire, leurs jeux espiègles..."

- Je crois que vous en faites un peu trop, Maître. Il faut garder une certaine mesure, quand même, sinon ça va se voir.

- Dommage, j'étais bien parti pourtant. Bref, "...leurs jeux espiègles interrompus par la douleur d'avoir perdu leurs parents. Aujourd'hui, grâce à nos généreux donateurs, notre organisation est en mesure de prendre en charge au quotidien tous ces enfants. Oui, messire Paladin, c'est grâce à des contributeurs comme VOUS que la Société Philanthropique d'Activités Maternelles peut apporter un peu de joie à ces pauvres petits enfants..."

- J'y pense, Maître : faudrait peut-être placer un couplet sur l'exemplarité du Paladin ?

- Par la malepeste, ça va pas la tête ? Il serait capable d'aller former ces gniards et on se les retrouverait en face dans 20 ans !

- Z'aimez pas les Paladins, Maître ?

- Non. Le dernier qui a ravagé mon repaire secret a bousillé toutes mes tapisseries érotiques sous prétexte que "la luxure est un péché". Et y m'a tapé avec sa masse, en plus. Saloperie de palouf...

- (Je comprends mieux...) Vous en étiez où de la lettre, Maître ?

- "... blablabla... prendre en charge... blablabla... à ces pauvres petits enfants." Ah, oui. "...Car malgré les efforts et la générosité de nos donateurs, nos charges sont lourdes et nous n'arrivons que difficilement à subvenir à tous les besoins. Les Gobelins font payer une fortune pour les moindres petits travaux de maçonnerie, le prix de la pierre n'arrête pas d'augmenter, en plus, ces foutus marais engloutissent progressivement les étables..."

- Maître...

- "...Je ne parle même pas du prix des armes et des armures que de toutes façons les huissiers saisissent à chaque fois..."

- Euh… Maître ?

- "...En plus, les séides se mettent en grève pour un oui pour un non, sous prétexte qu'ils veulent une soi-disant prime de risque - par la malepeste, leur en foutrait, moi, une prime de risque, ils se croient en camp de vacances ? - et que les esclaves demandent la semaine de 150 heures payées pareil - je les paie pas, mais quand même..."

- Maître !

- "...Et sur ce, alors qu'on vient à peine de faire curer les douves - d'ailleurs, ils se prennent pour qui ces géants avec leur foutue pause syndicale ? - et qu'on vient de changer la porte..."

- Eh, oh, Maître !

- "... arrive une bande d'aventuriers à la mord-moi-l'noeud qui démolissent tout, brûlent la bibliothèque - une collection unique d'ouvrages licencieux elfiques que j'ai mis des années à récupérer, mais ça ils s'en foutent - pillent le garde-manger et me volent le peu d'or que j'avais réussi à mettre de côté..."

- Youhou ? Maître ?

- (voix sifflante) "...Mais tout ceci est fini, maintenant. Par la malepeste, je vais leur montrer, à ces ploucs, qui c'est le Génie du Mal ici. Y vont voir s'ils vont encore me jeter des cailloux sous prétexte qu'on a malencontreusement foutu le feu à l'école des Démonistes - en plus, c'était pas ma faute, y z'avait qu'à pas mettre de la paille à cet endroit-là, franchement, dans une écurie, on a pas idée..."

- J'y crois pas, il a pété un câble... Maître ? Maître !

- "...Car bientôt, oui, TRES bientôt, j'aurai levé une nouvelle armée démoniaque et ainsi, mouahahahahahahah ! Je conquir... je conquier... j'irai conquérir le monde ! Mouahahahahahahah ! Mouahahahahahahah ! Teuh reuh *tousse*..."

- Maître ?

- ...

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

 

Llégion réussit à reprendre son calme, sous le regard inquiet du Diablotin.

 

- C'est bon maintenant. On faisait quoi, déjà ?

- On écrivait une lettre pour plumer votre arrière petit-neveu, Maître. Ca parlait d'orphelins et de charges lourdes...

- Ah, oui. On ne va peut-être pas mettre la dernière partie, tu ne crois pas ?

- Cela ne me paraîtrait pas judicieux, Maître.

- "Blablabla... (et je ne parle même pas du temps pourri dans ces foutus marais, j'aurais dû me méfier, aussi, le type avait l'air sacrément louche, même pour moi, mais bon bref). C'est pourquoi nous sommes au regret de devoir faire appel à votre stupidité..."

- "Générosité", Maître.

- "... à votre générosité pour continuer la prise en charge des gn... des enfants. Un de nos moines a entrepris de visiter les principales villes d'Azeroth et se trouvera donc tantôt à Baie du Butin pour recueillir les fonds nécessaires au dépeçage des orphelins..."

- "Prise en charge", Maître, plutôt que "dépeçage".

- Pourquoi, par la malepeste ? Ca me paraît bien à moi.

- Pour un Paladin de l'Alliance, ça risque de ne pas passer, Maître.

- Si tu le dis. "...Nos experts comptables - tiens, je les avais oubliés, ceux-là ! Chers, incompétents, pas foutus de faire des additions justes sauf quand il s'agit de leurs propres factures. En plus, il suffit qu'on en étripe deux ou trois ou dix pour que les gardes débarquent et vous filent une amende - 50PA, moi je dis que c'est de l'abus, avec tous les impôts qu'on paye, bon, moi j'en ai jamais payé, sauf quand ils envoyaient leurs inspecteurs pour me faire un redressement, saloperie d'inspecteurs..." Quoi ?

- Non, non, Maître, rien... "...Nos experts comptables..."

- "...Nos experts comptables ont établi nos besoins en liquidités pour l'année à venir. Et c'est là, messire Paladin, que VOUS pouvez nous aider. Et puis, que sont 100PO quand il s'agit de nos enfants, en un mot, de notre... AVENIR. En liquide, d'avance merci."

 

Llégion reposa sa plume et regarda le Diablotin, qui relisait la lettre.

 

- Alors ?

- La fin est un peu... sèche, Maître. Mais le coup de l'avenir, c'est bien trouvé.

- Bien, on envoie la lettre, et en attendant que le dirigeable arrive, je vais te faire ton déguisement d'orphelin. Ne bouge pas, je prends tes mesures. Un bleu azur, avec une touche de rose clair, peut-être...

