Chapitre 134 : Snirfl
- Y tabent bort, ces Burlocs. Snirfl.
- (voix caverneuse) Ca n'a pas l'air de s'arranger, dis-donc.
- C'est les barais. L'hubidité ne be réussit bas. Snirfl.
Abatik sorti un mouchoir, se moucha bruyamment puis jeta la malheureuse victime de son rhume par terre - où elle est rejoignit un tas de mouchoirs usagés déjà bien conséquent.
Mezz étant maintenant disponible, la petite troupe avait décidé d'aller faire un tour du côté du Marécage d'Aprefange, une région humide et hostile.
La Horde y avait établi un poste militaire, Mur-de-Fougères, juste à côté d'une caverne remplie d'araignées géantes. Enfin, beaucoup moins remplie depuis que Llégion, en pleine crise d'explorationnite aigue, avait décidé d'aller voir ce qu'il y avait au fond.
Maintenant, il savait. On y trouvait des tas d'araignées géantes mortes, ainsi que la génitrice de cette importante colonie dorénavant réduite à un petit tas de viande carbonisée.
Ca avait mis le temps, mais Llégion avait finalement réussi à prendre le coup de main avec ses sorts. Au grand dam des-dites araignées qui avaient servies ce jour-là de cobayes.
Dans la foulée, Llégion avait écumé la région, massacrant à tour de bras les soldats de Theramore patrouillant sur la route principale, les crocodiles géants et quelques fantômes égarés, tout en se plaignant de l'humidité, des moustiques, de la puanteur des Ogres et du pays dans son ensemble.
Abatik et Mezz avaient même dû s'y mettre à deux pour empêcher leur Maître d'attaquer à lui tout seul la forteresse de l'Alliance - qu'il aurait bien été capable de saccager étant donné son état d'esprit actuel.
Llégion avait incontestablement repris du poil de la bête. Aussi idiot qu'il pouvait paraître, cette histoire de "dieu malfaisant" lui avait regonflé le moral, sans parler de l'épisode du Tauren qui était, il fallait le reconnaître, le petit "plus" de cette histoire.
Abatik soupçonnait aussi l'épisode en Désolace - dont personne n'avait reparlé depuis – de jouer un rôle là-dedans.
Sauf que maintenant, Llégion parlait de se lancer sérieusement dans le recrutement de sa "Légion de séides". Il avait même profité d'une courte absence d'Abatik pour déposer des annonces dans un certain nombre d'auberges.
Nul ne pouvait plus ignorer que Llégion le Maléfique, Génie du Mal et plus grand cerveau criminel d'Azeroth, allait non seulement conquérir le monde, mais aussi en devenir le seul et unique dieu malfaisant.
Ca faisait rigoler toute la Horde depuis des jours.
Llégion était donc en grande forme, tuant et exterminant tout ce qui avait le malheur de croiser son chemin - jusqu'à cette histoire de Murlocs.
- Par la malepeste ! Mezz !
- (voix caverneuse) Oui, Maître ?
- Tu étais VRAIMENT obligé de tous les attaquer ?
- (voix caverneuse) Il s'est enfui, je l'ai poursuivi, Maître. C'est vous qui avez insisté sur le respect de la procédure de poursuite...
- Pas si ça nous ramène tout le camp sur le dos !
- Il a bas fait exbrès, Baître. Ces Burlocs sont de braies saloberies qui se rebroduisent cobbe des labins. Snirfl.
- J'y étais presque !
- En blus, c'est bas de chance que bous bous soyez bris les bieds dans votre robe, Baître... Snirfl.
- Elle m'énerve, cette robe ! Faut que j'en change.
- (voix caverneuse) Mais vous avez eu les têtes de poisson, Maître.
- Mouais... Ce foutu Ogre a intérêt à bien me payer. En attendant, on va s'occuper de la bestiole des deux pouilleux.
Abatik grimaça puis éternua à nouveau.
Ladite "bestiole" était un démon que les deux habitants d'un manoir - en réalité une simple cahute perdue au milieu d'un bourbier - voulaient voir éliminer.
Une sombre histoire de potager saccagé... Comme le faisait remarquer Buck, pour une fois dans le mille, ils touchaient parfois le fond dans toutes ces histoires de quêtes.
Arrivé à la cahute pouilleuse, Llégion fit craquer ses jointures, posa la "torche d'invocation" sur le ponton - un simple morceau de bois en réalité - et sortit sa baguette magique tandis que Mezz se préparait en soupirant à bloquer l'apparition.
Quelques secondes après avoir installé la torche, une sorte de wiverne apparut et poussa un cri de rage en voyant le Démoniste.
Le combat fut bref. Mezz enlaça la créature, la bloquant dans ses déplacements, et Llégion, après avoir craché dans ses mains, lui fit connaître toute la gamme de ses malédictions et de ses sorts, en particulier ceux à base de flammes.
Les deux "pouilleux" furent très heureux du résultat, et Llégion les assomma à coup de bâton histoire de leur apprendre à respecter leur futur dieu.
C'était d'ailleurs le seul côté pénible depuis leur arrivée dans la région : sa manie de casser la figure à grand coup de bâton à tous ceux qui n'avaient jamais entendu parler de lui.
- Bon, Abatik, on a quoi maintenant ?
- Le billage de Bourbe-à-Brac, au sud, Baître. Y'a des dragons à tuer. Snirfl.
