Chapitre 18 : Et dans les ténèbres les lier…
Llégion poussa le corps sans vie du rat du bout de son bâton.
- Non, désolé, c'est pas pareil.
Puis il regarda Mezz qui prenait des notes sur un calepin devant un Abatik bouillant de colère.
- J'ai pas ce foutu formulaire, Mezz ! Je suis un Diablotin, pas un bureaucrate ! Je veux juste savoir quand tu prends tes congés !
- (voix caverneuse) Je suis désolé, collègue, mais sans le formulaire T-4809, je ne peux te communiquer cette information couverte par la loi Papyrus et Esclavage. Il s'agit du respect de ma vie privée.
- Eh, les comiques, je disais…
- Et comment je fais pour savoir quand te remplacer, abruti !
- (voix caverneuse) Je dois te mettre en garde sur tes propos, Abatik. Il te faut savoir que l'insulte à un représentant des Enfers dans l'exercice de ses fonctions est passible de poursuites conformément à l'article…
- PAR LA MALPESTE !!! LA FERME !!!
- Respirez, Maître, vous devenez bleu.
- (voix caverneuse) Oui, Maître, puis-je vous suggérer de reprendre votre respiration ? Vous commencez à prendre une teinte bleutée.
Les deux démons regardèrent en silence leur Maître reprendre son calme.
- Je disais : Non, désolé, c'est pas pareil.
- C'est déjà bien d'avoir pu tuer ces rats, Maître. En plein milieu du donjon d'Ombrecroc, c'est quand même un sacré exploit.
- (voix caverneuse) Nonobstant la présence du Mage, Maître…
Le Mage. Mercät. Llégion était tombé dessus alors qu'il cherchait à convaincre des volontaires de l'accompagner dans le sinistre donjon tenu par les loups-garous d'Arugal.
Ou pour être plus précis, pour lui ouvrir la route et prendre tous les coups tandis que lui récupérerait le butin.
Sa recherche n'avait pas été couronnée d'un franc succès. Etonnant l'égoïsme des gens, quand on y pense.
Puis il était tombé sur le Mage. Un Elfe de Sang de très haut niveau, qui traînait son ennui à Fossoyeuse et avait commencé à envoyer des sorts sur Mezz, pour s'amuser.
C'est Abatik qui avait eu l'idée. Il était allé traîner du côté du Mage et avait négligemment laissé tomber devant lui qu'Arugal répétait partout que les Elfes de Sang, surtout les Mages, faisaient très tapettes avec leurs oreilles pointues et leurs robes à paillettes, et que c'était tous des crétins dégénérés.
Le Mage était aussi orgueilleux que son air hautain le laissait penser. Il avait pris la mouche, et avait juré de faire la peau de cet Aru-machintruc.
Et par un formidable coup de chance, il se trouvait qu'il avait à sa disposition un Démoniste connaissant la route pour se rendre au repaire du malotru.
Les deux arcanistes étaient donc entrés ensemble dans le donjon, accompagnés par les deux démons.
Moustaches, bien sûr, était très satisfait de voir ses projets avancer.
L'exploration s'était révélée très simple. Mercät massacrait les ennemis à coups de sorts de glace, tandis que Llégion essayait de suivre le rythme effréné tout en pillant consciencieusement les corps sans vie.
Et comme Llégion commençait à avoir quelques scrupules – un sentiment nouveau pour lui – il avait entrepris de couvrir les arrières du Mage... en tuant les rats traînant dans les couloirs.
- C'est vraiment pas pareil.
- Ne vous bilez pas, Maître. Le mago est content, et vous, vous récupérez plein de trucs bien – tenez, vous avez oublié la hache, là.
- Le problème, c'est que je commence à manquer de place. Tiens, prends ça, Mezz.
- (voix caverneuse) Non, Maître.
- Comment ? J'ordonne et tu obéis, tu te souviens ?
- (voix caverneuse) Le règlement intérieur de notre entreprise stipule qu'il est interdit aux démons de porter des charges lourdes s'ils ne sont pas habilités à cela, Maître. Et je ne le suis pas.
- On a un règlement intérieur, nous ?
- (voix caverneuse) Il a été voté lors de la dernière réunion intersyndicale, Maître. Celle dont vous vous étiez absenté pour aller voir ce marchand d'estampes elfiques.
- Ce truc doit être écrit, non ? J'ai rien vu passer.
- (voix caverneuse) Je vous ai envoyé un mémo, Maître. Celui dont vous vous êtes servi pour brûler la poussette de la petite fille l'autre jour.
- Mezz ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître ?
- Tu m'emmerdes, Mezz. Et un de ces jours, je vais vraiment me fâcher. En attendant, Abatik, tu prends cette hache.
- Mais, Maître… elle est plus grande que moi !
- Par la malepeste ! J'ai compris, je me débrouille seul. Mais je vous préviens, dès que j'ai ma Succube, vous dégagez.
- Oui, Maître.
- (voix caverneuse) Oui, Maître. (en aparté) De toutes façons, il ne connaît pas encore les Succubes… On ne risque rien.
- (en aparté) C'est sûr qu'il va vite comprendre… Bon, concernant tes congés…
Llégion rattrapa le Mage qui s'était assis dans un coin, le temps de boire un peu d'eau pour récupérer sa mana. Autour de lui, une dizaine de corps de loups-garous formaient comme un gigantesque tapis en fourrure. Légèrement poisseux à cause du sang.
Et parce que les loups-garous n'avaient pas encore totalement assimilé le concept de "propreté".
Ni de "toilettes".
- Ah ah ! Je sens d'ici l'odeur nauséabonde de cette vile créature ! Il va apprendre à se moquer de la noble race des Elfes de Sang !
- En fait, l'odeur, c'est Moustaches qui a pissé sur votre bâton… Sinon, pour Arugal, je pense que le mieux, ce serait de l'attaquer directement, sans lui laisser le temps d'ouvrir la bouche.
Et comme ça, pensa Llégion, j'évite les ennuis avec le Mage. Il ne manquerait plus qu'Arugal me l'énerve en faisant l'innocent.
- Bonne idée, ami cadavérique ! Ce misérable aura la leçon qu'il mérite !
Finalement, après avoir vidé le château de toute forme de vie et de non-vie, le Mage arriva dans la salle en ruine où Arugal faisait son ménage de la semaine.
En effet, on a beau être un Démoniste maléfique à la tête d'une armée de créatures des ténèbres, il y a des choses que ni les loups-garous ni les spectres ne peuvent faire.
Quant au petit personnel, il avait arrêté d'en engager car ils finissaient systématiquement dans le ventre de ses serviteurs.