 

 

***

 

 

Chapitre 4 : Pigeon vole

 

 

Loin de là, en Feralas, un Paladin fatigué parlait à un énorme tigre couché sous un arbre.

 

- Ecoute Tigrou, je suis crevé, mes habits sont en lambeaux, ça fait un mois que j'ai pas dormi dans un lit, j'arrête pas de me prendre râteaux sur râteaux avec toutes les Draeneies que je croise, alors, s'il te plait, JE T'EN PRIE, lève-toi que je puisse aller prendre un bain dans un endroit civilisé et me coucher.

- Raou !

- Je t'ai déjà dit que c'était pour ne pas effrayer les filles ! Il n'y a rien entre ce cheval et moi !

- Grrr...

- C'est toi ma seule et unique monture, voyons ! Tu crois tout de même pas que j'ai claqué 500PO pour des cours de monte avancée pour me trimballer sur un vulgaire canasson !

- Raow !

- Chut ! Tais-toi donc, bon sang ! Personne n'est sensé savoir d'où vient cet or !

- Raou grrr...

- Moi je dis que cette jeune guerrière ne se serait pas installée devant l'hôtel des ventes de Hurlevent si son offre n'avait pas été honnête. C'était une exclusivité, en plus.

- Harrr harrr harrr...

- Vas-y, fous-toi de moi. N'empêche que sans cet or, tu serais encore à boulotter des écureuils à Darnassus. Alors qu'avec moi, tu n'as que du premier choix.

- RAOW !

- C'est ma faute à moi si j'ai pas le coup pour me faire des amis ? Et seul, pas question de me risquer dans Rochenoire, même pour que Môssieur le tigre puisse se taper un steak de dragon.

- Pfffrrr...

- Bon, allez... on fait la paix ?

- ...

- Allleezz...

- ... Miaou.

- Mon copain ! Gentil tigre. Mais c'est un adourable petit tigrounet, ça, mais oui madame, mais oui !

- Ron ron ron...

- Excusez, m'sieur. M'sieur... Edualk, Paladin ?

 

L'homme habillé d'un étrange uniforme bleu, non content de tenir une enveloppe à la main, essayait de retenir un fou rire à la vue d'un Paladin lourdement armuré faisant des gratouillis à un gigantesque tigre de monte.

 

- Oh oui il est mimi, oh oui... Hem, pardon. Edualk ? Oui, c'est moi. Vous êtes qui ?

- Le facteur, m'sieur.

- Un facteur ? Ici ?

- Nous sommes les premiers en matière de livraison express, m'sieur. Z'avez pas vu la pub ?

- Euh...

- Bref, j'ai une lettre pour vous. Et y'a un sus.

- Un sus ?

- Ouaip. L'envoyeur n'a pas mis de timbre. Ca vous fera 10PO.

- ... 10PO !!!

- Dame, ça vient de Fossoyeuse, quand même. Merci, m'sieur. Signez ici. A la r'voyure. Euh... gentil, le tigre...

- Tigrou, lâche le monsieur, c'est sale, tu sais pas où ça a été traîner.

 

Edualk ouvrit l'enveloppe remise par le préposé qui en profita pour prendre la tangente, étant donné la façon dont Tigrou le regardait en se pourléchant les babines.

 

- Tiens, ça vient d'une boîte, "SPAM". Connais pas. Voyons voir... "Blablabla... Orphelins... Liquidités... 100PO". OK, je vois le genre.

- Grrr.

- Rien à voir ! C'est vrai qu'elle était mignonne, la guerrière, mais moi je préfère les Draeneies. Et puis là, c'est à moi qu'on demande du fric.

- Raow ?

- Mais c'est bizarre, l'écriture me dit quelque chose. Et puis le passage sur les marais...

- Miaou.

- Chut, je réfléchis... Je suis sûr d'avoir vu ça quelque part… Et plus j'y réfléchis, plus je me dis que je connais ça… Etrange...

- Maiou ! Raow !

 

Edualk leva les yeux de la lettre et se retrouva nez à nez - ou nez à groin, vu le morceau - avec un Ogre.

 

- Quoi ? Oh pardon, je les avais pas vu... Sois maudit ! Meurs ! Rhaa ! Mais tu vas arrêter de bouger, saleté ! Meurs, charogne !

 

Edualk entreprit ensuite de fouiller les corps des Ogres qui avaient eu l'idée saugrenue de se jeter sur lui. Et qui étaient morts.

50PA. Bof. Mais bon, toujours ça de pris.

Il se replongea dans la lecture de la lettre, tandis que Tigrou commençait à arracher des morceaux de viande dans les corps sans vie.

 

- Surtout, mâche bien avant d'avaler. Et fait attention aux petits os.

- Graou.

- N'empêche, la dernière fois, le docteur a dû t'opérer.

- Raou ?

- On m'avait dit que c'était la meilleure vétérinaire d'Azeroth. Pas ma faute si elle vit à Exodar...

- ... maow...

- Oui, bien sûr que c'est une Draeneie, elle vit à Exodar.

- Maow...

- C'est vrai qu'elle était mignonne, la petite...

- Mrrr...

- Faudra qu'on retourne la voir. Pour ta visite de contrôle, bien sûr.

- Mow ?

- Non, je suis sûr de l'avoir entendu dire "chaque semaine".

- Mrrr...

- Jaloux...

- Maou row ?

- T'as raison. Cette lettre m'intrigue, je suis sûr de connaître cette écriture.

- Graou ?

- Mouais. Je vois que lui pour me renseigner.

- Mrrr...

- Je sais bien, mais c'est quand même mon papy. Et puis depuis qu'il a décidé de raccrocher, il a beaucoup changé.

 

Le Paladin rangea soigneusement la lettre sous son armure, ramassa ses sacs et partit donc vers le seul endroit où il était sûr de trouver un vieux Paladin râleur et à moitié sénile : la Comté de l'Or.

A pied.

 

- Tu vas pas me faire la gueule toute la route ! T'as vu où on est ? Tu sais combien de milliers de lieues on a à se taper ?

- Maou.

- Il est nul, il cause pas et il se traîne. Un vrai tocard, ce canasson. Avec toi, ça ira deux fois plus vite ! S'il te plait ?

- Grrr !

- Pas vrai, me faire ça à moi, avec mon expérience… La prochaine fois, je prendrais un Elekk. Et puis, j'avais eu un bon feeling avec la petite vendeuse...