- Des dragons ? Des vrais ?
- C'est le rebaire d'Onyxia, Baître. Tant qu'on y entre bas, tout ira bien. Bais il y a des draconnides tout autour. Snirfl.
- Et mouche-toi, par la malepeste !
- Désolé, Baître. Snirfl.
- (voix caverneuse) Ca va aller mieux là-bas, Abatik. Il y fait plutôt chaud.
- Suber. En blus, je bais attraber la crèbe. Snirfl.
- Des dragons...
Abatik jeta un regard inquiet à Mezz qui avait lui-aussi noté la réaction de Llégion. Se caressant le menton d'un air réveur, il souriait tout seul.
- Abatik ?
- Euh... Oui, Baître ? Snirfl.
- C'est puissant comment, un draconnide ?
- Assez buissant, Baître. Mais c'est bas une bonne idée. Snirfl.
- Qu'est-ce que t'en sais ?
- Bous boulez utiliser les draconnides à botre serbice, Baître. Bais Onyxia n'est bas bartageuse. Ca ba baire des histoires. Snirfl.
- Mais quand je l'aurais vaincue...
- Les derniers à aboir baincu Onyxia s'y sont bris à quarante, Baître. Et la boitié tiennent baintenant dans un cendrier. Snrifl.
- Mouais...
- Quand bous serez blus buissant, Baître. Attendez d'aboir eu le Roi-Liche. Snirfl.
- Ta gueule, Abatik.
- Bous ne boulez bas l'abattre, Baître ? Snirfl.
- Je ne suis pas un imbécile - Mezz, ta gueule.
- (voix caverneuse) Mais je n'ai rien dit, Maître.
- Même. De toutes façons, Arthas c'est... différent. Il n'est pas pour moi - ni pour personne, d'ailleurs. Sauf...
Abatik et Mezz se lancèrent un nouveau regard. Encore ces sous-entendus. Depuis leur balade en Désolace, non seulement leur Maître avait repris confiance, non seulement il se débrouillait mieux, mais il lui arrivait de plus en plus souvent de lancer ce genre de propos.
Et Abatik, malgré son expérience, avait de plus en plus de mal à cerner son Maître. Pour tout dire, ça ne lui plaisait pas franchement.
- Bon, de toutes façons, cet abruti d'Ogre veut que je tue un dragon. Alors on y va.
- Euh... Bous êtes sûr, Baître ? Un dragon ? Snirfl.
- Qu'est-ce qu'il y a, Abatik ? Tu as la trouille ?
- Sans aboir la trouille, Baître, ça reste un dragon. Snirfl.
- Mezz va me le tenir, ça va passer tout seul.
- (voix caverneuse) Oui, Maître. Je vais le... Attendez voir !
- Bon, on est parti.
- (voix caverneuse) Mais Maître... Maître ! C'était pas dans mon contrat !
Moustaches resta un moment sans bouger. Onyxia ? Des dragons ? Et le Démoniste qui… Tout ceci ne lui plaisait guère. Est-ce que par hasard il se pourrait que… ?
Puis le rat bondit soudainement pour rattraper le groupe.
***
Le repaire d'Onyxia semblait tout aussi menaçant malgrè la tête du formidable dragon ornant l'entrée d'Orgrimmar. Une petite armée d'aventuriers intrépides avait réussi à la ramener après une lutte acharnée. Mais contrairement à ce qu'avait affirmé Abatik, la moitié des héros n'étaient pas revenus dans un cendrier.
Il ne restait pas suffisament de cendres pour ça.
Malgré cet exploit, les draconnides patrouillaient toujours autour de l'entrée du repaire, et on murmurait qu'Onyxia elle-même serait revenue.
Comme d'habitude, d'ailleurs : à se demander l'intérêt d'abattre tous ces "ennemis d'Azeroth", alors que quelques jours plus tard, ils réapparaissaient en pleine forme.
Cela n'intéressait pas Llégion pour le moment. Un Ogre établi à Bourbe-à-Brac lui avait fait récupérer une vieille bannière miteuse au fond d'une grotte, et lui avait demandé d'abattre le dragon surveillant l'entrée de l'antre.
Llégion était resté de longues minutes silencieux devant la grotte. Il avait soigneusement regardé le paysage dévasté aux alentours, et avait poussé du bout du pied quelques morceaux de bois carbonisés trainant par terre.
Puis il avait poussé un profond soupir, secouant la tête tristement.
- Euh... Baître ? Bous allez bien ? Snirfl.
- Ce n'est rien, Abatik... De vieux souvenirs...
Llégion se secoua et agrippa la bannière d'une main ferme - non sans s'être planté une écharde dans la paume et avoir râlé pendant cinq bonnes minutes.
Puis il la planta devant l'entrée du repaire, et attendit, appuyé sur son bâton.
Abatik jeta un oeil distrait sur son Maître, parcourut du regard les alentours pour repérer d'éventuels monstres en vadrouille, puis revint soudain sur Llégion.
Le Démoniste était dans une semi-pénombre, à peine éclairé par quelques brasiers brûlant autour de lui. Ses yeux brillaient de leur habituelle couleur verdâtre, mais cette fois-ci ils donnaient l'impression de brûler.
Son allure, sa façon de se tenir à son bâton... Abatik eut un frisson. Il sentit comme un souffle sur sa nuque, et tel un fantôme, une vision du passé sembla se superposer au présent.