Et ça finit par coûter cher, ces conneries…
- Que vois-je ? Un de ces crétins de tapettes d'Elfes de Sang avec sa ridicule robe à paillett...
Les sorts de glace du Mage le désintégrèrent en une fraction de seconde.
Llégion regarda le corps sans vie - et sans beaucoup d'autres morceaux, d'ailleurs - avec surprise.
Finalement, il l'avait vraiment dit, l'histoire de la tapette... Il y a de ces hasards...
Il jeta un oeil inquisiteur vers Abatik, qui eut la décence de prendre un air gêné et de regarder ailleurs.
- Et bien, ami cadavérique ! Le malotru a été puni et l'honneur de ma noble race est vengé. Je suis néanmoins navré d'avoir dû te traîner jusqu'ici uniquement pour me voir punir cet Aru-machin. Je t'ai fait perdre de ton précieux temps pour rien…
Llégion regarda ses sacs pleins à craquer d'équipements divers et de très haute qualité, puis le Mage.
- Non, non, pensez-vous, il fallait donner une leçon à ce minable. On ne peut laisser salir une race si noble que la votre. Je n'ai fait que mon devoir.
- Voilà un Mort-Vivant comme je les aime ! Tu as raison, mais tu sais, nous autres Elfes de Sang devons en permanence garder à l'esprit de rester digne de notre noblesse et de notre élégance.
- J'allais le dire !
- Au fait, tu connais celle des deux putes et de l'étalon ? Tu vas voir, elle est mortelle ! Alors c'est deux putes qui doivent se faire...
- C'est bon, je la connais ! Bon, je ne veux pas vous retenir, vous devez avoir plein de trucs à faire, et tout...
- Dommage... Attends, le temps d'en trouver une bonne dans mon carnet à blagues... Tiens, celle du pétomane et de la trompette...
- Pas de chance, je la connais aussi ! Bon, à la prochaine !
Le Mage haussa les épaules et rangea son carnet d'un air déçu, tandis que le Démoniste activait sa pierre de foyer.
- Pfff... Ils les connaissent toujours toutes... Même celle de l'escargot pédé. Elle est pourtant fendard, celle-là...
Comme quoi, pensa Llégion en voyant s'évanouir le Mage, on peut avoir une classe folle et être un vrai plouc.
Avant de disparaître avec son maître, Moustaches grava le visage du mage dans un coin de son esprit. Il le savait, il le reverrait. Comme il l'avait prévu. Car tout se déroulait pour l'instant parfaitement.
Puis le rat lâcha une crotte sur le cadavre d'Arugal.
***
Chapitre 19 : Brill
- Ca, pour causer, ils causaient, vous pouvez me croire.
L'aubergiste cracha dans la chope et entreprit de la nettoyer consciencieusement. Enfin… disons plutôt que la crasse était maintenant étalée d'une manière beaucoup plus démocratique.
Vimayre grimaça. Le village de Brill ne payait pas de mine, et était occupé par des Morts-Vivants. Un endroit peu attractif donc pour le Tauren.
Et l'aubergiste, en plus de ne plus respirer, n'avait plus d'yeux, ce qui ne semblait pourtant pas le gêner.
- Et ils parlaient de quoi ?
- Ils faisaient pas que causer, vous savez. Le grand chauve à l'air con faisait de la couture, aussi.
- Intéressant… Mais ils parlaient de quoi ?
- Quant à la petite crotte, l'avait l'air louche. Le genre à avoir des idées tordues, voyez.
- Certes. Et ils parlaient de quoi ?
- En plus, le grand chauve à l'air con m'avait laissé une ardoise longue comme le bras. Et la petite crotte me regardait d'un sale oeil.
Vimayre respira profondément et recommença à se réciter intérieurement la notice explicative de la déclaration de revenus exceptionnels. D'ordinaire, cela suffisait à le calmer, mais là…
- Je m'en doute. Et ils parlaient de quoi ?
- Vous prenez quelque chose ? Parce que sinon, c'est pas un endroit pour traîner. Ici, c'est une maison respectable.
- J'ai déjà pris une bière. Et vous ne m'avez pas dit de quoi ils parlaient.
- Le grand chauve à l'air con, il buvait que du vin. Se prenait pour un seigneur, genre Génie du Mal, mais pas foutu de reconnaître un picrate d'un grand cru. Et la petite crotte, buvait pas.
- Passionnant. Et ils parlaient de quoi ?
- Voulaient plumer un descendant, en envoyant une lettre. Humain, expérimenté, riche. Une arnaque avec la Semaine des Enfants. Puis ils sont partis vers la ferme occupée par les Gnolls.
- Et ils parlaient de qu… Oh. Euh… Eh bien, merci de l'information.
- Ca fait 50PC. Plus 50PA pour le tuyau. Parc'que j'aime pas les Taurens.
Vimayre leva les yeux au ciel, mais il avait son information.
***
Chapitre 20 : Laisse-moi t'offrir mon cœur, bébé…
Llégion n'arrivait pas à détacher son regard du miroir en pied qui lui renvoyait son reflet.
Son merveilleux reflet de puissant et élégant Démoniste Mort-Vivant. Et futur Maître d'Azeroth, bien sûr.
La robe noire et blanche d'Arugal s'accordait merveilleusement bien avec sa cape bleue en fourrure, et son sabre lui donnait une classe folle. Les épaulières qu'il venait de se confectionner donnait à l'ensemble un côté incontestablement… malfaisant. Et classe bien sûr.
Avec l'équipement récupéré à Ombrecroc, et les divers objets confectionnés de ses propres mains, Llégion commençait à ressembler enfin à un véritable Génie du Mal.
Et puis surtout, il avait enfin atteint le niveau nécessaire pour invoquer un nouveau démon. La fameuse et mystérieuse Succube…
- Bon, vous deux, au pied. Plus vite que ça, par la malepeste !
- Nous arrivons, Maître.
- (voix caverneuse) Nous voilà, Maître.
- Vous n'êtes pas sans savoir vous deux que j'ai maintenant le niveau pour invoquer une Succube. Vous en déduisez donc… ?
- Que nous sommes promus, Maître ?
- Raté ! Vous êtes virés ! Alors, heureux ?
- (voix caverneuse) Je crois, Maître, que vous oubliez les garanties accordées aux démons par l'accord…
- Re-raté, Mezz ! J'ai jeté un oeil sur ton bouquin, le Code du Travail Démoniaque, et la loi est claire : le Démoniste invoque ses démons personnels librement et selon sa seule volonté. Donc, je ne vous invoque plus, ce qui revient à dire que vous êtes virés. Le plus marrant, c'est que vous ne pouvez même pas trouver un autre boulot ! Mouahahahahahahah !