 

 

***

 

 

Chapitre 5 : A la conquête d'Azeroth !

 

 

Un pigeon. C'était manifestement l'idée que les habitants des Clairières de Tirisfal se faisaient de Llégion, vu le nombre considérable de "services" pénibles qu'ils ne cessaient de lui demander.

Heureusement qu'ils payaient, et que cela lui permettait de se dérouiller après toutes ses années de "mort"…

 

Dernièrement, l'un de ces pénibles lui avait signalé un Gnoll qui venait régulièrement piétiner son potager et se rincer l'œil à travers les fenêtres quand sa femme prenait un bain.

Llégion n'en avait strictement rien à fiche, d'autant que ladite épouse n'avait plus assez de morceaux pour pouvoir exciter qui que ce soit – en-dehors des nécrophiles.

Mais le mari payait bien, et tuer des bestioles conservait heureusement un charme des plus attractif…

 

Après avoir erré pendant plusieurs heures faute de savoir où il allait, Llégion avait fini par arriver à l'Antre de Garren, où il devait pouvoir trouver le Gnoll en question pour lui…

 

- Tu me files un coup de main ? Pour Œil-de-Ver ?

 

Llégion regarda l’Orc de haut en bas. Une crête rouge pour lui servir de coiffure, le regard torve, un arc minable dans les mains… A ses côtés, un sanglier pouilleux se grattait consciencieusement avec un air de satisfaction béate.

Un Chasseur.

 

- Par la malepeste ! Tu m’as regardé, créature ? Agenouille-toi devant ton seigneur et Maître et soumets-toi à ma volonté !

 

Le Chasseur prit l’air choqué.

 

- Me soumettre ? A un vulgaire Démoniste ? Moi ? Par l'Enfer, chien galeux, tu parles à Flèchardente, le Seigneur des Bêtes ! Le futur Maître d’Azeroth !

- Eh ! Oh ! C’est moi le futur Maître, par la malepeste !

- Non d’abord ! Non d’abord !

- Si d'abord ! Même que je vais lever une armée, moi !

- Même pas vrai ! Et puis d’abord, moi, je vais lever une armée de bêtes féroces qui vont dévorer ton armée, par l'Enfer !

- Ouais, l’autre… Ben moi, quand j’étais vivant, j’avais un repaire secret, et des séides, et même un bossu.

- Ben moi, avant, j’avais un antre mystérieux, avec une meute féroce et un loup-garou. Et plus que toi, en plus !

 

Laissant son Maître se prendre le bec avec l'Orc, Abatik se rapprocha l’air de rien du sanglier. Les deux créatures se lancèrent un regard navré, et poussèrent en même temps un profond soupir.

 

- Il est comment, le tien ?

- Tu parles ? Je ne savais pas que les sangliers pouvaient parler...

- Une histoire de gland magique… A Durotar, y’en a partout de ces saloperies. Au fait, je m'appelle Groquik. C'est l'autre qui m'a appelé comme ça, donc pas de commentaire, merci.

- C'est pas de bol... Moi c'est Abatik. Mon Maître est un peu pénible, mais dans l’ensemble, j’arrive à l’empêcher de faire trop de bêtises.

- Le mien, il se croit le plus grand chasseur d’Azeroth.

- Et il est bon ?

- Suffisamment pour se tirer une flèche dans les fesses.

- Ah oui quand même… Le mien, il arrête pas de se casser la figure. Il dit que c’est la robe...

- Il est en pantalon, là.

- Oui. C’est dire...

 

Les deux familiers poussèrent un autre profond soupir, et s’installèrent tranquillement sous un arbre, attendant que leurs Maîtres terminent leur discussion.

 

- Ben moi, j’avais des murailles sanglantes !

- Et moi, j’avais des souterrains avec des salles de torture !

- Moi, les souterrains, l’architecte gobelin m’a dit que je ne pouvais pas. Parce que j’avais construit sur des marais...

- Remarque, moi je frime avec mes souterrains, mais en fait, c’était surtout des précipices… C'est le problème à la montagne.

- Beaucoup de pertes ? Parce que moi, avec les sables mouvants...

- M’en parle pas. Et puis la paperasse à remplir à chaque fois...

- Les charges sociales...

- Le prix de la pierre...

- Les huissiers...

- Les précipices, ça marche bien avec les huissiers. Mais y’en a toujours qui réussissent à passer.

- Je connais. T’en as eu beaucoup ?

- Tu sais, ça coûte cher d’entretenir un antre mystérieux. Et puis, hem... j’avais un harem...

- J’ai essayé, le harem, mais avec les sables mouvants... Alors je suis resté aux estampes elfiques...

- T’as de la chance. Avec mes bêtes féroces, le papier finissait systématiquement en foin.

 

Les deux Hordeux se regardèrent d’un air gêné.

 

- Ce serait bête de s’entretuer pour savoir qui va conquérir le monde. On n'a qu’à partager. Je prends les Royaumes de l’Est, et je te laisse Kalimdor et ses plaines sauvages ? Pour l’Outreterre, on verra après ?

- Ben tiens, comme ça, tu gardes Hurlevent et Lune d’Argent. Prends-moi pour un pigeon...

- Qu’est-ce qu’un chasseur peut bien faire d’une ville ?

- Ben, y’a plus de filles, déjà... J’ai un harem à faire, moi.

- Euh... Dites. Je faire quoi, moi ?

 

Llégion et Flèchardente se retournèrent. Tout à leur dispute, ils avaient oublié le chef Gnoll Œil-de-Ver et ses guerriers, qui attendaient d’un air impatient qu’on veuille bien s’occuper d’eux.

 

- Qu’est-ce qu’il y a ? Vous êtes pressé ?

- C’est-à-dire...

- Vous attendez votre tour ! Non mais...

- Ah, moi d'accord...

 

Le chef Gnoll fit signe à ses guerriers et retourna vers son repaire en râlant.

 

- Venir les gars, nous reven... Eh !

 

Le combat fut des plus violents. Abatik fut coupé en morceaux par trois guerriers Gnolls ricanant, qui finirent par se jeter sur un Llégion encore une fois étalé par terre.

Deux minutes plus tard, le combat était fini. Œil-de-Ver et ses guerriers gisaient à moitié nus sur le sol de la ferme, dépouillés par Flèchardente.