Il n'avait plus devant lui un Mort-Vivant, mais un Homme. La silhouette courbée était redressée avec morgue. Le bâton dans ses mains luisait d'une lueur malsaine. La robe couleur d'obscurité - celle de l'âme et de la peur - formait comme un trou dans les ténèbres. Et la flamme dans les yeux était celle de l'ambition... et du pouvoir.
Abatik vit aussi autre chose, avant que la vision ne disparaisse comme un mauvais rêve. Parce qu'il était un démon, parce qu'il était expérimenté, il vit ce que d'autres n'auraient pas vu.
Une autre silhouette dans les ténèbres, juste derrière son Maître. La lueur des flammes environnantes semblait s'éteindre devant elle.
Abatik vit un Homme, à l'allure fière et martiale. Sa main était posée sur l'épaule de Llégion, comme pour le retenir - ou le soutenir.
Et il vit le coeur de l'Homme.
Abatik réagit avant même de comprendre, évitant ainsi... il ne savait pas quoi, mais il sentait que cela aurait été mauvais pour lui.
Comme tous les démons d'Azeroth, Abatik avait senti dans ses tripes l'apparition du Roi-Liche, tout comme le retour récent d'Arthas en Norfendre. Une volonté effroyable destinée à plier le monde et à le détruire.
L'Homme derrière son Maître était... pire. D'une certaine façon. Ou pas.
Abatik, simple Diablotin ayant si souvent servi de puissants démons dans de multiples univers, vit un vide effroyable que rien ne pouvait combler. Et il sentit la douleur, terrible, impitoyable, qui était l'Homme.
Abatik vit Llégion tourner les yeux vers lui. Dans cet instant hors du temps et de la réalité, le Diablotin et le Démoniste échangèrent un regard, et la seconde silhouette sembla s'éteindre, comme un vague souvenir.
- (voix caverneuse) Il arrive, Maître.
La voix de Mezz, qui n'avait rien remarqué, fit revenir le présent. Llégion était de nouveau notre Mort-Vivant bien connu, posté aux côtés d'une bannière d'Ogre miteuse devant une caverne.
Llégion se redressa et fit un pas vers la caverne, d'où sortait un dragon couleur de feu.
Le monstre ailé se posa devant la bannière et la transforma en torche d'un souffle. Puis il tourna son regard vers son adversaire.
Le dragon sembla hésiter. Il renifla alors deux fois, tourné vers le Démoniste, puis une forme de... de sourire, oui, déforma sa gueule.
- Je te connais.
- Vraiment ?
- Je n'ai pas oublié.
- Quelle coïncidence... Moi non plus.
- Pourquoi es-tu ici ?
- Un Ogre a demandé à notre Baître de bous...
- Silence, Abatik.
La voix de Llégion était ferme. Le silence se fit, à peine troublé par le crépitement de la bannière en flammes.
Abatik et Mezz, après avoir échangé un bref regard, firent quelques pas en arrière.
- Une question. Et une réponse, bien sûr.
- Je devine la question. Mais de réponse, tu n'en auras point.
- Alors tu mourras.
- Tu es présomptueux, Mort-Vivant.
Llégion plissa les yeux.
- Regarde en moi, dragon. Et dis-moi si c'est vrai.
Le dragon resta silencieux quelques secondes, puis, soudainement, cracha son feu juste aux pieds de Llégion qui ne broncha même pas.
- Joli. Mais insuffisant.
- Tu as grandi, Mort-Vivant.
- Il semblerait.
- Il m'avait épargné.
- Sauf que je ne suis pas lui. Et que je veux une réponse.
- Si je te la donne, tourneras-tu les talons ?
Llégion eut un sourire cruel.
- D'après toi ?
- Non.
- Bien vu.
- Je ne te donnerai pas ta réponse, Mort-Vivant. Mais je vais te dire une chose, néanmoins.
Llégion attendit, appuyé sur son bâton.
- Quelque chose s'est produit, qui n'aurait pas dû arriver. Quelque chose qui s'est déjà produit. Autrefois. Et qui recommence.
Le dragon fit un pas en avant, et baissa la tête à hauteur de Llégion.
- Le sang. Sans limite ni raison. Ni pitié.
- Oh.
- Tremblerais-tu, Mort-Vivant ?
Les deux adversaires s'affrontèrent du regard en silence. Puis Llégion, à la surprise d'Abatik qui observait en silence, se mit à rire doucement.
- Cette information est effectivement... intéressante. Mais je n'ai aucune raison de trembler.
- Oui... Je vois ça... Je t'ai sous-estimé, Mort-Vivant. Tu es plus grand encore que je n'osais l'imaginer.
- Et oui... Et maintenant, toi, tu vas mourir. En souvenir de ce qui aurait dû être et qui ne fut pas.
Le dragon se dressa de toute sa taille, déployant ses ailes, et poussa un cri de défi à la silhouette courbée. Llégion se contenta de sourire et fit un geste de dénégation en direction de Mezz.
- Je l'affronte seul, Mezz.
- (voix caverneuse) Mais Maître je... Ah. D'accord. C'est vous le Maître, Maître.
- Et arrête de sourire, ça m'énerve.
Llégion leva les mains au ciel et invoqua une malédiction qui frappa le dragon et le fit reculer d'un pas. Puis, avant même qu'il n'ait eu le temps de souffler son feu, il en invoqua une seconde qui enveloppa la terrible silhouette de nuées malsaines.
