Airain
Race: Humain
Classe: M?nestrel
Guilde: Aucune
Niveau: 1
Serveur: ///
Jeu: ///
Etat: Actif
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            Il était une fois…
            Tss… Je me suis toujours gaussé de toutes les histoires qui débutaient ainsi. Mais, finalement, c’est une façon comme une autre d’introduire un récit, vous ne croyez pas ? Peut-être utilisé trop souvent, et à des fins déplorables –j’en conviens-, pour véritablement convenir à quelque épopée sérieuse et digne de ce nom.
            Il était une fois…
            Vous vous attendez sûrement à ce que je vous parle de Reines et de Rois, d’une chaste Princesse arrachée des griffes acérées d’un Dragon maléfique par un fringant et beau Chevalier blond, courageux, qui abattit la Bête d’un puissant coup d’épée –une épée rutilante et effilée, cela va sans dire- dans le poitrail. Et, évidemment, la Fin ne pourra être que celle-ci : « Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».
            J’ai toujours été sceptique sur ce dernier point. Enfin, depuis que l’on m’a dévoilé le secret –ô combien honteux- de la procréation. Je me suis laissé dire –une erreur de jeunesse, je le déplore autant que vous- que l’accouchement était très douloureux. Pour la femme. Oui, le père ne ressent pas grand-chose. D’ailleurs la période de grossesse elle-même est un véritable calvaire. Nausées matinales –puis nausées tout court-, contractions…
            Alors, je veux bien que les nuits précédant la conception de l’enfant soit un moment de pur bonheur et de plaisir intense, mais je doute que la suite fut réellement réjouissante pour la princesse. De plus, le Prince risque d’aller voir ailleurs, plutôt que de rester avec sa dulcinée, ronde, grosse, et crispée de douleur, puisqu’ils ne peuvent plus se livrer à leur activité nocturne.
            Evidemment, non, mes amis, je ne vous infligerai pas pareil conte innocent, peuplé de méchants monstres, de gentils nobles et de belles femmes. La réalité en est souvent éloignée, je vous l’accorde… 
            Mais, revenons à nos moutons –ou, plus exactement, allons-y.
            Il était une fois, un Royaume, peuplé de fiers Guerriers, féroces et valeureux, mais si stupides qu’aucun n’avait la présence d’esprit de demander pourquoi ils se battaient. Fort heureusement, il y avait, à l’intérieur des mêmes frontières, des Hommes à l’Âme noire, aux Paroles empoisonnées, à l’Intelligence retorse et perverse, qui avaient ainsi le champ libre pour manigancer et comploter autant qu’ils le voulaient.
            Ah ! Quel Temps faste pour ces gens ! Des imbéciles se battaient pour eux, pensant sans doute à leur Gloire et à celle de leur Patrie, alors qu’ils ne contribuaient qu’à servir la Puissance et l’ambition de Seigneurs machiavéliques. Oui, une période très plaisante…
            Mais comme toute bonne chose, celle-ci avait une Fin fatale et inéluctable.
           Cette situation dura un peu plus d’un siècle, avant que les Soldats ne découvrent qu’ils pouvaient, eux aussi penser, agir de leur propre chef et même réfléchir. D’un jour à l’autre, la Réflexion –on ne pouvait pas décemment parler d’intelligence- ne fut plus l’apanage des Chefs et des Dirigeants, mais aussi celui de l’Homme du commun.
            Cela, évidemment, horrifia les hautes instances du Pays, qui se pressèrent autour du Roi, affolés, en une Réunion extraordinaire et précipitée, dont le But unique consistait à trouver une solution à ce problème effroyable, issu -semblait-il- de leurs pires cauchemars.
            « Que faire ? Que faire ? » Gémissaient-ils, atterrés. « Il faut trouver une solution, la situation ne doit pas demeurer ainsi ! »
            Le Souverain qui, de loin, surpassait tous ses Ministres de par sa remarquable Intelligence ne mit que quelques jours à trouver la Solution, celle qui allait résoudre tous ses problèmes et qui assurerait la fidélité de son Peuple –au moins jusqu’à sa mort, ce qui lui convenait parfaitement.