 

- Bon, c'était sympa, mais faut que j'y aille. A la revoyure, le Démo !

 

Llégion ne répondit rien. Son corps démembré gisait au milieu des cadavres, et son âme passablement énervée était encore au cimetière… étalée au sol.

 

- RHHHAAA !!! Par la malepeste ! Ras-le-bol de cette robe ! Et ce chasseur… Je me vengerai ! Mouahahahahahahah ! Oui ! Dès que j'aurais récupéré mon corps…

 

 

***

 

 

Chapitre 6 : Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait...

 

 

Le vieil homme ne ressemblait en rien à l'image du Paladin qu'on se faisait habituellement. Le fait qu'il se balade torse nu et en sandales au milieu de la rue principale de Comté de l'Or n'arrangeait rien à son apparence.

 

- Eh, toi ! Tu veux t'battre, ma mignonne ? Aller viens, chochotte ! Viens affronter l'homme le plus fort du monde ! Aller viens ! P'tite bite ! Couille molle !

 

Le puissant guerrier en armure lourde, vétéran de plus de 400 batailles, passa devant le vieillard sans lui accorder un regard.

Il croisa Edualk aux portes de Hurlevent.

 

- Tiens, Edualk, tu tombes bien. Y'a ton ancêtre qui recommence à emmerder le monde à Comté de l'Or.

- Quelle surprise...

- Il va bien, ton tigre ?

- Oui, pourquoi ?

- Non non, rien. C'est seulement que c'est la première fois que je vois un Paladin traîner un tigre en civière, c'est tout...

- Une divergence d'opinion. Bon, tu m'as dit qu'il était où, Papy ?

 

Le Paladin se dirigea vers le bourg. Il entendait déjà les vociférations de son grand-père, manifestement en grande forme ce jour-là.

 

- Tu fuis, lâche ! Amènes-toi, lopette !

- Lâche-moi, l'ancêtre...

- J'vais t'arracher la tête avec les dents, bâtard !

- Tiens, Edualk, y'a...

- Je sais.

- Et ton tigre...

- JE SAIS !

 

Edualk arriva à Comté de l'Or passablement harassé et couvert de poussière. Et traînant dans une civière Tigrou qui somnolait.

 

- C'est bon, t'as fini de faire la tête ?

- Mrrr...

- Bon ben, tu me fais signe, hein.

 

Edualk laissa la civière devant l'auberge et, bien que crevé, alla vers le vieil homme vindicatif.

 

- Viens te battre, pignouf ! T'en veux, hein ? …Tiens, salut Edualk *bises* t'as l'air crevé… T'as rien dans le calcif', châtré ! Alors amène-toi, viens t'battre !

- Papy, il a à peine 5 ans ce gosse… On peut parler ?

- Bien sûr… Mais oui, c'est ça, connard ! Fous-le camp ! T'as même pas le courage de te battre contre un vieux ! Je parie que ta femme s'envoie en l'air avec tout Hurlevent ! Tapette !

- Papy, c'est une fille et elle est loin...

- Ah, ces jeunes… Une belle génération de feignasses, je te le dis… Bon, tu voulais quoi ?

 

Les deux hommes s'installèrent à une table de l'auberge. L'avantage d'être avec Papy, c'est qu'on trouve toujours une table de libre… pensa Edualk.

 

- T'as l'air crevé. Ton destrier t'a laissé en plan ?

- J'ai pris un tigre de combat depuis la dernière fois, Papy. Mais on a… quelques divergences, on va dire… Tu as l'air… bien.

- La bagarre, ça maintient en forme, gamin ! Tu sais que je suis le champion d'Elwyn de bagarre maintenant ?

- Euh… Puisque tu en parles… Les gardes de Hurlevent m'ont demandé de te dire d'arrêter de défier les nouveaux arrivants. Après, ils les récupèrent en pleurs, et pour la guerre, c'est pas génial...

- Z'ont rien dans le froc, ces bleus-bites !

- T'as pas honte… T'en prendre à des petits...

- Pas que ! Je défie les vétérans, aussi !

- D'ailleurs, les maîtres de guildes m'ont fait passer une pétition pour demander qu'on te renvoie à l'hospice, rapport que tu emmerdes tout le monde avec tes défis ridicules.

- Y'en a pas un pour relever le gant ! Rien dans le froc, je te le dis, fiston.

- Papy… Il y en a qui reviennent d'Outreterre… Ils ont autre chose à faire que de coller une raclée à un vieux Paladin qui refuse de porter une arme ou une armure sous prétexte que c'est un truc de "tarlouze"...

- Grrrmmm… Bon, d'accord, je vais essayer de prendre un peu de vacances… Eh, la pédale, ça te dirait de te faire démonter la tronche par le plus grand combattant d'Azeroth ?

- Papy… C'est la serveuse...

- Grrr… Génération de feignasses...

- Bon, moi, j'étais venu pour ça en fait...

 

Le papy jeta un œil sur la lettre du SPAM que lui tendait son petit-fils.

 

- Au fait, t'as écrit à la prêtresse, tu sais, la mignonne qu'a été gentille avec moi ?

- Oui, Papy. Je lui ai envoyé un petit cadeau comme tu me l'as dit.

- Et ?

- Pas de nouvelles.

- Tu lui as offert un truc au moins ?

- Une rose et un petit chat.

- Peut-être que la tête d'un dragon, ça aurait été mieux. Plus viril.

- Moi, je préfère les fleurs et les chats...

- Soit plus offensif, mon garçon. Tu vas pas finir vieux garçon, quand même.

- Moi, ça me va… Et la lettre ? Il me semble reconnaître l'écriture...

- C'est l’aut’ con du marais. Mais je le croyais canné depuis 50 ans.

- Qui ça ?

- Mon oncle, Llégion. Ton arrière grand-oncle, quoi. Un Démoniste minable qui n'arrêtait pas de me filer des coups de pieds en douce et qui prétendait être un "Génie du Mal". Une belle collection d'estampes elfiques, par contre.

- Et il est mort ?

- Oui. Un ami de l'école des Paladins était allé lui piquer quelques unes de ses estampes – un bizutage classique à l'époque. Llégion l'a surpris et a voulu lui faire la peau. Il s'est pris les pieds dans sa robe et s'est brisé le cou dans le couloir des cuisines. Vraiment minable...