- Euh… Mezz ?
- (voix caverneuse) Désolé, collègue, mais j'ai peur qu'il n'ait raison. S'il est satisfait de la Succube, il peut décider de ne plus nous invoquer.
- Et ouais ! Donc, en attendant, vous restez pour me couvrir – surtout Mezz – mais dès que j'aurais ma Succube, vous dégagez. Elle est pas belle la vie ?
Llégion partit alors un grand sourire aux lèvres vers le temple de Fossoyeuse.
- "S'il est satisfait de la Succube", Mezz.
- (voix caverneuse) Oui, collègue. "S'il est satisfait de la Succube".
Les deux démons se regardèrent, un grand sourire pervers au visage.
Moustaches pensa au temps qu'il allait perdre dans cette histoire. Mais après tout, il n'était pas pressé.
Puis il vomit sur les pieds du Diablotin.
…
Le hurlement de rage ébranla les murs des ruines formant la cité de Fossoyeuse.
- Tiens, remarqua l'aubergiste, le grand con est revenu.
Llégion, effondré dans le Temple, réussit progressivement à reprendre son calme.
- Respirez, Maître, vous devenez bleu.
- (voix caverneuse) Oui, Maître, puis-je vous suggérer de reprendre votre respiration ? Vous commencez à prendre une teinte bleutée.
- RHHHAAA !!! Par la malepeste ! Jamais ils me demandent un truc simple ! Genre ramener, je sais pas, du pain ou des fleurs !
- La récompense est toujours à la hauteur du danger, Maître.
- (voix caverneuse) Et puis, vous verrez du pays – tenez, je vous prépare de suite un formulaire de déplacement interrégional.
Llégion relit le document que lui avait remis la Maîtresse des Démonistes, un sourire sadique sur les lèvres.
Pour pouvoir invoquer une Succube, il fallait d'abord en tuer une. Classique.
Pour en tuer une, il fallait en invoquer une une première fois. Re-classique.
Et pour en invoquer une, il fallait un appât. Deux en fait : deux cœurs d'innocents.
Le document précisait heureusement le nom et la localisation des innocents.
Le premier était au Mur de Grisetête, au sud d'Ombrecroc. Un lieu que Llégion connaissait déjà pour y avoir déjà tué quelques Allianceux. Pas la porte à côté, mais faisable.
Le second… c'est là que Llégion avait failli avoir sa syncope.
- Le Viaduc de Thandol ! Ce plouc est au Viaduc de Thandol ! RHHHAAA !!! Par la malepeste ! Comment je me rends là-bas, moi ?!
- Respirez, Maître, vous devenez bleu.
- (voix caverneuse) Oui, Maître, puis-je vous suggérer de reprendre votre respiration ? Vous commencez à prendre une teinte bleutée.
- C'est à des lieues d'ici ! En territoire hostile !
- Ne vous inquiétez pas, Maître. Ca va aller.
- Tu crois ça ? Tu sais la taille des bestioles en Arathi ? Tu me vois affronter ça ?
- Ca va aller tout seul, Maître. J'ai un plan.
- Un plan ? Il a intérêt à être bon !
- C'est très simple, Maître. Il vous suffit de foncer sur la route, Mezz à vos côtés. Toutes les bestioles qui voudront vous attaquer l'intercepteront lui, et une fois mort, il vous suffira de le réinvoquer. Puis vous recommencez jusqu'au Viaduc.
- (voix caverneuse) Oui, Maître. Je m'occupe des bestioles et... Attends voir, Abatik.
- Tu as raison ! Mezz est là pour ça, après tout ! Je fonce, et toi tu te fais massacrer à ma place ! Aller, on est parti !
- (voix caverneuse) Euh… Maître, je ne crois pas… Maître ? Attendez-moi ! C'était pas dans mon contrat ! Maître !
…
Mur de Grisetête, une heure plus tard.
Llégion regardait avec sévérité le démon bleu qui, pour le coup, avait pris une teinte violette. Sûrement ce qui se rapprochait le plus chez lui du rouge de la honte.
- Reprenons, Mezz. J'arrive jusqu'au Mur, en éclatant au passage les quelques loups-garous et wargs qui traînent sur la route. Toi, tu fais ton travail, à savoir les bloquer. On est d'accord ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître.
- On arrive au Mur, et je repère la cible sur ma gauche, un peu éloignée de quelques gardes mais pas trop loin quand même. On est toujours d'accord ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître.
- A ce moment-là, je te dis quelque chose. Tu peux me rappeler ce que j'ai dit ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître : "Je vais attirer ce pignouf sur moi et toi tu l'interceptes."
- Vraiment ? Rien d'autre ?
- (voix caverneuse) Si, Maître : "Surtout, Mezz, tu restes près de moi et SURTOUT, tu n'attaques pas les gardes, ils sont trop nombreux".
- Donc, tu confirmes.
- (voix caverneuse) Oui, Maître.
- Et il s'est passé quoi, ensuite, Mezz ?
- (voix caverneuse) Je ne me rappelle plus trop, Maître…
- Alors, tu peux me faire le débriefing de ce qui s'est passé, Abatik ? Et par la malepeste, arrête de rire, ça m'énerve.
- Pardon, Maître. En fait, si j'ai bien tout compris, Mezz a bien démoli la cible tandis que vous l'attaquiez à coups de baguette. Puis un garde est intervenu, et Mezz s'est retourné contre lui.
- Et ?
- Le garde s'est enfui, Maître. Mais je ne me rappelle plus trop de la suite…
- Moi, par contre, je m'en souviens, alors je vais te le raconter. Mezz ici présent a pourchassé le garde jusqu'à un groupe un peu éloigné, et m'a ramené sur la tronche cinq, j'ai bien dit cinq gardes assoiffés de sang et de vengeance.
- (voix caverneuse) J'ai donné ma vie pour vous, Maître.
- Et moi j'ai donné la mienne, Mezz. On est mort tous les deux, surtout moi d'ailleurs, et ces salopards ont même balancé mes restes dans leurs latrines. D'où l'odeur. J'ai oublié quelque chose ?
- Tout n'est pas négatif, Maître. Vous avez récupéré le cœur de l'innocent. C'est bien, hein ?
- Mezz ? Abatik ?
- Oui, Maître ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître ?
- Vous allez VRAIMENT en baver quand j'aurai ma Succube. Vraiment. Bon, on continue vers le Viaduc, et Mezz ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître ?
- Passé le Mur de Thoradin, tu me colles aux basques et tu interceptes toutes les bestioles qui voudraient me faire la peau. J'ai dit TOUTES, Mezz. Vu ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître.
- Bon, on est parti.