            « Ecoutez ! » Tonna-t-il. « Ecoutez votre Suzerain. Certes, ces Hommes, ces Paysans se sont mis à réfléchir. Certes, ils peuvent désormais agir sans qu’on leur dise quoi faire. Certes, ils ont des pensées, des rêves. Mais ce Don leur est encore obscure, il leur est trop nouveau pour qu’ils puissent trop bien l’utiliser, le contrôler. Profitons-en, mes Amis. Apprenons-leur ce que nous savons, enseignons-leur nos doctrines, nos Idées. Que les Leurs soient les Nôtres ! Ainsi, ils seront comme nous. Non pas des frères, ni des fils, mais quelques neveux éloignés, ramenés vers nous par les Aléas du Temps et du Destin ! »
            La Sagesse du Roi s’imposa à l’Esprit de ses sujets avec une Force et une Magnificence incomparable, tel un Eclair foudroyant de Lucidité, éclatant dans déchaînement soudain et violent d’Intelligence, accompagné d’un puissant coup de Tonnerre.
            Sitôt les Ordres donnés, l’Etat s’agita, et veilla personnellement à leur bonne exécution. Si bien que, rapidement, tous –du plus démunis au plus riche- reçurent une instruction des plus raffinés, traitant de l’Histoire –une version légèrement modifiée, présentant tout autre peuple comme inférieur et barbare-, des Mathématiques –cela, il faut le leur reconnaître, ils savent parfaitement compter-, de la Science –bien sûr, découper des corps en morceaux a toujours été leur spécialité ; pouvions-nous attendre autre chose de Guerriers ?-, et de bien d’autres matières que je n’énumérerais pas ici ; la liste serait trop longue.
            Auriez-vous deviné, cher Lecteur –cher Auditeur ?- de quel Royaume, de quelle Nation je parlais ?
            Non ? Vraiment, pas la moindre petite idée ? Cherchez un peu, réfléchissez.
            Allons, un petit indice : si je vous parlais de la Raison, et de la Supériorité intellectuelle incontestable –et contestée- du Peuple en question, de leur arrogance, et de leur prétention.
            Oui, voilà, c’est cela. Le Septentrion, le Royaume du Nord ! Les Guerriers de l’Hiver et les Armées des Monts. Nos voisins, Les Arkadiens…
            […]
 
De l’Origine et de l’Histoire d’Arkadia,
Chapitre III : L’Education universelle
Airain, Membre de la Guilde des Ménestrels.
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Créé le 24/06/2008 à 19:31:14 - Pas de modification

 

La Chope de Bière avait un nom qui allait à merveille au Lieu qui y correspondait. C’était un établissement dont la qualité médiocre avait fait la renommée, qui abritait dans sa Grande Salle enfumée une quantité impressionnante de voleurs, de brigands, de meurtriers et autres hors-la-loi dont les crimes étaient trop diversifiés pour qu’ils puissent être classés dans quelque catégorie.
Le Patron, un dénommée Reth, était un Être grand et fort, musclé et puissant, comme il fallait s’y attendre, tenace, rancunier, parlant fort, sa taille épaisse ceinte d’un tablier qui avait naguère était blanc. Une rumeur urbaine prétendait qu’il était le –ô combien- légendaire Tueur aux Mains rouges, qui assassinait n’importe qui, du petit bourgeois au grand Empereur, si tant soit peu qu’on acceptait d’y mettre le prix. C’était sans doute la raison de son autorité –impressionnante, si l’on tient compte de l’immoralité totale de ses clients, et de leur état éthylique souvent avancé- sur le ramassis de criminels qui pullulaient dans son Auberge.
Ce soir-là, il y avait foule, le mauvais temps ayant chassé tous les rôdeurs des rues, pour les amener dans les Tavernes, où ils pourraient apprécier chaleur et boisson, en attendant que l’averse passe. L’ambiance était agitée, l’air lourd, la salle bondée. Aussi, l’Aubergiste ne fut-il pas spécialement content de voir la porte s’ouvrir de nouveau –et il le fut encore moins lorsqu’il s’aperçut qu’il ne connaissait pas le nouveau venu.
Ce dernier était trempé, et frigorifié –semblait-il. Il jeta un regard déconfis à l’agitation générale, mais le froid et la pluie sapèrent toute détermination d’aller chercher un endroit plus calme un peu plus loin. Abaissant le capuchon de sa cape noire –qui de toute façon ne servait plus à rien, étant complètement détrempée-, dévoilant par la même des cheveux noirs et des yeux tout aussi sombres, il s’avança entre les tables, évitant bancs, chaises et ivrognes du mieux qu’il le pouvait, se frayant un passage jusqu’au comptoir duquel l’observer le propriétaire de l’établissement d’un regard peu amène. Celui-ci nota le bon état de ses vêtements. Ils n’étaient ni troués ni tâchés, mais manifestement pas neufs. De plus, ils s’accordaient assez bien au décor, de par leur simplicité : une tunique grise, par-dessus un pantalon de cuir noir et des bottes fatigués brunes. Il portait, en outre, un large ceinturon auquel était accroché le fourreau d’une épée courte.
