Articles de Edualk - Un ennemi... et un ami
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Chapitre 11 : Rien n'est certain, à part la mort et les impôts

 

 

Vimayre leva le sourcil et regarda l'Orc assis devant lui.

 

- Alors comme ça vous désirez un… comment dites-vous déjà ? Ah oui : un "délai" ?

 

L'Orc avait le regard d'une bête traquée, chose que Vimayre connaissait bien pour l'avoir vu bien souvent chez ses proies quand il partait chasser.

 

- C'est-à-dire, monsieur le contrôleur...

- "Monsieur le Contrôleur Principal", je vous prie. Avec des majuscules.

- Désolé… Monsieur le Contrôleur Principal, je voulais dire. C'est qu'en fait la saison a été très mauvaise...

- Je vois pourtant ici, dans ce rapport officiel fourni par les organismes compétents et dûment habilités par notre administration, que la fréquentation des Tarides a connu une hausse de 12%.

- En fait, pour moi, la saison n'a pas été très...

- Ce rapport indique que l'ensemble des commerces des Tarides, du fait de cette hausse des fréquentations, ont dû mécaniquement bénéficier d'une hausse de leurs bénéfices d'environ… où ai-je lu ça… ah oui : 130%.

- Mais monsieur, les...

- "Monsieur le Contrôleur Principal"...

- Monsieur le Contrôleur Principal, ils n'ont fait que se battre entre eux ou attaquer la Croisée ! Je n'ai fait que la moitié de mon chiffre d'affaire !

- Je suis désolé, monsieur, mais ce rapport est formel : 130% de hausse. Ce qui vous fait passer à la tranche supérieure et vous soumets à la taxe sur les bénéfices exceptionnels.

- Mais je n'ai pas d'argent !

- Il s'agit d'or, en fait. 10.723PO et des poussières, plus la majoration pour retard de 30%. Sans oublier, bien sûr, la dîme compensatoire destinée à réparer les dégâts commis par les Allianceux à la Croisée. Soit… je pose 3 et je retiens 7… 19.499PO.

- Mais… mais...

- Bien entendu, notre administration n'ignore pas les difficultés pour réunir une telle somme. Nous nous doutons bien que vous ne pouvez l'avoir sur vous, ah ah ah.

- Ah ah ah...

- Conformément au règlement fiscal en vigueur, nous vous accordons donc un délai de quinze jours pour réunir ladite somme et la déposer à la Perception dont vous dépendez, à savoir celle de Désolace.

- Mais même en quinze jours je ne pourrais jamais… Attendez ! En Désolace ?! Mais mon établissement est aux Tarides !

- L'administration fiscale a fait l'objet d'une réorganisation destinée à faciliter les démarches des contribuables, monsieur. Vous dépendez maintenant de la Perception de Désolace.

- Mais...

- Quinze jours, monsieur. Moins, bien entendu, la durée de traitement de votre dossier, et le délai pour fixer ce rendez-vous, ce qui vous laisse… 57 minutes et 45 secondes. Allez, j'arrondis à 58 minutes, vous m'êtes sympathique.

- Mais… mais...

- 57 minutes, maintenant.

 

Vimayre regarda l'Orc détaler à toutes jambes et se ruer dehors. Oui, décidemment, il adorait son travail.

 

Il baissa la main sous son bureau et caressa négligemment la tête de Crocdor. La panthère ronronna de plaisir et lécha la main de son meilleur ami.

Puis il se leva et alla à sa fenêtre regarder dehors. Devant ses yeux, la ville d'Orgrimmar bruissait des conversations habituelles entre les aventuriers de passage, tandis que camelots et bonimenteurs promettaient aux naïfs fortune et expérience en échange d'un peu d'or.

 

Vimayre n'était pas quelqu'un de banal. D'abord parce qu'il était l'un des rares Taurens à avoir rejoint le service des Impôts de la Horde, alors que d'ordinaire les meilleures places étaient occupées par des Morts-Vivants – considérés comme moins sensibles aux plaintes des contribuables.

Ensuite, parce qu'il avait rapidement gravi les échelons mais avait malgré tout préféré rester simple Contrôleur – certes Principal – au lieu d'être nommé Chef de Service.

 

Son profil atypique, son don naturel pour les mathématiques fiscales, et une ténacité apprise lors de ses chasses dans les prairies de Mulgore, avaient attiré l'attention et quelques jours plus tôt, son supérieur lui avait proposé une offre qu'il n'avait jamais osé espérer : rejoindre la Confrérie des Collecteurs.

 

Ce groupe existait depuis des temps immémoriaux, et leur nom faisait trembler tous les contribuables d'Azeroth.

 

Créée dans la haute antiquité, cette confrérie avait d'abord été une simple organisation criminelle ayant pour but le racket et le vol. Puis avec la sophistication croissante de la société et la mise en place d'administrations, elle avait découvert qu'il était plus profitable de servir le pouvoir en place que de rester dans l'illégalité.

Un siècle auparavant, la Grand Maître de la Confrérie, une Morte-Vivante nommée Tévéha, avait ainsi fait acte d'allégeance aux chefs de la Horde et avait été officiellement chargé du recouvrement des créances en souffrance.

Depuis, la Confrérie traquait impitoyablement les inconscients qui osaient ne pas payer leur tiers provisionnel en temps et en heure, en échange de 50% des pénalités de retard.