Mezz regarda Abatik d'un air penaud.
- (voix caverneuse) On devrait peut-être lui dire pour la Succube, collègue, sinon il risque d'être en pétard.
- On va plutôt faire les morts, Mezz. Il comprendra vite, et de toutes façons, il est déjà en pétard.
Moustaches jubilait intérieurement. Il n'avait pas prévu l'incident, mais cela faisait grandement son affaire. De nouvelles opportunités s'ouvraient à lui, et il allait devoir y réfléchir.
Puis le rat fit une cabriole.
***
Chapitre 21 : Œil de Ver
- Quoi vous vouloir ? Ici pas parc d'attraction.
Vimayre se tenait devant le chef Gnoll entouré de deux de ses lieutenants. Et il avait l'air un peu débordé, peut-être à cause des aventuriers attendant en file indienne devant sa maison.
- C'est vous Œil de Ver ?
- Si vous vouloir tuer moi, vous attendre. Orc moche avec fusil cassé avant vous. Puis cadavre qui marche avec trous dedans ensuite. Puis dinde Elfe de Sang avec coton dans bustier. Vous après.
- Je cherche un Démoniste.
- Vous prendre ticket, sinon être bordel. Vous faire queue.
Vimayre soupira, mais devant le refus du Gnoll de coopérer fut bien obligé d'attendre avec les autres.
L'Orc était un Chasseur, accompagné d'un sanglier comme familier. Il se fit hacher par le Gnoll en quelques secondes, son compagnon s'étant enfui dès le début du combat, et son fusil lui ayant explosé dans les mains.
Le Mort-Vivant étant un Mage, il tenta de geler ses adversaires, mais se trompa dans ses sorts et se retrouva lui-même dans un bloc de glace. Œil de Ver se contenta de faire exploser la glace d'une pichenette – et le Mage avec.
La Paladine Elfe se débrouilla beaucoup mieux, jusqu'à ce qu'elle se casse un ongle. Elle lâcha son arme en poussant des cris perçants, tenta de remettre le coton dans son bustier et eut la tête coupée.
Enfin Vimayre put parler au Gnoll.
- Je cherche un Démoniste Mort-Vivant du nom de Llégion, accompagné d'un Diablotin. Il a dû venir vous voir.
- Moi regarder registre… Vous raison. Moi me souvenir : lui grand chauve, air con. Lui attaquer moi avec Orc chasseur. Moi mort, mais lui aussi.
- Et il est parti où ?
- Moi pas savoir. Moi mort. Orc savoir. Nom lui être Fléchardente. Moi voir lui près potirons. Lui minable : pas réussir quitter région depuis un mois !
Vimayre laissa le Gnoll rire de l'Orc et partit en direction du champ, et salua le Tauren puissamment équipé dont c'était le tour.
- Eh ! Vous pas droit attaquer moi ! Vous trop puiss… *gargl*
***
Chapitre 22 : Rhaaa lovely !
Viaduc de Thandol, milieu de journée.
Llégion était assis sur celui qui avait été jusqu'à récemment un innocent au cœur pur, et qui était maintenant un cadavre sans cœur mais avec un trou dans la poitrine.
Elle avait vraiment des goûts bizarres, cette Succube…
- Lâche ton bouquin, Mezz, et viens par là, tu vas encore m'attirer des ennuis.
- (voix caverneuse) Je suis sûr d'avoir vu un article contre ça, Maître. Je suis sûr qu'un Démoniste n'a pas le droit de faire tuer ses démons volontairement…
- Ce n'était pas volontaire, Mezz, arrête de faire la tête. J'ai atteint mon but, trouver ce pignouf, et toi, je dois le reconnaître, tu t'en es bien sorti.
- (voix caverneuse) Je me suis fait attaqué par sept raptors, trois araignées géantes, deux élémentaires, quatre Ogres, et un lapin m'a même pissé dessus, Maître. Et je suis mort à chaque fois.
- Pas avec le lapin, Mezz, n'exagère pas.
Le démon prit un air vexé, et alla bouder dans un coin, tout en cherchant dans le Code du Travail Démoniaque un moyen d'attaquer son Maître aux prud'hommes infernaux.
Une fois remis de ses émotions, Llégion se téléporta à Fossoyeuse et se rendit à nouveau auprès de la Maîtresse des Démonistes.
- Tiens, le petit Llégion. Tu m'as ramené les cœurs ?
- Oui, Madame. Vous pourriez dire à votre démon de me déposer par terre, Madame ? Pardon, Madame.
- Lucifer, repose-le.
- Merci, Madame.
- Et toi, mon petit, tu vas m'invoquer une Succube avec ces cœurs et… ?
- Euh… Je l'invoque et je la tue, Madame ?
- Oui, tu apprends vite, petit.
- (en même temps, c'est à chaque fois pareil…) Oui, Madame. Pardon, Madame.
Llégion alla se poster près du cercle d'invocation, Mezz à ses côtés, et vérifia son équipement et ses sortilèges. Il fallait être prudent quand même : ne connaissant pas les pouvoirs de cette puissante créature, autant mettre le paquet.
Le seul truc bizarre, c'était le drôle de sourire de Mezz et le fait qu'Abatik était en train de s'étrangler par terre.
La peur, sans doute.
Seul Moustaches gardait son calme. Il était malgré tout impatient de voir si son plan allait marcher.
Puis le rat pissa sous lui.
Llégion lança alors le sortilège d'invocation de la Succube. Il y eut l'habituelle déchirure dans le tissu de la réalité, un bref aperçu des Enfers, puis…
- Respirez, Maître, vous devenez bleu.
- (voix caverneuse) Vous pourriez m'aider, Maître ? Vos sorts nous seraient très utiles pour abattre la Succube.
Llégion était bouche bée devant la créature apparue devant lui. Les paroles d'Abatik prononcées plusieurs semaines plus tôt lui revinrent en mémoire :
- Vous avez entendu parler de la Succube ?
- La Succube ? C'est quoi ?
- Je vous laisse la surprise, Maître. Mais ça va vous plaire, croyez-moi.
Abatik avait raison. Ca lui plaisait. Beaucoup. Enormément. Carrément, même.
Sauf que…
- Eh ! Mezz ! Par la malepeste ! Tu l'as tuée ! Ca va pas bien ?!
- (voix caverneuse) C'était le but, Maître. L'invoquer et la tuer…
- Mais t'as vu le canon !
- (voix caverneuse) … pour ensuite en invoquer une qui sera à votre service exclusif, Maître.
- …
- (voix caverneuse) Puis-je vous suggérer de reprendre votre respiration, Maître ? Vous commencez à prendre une teinte bleutée.