- La lettre vient de Fossoyeuse. Il a dû revenir sous forme de Mort-Vivant. Si on apprend que j'ai un Démoniste Mort-Vivant dans ma famille, je vais avoir des ennuis avec le Maître des Paladins...

- T'inquiètes, il est au courant. Les estampes, c'est lui. Et le connaissant, il doit encore les avoir...

- Oh. Remarque, ça expliquerait certains trucs…

- Par contre, il a pas changé, le vieux. Toujours à chercher du fric par tous les moyens. Déjà à l'époque, il avait été saisi plusieurs fois. On a dû le renier pour pas que les huissiers se retournent contre nous au nom de la solidarité familiale.

- Charmant bonhomme...

- En plus, il déteste les gosses, alors le coup des orphelins...

- Toi aussi, tu les détestes. T'en as même eu quatre exprès pour leur pourrir la vie.

- Tu devrais pas écouter tout ce que dis ton père, toi.

- Par contre, tu me donnes une idée...

- La Semaine des Enfants, je parie ? T'es aussi tordu que ton abruti de père, toi.

- J'ai de qui tenir. Et je crois qu'on va bien s'amuser...

 

 

***

 

 

Chapitre 7 : Un sombre plan

 

 

Edualk relit la lettre qu'il venait d'écrire.

 

"Cher messire.

 

Votre lettre m'a énormément touché. Mon engagement de Paladin au service de la Lumière m'a sensibilisé depuis longtemps au sort des malheureux et des sans-grades.

De plus, ayant fait vœu de pauvreté, je me retrouve plus que gêné de disposer d'autant d'or et de si peu d'œuvres de bienfaisance à qui apporter soutien et assistance.

Je serais donc particulièrement enchanté de vous rencontrer, accompagné comme il se doit de vos orphelins, en la riante cité de Baie du Butin, dimanche en huit.

En effet, vous n'êtes pas sans savoir que la loi de Hurlevent nous oblige dorénavant, en tant que serviteur de la Lumière, à ne soutenir financièrement que les associations ayant en charge un minimum de dix orphelins.

Orphelins devant être présentés au contributeur au moment du don, conformément à la loi.

Dans l'attente de vous rencontrer, je vous prie d'agréer, messire, l'expression de ma considération distinguée.

 

Signé : Edualk, Paladin du 64e cercle"

 

- Alors Papy ?


- Il va être vert ! Lui qui déteste les gosses ! L'obliger à s'en trimballer dix !

- C'est papa qui m'a appris ce coup-là. D'ailleurs, il t'embrasse et te fait dire qu'il a été muté aux Mortemines.

- Il se fait toujours autant démolir ?

- Plus, avec cette nouvelle affectation...

- Ca lui apprendra à rejoindre les Défias. Un fils de Paladin… Me faire ça à moi… Et sinon, tu as des nouvelles de ta mère ?

- Elle ne décolle plus de Cercle de Lune depuis six mois. Il parait qu'ils ont trouvé de nouvelles espèces d'herbes du côté d'Un'goro...

- Tu sais qu'à Forgefer les Gnomes testent un nouveau centre de désintoxication ?

- Déjà fait. Elle a tenu trois jours.

- Elle s'améliore. Enfin, c'est comme ça. La famille, c'est pas simple… Si au moins tu te trouvais une femme...

- Bon, c'est pas l'tout Papy, mais faut que j'y aille. Les quêtes, tout ça… Le temps de poster ma lettre et j'y vais. *Bises* Et embrasse Mamie.

- *Bises* J'y manquerai pas, dès que je retrouve sa tête. Le chien l'a encore enterrée quelque part… Prend garde à toi, fils.

- T'inquiète.

- Eh, ducon ! Oui, toi, avec la gueule d'Ogre ! Tu viens te battre ? T'as peur ? Tarlouze ! Couille molle ! Aller viens, j't'attends !

- Papy… c'est un lapin...

 

...

 

- QUOI ?!

- C'est dur, Maître.

- QUOI ?!

- Qui aurait pu imaginer, Maître ?

- COMMENT ?!

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

- Par la malepeste ! Dix orphelins ! DIX ORPHELINS ! Comment je vais trouver tout ça, moi ?!

- En plus, vivants, Maître.

- Qu... QUOI ?! Vivants ?! C'est pas vrai...

- Faut peut-être laisser tomber, Maître.

- 100PO, Abatik. Je ne laisse pas tomber. Mon ardoise à l'auberge des Pendus est longue comme le bras, et l'aubergiste commence à me regarder d'un sale œil.

- C'est à cause qu'il n'en a plus, Maître.

- Même. Il me faut du fric, et vite.

- Remarquez, Maître...

- Si tu as une idée, je suis preneur.

- Ca va pas vous plaire, Maître...

- Tant pis. Dis toujours.

- La Semaine des Enfants, Maître.

- ... ???

- Tous les ans, l'orphelinat d'Orgrimmar organise une campagne de sensibilisation aux sorts des orphelins. L'idée, Maître, c'est de faire visiter le monde à un enfant pendant quelques jours.

- Et ?

- Si vous acceptez de vous occuper d'un orphelin, cela touchera la directrice de l'orphelinat et je suis sûr qu'elle acceptera de vous en confier une dizaine pour visiter Baie du Butin. On ferait passer ça pour une sorte de sortie pédagogique, Maître.

- J'avais pensé à autre chose. Tu demandes à quelques Diablotins de tes amis de se déguiser en mioches et on va là-bas.

- Euuuhhh...

- Tu n'as pas l'air emballé.

- D'abord, le Code de Procédure d’Invocation interdit le transport de plus d'un démon à la fois. Ensuite, dix Diablotins ensemble, ça en fait vingt de trop. Et c'est pas une erreur de calcul, Maître. Mon idée est mieux.

- Mais tu ne te rends pas compte ! Voyager avec un… un… gniard ! Jamais je ne pourrais !

- C'est qu'un mauvais moment à passer, Maître. Ah, par contre, un truc important : le gosse doit revenir en vie et en entier. Sinon ça fait des histoires.

- En entier… avec tous ses morceaux ?

- Oui, Maître. Désolé. Mais pensez aux 100PO.

- Bon, je crois que je n’ai pas vraiment le choix… Aller, on y va !

- Pour Orgrimmar, c’est dans l’autre sens, Maître. Respirez calmement, je me charge de tout...