Ce qui faisait de cette Confrérie la plus riche de tout Azeroth.

Des rumeurs non confirmées prétendaient d'ailleurs que la Confrérie exerçait aussi du côté de l'Alliance, mais étrangement, tous ceux faisant état de cette rumeur subissaient un redressement fiscal dans le mois qui suivait.

Ce qui prouvait sans l'ombre d'un doute la fausseté des rumeurs…

 

Bref, Vimayre, en sortant de son bureau ce jour-là, sifflotait gaiement en songeant à la première mission qui lui serait attribuée comme épreuve d'admission.

Il espérait juste que ce ne serait pas un Tauren. Pas à cause d'une pseudo-solidarité de race, mais parce qu'il savait que ces pouilleux fumeurs d'herbes n'avaient jamais un sou sur eux.

 

 

Loin de là, Moustaches fronça le museau. Il s'était préparé à ce moment depuis longtemps, mais cela l'avait quand même secoué. Ainsi la chasse allait commencer… Il savait qu'elle devait se produire un jour ou l'autre, mais cela allait compliquer sa tâche.

Puis le rat se mit à courir après une souris pour lui dévorer la tête.

 

 

***

 

 

Chapitre 12 : Un nouvel ami pour la vie

 

 

- Finalement, il a été sympa votre arrière petit-neveu, Maître.

- Mouais…

- Allez, Maître, dites-le. Rien qu'une fois. Vous verrez, vous vous sentirez mieux après.

- Par la malepeste !

- Allez, Maître.

- Je dois reconnaître… RHHHAAA !!!... qu'il est finalement… Par la malepeste !... assez… *respiration sifflante*… sympa, pour un Paladin.

- Et tordu, en plus, Maître. Vous avez vu la façon dont il s'est fichu de vous ?

- Faut reconnaître, c'était pas mal. C'est bien mon sang qui coule dans ses veines.

 

Llégion et Abatik avaient installé leurs quartiers à l'auberge de Lune d'Argent, capitale des Elfes de Sang. Llégion avait entendu parler de richesses innombrables, mais il ne connaissait alors pas encore les Elfes de Sang.

En résumé, il avait vite – très vite – regretté d'y avoir mis les pieds. En plus d'être naturellement énervant avec leurs airs de poseurs et leurs sourires éclatants, les Elfes étaient tous dotés d'un sens de l'humour à donner envie de se pendre dans l'instant.

 

Heureusement, Edualk leur avait finalement envoyé une lettre d'excuse pour les "désagréments" et avait surtout joint les fameuses 100PO, obligeant Llégion à lui envoyer une lettre de remerciement – qu'Abatik avait écrite, son Maître étant encore une fois tombé en syncope.


Le Démoniste en avait profité pour recommencer une nouvelle collection d'estampes elfiques, tandis qu'Abatik avait simplement remplacé ses couettes roses, souvenir de la petite orpheline, par…

 

- Par la malepeste, enlève ça, Abatik.

- Mais Maîtttrrre-eeuuuhhh…

- Je t'ai dis d'enlever ça !

- S'il vous plaît-eeeuuuhhh, Maître !

- RHHHAAA !!! Tu es ridicule !

- Même Moustaches trouve ça bien, Maître.

 

Le rat leva son museau de l'écuelle de lait dans laquelle il était plongé, pour regarder le Diablotin, puis le Démoniste, puis à nouveau le Diablotin.

Qui arborait un magnifique nœud rose bonbon sur la tête.

Moustaches songea un instant à sa vie d'avant, à l'orphelinat. Il pensa à ses parents, à ses 327 frères et sœurs. Il pensa à la petite orpheline qui s'était occupée de lui après le… "drame".

Il pensa à ses plans et à tout ce qu'il devait organiser pour…

Moustaches se dit que finalement, la vie, ça pouvait être sacrément marrant parfois.

Puis il replongea le museau dans son écuelle.

 

- Dis donc, Abatik, j'ai sacrément progressé depuis que je t'ai fait venir la première fois.

- Oh oui, Maître. Et puis vous êtes sacrément fort, Maître. Et beau, aussi. Et…

- J'ai le niveau pour un nouveau démon, non ? Plus costaud, je veux dire.

- Euuuhhh… Il ne sera jamais aussi efficace que moi, Maître.

- On va voir ça.

 

Grâce à sa pierre de foyer, Llégion se transporta immédiatement – et avec soulagement - à Fossoyeuse, suivi d'un Abatik sombre et inquiet – malgré le nœud rose.

Impatient, le Démoniste se précipita au Temple et se planta devant la Maîtresse des Démonistes, qui remplaçait temporairement le vieux Kerwin partit en congé sabbatique.

 

- Salut la vieille ! La pêche ?

 

Un froid glacial, même pour un Mort-Vivant, s'abattit soudainement dans le Temple, tandis que la Maîtresse des Démonistes foudroyait Llégion du regard.

 

- Oups.

- Tu disais, petit ?

- Je disais : je ne suis qu'une humble larve soumise à la volonté toute puissante de la plus grande Démoniste de tout Azeroth, et ce serait un immense honneur, bien que je n'en sois pas digne, de recevoir votre enseignement dans les voies de l'invocation. Madame.

- Et… ?

- Euh… Pardon ? Madame ?

- Mieux, bien mieux… Tu peux le reposer par terre, Lucifer.