-         Bonsoir, Aubergiste ! lança le jeune homme.
Il tenait fermement serré dans sa main son sac de cuir, qu’il portait en bandoulière. Il n’était apparemment pas né de la dernière pluie –bien que pourtant assez jeune- et se méfiait des personnes qui l’entouraient.
Reth poussa un long soupir, posa lourdement ses mains sur le comptoir et avança sa tête d’un air menaçant.
-         Qu’est-ce que tu veux ?
Le ton était sec, agressif.                                
Le voyageur eut un sourire crispé.
-         Je voudrais savoir combien coûte un repas chaud et une chambre, répondit-il d’une voix fatiguée, le regard triste.
-         Ça te coûtera six pièces de cuivre pour le repas, et trois d’argent pour la chambre –pour une nuit. Tu peux rajouter encore deux pièces de cuivre si tu veux du vin.
Le brun parut réfléchir un instant, sans doute comptait-il mentalement son argent.
-         Je prends la chambre et le repas, mais pourrais-je avoir de la bière plutôt que du vin.
-         Ça fera trois pièces de cuivre.
-         Ça ira quand même.
-         Trouve-toi une place, je t’apporte ça quand c’est près.
Le jeune homme hocha la tête, soulagé à la perspective du repas qui l’attendait, avant de parcourir la pièce du regard. Il n’y avait aucune table libre. Il y en avait bien une où il restait de la place, mais les clients qui se pressaient autour avaient l’air rien moins que sympathique, et le voyageur jugea –à raison- qu’il valait mieux ne pas les déranger.
Mais, il ne tenait pas spécialement à manger debout, ses jambes étant fatiguées par la route, et ses pieds douloureux d’avoir trop marché. Il lança un coup d’œil au tenancier qui ne lui prêtait plus la moindre attention, maintenant qu’il avait l’assurance qu’il n’était pas un voleur des grands chemins venu ici pour détrousser les clients et boire jusqu’à ne plus distinguer son pieds de celui de la table à laquelle il était assis. Aucune aide, aucun soutien ne viendrait de lui.
Maintenant, la lassitude l’envahissait. Il aurait tant voulu pouvoir s’asseoir, tranquillement, auprès d’un bon feu… Tout à coup, il avisa les tabourets qui se trouvaient devant le comptoir. Tous étaient occupés, mais sur l’un d’eux se trouvait un homme manifestement saoul, qui tanguait dangereusement. Il n’aurait peut-être même pas besoin de son aide pour libérer la place…
Seulement, comme tous les jeunes, le voyageur était impatient, aussi n’attendit-il pas paisiblement que l’ivrogne dégringole de son siège. Il se glissa à son côté, et prenant bien garde à ce que personne –et en particulier le Tavernier- ne fasse attention à lui, le poussa doucement. Le client s’effondra lourdement sur le sol, endormi. Fort heureusement, il ne ronflait pas –n’ajoutant aucun bruit désagréable à la pollution sonore, qui n’avait pas besoin de ça pour être insupportable.
Puis, il prit place, le plus naturellement et innocemment possible, en évitant avec soin de regarder l’homme qu’il avait fait tomber à terre. Il ôta sa cape, et hésita un moment. Finalement, il la déposa entre ses pieds, qu’il serra afin de l’emprisonner dans un étau protecteur. Il tenait à cette cape –surtout par ce mauvais temps. Il avait placé son sac sur ses genoux, de façon à le garder dans son angle de vue.
Et il attendit, tranquillement, les yeux dans le vague, les bras croisés sur le comptoir, songeant à quelques chansons grivoises qu’il avait apprises lors de précédents séjours dans pareils lieux.
Quelques minutes plus tard, l’Aubergiste déposa une assiette fumante et une chope de bière brune devant lui, sans un mot. Ce ne fut qu’à ce moment-là que Reth, alors qu’il jetait un regard menaçant à son client, repéra sa broche. Un bijou très simple, sans valeur, un banal morceau de fer. Il représentait une Lyre, l’Instrument des Ménestrels, leur signe de reconnaissance.