 

 

***

 

 

Chapitre 8 : Prendre un enfant par la main

 

 

Llégion était assis par terre, l'air accablé.

 

- Dis monsieur, pourquoi t’as plus de cheveux ?

- ...

- Dis monsieur, pourquoi t’as plus de cheveux ?

- ...

- Dis monsieur, pourquoi...

- Par la malepeste, la ferme !

- Hihihihi !

- RHHHAAA !!!

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

- Abatik… par pitié...

- Oui, Maître ?

- Fais-la taire...

- La directrice de l’orphelinat a été catégorique, Maître : on n’a pas le droit de la bâillonner.

- Dis monsieur, pourquoi t’as plus de cheveux ?

- J’en ai marre...

- T’as plus de cheveux parce que t’en as marre ? Hein ? Hein ?

- Je tiendrais jamais...

- Je veux un bonbon ! Dis monsieur, tu m’achètes un bonbon ?

- On est au milieu de nulle part, morveuse ! Alors tu la fermes !

- Ouinnnnnn !!!

- *sanglots* J’en ai marre...

- Moi je l’aime bien, Maître.

- Traître. Elle t’a même mis un nœud rose. T’es écoeurant.

- Vous la trouvez pas mimi, Maître ?

- Hihihihihi ! Il est tout marrant, le monsieur.

- Je tiendrais jamais...

 

Effectivement, la directrice de l’orphelinat avait été enthousiaste quand Abatik lui avait expliqué son idée de "visite pédagogique" à Baie du Butin. Mais il fallait d’abord que Llégion fasse la preuve de son sérieux dans la prise en charge d’un groupe d’enfants.

 

Nos deux compères s’étaient donc retrouvés avec une petite orpheline Orque du nom de Julie Dépeceuse-d’Elfes, qui savait très précisément ce qu’elle voulait.

Ce qui revenait concrètement à : emmerder le monde en général, et Llégion en particulier.

 

Comme tous les enfants de l’univers, Julie avait instinctivement repéré en Llégion celui qui ne supportait pas les enfants, et avait jeté son dévolu et son amour poisseux sur lui.

Quant à Abatik, il avait été promu immédiatement après au poste de doudou officiel de la petite fille. Avec nœuds roses et habits de poupée à la clé.

Au grand effroi du Démoniste, le Diablotin semblait se complaire dans ce rôle écoeurant et sirupeux, poussant le vice jusqu’à se laisser promener dans un landau.

Rose.

Avec des fanfreluches.

 

Llégion devait refréner en permanence ses pulsions homicides, et s’était surpris plus d’une fois à vouloir filer des coups de pied à la gamine.

Laquelle, bien entendu, ne l’en aimait que plus.

 

La petite Orque avait d’abord demandé à voir Fossoyeuse, puis la Barricade au nord des Tarides, puis Cabestan.

Une fois fait, elle avait réclamé un autographe de Cairne Sabots de Sang, aux Pitons du Tonnerre.

 

Llégion en avait marre de marcher, marre de faire des allers et retours, marre du bavardage incessant de la morveuse, marre de voir son Diablotin se faire pouponner, marre de tout en fait.

 

Et puis il y avait eu le pompon.

 

- TU VEUX QUOI ?!

- Alllééé-euuuuhhh...

- Abatik, dis-moi que c’est un cauchemar…

- S’il te plaît ! Silteplaîtsilteplaîtsilteplaîtsilteplaît !!!

- Tu crois quand même pas que je vais me farcir la route jusqu’aux Salines rien que… que… que pour...

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

- … rien que pour une putain de saloperie de GLACE à la con ?! TU TE FOUS DE MOI ?!

- Ouinnnn !

- La ferme !

- OUINNNNN !!!

- *sanglots* J’en ai marre...

- Calmez-vous, Maître. Ca va le faire.

- Ah bon ?

- Je connais un Gobelin à Orgrimmar qui vend des glaces, Maître. Ca évite d’aller jusqu’aux Salines. Malin, ces Gobelins...

- Par la malepeste ! Je t’embrasserais presque !

 

Le retour fut plus rapide que l’aller, et Llégion put donc, après des jours de marche, ramener la petite Orque à l’orphelinat.

Laquelle versa beaucoup de larmes à l'idée de ne plus revoir le "gentil monsieur qui n'a pas de cheveux". Qui lui dût se retenir encore une fois de lui filer des coups de pied.

 

Mais le but était atteint : la directrice était maintenant convaincue de l'aptitude du Démoniste à prendre en charge un groupe d'enfants sans les transformer en kebab-frites.

 

- Pas fâché d'être débarrassé de cette saleté de morveuse.

- Snif... snif... Oui, Maître... snif...

- Par la malepeste, arrête de pleurnicher ! Tu es un démon, pas une pucelle !

- Mais, Maître... snif... elle était si mignonne...

- Et enlève ces couettes roses, bon sang !

- Snif... En tout cas, on a réussi et plus encore, Maître.

- Tu parles du rat qu'elle m'a donné ? C'est vrai qu'il me plait bien, ça fait démoniaque, un rat comme familier. Même si le nom, Moustaches...

- Et puis, on a bien gâché la vie de la gamine, Maître.

- ... ???

- Ben oui, Maître. Elle va passer le reste de l'année à songer à cette petite virée, et ça va la déprimer, alors qu'elle reste coincée dans son orphelinat. Avec un peu de chance, d'ici quelques années, elle virera suicidaire.

- Mais... tu es une vraie saleté, toi !

- Ben oui, Maître. Je suis un démon.

- J'avais raison.

- Sur quoi, Maître ?

- T'es un vrai faux-cul.

- Merci, Maître.

- N'empêche, tu devrais enlever ces couettes. Ca ne fait pas sérieux.

- Mais Maître-eeuuuhhh...

 

 

Trottinant aux côtés des deux compères, Moustaches ne les regardait pas. Ses yeux étaient fixés sur l'horizon. Oui… Enfin… Cela allait pouvoir s'accomplir. Bientôt, oui, très bientôt, son plan serait au point...

Puis le rat entreprit de ronger consciencieusement la botte de son nouveau maître.

 

 

***

 

 

Chapitre 9 : Il y a le ciel, le soleil et la mer...