Le feu du dragon frappa de plein fouet le Démoniste qui se contenta de protéger son visage d'un bras, tout en braquant sa baguette. Le sort de givre frappa la gueule du monstre, étouffant le feu et le faisant hurler de rage.
Puis Llégion lança un nouveau sort, son préféré, enveloppant le dragon de flammes, puis invoqua une pluie de feu qui fit craqueler le sol.
Le dragon poussa un nouveau hurlement de rage et de douleur mélées, incapable de faire cesser le feu qui le brûlait. Il tenta de prendre son envol, mais ses ailes avaient souffert des attaques et il ne réussit qu'à sautiller vers son ennemi. Il lui envoya un coup de griffes que Llégion para de son bâton, en envoya un second qui fit voler à plusieurs mètres le Démoniste.
Llégion se releva en grimaçant, sa robe déchirée, et ramassa son chapeau tombé à ses côtés. En face, le dragon secouait la tête pour reprendre ses esprits, enfin débarrassé des flammes qui le dévoraient.
Puis il leva la tête et ouvrit la gueule pour un nouveau souffle de feu.
Llégion sourit. Il empoigna son bâton à deux mains, le leva au dessus de sa tête et asséna un coup puissant sur le crâne du dragon, interrompant sa respiration, lui fermant la gueule brutalement et le sonnant quelques secondes.
Le bâton vola en éclats sous la puissance du coup.
Malheureusement pour le dragon, Llégion avait soigneusement choisi son moment, alors même qu'il s'apprêtait à souffler.
Le feu, n'ayant plus d'échappatoire, se répandit dans les entrailles du monstre, le détruisant de l'intérieur.
Le dragon poussa un hurlement de douleur et d'agonie, des flammes déchirant sa peau de cuir. Puis il leva la tête dans une dernière tentative pour frapper Llégion, et s'effondra au sol dans une gerbe de flammes.
Llégion, les habits en loques et le bâton brisé, se redressa, étouffant d'une main distraite quelques flammèches sur son torse. Puis il regarda le dragon.
- Une bonne chose de faite.
Llégion se retourna vers Abatik et Mezz qui étaient restés en arrière. Son regard était dur. Il fit un pas vers eux en ouvrant la bouche... et s'étala au sol.
- Par la malepeste !
- Bous bous êtes bris le bied dans une racine, Baître. C'est traître bar ici. Snirfl.
- (voix caverneuse) Un combat magnifique, Maître. Bien que vous ayez violé plusieurs articles du Code d'Invocation...
- Mezz ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître ?
Llégion s'était relevé en brossant ce qui restait de ses habits.
- Ta gueule.
- (voix caverneuse) Oui, Maître.
- Il me faut de nouveaux habits, Abatik.
- En ebbet, Baître. On bourrait retourner au billage. Histoire de récubérer Seln. Snirfl.
- Il me faudra aussi du tissu.
- Il baudra aller boir à l'hôtel des Bentes, Baître. Orgribbar est la bille la blus broche. Et Seln boudra benir. Snirfl.
- Tu as intérêt à ce qu'on ait assez de côté pour ça, Abatik. Je n'aime toujours pas l'idée que tu t'occupes seul de mes finances. Surtout avec Seln dans les parages.
- Baites-boi confiance, Baître. On a bas bal de côté. Bêbe assez bour offrir des bricoles à Seln. Snirfl.
Llégion foudroya le Diablotin du regard.
- T'es pas en train d'essayer de me dire un truc, toi ? Bien sûr qu'on va récupérer Seln !
- C'est-à-dire, Baître... C'est bas cobbe si elle n'abait rien dit... Snirfl.
- Quoi ?
Abatik lança un regard fatigué à son Maître en se mouchant.
- Bous debriez écouter un beu ce qu'elle dit, Baître. Snirfl.
- Pourquoi ? C'est important ?
- C'est son annibersaire la sebaine brochaine, Baître. Snirfl.
- Quoi ? Pourquoi je ne suis pas au courant ?
- J'ai compté, Baître. Elle l'a dit 327 bois depuis qu'on est ici. Snirfl.
- Mais....
- Bêbe Bezz est au courant, Baître. Snirfl.
- (voix caverneuse) Oui, Maître. Je lui ai acheté un miroir.
- Mais...
- Et boi du baquillage, Baître. Snirfl.
- Mais...
- Et Buck est allé exbrès à Lune d'Argent bour son cadeau, Baître. Snirfl.
- Mais...
- Et bêbe le clébard a troubé un truc, Baître. Je ne sais bas cobbent, bais il lui a troubé un bracelet. Snirfl.
- Mais...
- Si bous ne lui offrez rien, elle ba être furax, Baître. Snirfl.
- Mais...
Llégion avait un regard effaré. Il ouvrit la bouche et ses yeux se baissèrent sur Moustaches. Qui lui renvoya son regard. Et gratta d'un air négligent son cou.
Llégion remarqua alors qu'il portait un collier qu'il n'avait jamais remarqué avant. Un collier ressemblant énormément à un bijou de valeur.
Le genre de bijou pouvant plaire à une Succube.
Llégion ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois sans prononcer un mot. Puis il ferma les yeux et...
- Rhaaa ! Par la malepeste !