- (voix grondante) A vos ordres, Maîtresse.

 

Le titanesque démon l'ayant reposé par terre, Llégion se redressa en tremblant et se tint penaud devant la Maîtresse des Démonistes, un Abatik pâle comme la mort à ses côtés.

Moustaches, quant à lui, observait attentivement la scène comme à son habitude. Tout se déroule comme prévu, pensa-t-il encore une fois.

 

- Tu désires poursuivre ta progression dans les voies de la Démonologie, n'est-ce pas ?

- Oui, Madame. Pardon, Madame.

- Et contrôler un nouveau démon, c'est bien cela ?

- Oui, Madame. Avec votre permission, Madame. Pardon, Madame.

- Connais-tu le Marcheur du Vide, petit ?

- Non, Madame. Pardon, Madame.

- Tu vas en invoquer un et le détruire. Après, et seulement après, si tu en es digne, je t'apprendrais à en invoquer un pour ton service exclusif.

- Oui, Madame. Merci, Madame. Pardon, Madame.

 

Llégion se dirigea vers le cercle d'invocation en se massant la nuque.

 

- Mais pour qui elle se prend cette…

- (Maître, non ! Elle entend tout !)

- … exceptionnelle maîtresse des arts occultes, si ce n'est la plus grande Démoniste de tout Azeroth, ce qu'elle est de toute évidence, n'est-ce pas, Abatik ?

- Sans l'ombre d'un doute, Maître. (Bien récupéré, Maître !)

- Bon, j'invoque ce truc et je le tue, c'est ça ? Bref, comme d'habitude, quoi.

- C'est ça, Maître, mais en plus difficile.

 

Le combat fut étonnamment bref, et après à peine dix secondes, le Marcheur du Vide gisait au milieu du cercle d'invocation, en mille morceaux.

 

- J'ai eu une super idée, hein, Abatik ?

- Vous m'avez lancé sur ce truc, Maître !

- Oui, et c'est ce qui m'a sauvé la vie. Merci de ton aide, Abatik.

- Vous m'avez lancé dessus, Maître ! J'ai failli mourir ! Je le crois pas ! Vous m'avez lancé dessus !

- Du calme, tu es en vie et lui est mort.

- Vous m'avez lancé dessus, Maître !

- Tu radotes, Abatik. Retournons voir la Démoniste.

- Vous m'avez lancé dessus, Maître !

 

La Maîtresse des Démoniste fronça les sourcils en voyant revenir les deux compères.

 

- Déjà, petit ?

- Ettt ouais… Je veux dire : votre enseignement m'a donné la force et le talent dont je ne disposais pas, Madame.

- Tu apprends vite, petit. Tiens, prend cette lampe et ce livre. Le livre contient le rituel d'invocation d'un Marcheur du Vide. C'est un combattant solide qui a l'art d'attirer tes ennemis pour te permettre de lancer tes sorts. La lampe est son sanctuaire. Surtout ne la perd pas.

- Merci, Madame. Que serais-je sans votre enseignement et votre talent, Madame.

- Oui, vraiment très vite... On dirait moi plus jeune. Je me souviens, j'avais fini par égorger mon Maître ! C'était le bon temps… D'ailleurs, je me demande, tu me ressembles tellement…

- Bon, euh, c'est pas tout ça, l'heure tourne, alors je vous laisse, hein ? Madame.

 

Llégion prit la fuite précipitamment avant que la Démoniste qui commençait déjà à murmurer un sortilège de mort n'aille au bout de sa pensée.

 

- On s'en sort bien, hein, Abatik ?

- Vous m'avez lancé dessus, Maître !

- Oh, la ferme. Bon, voyons voir cette lampe.

- Vous m'avez lanc… Vous me renvoyez, Maître ?

- Ah bon ?

- Un seul démon à la fois, Maître. C'est la loi infernale.

- Il y a des lois en Enfer ?

- Il n'y a que ça, Maître. C'est ce qu'il y a de plus drôle en fait. Donc, si vous invoquez ce Marcheur, je devrais m'en aller. Mais je sais que vous ne ferez pas ç… oh, non !

 

 

***

 

 

Chapitre 13 : Tout retard fera l'objet d'une pénalité

 

 

Le tapotement des doigts du Mort-Vivant sur la couverture du dossier posé devant lui durait depuis plusieurs minutes. Cela agaçait d'autant plus Vimayre qu'il en usait suffisamment de son côté pour en connaître le caractère exaspérant.

Mais le Tauren avait au moins en commun avec ceux de sa race la patience. Il attendit donc le verdict sans montrer de signe de nervosité, et commença à réciter intérieurement les articles du Code des Impôts relatifs aux pénalités de retard - une vieille habitude lui permettant de patienter en meublant son ennui.

 

Le Mort-Vivant se tourna vers son coreligionnaire assis à sa droite, sans cesser son tapotement, et lui fit un signe de tête. Cela eut pour effet de secouer sa langue et de faire tomber de la salive sur son pupitre. Il faut dire qu'il avait perdu sa mâchoire au moment de son retour à la non-vie, ce qui lui avait valut une promotion rapide au sein de la Confrérie jusqu'à en devenir le Grand Maître en titre.

L'autre Mort-Vivant voulut parler, mais sa mâchoire se déboîta et il batailla pendant plusieurs secondes pour la remettre en place.