- RHHHAAA !!! Par la malepeste ! Madame ! Madame ! Ayé ! Vous me donnez le rituel ? Hein ? Hein ?
…
Quatre secondes plus tard.
La Maîtresse des Démoniste secoua la tête d'un air excédé et regarda l'énorme démon, Lucifer, qui veillait ordinairement sur sa sécurité.
Et qui tenait par les pieds un certain Démoniste bien connu, tout en le maintenant plongé dans le canal.
- Tu peux le reposer, Lucifer. Je crois que le petit est calmé, maintenant.
- (voix grondante) Oui, Maîtresse. Dois-je le sortir de l'eau d'abord ?
- Oui, c'est préférable. Alors, petit, tu voulais… ?
- Rhhhaaa…
- Lucifer, encore un bain froid pour le petit.
Llégion réussit tant bien que mal à reprendre son calme et sa contenance.
- Non, non, c'est bon. Madame. Pardon, Madame. Hem.
- Donc… ?
- Puis-je solliciter de votre haute bienveillance, Madame, l'apprentissage du rituel d'invocation de la… de la…
- Respirez, Maître, vous devenez bleu.
- … de la Succuccu… de la cucu… de la Succube, Madame ? Pardon, Madame.
- Bien sûr, mon petit. Mais prends garde. Comme dit le dicton : les Succubes sont trésors aux mortels interdits. Et puis, ne te fie pas aux apparences, petit.
- Non, non, Madame. N'ayez crainte, je sais garder la tête froide. Madame. Euh… La Succube ? Madame ?
La Maîtresse des Démonistes lui tendit la feuille où était écrit le rituel, ainsi qu'un étrange objet oblong en argent, tout en longueur.
- Ne perds pas cet objet, petit. C'est un goupillon ouvragé démoniaque d'élégance. Il est dorénavant le meilleur ami de ta Succube… et pas que d'elle, d'ailleurs, mais c'est une autre histoire…
- Merci, Madame. Mais pas très pratique à ranger, ce truc. Abatik, arrête de rire, tu m'énerves.
- Ne t'inquiète pas pour le rangement. Ta Succube saura quoi en faire quand tu n'es pas là.
- Merci, Madame. Je vais l'invoquer, alors. Merci, Madame. Abatik, arrête ! Et respire, tu deviens bleu.
Les deux démons, en proie chacun à un fou rire à peine contrôlé, disparurent tandis que Llégion lançait le rituel d'invocation.
Quand même, drôle de truc ce goupillon ouvragé démonique d'élégance… Et ce nom…
Moustaches secoua la tête d'air navré. Tout ceci manquait de subtilité, mais bon…
Tant que tout se déroulait comme prévu…
Puis le rat commença à copuler avec une ratte de passage.
***
Chapitre 23 : Fléchardente
- Tu me files un coup de main ? Pour les potirons ?
Vimayre toisa l'Orc qui venait de l'aborder alors qu'il s'approchait de la ferme protégée par les Ecarlates.
- C'est vous, Fléchardente ?
- Et oui, mon gars, c'est moi. Le seul et unique. Le futur Maître d'Azeroth.
- Je me souviens de votre nom. Une histoire de harem non déclaré, non ? J'ai un collègue qui suit ce dossier…
L'Orc hésita. Il remarqua le tampon pendant à la ceinture du Tauren, signe de reconnaissance des Contrôleurs. Cela lui rappela de mauvais souvenirs, et il décida de la jouer profil bas.
- En fait, j'avais prévu de passer bientôt à la Trésorerie…
- Vous ne m'intéressez pas. Je cherche un dénommé Llégion.
L'Orc souffla de soulagement.
- Ah oui, le grand chauve à l'air con ! Je l'ai aidé il y a quelques temps de cela, pour tuer un chef Gnoll. Je pense qu'il a dû partir vers Orgrimmar juste après. Vous avez une tour de dirigeables un peu plus loin, devant Fossoyeuse.
Vimayre hocha la tête. Au moins, il n'aurait pas besoin d'aller à la cité des Réprouvés.
Il se dirigea alors vers la tour mais s'arrêta soudain après quelques pas.
- Au fait, vous m'avez parlé d'un chef Gnoll. Vous l'avez déclaré ?
- Hein ?
- Comme revenu exceptionnel. C'est le formulaire bleu. Passé trois jours, sans déclaration, vous risquez le redressement.
L'Orc eut l'air paniqué.
Le laissant seul avec ses angoisses, Vimayre prit donc la direction de la cité des Orcs.
***
Chapitre 24 : Tu as pensé à mon petit cadeau ?
Llégion avait maintenant l'habitude des rituels d'invocation. Celui de la Succube ne différait guère des autres, si ce n'était ce fichu goupillon dont il ne savait que faire.
L'habituelle déchirure dans le tissu de la réalité apparut devant le Démoniste, tandis qu'il essayait de ne pas oublier quelques passages dans le rituel malgré son excitation.
Dire qu'il était impatient d'avoir la Succube devant lui serait une litote…
Puis elle apparut. Somptueusement belle. Somptueusement perverse. Sa peau d'un rose légèrement rougeâtre soulignait la courbure de ses formes généreuses. Sa bouche mutine, ses yeux coquins, la légère rougeur sur ses joues… tout en elle dégageait le désir et la luxure.
Même les attributs de démon qu'elle arborait fièrement ne faisait que souligner sa beauté : ses jambes se terminant en sabots, sa queue barbelée, ses ailes en cuir et surtout les deux magnifiques cornes sur son front, émergeant d'une épaisse chevelure d'un noir maléfique.
Llégion avait cessé de penser. Il restait bouche bée devant la magnifique créature, définitivement subjugué par sa beauté qui lui faisait même oublier jusqu'à sa collection d'estampes elfiques qu'il avait pourtant eu tant de mal à constituer.
La Succube se tourna alors vers le Démoniste. Son regard plongea dans le sien et lui arracha le cœur, achevant de détruire les quelques pensées cohérentes encore présentes dans son esprit.
Puis elle sourit, et ce sourire lui donna envie, là, tout de suite, de se jeter dans un lac de lave rien que pour le plaisir de garder son regard sur lui.
La Succube ouvrit les bras et, d'un air extatique, dit :
- Je suis à tes ordres, ô mon puissant Maître !
Puis, dans un profond soupir qui fit s'élever la température de Llégion de quelques dizaines de milliers de degrés, elle… ramassa Moustaches et le serra contre sa poitrine.
- Eh ! Non ! Pas ça ! Pas maintenant !
- Tu n'es pas mon Maître ?
- Non ! Lâche-moi ! Tu vas me perdre !
- Oups !