Le Gobelin s'occupant des wivernes de Bourbe-à-Brac tendit l'oreille et gémit
- Oh, non ! Il est revenu !
Puis il retourna à ses affaires.
Moustaches retint un soupir. Ce Démoniste... Ce n'était pourtant pas compliqué, quoi ! Même lui avait fait un effort. En plus, le Diablotin s'était trompé dans ses comptes, mais bon, ce n'était pas très grave... Pendant ce temps-là, il ne remarquait pas...
Puis le rat réajusta d'une patte habile le bijou sur son cou.
***
- Flpt.
- Oui, très déçu, vraiment. Nous fondions de grands espoirs sur vous.
- Nous pens... gnnn *cloc*
On ne pouvait pas dire que Vimaire était abattu. Cela aurait été erroné. La vérité était que le Tauren n'était plus que l'ombre de lui-même.
Les réprimandes des trois Morts-Vivants dirigeant la Confrérie n'étaient que le point final d'un échec sans appel. Il avait su immédiatement quelle serait leur réaction à la réception de son rapport. Et la réaction avait été rapide.
Deux Orcs au front bas portant l'insigne de la Confrérie étaient venus chercher Vimaire aux Pitons du Tonnerre où il ruminait sa déception, pour le conduire auprès du conseil de la Confrérie.
Enfin, en partie. Vimaire avait un respect vicéral des lois et des réglements, et il ne pouvait que s'incliner devant le coup magnifique réalisé par le Démoniste. Ou plutôt par son démon qui manifestement connaissait son sujet.
Il n'empéche, il fondait de grands espoirs sur cette affaire, et dorénavant ne savait plus quoi faire.
Vimaire fit un effort pour revenir au présent et pour écouter les trois Morts-Vivants qui le regardaient avec gravité. Enfin, deux d'entre eux le regardaient, le troisième étant tourné vers le mur à cause de son bandeau sur les yeux.
- Fltp gltp.
- Ainsi que le souligne notre confrère, cet échec sera porté sur votre dossier et vous subirez un blame. Et il est inutile de vous rappeler les conséquences d'une telle sanction sur la suite de votre carrière. Le Service des Affectations sera conduit à reconsidérer votre prochaine mutation... qui ne sera pas Orgrimmar, vous pouvez en être sûr.
- Nous ne pouv... gnnn *cloc*
Vimaire fixa d'un regard vide le troisième Mort-Vivant qui bataillait à nouveau pour remettre sa mâchoire encore une fois décrochée. Sa lassitude était telle qu'il n'avait même pas envie de s'énerver.
- Gtp flp thp.
- C'est en effet la décision que nous avons prise. Un autre va reprendre ce dossier et le régler. Nul n'échappe à la Confrérie.
- C'est inutile. J'ai déjà vérifié. Le dossier est inattaquable.
Le Mort-Vivant sans machoire leva un sourcil et jeta un coup d'oeil sur son confrère à la machoire capricieuse qui ouvrit le dossier devant lui et le parcourut rapidement.
- On dirait qu'il dit vr... gnnn *cloc*
- Gklp !
Le sans-machoire récupéra le dossier et le parcourut lui aussi rapidement, les sourcils froncés. Puis il se tourna vers le côté de l'estrade où il tronait avec ses confrère et fit un signe de tête à un Diablotin qui servait de secrétaire à la séance.
- Tflp ?
Le Diablotin sortit un petit classeur de sous son bureau, parcourut rapidement la table des matières et l'ouvrit à un signet.
- Ah ben d'accord, je pige mieux ce coup de pute. La grosse vache a raison : on peut faire que dalle.
- Comment cela ? Nous sommes la Confrérie ! Contre nous, personne ne gagne ! Revérifiez !
- Des clous, ducon. C'est le meilleur dossier que j'ai jamais vu. Du grand art, même !
Le Mort-Vivant foudroya du regard le Diablotin qui avait posé les pieds sur son bureau. Puis il revint sur Vimaire.
- Vblp ?
- Il a raison. Cela ne se peut. Quelqu'un l'a forcément aidé. Et comme il vient de le souligner, seul quelqu'un connaissant parfaitement notre fonctionnement a pu réussir cela. C'est-à-dire VOUS ! Qu'avez-vous à répondre ?
- Et soy... gnnn *cloc*
Vimaire sentit la colère monter en lui.
- Je sers la Confrérie depuis toujours ! J'ai toujours été fidèle et conciencieux ! Et vous OSEZ m'accuser de trahison ? Ce Llégion était à moi ! A moi !
- Alors qui ?
- Son démon. Le truc bleu que les Démonistes trimballent partout avec eux.
- Un Marcheur du Vide ? Qu'a-t-on sur lui ?
Le Diablotin soupira, agacé d'être dérangé, mais prit un autre classeur sous son bureau et le compulsa.
- Llégion, vous dites ?
- Oui. Un grand chauve à l'air con.
- Mmmm... Ah, je l'ai ! Mmmm... Oh putain !
- Fltp ?
- Son Marcheur, c'est Mezznagma. Tu m'étonnes que son dossier soit en béton armé !
- Fglp ?
- Oui, qui est ce Mezz-machintruc ?
Le Diablotin éclata de rire.
- Z'êtes vraiment des caves... Le Mezz a été l'adjoint d'un certain démon quand il a débuté. Physkal, ça vous dit quelque chose ?