 

Vimayre ne montrait rien, mais intérieurement rageait devant l'apparence minable des Morts-Vivants. Certes, elle leur était très utile dans l'exercice de leurs fonctions, mais tout cela manquait d'efficacité et surtout de modernité.

Vimayre croyait beaucoup aux vertus de la modernité, et rêvait d'un monde tournant comme une horloge, précis et ordonné. Et surtout sans ces foutus Morts-Vivants imposant leurs règles obsolètes à la Confrérie.

 

Pendant que le premier bavait et que le second essayait de rafistoler sa mâchoire, le troisième Mort-Vivant assis devant Vimayre se tourna vers le mur et commença à parler.
S'il avait tous ses morceaux, celui-ci avait les yeux cachés par un bandeau clouté, l'empêchant de voir quoi que ce soit.

 

- Apprenti Vimayre, vous avez été convoqué par le Grand Conseil de la Confrérie pour vous voir attribuer votre première épreuve.

- Mfl spl vl, plf.

 

Vimayre regarda le Grand Maître qui venait de s'exprimer, leva un sourcil interrogatif et se tourna vers celui capable de s'exprimer.

 

- Je crains de ne pas avoir compris. Et je suis de l'autre côté.

- Ah oui. Comme le fait remarquer notre Grand Maître, il est exceptionnel qu'un simple Tauren soit accepté parmi nous.

- Vfl gnlf blf.

- Comment ?

- Il espère que vous saurez vous montrer digne de notre confiance.

 

Le second Mort-Vivant réussit à remettre sa mâchoire et ouvrit la bouche pour parler à son tour.

- Il est… gnnnn *cloc*

 

Le laissant se battre avec sa mâchoire encore décrochée, Vimayre se tourna à nouveau vers le Grand Maître.

 

- Mlf flf blf.

- Euh…

- Il ajoute que, conformément au code de déontologie de la Confrérie, vous êtes tenu de réussir cette mission, sous peine de blâme.

 

Le second eut un rire sec quand il remit sa mâchoire et voulut parler.

 

- En effet… gnnnn *cloc*

- Tlf.

- Hein ?

- Il précise que nous avons choisi une mission qui requiert quelqu'un d'extrêmement compétent, et surtout ayant de véritables dons pour la traque. En un mot un Chasseur, comme vous. Il tient aussi à préciser que de la réussite de cette mission dépendra non seulement votre avenir parmi nous mais aussi un certain nombre de projets en cours. Il insiste donc sur votre diligence.

 

Vimayre se retourna vers le Grand Maître qui le foudroyait du regard.

 

- Il a dit tout ça ?

- Bien sûr.

- Blf glf slf vlf tlf plf mlf.

- Et là ?

- Comment ? Non, rien, il a juste éternué.

 

Vimayre respira profondément. Il regarda successivement le Grand Maître bavant abondamment sur son pupitre, son second bataillant avec sa mâchoire et le troisième qui était tourné vers le mur.

Foutus Morts-Vivants.

 

- Et quelle est ma mission, Grand Maître ?

- Glf hlf vlf.

- Oui, nous… gnnnn *cloc*

- Nous vous avons choisi un dossier en souffrance. Tenez, prenez-le.

 

Vimayre soupira intérieurement et passa derrière le pupitre pour prendre le dossier que le Mort-Vivant tendait au mur derrière lui.

Puis il revint devant les trois cadavres et commença à feuilleter l'imposant monceau de papier.

 

Le dossier était ancien et très épais. Vimayre reconnu la nomenclature YZO-17, utilisée plusieurs décennies auparavant. Il jeta un œil sur la fiche nominative et se tourna son regard vers l'aveugle en levant un sourcil interrogatif. Avant de se rappeler de son état.

 

- Un Démoniste ? Mort apparemment.

- Il est… gnnnn * cloc*

- Llf mlf tlf.

- Oui, il est revenu à la non-vie il y a peu. Du temps où il était vivant, nous avions un redressement "spécial" à effectuer envers lui, mais une armée de Paladins a attaqué son repaire et l'a tué avant que nous ne puissions intervenir.

- Jlf glf.

- Il avait déjà plusieurs retards en cours, auxquels s'ajoutent les 50 années durant lesquelles il a été enterré.

- Ce qui… gnnnn *cloc*

- Flf.

- Votre épreuve sera de le retrouver et de le soumettre à un redressement en bon et dû forme. Des questions ?

 

Vimayre regarda la fiche nominative.

 

- Un indice sur l'endroit où je pourrais trouver ce Llégion ?

 

 

Moustaches frissonna, situation inhabituelle pour lui depuis… Il s'attendait à quelque chose de difficile, mais à ce point… La partie allait être serrée.

Puis le rat commença à décortiquer une noix.

 

 

***

 

 

Chapitre 14 : Le génie de la lampe

 

 

Llégion avait déjà commencé à prononcer le long rituel d'invocation. Abatik disparut dans un glapissement aigu, tandis que Moustaches, comme à son habitude regardait la scène.


Donc, il faut faire… et puis la main va… mais oui, je vois maintenant. Je vais pouvoir passer à l'étape suivante, pensa le rat.

Puis il entreprit de se gratter une oreille avant d'aller pisser sur le cercle d'invocation.

 

Il y eut un tremblement dans l'air, comme une anomalie dans la réalité donnant sur un lieu de flammes et de terreur : les Enfers.