-         Tu es un Ménestrel, grogna-t-il alors que le voyageur cherchait discrètement le prix de son repas dans son sac. Ecoute, les gars sont énervés aujourd’hui, je pense que ça va finir en bagarre générale. Si tu réussis à les divertir, je t’offre le repas. Si tu peux éviter la bagarre, je te loge gratuitement ce soir.
            Mais j’en doute…
            S’il ne prononça pas ces quatre mots, il les pensa très forts.
-         Je…, commença le brun, avant de réaliser qu’en aucun cas on lui avait laissé le choix d’exercer son métier ou non.
            Les récompenses ne viendraient qu’en cas de réussite. Il poussa un soupir dépité. Il était si fatigué, il aurait juste voulu manger, puis aller se coucher, dormir jusqu’à ce que le soleil soit haut dans le ciel… Et voilà qu’il allait devoir animer la soirée d’une bande de voleurs saouls. Pourquoi n’avait-il pas ôté sa broche ?
            Elle lui assurait pourtant une relative sécurité : les bandits s’en prenaient rarement aux Ménestrels, ceux-ci n’ayant souvent que peu d’argent. Et puis, si la population les considérait avec méfiance et mépris, ils étaient pourtant acceptés et appréciés pour leur spectacle. En effet, la plupart d’entre eux, et la majorité des Bardes, également, savait user d’un peu de Magie, juste suffisamment pour créer des illusions et allumer un feu.
-         Très bien, capitula le Ménestrel, d’une voix lasse, je termine de manger et je m’y attelle.
            Reth hocha la tête, satisfait.
-         C’est quoi ton nom, mon gars ?
-         On m’appelle Airain.
-         Tu es Ménestrel, à ton âge… Tu as déjà écrit quelque chose qui a été accepté par un de tes collègues ? C’est précoce.
            Le prénommé Airain fut surpris. Ainsi, son interlocuteur connaissait le fonctionnement de leur Caste. Être Barde ne nécessitait aucun autre Talent que celui de bien conter et de divertir. Mais, pour devenir Ménestrel, il fallait écrire un Poème, un Récit, un Livre –tout du moins un Texte- qui soit reconnu par un autre Ménestrel. Il y avait alors une Cérémonie d’investiture durant laquelle on donnait son nouveau nom au récompensé, qui gagnait le droit de publier toute Création, sans censure aucune. Cela dit, aucune censure ne signifiait pas aucun risque. Plus d’un Poète s’était vu emprisonné ou exécuté à cause d’un écrit insultant ou péjoratif à l’encontre d’une personne trop influente.
-         J’ai eu une bonne inspiration, avoua le jeune homme. Il faut dire que l’Histoire d’Arkadia regorge d’anecdotes très amusantes.
-         Ah, ça y est, ça me revient… Je me disais bien que ton nom m’était familier. C’est toi qui as écrit le livre : De l’Origine et l’Histoire d’Arkadia. Insultant, il paraît… Les Arkadiens doivent te courir après.
-         Les envahisseurs, reprit le Ménestrel. Je n’ai pas encore eu de problème. Je crois qu’ils ont plus fort à faire ailleurs.
-         Je l’espère pour toi. La justice Arkadienne est loin d’être clémente, envers un Eldrak. Surtout quand il s’agit d’un lettré. Ton Texte a fait fureur, parmi la haute. Il paraît que beaucoup de gens l’ont lu. Mais, c’est loin de plaire à tout le monde.
-         Vous savez comment sont les Nobles, vous critiquez un Seigneur d’un autre pays, ils prennent ça à leur compte.
-         C’est parce qu’ils sont tous pareils. Je n’ai jamais lu ton livre, et je n’en ai jamais entendu un extrait. Peut-être pourras-tu nous en déclamer un morceau, ce soir.
-         Je ne suis pas sûr que vos clients s’y intéressent beaucoup.
-         Détrompe-toi, il n’y a rien qu’ils n’aiment plus que de se moquer de ces crétins arrogants.
-         Je crois que j’ai un passage qui leur conviendra à merveille.
-         Peut-être ne dépenseras-tu pas d’argent ce soir, Ménestrel.
-         Peut-être… Ou peut-être pas, nous verrons bien. Et puis, si mon histoire les endort, je pourrais toujours les amuser avec des illusions.
-         Et tu manipules même la Magie…Impressionnant. Quel genre de spectacle vas-tu leur montrer ?
-         Je me souviens d’avoir vu un Noble arkadien se ridiculiser d’une manière spectaculaire… Je pense pouvoir réussir à reconstituer la scène d’une façon assez convaincante.