La Succube reposa le rat d'un air gêné en se mordillant la lèvre inférieure, et prit soudainement conscience de la présence du Démoniste.
Lequel, heureusement pour Moustaches, n'avait pas remarqué grand-chose vu son état et, de toutes façons, avait déjà tout oublié à cause du mordillement de lèvre précédemment souligné.
La Succube eut l'air déçu. Le charme étant rompu, Llégion émergea alors de son état second, secoua la tête pour reprendre ses esprits et reposa le regard sur son nouveau démon, les idées étrangement plus claires.
- Je suis à tes ordres, ô mon puiss… ô mon Maître.
- Oui. Ah. Euh…
- Ordonne et j'obéirai, mon Maître.
Llégion finit par émerger du brouillard dans lequel la présence de la Succube l'avait plongé.
- Bien. Bien bien. Hem. Donc, tu es… une Succube. C'est bien ça ?
- Oui, et tu es mon… Maître.
Llégion releva l'hésitation de la Succube. Il releva aussi le regard teinté d'une nuance de déception. Puis la Succube eut un léger sourire, et Llégion se rendit subitement compte de la somptueuse beauté de l'être magnifique devant lui.
- Ma beauté ! Tu es… Eh ! Arrête ça, par la malepeste !
- Quoi donc, mon Maître ?
- J'ai compris ! Tu te sers de tes charmes pour manipuler les mortels ! Tu t'en sers pour me manipuler ! Tu me prends pour qui ?!
- Pour le Démoniste qui m'a invoquée et dont je suis maintenant la servante, moi et mes pouvoirs, mon Maître.
Llégion réfléchit. Il se rendait compte de la capacité de séduction du démon, mais il avait aussi l'impression, maintenant qu'il avait pigé le truc, qu'il réfléchissait mieux en sa présence.
- Je commence à comprendre tes talents, Succube. Tu es redoutable.
- Oui, mon Maître. Je séduis et manipule tes ennemis, et grâce à moi, tes pouvoirs sont plus grands. Ne dit-on pas que derrière chaque grand homme, il y a une grande femme ?
- Sauf que tu es un démon. D'ailleurs, quel est ton nom ?
- Je suis Selneri la Fatale, beauté des Enfers et tourmenteuse des mortels ! Et je suis dorénavant à ton service exclusif, mon Maître.
- Waou ! Par la malepeste, tu es la première de mes serviteurs qui semble tenir la route. Ca fait bizarre tout d'un coup. Et en dehors de…
- Ahhh… Si tu savais comme je suis é-rein-té, mon chou !
- "Mon chou" ?!
- Mais oui, mamour. Tu ne trouves pas que tous ces "mon Maître", ça manque de chaleur ? Et en plus, tu es tellement trognon, toi !
- "Mamour" ?! "Trognon" ?! Je suis un Génie du…
- Oh, soyons plus décontractés, minou. Pas de chichi entre nous. Tu peux m'appeler Seln, d'ailleurs.
- "Minou" ?! Je suis…
- Oui, é-rein-tée, mon choubichounet ! J'ai passé les dernières années à faire les boutiques avec cette salope de Cattnia et en plus, elle m'a fauché ce magnifique fouet que j'avais repéré en vitrine. Tu arrives à le croire ?
- "Choubichounet" ?! Et bien…
- D'ailleurs, tu as pensé à mon petit cadeau ? Je suis TELLEMENT impatiente de le voir ! Et après, on part à Hurlevent faire les boutiques ! N'est-ce pas, mon poupinou ?
Llégion ouvrit et referma la bouche plusieurs fois de suite, incapable de prononcer le moindre mot. La Succube le regardait avec un petit sourire timide, le regard plein d'espoir.
Il devina que cela aurait dû lui paraître terriblement pervers, mais bizarrement, Selneri n'en paraissait que plus… enfantine. Innocente.
Bref, pas du tout le monstre de perversité et de luxure qu'elle était sensée être.
Llégion poussa un profond soupir. Non, finalement, les choses étaient bien comme d'habitude.
- Seln ?
- Oui mon Llélé ?
- … Hum, passons. Hurlevent est la capitale de l'Alliance, et je suis membre de la Horde.
- Mmm… "Membre"… Tu vas me faire rougir !
- Je veux dire qu'on ne peut pas y aller faire les boutiques, Seln.
- Mais… Qu'est-ce que je vais mettre, moi ? Tu es méchant, crapaud ! Bouhouhou…
- Par la malepeste ! Je dois conquérir Azeroth, et tu es là pour m'y aider ! Ca veut dire se battre, tuer et détruire !
La Succube arrêta de pleurer et regarda Llégion avec étonnement à travers ses larmes.
- Se battre ? Tu veux que je me batte ? Mais… mais… je risque de me casser un ongle ! Et je sors à peine du coiffeur ! Mon chéri, tu ne peux pas me faire ça !
- Ecoute…
- Bouhouhou… Tu es méchant avec moi ! Alors que je veux juste être gentille avec mon petit chéri adoré… Bouhouhou…
Oui, comme d'habitude. Bon, tant pis, elle fera au moins joli dans le décor. Et pour se battre, Mezz est là.
Une idée lui vint soudain.
- Euh… Puisque tu parles d'être gentille… Tu sais, ça fait plus de 50 ans que je suis mort…
- Pas ce soir, j'ai la migraine.
La réponse avait fusé, sèche et implacable.
Ben tiens. Ca aurait été trop simple.
Abatik choisit alors ce moment pour réapparaître.
- Alors, Maître, elle est comment ?
- Tiens, tu es revenu ?
- Mezz a trouvé un article dans l'un de ses Codes qui dit que les Succubes sont plus esthétiques qu'utiles, Maître, donc qu'elles n'annulent pas forcément les autres invocations. Il dit que devant un tribunal infernal, c'est limite, mais que ça peut passer. Surtout si on dit rien, Maître.
- Pour l'esthétique, il n'a pas tort. Et je suppose que Mezz…
- Une réunion, Maître. J'ai pas tout compris, mais ce serait au sujet de la réduction du temps d'invocation…
- On s'en fout. En tout cas, elle est sacrément canon, cette Selneri. Pas très utile, mais canon. Tu la connais ?
- Je croyais connaître toutes les Succubes des Enfers, Maître, mais pas celle-là. En plus, c'est bizarre, mais elle n'a pas la "marque" rituelle.
- La "marque" ?
- Oui, Maître. Les Succubes qui ont eu leur diplôme en Luxure ont une marque apposée sur… sur une partie de leur anatomie. En bas du dos, en fait.
- Effectivement, je ne vois rien. Argh. Ce qui veut dire… ?