Puis le tremblement s'accentua, tandis que la lampe dans les mains de Llégion se mettait à vibrer de plus en plus fort.

Finalement, la lampe eut un soubresaut et le tremblement dans l'air prit une teinte bleutée, jusqu'à laisser place à une créature énorme, translucide et… bleue.

 

- (voix caverneuse) Je suis à vos ordres, ô mon Maître.

- Classe… C'est vrai qu'il a l'air costaud, ce démon. T'as vu, Abatik, il… Ah oui, c'est vrai. Bon, tu t'appelles comment ?

- (voix caverneuse) Mezznagma, ô mon Maître.

- Mezzgam… Gezzmam… Par la malepeste ! Je vais t'appeler Mezz, c'est mieux.

- (voix caverneuse) Il en sera fait selon votre volonté, ô mon Maître.

- Tu peux m'appeler "Maître" tout court, Mezz.

- (voix caverneuse) J'obéis, Maître.

- Et tu sais faire quoi, Mezz ?

- (voix caverneuse) Titulaire d'un diplôme de troisième cycle en littérature comparée, j'ai rédigé une thèse sur la place des Naarus dans les sagas des Nains du Ier siècle qui a reçu les félicitations du jury, Maître.

- Hein ?

- (voix caverneuse) J'ai complété cette formation initiale par une licence en langues démoniaques appliquées dans le but de me spécialiser dans le secteur touristique, Maître.

- Heu…

- (voix caverneuse) Après mes études démoniaques, j'ai travaillé pendant près de 20.000 ans pour divers prestataires de services maléfiques où mes compétences ont été appréciées au point de me permettre d'accéder aux fonctions de Directeur des Ressources Démoniques.

- Attends…

- (voix caverneuse) Polyvalent et motivé, je suis prêt à m'engager avec enthousiasme dans tout emploi que vous voudrez bien me proposer, Maître.

- C'est-à-dire…

- (voix caverneuse) Dans l'attente de votre réponse, je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes salutations distinguées.

 

Llégion regarda avec effarement l'énorme démon bleu qui se tenait devant lui, et remarqua alors…

 

- Tu… tu portes des lunettes ?!

- (voix caverneuse) Je suis myope, Maître.

- Par la malepeste, tu sors d'où ?

 

Mezz poussa un profond soupir, et sortit un mouchoir de… enfin, de quelque part, et commença à nettoyer ses lunettes.

 

- (voix caverneuse) J'ai été licencié par mon précédent Maître suite à une délocalisation vers les abysses inférieurs, Maître. La conseillère de l'ADPI - l'Agence Démoniaque Pour l'Invocation – m'a dit qu'il y avait une place qui venait de se libérer et que si je n'y allais pas, on me supprimerait mes allocations de demandeur d'invocation. Alors me voilà, Maître.

- Tu es au chômage !? Tu es un démon des Enfers au chômage ?!

- (voix caverneuse) Hélas oui, Maître. Les temps sont durs, avec les démons des abysses inférieurs qui travaillent pour un dixième de pierre d'âme et qui ne sont même pas syndiqués, et puis pour des démons qui ont passé les 50.000 ans comme moi, le marché de l'invocation est réduit. On a seulement le choix entre la préretraite ou un poste minable avec un Démoniste sans avenir et qui paye mal. Maître.

- Magnifique. Je suis tombé sur un démon en fin de carrière et au chômage depuis… ?

- (voix caverneuse) Cela va faire bientôt 3.000 ans, Maître. Cela devient dur de retrouver une invocation à 50.000 ans passés.

- Et si j'en demande un autre, il se passe quoi ?

- (voix caverneuse) J'ai un ancien collègue de 49.000 ans qui cherche aussi un Démoniste, Maître. Je peux lui en parler, si vous voulez…

- Okay, c'est bon, je ne cherche plus à comprendre. Tu restes, mais je te préviens, tu as intérêt à assurer. Tu es maintenant au service d'un Génie du Mal, et j'ai pour but de conquérir Azeroth !

- (voix caverneuse) Je saurais me montrer digne de votre confiance dans les tâches que vous m'assignerez, Maître. Et concernant les avantages sociaux et l'organisation des congés ?

- …

- (voix caverneuse) Nous en reparlerons ultérieurement alors, Maître.

- Bon, pour commencer, on va faire un tour à Ombrecroc. Le temps de trouver des larbins qui…

- (voix caverneuse) Je me permets d'attirer votre attention sur la période probatoire de recrutement, Maître.

- Hein ?

 

Mezz avait sorti un agenda.

 

- (voix caverneuse) Je ne pourrai être à mon poste qu'à partir du début du mois prochain, Maître. Du fait d'un arriéré de congés à solder de mon précédent poste, ainsi que des récupérations d'heures supplémentaires qui, comme vous le savez certainement, nous ont été accordées lors de la précédente négociation interdémoniaque…

- Par la malepeste ! Je ne veux plus rien savoir ! Tu fais comme tu veux, je ne veux plus rien savoir !

- (voix caverneuse) Puis-je vous suggérer de reprendre votre respiration, Maître ? Vous commencez à prendre une teinte bleutée.

- Foutu démon…

- (voix caverneuse) Nous nous donnons donc rendez-vous pour ma prise de fonction, Maître, disons… lundi en quinze ? Neuf heures ?

- Fais comme tu veux et fous-moi le camp.