Un long silence répondit au Diablotin qui affichait un grand sourire. Puis finalement Vimaire se décida à rompre le silence.
- Il a travaillé pour notre fondateur ?
- Pas que, ducon. Jamais vous lisez les petites lignes sur vos foutus machins ? Il a participé à la rédaction des Codes fiscaux. Votre Llégion vous l'a mis profond, les mecs !
Vimaire resta la tête baissée, tandis que sur l'estrade les trois Morts-Vivants se regardaient d'un air déconcerté. Puis il sourit.
- On dira ce qu'on voudra, mais il n'a fait que respecter les lois et réglements. Comme nous.
- Tgfp !
- Oui, il a raison ! Si cela venait à se savoir, notre réputation serait entachée à tout jamais ! Nous sommes la Confrérie ! Personne...
- ... ne gagne contre nous. Alors changeons les données du problème.
- Vous pens... gnnn *cloc*
- Oui, vous pensez à quelque chose ?
Vimaire hocha la tête.
- Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous.
- Un principe fondamental.
- Alors cela veut dire que ceux qui ne sont pas contre nous...
- Dfgp fghp tlrp...
- Oui, ceux qui ne sont pas contre nous sont avec nous... Mais…
- Il suffit de le faire passer dans la catégorie YZO-04 et cela annulera toute la procédure.
- Sauf pour... gnnn *cloc*
- Oui, sauf pour les dossiers relatifs aux échéances non rétroactives... Ce qui implique...
- Que s'il fait un pas de travers, on pourra lui remettre tout sur le dos.
- Ptrp !
- Oui, il a raison : cela pourra prendre une éternité.
Vimaire planta son regard dans celui du Mort-Vivant, avant de détourner la tête du bandeau lui barrant le visage pour se tourner vers le principal responsable.
- Nous sommes la Confrérie. Nous avons le temps. Et nous sommes patients.
Les trois Morts-Vivants restèrent silencieux un moment, le temps de réfléchir.
- Fltp.
- En effet, votre idée est intéressante et bien la preuve de vos aptitudes. Cela mérite bien une citation sur votre dossier.
- Cela veut dire que mon blame...
- Ah, le blame... Vous pouvez bien entendu demander un réexamen par le biais du formulaire B-21-18-07bis.
Vimaire grimaça. Il connaissait la procédure, et savait que cela prendrait des siècles.
Nous sommes la Confrérie. Contre nous, personne ne gagne.
Foutus Morts-Vivants...
- Vous all... gnnn *cloc*
- Oui, vous allez vous occuper de mettre à jour le dossier de Llégion. Après tout, c'est votre affaire.
- NON.
***
Chapitre 137 : Joyeux anniversaire !
- (voix caverneuse) Je dois reconnaître qu'il fait des efforts, cette fois-ci.
- [...]
- (voix caverneuse) De sa part, c'est vraiment louable. Quand on sait à quel point il déteste Lune d'Argent.
- [...]
- (voix caverneuse) Ca ne s'arrange pas, ton extinction de voix.
- [...]
- (voix caverneuse) Ca, c'est le chaud et froid des marais.
- [...]
- (voix caverneuse) Ce qui m'ennuie, c'est que je dois lui faire la conversation à ta place.
- [...] !
- (voix caverneuse) C'est peut-être égoïste, mais c'est vrai.
- [...]
- (voix caverneuse) Je suis sûr que tu ne le penses pas.
Abatik ne répondit pas à Mezz. Enveloppé dans une épaisse couverture, le Diablotin s'était installé devant le poêle de l'auberge de Lune d'Argent où Llégion avait pris une chambre. Son nez gouttait avec une régularité d'horloge sur le tapis déjà bien imbibé et un tas de mouchoirs usagés prenait une bonne partie du salon commun. Abatik partait du principe que tant qu'à être malade, autant en profiter pour gâcher la vie aux autres.
Sauf que les Elfes conservaient un enthousiasme affligeant, malgré tout ce qu'il pouvait infliger aux lieux. Parfois, Abatik comprenait son Maître dans sa détestation des Elfes de Sang...
Le Diablotin souffrait aussi d'une extinction de voix l'empêchant de tenir le crachoir à son Maître. Ce rôle si important était donc retombé sur les épaules de Mezz qui ne savait pas comment s'y prendre.
Résultat : tous attendaient avec angoisse la prochaine catastrophe que ne manquerait pas de provoquer un Llégion privé des conseils de son Diablotin préféré.
Les deux compères levèrent la tête en voyant entrer Seln accompagnée de Zaza. La Succube boudait toujours, et ça durait depuis deux jours - depuis leur arrivée dans la cité en fait, Llégion ayant décrété un embargo total sur l'accès à ses finances.
Zaza, bien sûr, gambadait gaiement autour des jambes de sa "maman". Quelques taches suspectes autour de son museau indiquaient que la population féline locale devait encore avoir très fortement diminué.
- J'm'ennuie...
- [...]
- Toi-même, d'abord !
- Wif !
- (voix caverneuse) Abatik a raison. C'est quand même l'or de notre Maître.
- [...]
- (voix caverneuse) Oui, j'avais failli oublier. Où sont-elles, d'ailleurs ? Ca faisait quand même beaucoup de robes.
- Elles ne me plaisaient plus. Je les ai mises... je ne sais plus où.
- [...] ?
- Ah non ! La lingerie, je l'ai gardée ! Elle est trop chou...