 

 

Baie du Butin. Comme tous les dimanches, des dizaines de représentants de l'Alliance et de la Horde s'étaient donnés rendez-vous dans la ville neutre pour se livrer le plus terrible combat hebdomadaire existant en Azeroth.

J'ai nommé : le concours de pêche.

 

La ville d'ordinaire si animée du fait des meurtres mutuels entre les deux factions, ainsi que des courses poursuites avec les gardes locaux, semblait étonnamment calme et sereine.

Tout le long des quais, guerriers en armures lourdes, mages en habits de soie et paillettes, chasseurs accompagnés de leur tyrannosaure et autres aventuriers surveillaient patiemment le bouchon flottant sur les eaux.

 

Calme et sérénité, douceur et...

 

- Excusez-moi, messire, c'est à vous ça ?

 

"Ca", c'était deux gamins surexcités que le garde gobelin tenait par la peau du cou.

 

Llégion soupira, se retenant de justesse de filer un coup de pied au Diablotin plié de rire qui, sous son déguisement d'orphelin attendrissant, ressemblait à un croisement entre un Gremlins et une poupée Charlotte aux Fraises.

En plus, il avait gardé les couettes.

 

- Oui, c'est à moi, par la malep… par la Lumière.

- Faut pas les laisser traîner partout, messire. Ca gêne les visiteurs et ça fait des saletés.

 

Llégion jeta un œil noir aux deux guerriers qui, au même moment, étaient en train de se fracasser le crâne à grands coups d'épées à deux mains sur les quais, tout en piétinant les gardes au passage, tout ça au milieu d'un monceau d'ossements, signe qu'ils n'en étaient pas à leur premier combat.

 

Llégion tenta la voix geignarde.

 

- Merci bien, mon brave. Mais vous savez, je ne suis qu'un humble moine qui essaie de faire découvrir cette rieuse bourgade à de pauvres petits orphelins...

 

Le garde, qui en avait vu d'autres, jeta quand même un œil étonné sur le "moine". Une robe rouge vif cachait difficilement l'épée et le bâton de Démoniste de son interlocuteur, tandis qu'une perruque, posée de travers, ne faisait que souligner la peau blafarde et moisie du Mort-Vivant.

Sans parler du… de la… enfin, du truc en robe rose et aura d'un vert glauque qui sautillait en ricanant autour de lui.

Le bouquet, c'était quand même le rat qui grignotait l'air de rien les doigts de pieds déjà bien entamés du "moine". Et qui lui lança un regard inquisiteur et acéré, avant de reprendre son ouvrage.

 

Il est bizarre, ce rat, pensa le garde. Mais la journée avait été longue, et il devait récupérer les gosses chez la nourrice avant d'aller préparer le barbecue pour sa soirée avec les voisins. Le Gobelin décida donc de laisser tomber et de laisser les collègues de la relève se débrouiller avec cette histoire.

 

- Bon, circulez. Et attention, y'en a un qui vient de tomber à la flotte. Je pourrais vous mettre une amende pour pollution.

 

Llégion poussa un gémissement intérieur et envoya Abatik récupérer l'orphelin pataugeant joyeusement dans le port.

 

- Et faites attention, vous allez marcher sur votre ourlet qui s'est déf… trop tard.

- Par la malepeste !

 

 

Le plan avait pourtant tout pour réussir. Le pigeon avait répondu au message, la directrice de l'orphelinat était d'accord pour lui confier une classe, et le bateau pour Baie du Butin avait été à l'heure pour une fois.

Bref, il aurait dû se méfier.

 

Un orphelin, c'était dur. Dix orphelins, c'était… cataclysmique. La façon dont la directrice lui avait souhaité bonne chance aurait dû lui mettre la puce à l'oreille. Ainsi que le cri de joie de la même directrice quand ils s'étaient éloignés.

 

Le bateau avait pris une journée de retard après qu'un des gamins ait disparu – en fait, il jouait à colin-maillard dans la cale et il avait attendu que ce soit drôle pour réapparaître.

Mort de rire.

 

Ensuite, il avait fallu réparer les cordages après qu'un autre ait tiré sur les nœuds "pour voir ce que ça fait, m'sieur".

On savait maintenant : ça fait tomber toutes les voiles et énerver le capitaine.

 

Enfin, ils avaient encore perdu une journée après un contrôle par un navire des douanes de l'Alliance. Les charmants bambins n'avaient alors rien trouvé de mieux à faire que de se déguiser en pirates de la Voile Sanglante et d'accueillir les douaniers avec un drapeau noir à tête de mort.

Et ça n'a pas le sens de l'humour, un douanier. Oh que non.

 

Bref, il était à Baie du Butin avec dix suppôts de l'Enfer déchaînés, dans un accoutrement ridicule, tout ça pour récupérer quelque argent d'un arrière petit-neveu qu'il n'avait jamais vu.

Il avait intérêt à être à l'heure.

 

- Par la malepeste, pour une idée à la con, c'est une idée à la con !

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

- Et puis, comment on fait pour trouver un Paladin ici ? Je ne comprends même pas la configuration des lieux !

- On a rendez-vous à l'auberge, Maître. Ne vous inquiétez pas, je connais.

- Tu me paraît connaître beaucoup de choses, toi...

- Vous n'êtes pas mon premier Maître, Maître. Mais vous êtes le plus malfaisant sans l'ombre d'un doute.

- Et toi le plus faux-cul des démons. Ah, c'est là.

 

Llégion entra dans l'auberge, Abatik sur les talons, et se dirigea vers le compt...

 

- Par la malepeste !

- Ca va, Maître ? Pas de mal ?

- Ras-le-bol de cette robe ! Marre de me prendre les pieds dedans !

- Mais vous êtes en pantal… Euh, non, rien, Maître.

 

S'étant relevé et ayant brossé ses habits d'un air sévère, Llégion se dirigea vers le comptoir sous l'œil goguenard des clients.

 

- (Souvenez-vous, Maître, vous êtes un moine affable).

- Pfff… Bonjour, mon brav… Euh… Y'a quelqu'un ?

- Plus bas, derrière le comptoir. Encore plus bas. Voilà.

- Je ne vous avais pas vu, mon brave (C'est quoi ce truc ? Un modèle réduit ?) J'ai rendez-vous avec un noble Paladin. L'auriez-vous vu ? Il porte le nom d'Edu...

- Salutations, l'ami ! Oups, désolé...