- (voix caverneuse) Je gage que nous future collaboration sera des plus profitable pour l'entreprise commune, Maître. Je vous souhaite le bonsoir.

- C'est ça, on lui dira…

 

Le Marcheur du Vide referma son agenda et disparut dans le vide.

 

- Y'a que sur moi que ça tombe, des trucs pareils. Franchement, y'a qu'Abatik qui tienne la route…

- Merci de votre confiance, Maître.

- Tiens, tu es revenu ?

- Le gros bleu est parti, donc me revoilà, Maître. Il est bien ?

- Par la malepeste ! Je suis tombé sur un pénible. Un certain Mezz-trucmuche.

- Mezznagma, Maître ?

- Tu connais ?

- Ah, euh… un peu, Maître. Il paraît qu'il est affilié à la Confrérie Génératrice de Troubles. Un puissant syndicat en bas. Vous allez souffrir, Maître.

- Pourquoi ça ne m'étonne plus…

- Ca va aller, Maître. Je suis là, moi.

- Et puis je t'ai dit d'enlever ce truc, tu es ridicule.

- Mais Maître-eeeuuuhhh…

 

Llégion commença à ranger les nombreux objets récupérés depuis son dernier passage à Fossoyeuse, puis soudain, quelque chose fit "tilt" dans son esprit.

 

- "Un poste minable avec un Démoniste sans avenir et qui paye mal" ?! Eh ! Par la malepeste ! Attends voir !

 

 

Moustaches poussa un soupir. Des impondérables, toujours des impondérables. Quoique… Tout ceci pourrait offrir des possibilités, disons… intéressantes… Oui, il fallait attendre et observer…

Puis le rat posa quelques crottes au pied d'un lampadaire qui passait par là.

 

 

***

 

 

Chapitre 15 : Le registre

 

 

- Y me donne son nom et sa classe pour le registre, merci.

 

Vimayre toisa le Mort-Vivant qui se tenait courbé devant lui, un lourd registre sous le bras.
Puisque son client était un Mort-Vivant revenu à la "vie" après 50 ans d'absence, le Tauren avait décidé logiquement de commencer son enquête par les tombeaux au Nord du Glas.

Un coin sinistre, mais il fallait bien commencer quelque part...

 

- Tu fais erreur, l'ami. Je ne suis pas un Réprouvé.

- Moi on y dit de demander le nom et la classe, alors y demande le nom et la classe.

- Montre-moi ton registre, l'ami. Je dois vérifier quelque chose.

- Y l'a pas le droit de faire ça.

- Je suis un Contrôleur Principal. Obéis ou je te le prends de force.

- Y'en a qu'ont essayé, y z'ont eu des problèmes... Après, c'est lui qui voit...

 

Vimayre leva les yeux au ciel. Ces Morts-Vivants… Enfin, il était en mission officielle et pourvu de tous les documents adéquats. Sinon, il restait toujours les bonnes vieilles méthodes...

 

- A jour de tes cotisations sociales, l'ami ?

 

Le Mort-Vivant hésita quelques secondes puis, devant le regard déterminé du Tauren – chose rare chez ceux de sa race – il choisit de céder.

 

- Y va avoir droit à un rapport, et y l'aura des problèmes si y l'est pas en règle.

 

Vimayre prit le lourd registre et commença à le compulser. Il trouva assez rapidement ce qu'il cherchait.

 

- "Llégion, Démoniste Malfaisant et Génie du Mal". Je vois le genre… Vous vous souvenez de lui ?

- Y l'était grand, chauve, l'air con. Y l'avait pas l'air doué.

- Et y l'est… pardon, il est parti où ?

- Y l'a fait comme tous les autres. Y l'est parti vers le village.

 

Vimayre regarda vers le sud du tombeau. Encore des Morts-Vivants… Décidemment.

Enfin, il avait le début du fil, ne restait plus qu'à tirer dessus.

 

 

***

 

 

Chapitre 16 : Tous ensemble, tous ensemble, tous !

 

 

Llégion était gêné. Ce n'était pas une sensation familière pour un Génie du Mal de son envergure, et cela n'avait rien d'agréable.

 

Mezz avait finalement accepté de prendre son "poste" en avance, en échange d'une "prime de mobilité" de deux pierres d'âmes. Llégion n'était pas sûr de tout comprendre dans ce que le démon lui disait, mais il avait fini par abandonner l'idée de négocier avec lui après une longue conversation de six heures concernant la "pause-café réglementaire".

 

Llégion avait donc décidé d'aller faire un tour du côté de la forêt des Pins Argentés, où il avait entendu dire que les opportunités étaient nombreuses, et se trouvait présentement à traîner le dénommé Mezz sur une des îles du Levant.

 

Ceci étant dit, et si on oubliait les revendications du démon, celui-ci était des plus redoutable pour accrocher les ennemis et les réduire en pièces.

Même si sa méthode était des plus… originale. C'était la première fois que Llégion voyait un démon tuer un ennemi rien qu'avec un livre – en l'occurrence le Code du Travail Démoniaque.

 

Selon Abatik, qui avait finalement décidé de rester avec son Maître en permanence pour compenser les absences syndicales de Mezz, le Code du Travail Démoniaque n'était même plus sensé être en circulation car classé dans la catégorie des armes de destruction massive.