- (voix caverneuse) Respire, Abatik, tu deviens rouge. J'aimerais bien qu'on m'explique, d'ailleurs. Parce que moi, je ne l'ai pas vue, cette lingerie.
- [...] !
- (voix caverneuse) Je me demande pourquoi il lui a interdit de remettre cet ensemble. Ce n'est que du tissu.
- [...]
- (voix caverneuse) Si tu le dis... Mais il faudra quand même m'expliquer un jour...
Selneri fit une moue boudeuse et alla s'asseoir dans un coin du salon, foudroyant du regard un vase qui ne lui avait pourtant rien fait.
Puis elle se mit à sourire.
- Dites, les garçons...
- [...] !
- Mais ce serait tellement chou !
- [...]
- C'était pas ma faute ! Il avait été méchant avec moi. Hein qu'il avait été méchant avec maman le vilain marchand ?
- Wif ! Grrr...
Zaza se remit à gambader joyeusement autour de Seln.
- (voix caverneuse) De toutes façons, l'accès au magasin t'est interdit depuis.
- [...]
- (voix caverneuse) En plus. Et notre Maître veut qu'on reste ici.
- [...]
- (voix caverneuse) Et Abatik ne peut pas bouger.
- Vous n'êtes pas drôles, les garçons...
Abatik leva les yeux au ciel en secouant la tête, puis cracha sur le tapis. Il avait failli oublier de le faire.
Un silence pesant se fit, régulièrement interrompu par les jappements de Zaza et les mouchages d'Abatik. Mezz profitait de ce moment de calme - trop rare ces temps-ci - pour mettre la dernière main à un mémoire sur les conditions de travail au sein des entités multiservices à vocation subséquente.
Un truc important. Sûrement.
- [...] ?
- (voix caverneuse) Je refuse de parler de ce vil exploiteur.
- [...]
- (voix caverneuse) Rien à voir. Llégion est notre Maître. C'est normal. Mais cet infâme aristocrate...
- [...]
- (voix caverneuse) Tu me déçois beaucoup, Abatik.
- [...] ?
- (voix caverneuse) Je crois qu'il traîne hors de la ville. Il parait qu'on pourrait le reconnaître sinon.
Abatik hocha la tête. Ce Buck... Un démon sympathique finalement. Un peu pédant et méprisant, certes, mais sans méchanceté. Plus un problème d'éducation qu'une véritable volonté de nuire.
Le Diablotin se moucha à nouveau et jeta son mouchoir dans une coupe de fruits.
- Les garçons ?
- [...] ?
- Il va m'offrir quoi, Llélé ?
Abatik et Mezz échangèrent un regard lourd de sous-entendus. Llégion les avait laissés à l'auberge dès leur arrivée, et avait prit tout son or. Enfin, ce qu'Abatik lui avait donné, le Diablotin étant d'une prudence extrème sur les questions financières avec son Maître. Autant ne pas tout lui dire.
Les deux démons n'avaient pas contredit Seln quand elle avait décidé que sa disparition était liée à son anniversaire, et qu'il lui préparait une fête magnifique avec toutes ses copines et plein de cadeaux. Mais ils n'avaient pas non plus approuvé. Pas fous.
Abatik penchait plutôt pour une panique sans fin du fait de l'incapacité de Llégion à tenir compte des sentiments des autres en général, et de sa Succube en particulier. Il devait sûrement chercher désesperement un cadeau à lui offrir, et finirait par acheter une babiole minable à la dernière minute.
Abatik avait déjà tout imaginé. Seln ferait une scène, Llégion piquerait une colère, Seln se mettrait à pleurer, Llégion se re-mettrait en colère, Seln re-ferait une scène, Llégion se re-re-mettrait en colère, et Seln partirait en claquant la porte. Tout ça au milieu des jappements hystériques de Zaza.
Le lendemain, Llégion se rendrait compte que Seln avait fugué, et ce serait encore une fois à Abatik de se taper la corvée de la ramener.
Et pas sûr de croiser à nouveau Edualk cette fois-ci.
Abatik décida de commencer à préparer le terrain et à prendre certaines mesures pour rattraper le coup.
- [...]
- Tu es drôle, Aba ! Bien sûr qu'il y pense ! J'ai pas arrêté de lui en parler, et en plus je lui ai montré ce que je voulais il y a un mois ! Hein que maman a montré à son lapinou ?
- Wif !
Abatik eut un bref moment de panique. Il se souvenait vaguement d'un moment passé dans une boutique indéterminée, mais il il n'y avait pas prété attention.
Qu'est-ce qu'elle avait bien pu lui montrer ? Il fallait être subtil ce coup-là...
- [...] ?
- Comme si tu ne le savais pas ! J'espère qu'il va le prendre en bleu... Ce serait TELLEMENT génial s'il prenait le bleu ! Hein mon Zaza ?
- Wif !
- [...] ?
- Mais non, il n'y a que là qu'on en trouve. Il parait que ce sont les meilleurs d'Azeroth ! Tu te rends comptes, Aba ? Oh, j'espère que ce sera le bleu ! Qu'est-ce que j'ai hâte !
Abatik jeta un oeil du côté de Zaza, mais celui-ci haussa les épaules d'un air de dire "J'ignore ce qu'elle a demandé, et en plus je m'en fous, parce que mon cadeau est mieux. Wif !". Très expressif pour un Chasseur Infernal...