- Dites, Maître, est-ce qu'elle vous a fait le coup de la migraine ?
- Par la malepeste ! Mêle-toi de ce qui te regarde !
- D'accord, je vois ce que c'est, Maître. Elle n'a pas eu son diplôme. Probablement trop "tendre" pour le job. En général, elles se retrouvent avec des minables.
Llégion et son Diablotin tournèrent leurs regards vers la Succube, qui était en train de se remaquiller après sa crise de larmes. Voyant qu'on la regardait, elle sourit timidement à son Maître en baissant les yeux.
- Abatik ? Tu disais…
- Mais il arrive que certaines soient envoyées auprès de Démonistes de talents, Maître.
- C'est déjà arrivé, Abatik ?
- Euh…
Moustaches avait réussi à calmer les battements de son cœur. Cette satanée Succube avait failli tout faire rater ! Heureusement qu'il avait vite réagi… Enfin, une nouvelle pièce était en jeu, et la partie continuait.
Puis le rat se gratta frénétiquement le museau.
***
Chapitre 25 : L'orphelinat
- Dis monsieur, pourquoi t’as des cornes ?
Vimayre baissa les yeux sur la petite Orque qui le regardait, un doudou informe dans les bras.
- Je viens voir la directrice, petite.
- Dis monsieur, pourquoi t'as des cornes ?
Le Tauren loucha en tirant la langue, tout en mettant ses immenses mains sur ses oreilles. La grimace fit rire la gamine qui s'enfuit en courant en voyant arriver la directrice de l'orphelinat d'Orgrimmar.
Les deux fonctionnaires se toisèrent du regard pendant plusieurs secondes, puis chacun sortit de son bloc-notes une feuille qu'ils se tamponnèrent mutuellement.
Etant à jour de leurs démarches, ils purent discuter.
- Je cherche un Démoniste Mort-Vivant qui a dû passer par ici lors de la Semaine des Enfants. Il s'appelle Llégion.
- Un grand chauve, à l'air con ? Un vrai pigeon ! J'ai réussi à lui fourguer une dizaine d'orphelins pour une sortie éducative. Une escroquerie à mon avis, mais ses papiers étaient en règle. Et je suis à jour de mes déclarations.
- Je n'en doute pas, collègue. Une idée sur où il a pu aller ?
- D'après la petite – la directrice indiqua la petite Orque qui se cachait derrière l'enseigne et les regardait de loin – il devait rencontrer un parent à Baie du Butin.
- Intéressant. Vous avez son nom ? Parce que normalement, d'après son dossier, sa famille l'a renié.
- La petite ne l'a pas dit. Mais c'est un Humain. Vous risquez d'avoir du mal à l'interroger.
Vimayre réfléchit un instant, puis sourit. La directrice plissa les yeux et sourit à son tour.
- Pas de problème. Ce genre de cas est prévu.
Vimayre fit demi-tour et se dirigea vers la tour des wivernes. Baie du Butin n'était pas à côté, mais le lieu était plutôt calme en général. Et les gardes du genre coopératif…
***
Chapitre 26 : Safari photo
- Mamour ! J'ai TELLEMENT mal aux pieds ! Et il fait TELLEMENT chaud ! Et il y a TELLEMENT de poussière ! Si on allait plutôt se baigner ? Ce serait TELLEMENT chou !
Llégion devait bien reconnaître que Seln n'avait pas totalement tort. Ils avaient rejoint les Tarides quelques jours plus tôt, et s'étaient installés à l'auberge de Cabestan, un petit port tenu par les gobelins.
Les Tarides s'étendaient au sud-ouest d'Orgrimmar. C'était une région chaude et désertique, ponctuée ça et là de collines escarpées et d'oasis trop rares.
Seln avait trouvé que ça manquait d'animations et de boutiques, et elle avait raison.
Abatik avait trouvé que les gobelins manquaient de réactivité à ses combines, et il avait raison.
Mezz avait trouvé que ça manquait d'activité syndicale, et il avait raison, sauf que ça, tout le monde s'en foutait.
Quant à Moustaches, il avait trouvé que c'était une perte de temps, mais il était bien obligé de suivre.
Llégion avait décidé de rejoindre cette région pour accroître son expérience et pour tester les capacités de sa Succube. Sur ce dernier point, il avait été rassuré. Comme il le supposait, Seln s'était révélée totalement inapte à toute forme de combat.
De plus, la Succube prenait systématiquement fait et cause pour les "pauvres petits animaux tout trognons" que le Démoniste massacrait à la chaîne, ce qui déclenchait chez elle des crises de larmes.
Bref, Selneri dite "la Fatale" était une pauvre gamine trop tendre et trop innocente.
Ce qui ne l'empêchait pas d'avoir toujours la migraine quand Llégion voulait l'approcher.
Elle avait quand même un "vice", pas le plus intéressant malheureusement : c'était une folle de shopping et de mode.
Ce qui voulait dire qu'elle s'ennuyait à mourir dans ce coin désert, n'ayant personne à qui faire admirer son allure.
Et en plus, elle n'arrêtait pas de se plaindre de la chaleur.
Llégion se disait que finalement, il avait eu bien raison de rester vieux garçon jusqu'à présent. Et de faire la collection d'estampes "artistiques".
Sur un plan plus "guerrier", la faune locale était du genre hostile. Fauves faussement assoupis par le soleil, raptors agressifs… L'incontournable Kapitalrisk s'était même installée au nord et commençait à faire de l'ombre aux gobelins de Cabestan.
Un comble pour une région aussi ensoleillée ! (La blague d'Abatik avait fait rire Seln pendant deux jours).
Toujours est-il qu'entre les demandes des habitants de Cabestan, et celles de la Croisée, point d'appui des Orcs dans la région, Llégion avait de quoi s'occuper en servant de larbin.
Il pouvait ainsi satisfaire son goût pour le massacre d'espèces menacées et pour les récompenses du type "sonnantes et trébuchantes".
Les deux seuls problèmes, bien sûr, Seln les avait immédiatement remarqués : 1) c'est TELLEMENT grand, mon chéri ! et 2) c'est TELLEMENT désert, mamour !
- Ca, faut reconnaître, on ne se marche pas dessus dans le coin.
- Ce sont les Tarides, Maître. Il y a beaucoup à faire, mais il faut marcher.
- Au moins, Mezz a l'air de s'amuser. C'est plutôt étonnant, vu la faune locale…
Mezz avait effectivement découvert, à sa grande et agréable surprise, un formidable terrain encore vierge pour ses activités syndicales.
Il s'en était rendu compte alors qu'il avait commencé à lire aux employés de la Kapitalrisk des passages de son fameux et redoutable Code du Travail Démoniaque pour les pousser au suicide, selon sa méthode de combat habituelle.