En voyant l'état des ennemis, Llégion ne pouvait qu'approuver. Même lui était gêné de voir les Murlocs s'effondrer en pleurant et se jeter dans le lac pour se noyer, après avoir subi les discours syndicaux du démon.

 

Bon, il n'y a que le résultat qui compte, mais quand même…

 

- Slt ! On két ensanble ? Moa cé Lizaa !!!

 

Llégion jeta un œil sévère sur la jeune consoeur qui l'avait interpellé.

C'était toujours pareil. Il suffisait qu'on massacre tranquillement quelques dizaines de bestioles pour se détendre pour qu'un boulet vous demande un coup de main.

Cette fois-ci, le boulet était une Morte-Vivante Démoniste, accompagnée de son Marcheur du Vide.

 

Mezz se pencha à l'oreille de son Maître.

 

- (voix caverneuse) Prenez garde, Maître. Son démon est un sécessionniste affilié à FO.

- FO ?

- (voix caverneuse) Force d'Outreterre, Maître. Ils ont trahi notre organisation lors du Congrès de Rochenoire en…

- Mezz ? Je m'en fous.

- (voix caverneuse) C'était pour vous prévenir de ne pas faire confiance à cette Démoniste, Maître. D'ailleurs la charte de notre syndicat stipule…

- Oui oui, on lui dira… Bon, elle veut quoi la gamine ?

- On két ensanble ?

 

Llégion la regarda de bas en haut avec mépris. Niveau faible, équipement minable, même son démon n'avait pas l'air dangereux.

A se demander d'où venaient les dizaines de cadavres démembrés et éparpillés autour d'elle…

 

- Et pourquoi je ferais ça ? Je suis Llégion, le plus grand cerveau criminel d'Azeroth, un pur Génie du Mal…

- Ta u tou lé murlok 2 la két ? Moa y men mank 3 !!!

 

Le Démoniste reprit sa respiration et modifia l'orientation de son esprit si supérieur.

Il en avait entendu parler à Fossoyeuse. Certains Morts-Vivants, en revenant à la "vie", ne récupéraient pas la totalité de leurs moyens et étaient condamnés à errer en Azeroth en bredouillant des phrases incompréhensibles et en se donnant en spectacle.

Le plus écoeurant, c'est que ces dégénérés faisaient presque tous parti de l'élite des combattants de la Horde.

 

- Euh… Moi préférer faire quêtes seul. Solo. Toi comprendre moi ?

- Lol ! Té 1 maran toa !!! On gr ?

- Non ! Moi vouloir seul. Seul ! Toi comprendre ?

- Alé go !

- Mezz ? Tu t'en occupes ? Mezz ?

- Il a pris sa pause, Maître. Et je pense pas que même lui puisse vous en débarrasser. Vous avez qu'à lui donner un coup de main, elle vous fichera la paix ensuite.

- Par la malepeste ! Un Génie du Mal n'aide pas les autres !

- Vous l'envoyez en première ligne et vous, vous restez derrière, Maître. Ca c'est maléfique.

- Effectivement… Bon. Lizaa ? Moi d'accord. O-Kay. Nous aller… allons bon, elle est partie.

 

Les Murlocs du lac qui s'étaient mis à respirer en voyant Mezz prendre sa pause durent déchanter. Malgré son expression des plus… "aléatoire", Lizaa et son démon faisaient un joyeux massacre de tout ce qui passait à leur portée, allant jusqu'à traquer les survivants au fond de l'eau.

Même Llégion dut reconnaître qu'elle avait un certain style.

 

- Il est bien, son démon.

- Oui, Maître. J'aime bien la façon dont il leur arrache les bras.

- Et puis le collier d'oreilles, on a beau dire, ça reste classique, ça va avec tout.

- Oui, Maître. Par contre, il a des progrès à faire sur le dépeçage je trouve.

- Dépecer des Murlocs, je ne savais pas que c'était possible.

- Attention, Maître, en voilà un. Vous en voulez un morceau ?

- Je te le laisse, Abatik. Juste un coup de malédiction pour la gourmandise.

- C'est marrant, Maître, mais il avait l'air soulagé de se faire tuer par nous.

- Et il a à peine crié, en plus.

- Je crois que c'est parce que nous, on les tue AVANT de leur couper des morceaux, Maître.

- C'est vrai que c'est un style assez bruyant, quand même. Il devrait faire quelque chose pour le bruit.

- Lol ! Y la réson ! Fé lé tér !

 

Les Murlocs qui essayaient d'abattre le Marcheur de Lizaa firent brusquement silence, une lueur de terreur dans le regard, en entendant la Démoniste.

Oui, il fallait lui reconnaître un certain style…

 

- C'est drôle, Maître, on pourrait presque croire qu'elle est plus forte que…

- Par la malepeste, Abatik, et dans ton intérêt, ta gueule.

- Oui, Maître.

 

Après une dizaine de minutes de massacre ininterrompu, les îles du lac étaient vides de Murlocs. Et de grenouilles aussi. Et d'oiseaux, vu que le marcheur de Lizaa avait éliminé systématiquement toute forme de vie à 500 mètres à la ronde.

 

- Bien, ton démon. Et il s’appelle ?

- Lol ! Y ma pa dy !

- Qu’est-ce qu’elle rac… Ah oui, j’ai compris. Alors, démon, quel est ton nom ?

- (voix caverneuse) TUER…

- Non, ton nom.