Bon, pour le cadeau que voulait Seln, c'était rapé. Autant chercher autre chose.
- [...] ?
- Ne t'inquiète pas, Aba ! Bien sur qu'il y en a assez ! En plus, c'est ça que je veux et rien d'autre ! Et puis c'est tellement chouette en bleu ! Les copines vont être verte ! Verte ! Hi hi ! Bleu ! Verte ! T'as vu, Aba, j'ai fait une blague !
Abatik laissa tomber alors que Seln pouffait. Il avait fait ce qu'il pouvait, maintenant si Llégion n'était pas capable de s'occuper de ça lui-même...
- (voix caverneuse) Tu sais, Abatik, peut-être qu'il y a pensé.
- [...]
- (voix caverneuse) Pas la peine d'être blessant. Il s'est beaucoup amélioré ces derniers temps.
- [...] ?
- (voix caverneuse) Là, tu marques un point.
Le Diablotin et le Marcheur du Vide poussèrent en même temps un profond soupir. Parfois, ils regrettaient le temps où ils s'ennuyaient en Enfer...
Moustaches esquiva avec souplesse le mouchoir roulé en boule que lui envoya Abatik. De toutes façons, ce n'était pas le bon. Pas encore. Et il ne quittait pas des yeux le paquet en question.
Puis le rat tomba comme une masse au sol et entama une sieste.
***
- NON.
Vimaire sursauta en entendant la voix séche et caverneuse. Il se retourna tandis que, sur l'estrade, les trois Morts-Vivants se levaient avec respect.
- Fltp...
- Oui, nos respect… gnnn *cloc*
- Nos respectueuses salutations. Nous ignorions que vous étiez ici.
- NUL NE DOIT SAVOIR.
- Certes.
Vimayre plissa les yeux pour essayer de deviner la silhouette tapie dans l'ombre. Malheureusement, la lumière des torches l'empéchait de distinguer quoi que ce soit.
- Flp.
- CONTRE NOUS, PERSONNE NE GAGNE. CE PRINCIPE NE SOUFFRE PAS D'EXCEPTIONS.
- Effectiv… gnnn *cloc*
- Ainsi que le Contrôleur Principal l'a évoqué, la procédure…
- NON.
- Hem…
Les trois Morts-Vivants se tournèrent vers Vimayre qui venait de se racler la gorge pour attirer leur attention.
- La Confrérie n'existe que par ses procédures. Nous ne pouvons passer outre. Llégion a respecté les régles. Que pouvons-nous faire ?
- OUBLIEZ.
- Oublier ?
- OUBLIEZ LLEGION. IL Y A D'AUTRES IMPERATIFS. D'AUTRES DOSSIERS.
- La Confr… gnnn *cloc*
- Plf flf.
- Effectivement, Llégion n'est plus une priorité, mais dans l'intérêt de la Confrérie, nous devons maintenir une surveillance envers…
- NON.
- Pourquoi ?
La silhouette sembla se tourner vers Vimayre.
- CE QUI AURAIT DÛ ÊTRE ET QUI NE FUT PAS.
- Encore cette phrase ! Qu'est-ce que…
- IL SUFFIT. OUBLIEZ LLEGION. UN AUTRE DOSSIER RECQUIERT VOTRE ATTENTION.
- Mais je…
- A-RL-N-01. IL EST A VOUS. TRAQUEZ, ET REDRESSEZ.
- Ce doss… gnnn *cloc*
- Oui, ce dossier n'est accessible qu'aux membres du Conseil.
- OUI.
- Flp ?
- En effet, nous…
- J'AI DIT.
La silhouette sembla se fondre dans l'obscurité, puis il n'y eut plus rien.
Vimayre alla vérifier par acquis de conscience, mais il n'y avait que le mur familier, avec ses traces des batailles passées et les trous de souris.
Puis il se retourna vers les trois Morts-Vivants, qui semblaient passablement gênés.
- Qu'est-ce que le dossier A-RL-N-01 ?
- Ftl plf.
- Oui, votre nouvelle affectation… Un cas… sensible. Vous aurez accès à la totalité des moyens de la Confrérie pour le traiter… Conseiller Vimayre.
Vimayre se redressa. "Conseiller Vimayre"… Enfin !
Il monta sur l'estrade et s'assit sur la chaise que le Diablotin servant de secrétaire venait de lui apporter en lui faisant un clin d'œil torve.
Puis il prit le dossier que l'un des Morts-Vivants – un de ses collègues désormais – lui tendait.
- Voyons voir ce nouveau client qui… Oh. Merde.
- Flp.
- En eff… gnnn *cloc*
- En effet. Ce n'est pas une promotion, Conseiller Vimayre. Il risque d'être votre perte.
- Ca, c'est clair… Au moins, lui, je sais où le trouver…
Vimayre soupira et entreprit de lire le dossier. Il connaissait l'histoire, mais était curieux de savoir ce que la Confrérie avait sur lui.
Par contre, les Paladins, même de sang royal, étaient notoirement fauchés. Restait à savoir si cela concernait aussi ceux ayant viré du côté obscur…
Loin de là, Moustaches reprit sa respiration. Ces Morts-Vivants… Le Tauren avait bien raison de vouloir changer tout ça. Maintenant, son plan allait pouvoir se mettre en route.
Puis le rat éternua.
***