 

 

***

 

 

Chapitre 10 : Fricassée de pigeon aux petits pois

 

 

Edualk avait surgi soudainement derrière le Démoniste et lui avait flanqué une formidable frappe dans le dos qui l'avait envoyé se fracasser le thorax contre le comptoir.

 

- (voix étouffée) Pas de doutes, c'est un palouf… rhaaa…

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

- Ca va, mon vieux ? Tenez, vos cheveux, ils sont tombés par terre. Vous avez de sacrés problèmes de peau, on vous l'a déjà dit ? On croirait presque que vous êtes mort !

- Euh… Oui, merci mon brave (Super, c'est un marrant). Je ne peux malheureusement pas rester longtemps, mon brave. Mes chers gn… enfants doivent rentrer à l'orphelinat dès que possible.

 

Le Paladin cligna des yeux, chercha autour de lui du regard, puis le regarda sans comprendre.

 

- Les enfants ? Quels enfants ?

- *gémissement*

 

Il fallut une bonne heure pour récupérer les orphelins qui s'étaient répandus dans tout Baie du Butin.

 

- Il en manque, Maître.

- Tu es sûr ? Moi je trouve qu'il y en a beaucoup plus que la dernière fois.

- C'est parce qu'on en a récupéré qui sont pas à nous, Maître. D'ailleurs, faudrait les rendre. Mais il en manque… quatre, en fait.

- Tu arrives à les reconnaître ?

- Oui, Maître. C'est n°3, n°7, n°8 et n°10 qui manquent.

- C'était pour ça les dossards et la peinture ? Pas bête…

 

Une rapide enquête permit de retrouver la trace des fugueurs, partis bien évidemment…

 

- C'est pas vrai ! Pas les pirates ?! J'en ai marre… *sanglots*

- Vous inquiétez pas, Maître. Le Paladin nous aidera, j'en suis sûr.

 

Le Paladin, un inexplicable sourire contenu au visage, fut plus que ravi d'aider à récupérer les enfants manquant. Même si deux d'entre eux le mordirent et que le plus impressionnable eut un "accident" dont pâtit le magnifique tabard du Paladin.

 

- Voilà donc les charmants bambins – arrête de lui tirer les pattes, il aime pas ça - dont vous vous occupez à la SPAM ? – Descends de là, tu vas te faire mal ! - Ils ont l'air adorables… - Ne joue pas avec ça, ça coupe…– Vraiment adorables - Tiens, qu'est-ce que je t'avais dit !

- Oui, oui… Euh… En fait…

- Oui, la contribution. Vous allez rire, mais je crois que j'ai oublié ma bourse à la dernière auberge où je me suis arrêté. J'ai deux-trois bricoles à faire ici, pourquoi ne pas nous retrouver là-bas avec les gamins ? Disons… dans deux jours ? Je suis sûr qu'ils vont adorer Gadgetzan, y'a plein de machines rigolotes là-bas… Qu'est-ce qu'il lui arrive ?

- Maître ? Maître ? Respirez, vous devenez bleu. Maître ?

 

Finalement, Edualk "retrouva" sa bourse dans une de ses sacoches. On a beau aimer rigoler, on en reste pas moins un Paladin. Pour le coup, c'était vraiment cruel de prolonger la plaisanterie.

 

Llégion et sa marmaille purent ainsi reprendre avec soulagement le bateau qui le ramènerait vers Cabestan – vers la civilisation…

 

- Bon retour ! Vous ferez un bisou aux enfants pour moi ! Eh ! Attendez ! Vous en avez oublié un ! … Non, je rigole !

- Très drôle, le plouc… Bon, Abatik, tu as bien la bourse ?

- Oui, Maître, mais…

- Et il ne nous voit plus, maintenant, le plouc ?

- Non, Maître, on est trop loin, mais…

- D'accord… Les enfants ?

- OUIIIIII !!!

- Le premier à la bouée gagne une glace ! Prêts…. Partez !

- OUAAAIIISSS !!! *Plouf*

- … Ca, c'était mesquin, Maître. Même pour vous.

- Rien à foutre. Ras-le-bol.

- Ca risque de vous être reproché, plus tard, Maître. Jeter des enfants à la mer…

- Je les ai pas jetés, ils ont sauté tout seul. Nuance. Sinon, montre cette bourse.

- Euh… c'est-à-dire, Maître...

- Par la malepeste, donne-moi ça !

 

Il fallut dix bonnes minutes à Abatik pour ranimer son Maître. Dans la bourse, au lieu des pièces d'or promises, il n'y avait qu'un bout de papier et une boîte.

Le papier disait juste ceci : "Veuillez payer au porteur la somme de 100PO. Edualk, Paladin du 64e cercle"

La partie destinataire indiquait : Banque des Aldors, Shattrah.

En Outreterre.

Inaccessible avant des mois.

D'où la syncope du Démoniste.

 

La boîte, quant à elle, contenait un adorable petit chaton blanc, avec une carte indiquant : "De la part de ton neveu, en souvenir des anciennes réunions de famille."

Revenu à lui, Llégion attrapa le chat d'une main vengeresse et le fit tournoyer en l'air avant de...

 

- Chat volant !

- MIAOWWWW !!!

- Maître ! Pas dans la mer ! Oh non, il était si mignon…

- RHHHAAA !!! Me faire ça à moi ! Par la malepeste ! J'aurais dû étriper ce foutu gosse quand j'en avais l'occasion, il y a 50 ans !

- Vous avez vu, Maître, les enfants ont récupéré le petit chaton. Qu'ils sont mignons…

- RHHHAAA !!! Attaque-les, Abatik !

- Ils sont trop loin pour ça, Maître (ouf !). Et puis regardez, il me semble qu'un navire de la Voile Sanglante va vers eux… Oui ! Ils les recueillent. Ouf, sauvés !

- …

- Euh… Je voulais dire : oh non, saleté de pirates. Ce n'est pas de chance, Maître.

- Si je recroise ce Paladin, je te jure que je… que je…

- Il est encore un peu trop fort pour vous, Maître.

- RHHHAAA !!!

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

 

 

Moustaches sourit intérieurement. Son plan se déroulait parfaitement, et bientôt la roue du destin commencerait à tourner.

Puis le rat pissa sur l'un des sacs du Démoniste.

 

 

***

Publié le 05/02/2010 - Pas de modifications
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