- (voix caverneuse) TUER…

- Lol ! Moa je lapel Tuer ! MDR !!!

- Il a l’air… gentil, sinon. Et il fait quoi à part éliminer tes adversaires ?

- ???!!!

- Pardon : quoi lui faire autre que tuer ?

- Y fé ke tué, et oçi y lé manje. Et y lé manje oçi aven de lé tué.

- Charmant garçon…

- On ren no két ?

- Je te suis, jeune Démoniste.

- Lol ! Té 1 maran toa !

 

Les deux Démonistes retournèrent ensemble à Fossoyeuse. Llégion abandonna vite l’idée de suivre sa consoeur qui n’arrêtait pas d’aller et venir dans toute la ville, et entreprit de se faire quelques nouveaux habits grâce au tissu récupéré sur les Murlocs.

Mezz potassait ses fiches syndicales, Abatik fouinait à droite à gauche et Moustaches… Et bien, comme d’habitude, Moustaches observait et réfléchissait.

Tout en se grattant négligemment une oreille.

 

- Dy, toré pa 1PO ?

- Une maille à l’endroit, une maille à l’envers… Quoi ? Tu disais ?

- Toré pa 1PO ? Pour du tyçu.

- Par la malepeste ! Et puis quoi encore ! Tu me prends pour un distributeur ?!

- Ci tu me done dé PO, je di a mon pair de te prandr dan la guilde ! Cé lui le métr !!!

- … "Si tu me donnes…" Oh. Tu as une guilde, toi ?

- Ui ! On é les "Kostos d'Hazerot" ! On daibut mé on é suppair coooll !!!

 

Llégion resta muet, ne sachant quoi répondre. Puis il avisa le Diablotin qui souriait.

 

- Abatik ? T'en penses quoi ?

- Pas bête, Maître, votre idée.

- Euh… Oui, je sais, mais dis-moi ce que tu en penses en détail.

- Rejoindre cette guilde minable pour y prendre le pouvoir dans l'ombre, Maître, je dis que c'est un plan maléfique comme on n'en fait plus. Comme ça, vous aurez votre armée de séides.

- Ah, oui… Je suis quand même sacrément intelligent, quand j'y pense.

- Oh, oui, Maître. Vous êtes un Génie du Mal, Maître.

- Et toi un vrai faux-cul.

- Merci, Maître.

- Alor ? Tu vien ?

- Soit, jeune Démoniste, j'accepte d'accorder à ta guilde naissante la primeur de mon talent et de mon intellect.

- ???!!!

- Rhhhaaa… Moi OK pour venir guilde toi.

- Lol ! Té 1 maran toa !

 

Llégion soupira.

 

- C'est drôle, Abatik, mais en fait je le sens pas trop, ce coup-là…

- Di toré pa dé PO pour le cofr de la guild ? Ten a pl1 !!!

- Rhhhaaa ! Mais elle va me lâcher avec ses PO ?!

- Votre arrière petit-neveu a toujours de l'or, Maître.

- Mmmm… Bien vu. Je lui enverrai une lettre. Il paiera pour mon armée. Mouahahahahahahah ! Je sens que les affaires reprennent !

- Ton neve y pe me doné dé PO ?

- Rhhhaaa ! Par la malepeste !

- Respirez, Maître, vous devenez bleu.

 

 

Moustaches sourit intérieurement. Il suffisait d'être patient pour que les évènements prennent un cours utile à ses projets. Et ceci ouvrait encore de nouvelles perspectives…

Puis le rat entreprit de ronger les nouvelles bottes de Llégion.

 

 

***

 

 

Chapitre 17 : La Démoniste

 

 

- (voix caverneuse) Par la malepeste, que veux-tu, créature ?

 

Vimayre grimaça. Le coup de la voix caverneuse… Même à Fossoyeuse ils ne le faisaient plus depuis des siècles.

Manifestement, ces dégénérés du Glas n'étaient pas encore au courant.

 

- Je cherche un Démoniste Mort-Vivant. Un certain Llégion. Il a dû vous contacter pour sa première invocation.

 

La Démoniste réfléchit.

 

- Un grand chauve, l'air con ?

- Tiens, vous avez perdu votre voix caverneuse.

- Euh... (voix caverneuse) Ne me fais pas perdre mon temps, créature. (voix normale) Et pourquoi tu le cherches ?

- Je travaille pour la Confrérie des Collecteurs. On a un dossier sur lui.

 

La Démoniste blêmit – enfin, elle devint encore plus blême.

 

- Je lui ai montré pour son Diablotin. Il a récupéré un certain Abatik. Un faux-cul, du genre à avoir des plans tordus.

- Et il est parti où ensuite ?

 

Elle déglutit et indiqua le sud-est.

 

- Il a dû partir par là. C'est le chemin que suivent tous les nouveaux Réprouvés. Vers Brill et Fossoyeuse.

 

Vimayre soupira. Encore des Morts-Vivants…

 

- Au fait, vous en êtes où de vos cotisations ?

- Euh…

 

Laissant la Démoniste sur ces derniers mots, Vimayre prit la route vers le sud-est. La piste était froide, mais lui allait plus vite et elle ne tarderait pas à se réchauffer.

 

- (voix caverneuse) Et veille à ne plus me déranger, créature. (voix normale) Foutu gratte-papier…

 

 

***

Publié le 05/02/2010 - Pas de modifications
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