Ils avaient alors immédiatement cessé le combat pour écouter le démon et, une heure plus tard, Mezz créait la première section syndicale de la Kapitalrisk.
Le chaos qui en avait résulté avait totalement désorganisé les actions de cette société dans la région et, au grand bonheur de Mezz, commençait même à s'étendre aux autres communautés.
Mezz avait dû installer un bureau provisoire à la Croisée, où il recevait sans interruption des Harpies, des pirates, des soldats de Theramore, et même quelques lionnes.
- Qu'est-ce que des lionnes viennent fiche ici ? Ce ne sont que des animaux !
- (voix caverneuse) Il semble qu'elles soient lassées de leur exploitation par leurs mâles, Maître. Je dois d'ailleurs reconnaître que notre propre syndicat n'accorde pas encore assez d'attention au sort de nos consoeurs honteusement exploitées par…
- Tu t'amuses comme un fou, hein, Mezz ?
- (voix caverneuse) Si je peux apporter quelque assistance à tous les exploités, Maître…
- Ne t'aurait-il pas échappé, Mezz, que d'une part, tu es à MON service, et que d'autre part, tu es un DEMON ? Un truc fait pour semer le chaos et le malheur.
- (voix caverneuse) Que croyez-vous que je fasse, Maître ?
Llégion ouvrit la bouche pour répondre, puis la referma. Et regarda autour de lui.
Dans toute la savane, des cris indiquaient de violents affrontements entre des manifestants excédés et leurs employeurs fous de rage.
Les Allianceux qui tentaient, comme à leur habitude, de prendre la Croisée n'arrivaient même plus à l'atteindre, interceptés par les innombrables manifestations qui commençaient à encombrer la région.
Abatik s'était lui aussi joint à la fête, proposant ses services de "consultant" et ramassant sans se fatiguer toutes les économies de ses "clients" en échange de ses plans tordus.
Bref, c'était le plus magnifique bordel que Llégion n'ait jamais vu.
La seule qui faisait la tête, c'était Seln. C'était la raison pour laquelle Llégion avait décidé de s'installer à Cabestan, espérant ainsi calmer les plaintes de la Succube en l'installant sur la plage.
Cela avait réussi, disons… deux minutes. Le temps que Seln ne se rende compte qu'il n'y avait pas un seul vendeur de maillots de bain potable.
Et surtout qu'il n'y avait strictement personne pour l'admirer en train de bronzer ou de se baigner.
- Mon poupounet ! Je m'ennuie TELLEMENT ici ! Pourquoi on n'irait pas à Lune d'Argent ? Ce serait TELLEMENT plus sympa ! Ici, il n'y a TELLEMENT rien à faire ! Alllllleeezzz…
- Je veux d'abord terminer ici, Seln. Les minables du coin ont toujours quelques jobs à offrir, et ça rapporte plutôt bien. Donc on reste.
- Mais chouchou…
- On ira à Lune d'Argent ensuite, Seln. Promis. Ca me permettra de gagner Tranquillien. J'ai entendu dire que ces tapettes d'Elfes de Sang ont quelques difficultés là-bas. Et qu'ils payent bien.
- Il y a des boutiques à Tranquillien, mamour ?
Llégion hésita. Il savait, pour y avoir déjà été en repérage, que Tranquillien se résumait en une poignée de ruines occupées par quelques Elfes et Réprouvés très occupés à rester en vie.
Et que le coin grouillait d'araignées géantes. Il ne savait pas encore si Seln aimait les araignées, mais quelque chose lui disait que ce ne serait sûrement pas le cas.
Llégion ouvrit la bouche pour lui résumer la situation et fut intercepté par le sourire timide et inquiet de la Succube.
Il soupira.
- Ce n'est pas un coin très agréable, Seln. Mais on restera quelques jours à Lune d'Argent avant d'y aller.
- C'est promis, mon chéri ?
- Promis.
Seln poussa un petit cri de joie et se mit à danser avec Moustaches dans les bras.
Décidemment, je me fais vieux, pensa le Démoniste. Me faire avoir par une fille… Mais après tout, il n'était pas pressé. Et puis, il trouverait peut-être quelques bricoles intéressantes là-bas…
Moustaches, serré contre la poitrine de la Succube, fronça les sourcils. Tout ceci prenait un peu trop de temps, à son goût. Mais il devait rester patient. Rien ne pressait.
Puis le rat commença à se débattre en essayant de sauter des bras de la Succube.
***
Chapitre 27 : Baie du Butin
- Excusez-moi monsieur, c'est à vous ça ?
Vimayre se retourna et se retrouva face à un des gardes gobelins de Baie du Butin, tenant par le collet Sanguina.
Il avait en effet échangé sa panthère pour un raptor dompté dans les Tarides, qu'il avait baptisé Sanguina à cause de sa couleur de sang.
- Un problème, monsieur le garde ?
Le Gobelin baissa les yeux sur le papier que Vimayre venait de sortir, et reconnut le sceau de la Confrérie des Collecteurs. Et les ennuis éventuels qui pourraient en découler.
Le garde n'était pas un mauvais bougre. En plus, c'était l'anniversaire du gosse cet après-midi, et il avait prévu de partir plus tôt pour passer acheter quelques ballons à la boutique.
Bref, il décida de coopérer.
- Que puis-je pour votre service, monsieur le Contrôleur Principal ?
- Un renseignement. Un Démoniste est passé par ici il y a quelques mois. Un Mort-Vivant, accompagné d'une dizaine d'orphelins.
- Je n'ai aucun souvenir d'un Mort-Vivant avec des gamins, monsieur le Contrôleur Principal. Par contre, j'ai vu un gars bizarre. Grand, dégarni, un air peu intelligent. J'ai failli lui mettre une amende pour pollution quand un des enfants est tombé dans le port. Il n'est pas resté longtemps, et est reparti ensuite vers Cabestan.
- Il devait rencontrer un Humain. Vous êtes au courant ?
Le garde fit signe à Vimayre de le suivre jusqu'à la Capitainerie. Un rapide coup d'œil sur le registre du port lui donna la réponse.
- C'est un Paladin, un certain… Edualk. 64e cercle. Gros morceau.
Un Paladin de l'Alliance. Ca allait l'obliger à faire appel à d'autres moyens pour le contacter.
Vimayre hocha la tête et quitta le garde en lui promettant de le mentionner dans son rapport. Un retour à l'envoyeur… L'avantage avec les Gobelins, c'est qu'ils ne faisaient jamais de difficultés pour coopérer
Le Tauren prit donc la direction de la boîte aux lettres pour envoyer un certain message…
***