-         Pris pour ne jamais faire de spectacles devant une assistance arkadienne, je ne donne pas chère de ta peau.
-         Elle ne vaut pas grand-chose, de toute façon.
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Créé le 24/06/2008 à 19:31:57 - Pas de modification

 

Lorsque Airain se réveilla, midi était passé depuis longtemps.
            Couché sur le ventre, les yeux fermés, la tête enfoncée dans l’oreiller, la couverture remontée jusqu’en haut de la nuque, il écoutait les voix et les sons qui lui parvenaient de la rue. Les cris aigues d’une lavandière se mêlaient aux injonctions et aux jurons d’un charretier, alors qu’un chien aboyait après quelque gamin du voisinage.
            Le jeune homme poussa un soupir, avant de rouler sur le dos –manquant par la même de tomber de son couchage-, et passa une main endormie sur son visage.
            Gueule de bois, comme il fallait s’y attendre. Avec toutes les bières qu’on lui avait offertes la veille, ça n’était pas vraiment étonnant. Il se redressa en grognant de douleur. Il remarqua alors qu’il s’était couché –ou qu’on l’avait mis au lit, ce qui était sans doute plus probable- tout habillé. Ces bottes gisaient un peu plus loin, sa cape et son sac étaient posés dans un coin.
            Le brun détailla la pièce, d’un œil injecté de sang.
            C’était une chambre exiguë, dont le mobilier était uniquement composé d’une paillasse inconfortable, d’une chaise de bois vermoulu et d’une table de chevet sur laquelle était posée une bougie au trois quarts fondue.
-         Trois pièces d’argent pour ça ? Marmonna-t-il, dédaigneux.
Il ne savait pas comment s’était achevé la soirée –ou, plus vraisemblablement, la matinée-, mais il espérait qu’aucune bagarre n’avait éclaté, lui assurant ainsi la conservation du peu d’argent qu’il possédait. Mais, il n’avait aucun moyen d’en avoir la certitude en restant prostré ainsi dans la douce chaleur de sa couverture rapiécée.
Baillant à s’en décrocher la mâchoire, il bondit sur ses pieds, chose qu’il ne faut jamais –jamais- faire lorsque l’on est soumis à des migraines lancinantes. Sa vue se troubla momentanément, et il tituba quelques instants, avant de reprendre ses esprits, et une démarche plus assurée.
Il n’avait peut-être pas bu que de la bière, en fait…
 
Quelques minutes plus tard, le Ménestrel était avachi sur une table de la Grande Salle, attendant avec un air douloureux et misérable que le Tavernier daigne s’intéresser à lui.
-         Alors, mon gars ! Lança ce dernier, de son comptoir. Bien dormi ?
-         J’ai l’air d’avoir bien dormi ?
-         Tu as la tête de quelqu’un qui s’est saoulé la veille, et qui a du mal à s’en relever.
Puis, Reth attrapa un quignon de pain qui traînait devant lui, et s’assit à la table d’Airain, qu’il fixa d’un air amusé.
-         Je suis si drôle que ça ? lâcha celui-ci, irrité.
-         Excuse-moi, mais c’est la première fois que je rencontre un mort-vivant, laisse-moi profiter.
Le jeune homme poussa un gémissement pitoyable, tout en jetant à son vis-à-vis un regard plein de larmes.
-         Pitié, dis-moi que personne ne s’est battu.
-         Tu tiens à ton argent ?
-         Franchement ? Oui.
Sa réponse provoqua l’hilarité du colosse, qui, décidemment, commençait à s’attacher à ce voyageur.
-         Tu as faim ? demanda-t-il, en lui tendant le morceau de pain.
-         Un peu… Mais, vous n’avez pas répondu à ma question…
-         Il n’y a pas eu de bagarre… Et bien, te voilà logé et nourri gratuitement !
-         Le pain est offert aussi ? demanda Airain, méfiant.
Le rire tonitruant de l’Aubergiste retentit dans la pièce –et effraya un quelconque passant qui se trouvait à proximité de l’établissement à ce moment-là.
-         Je prends ça pour un oui, soupira le Ménestrel, vexé qu’on se moque de lui ainsi.
-         Tu reste avec nous encore longtemps ? reprit son hôte, plus sérieusement.
-         Je ne comptais pas m’arrêter ici… Au départ, je voulais dormir à la belle étoile, dans la forêt. Mais, je n’avais pas pensé qu’il pouvait pleuvoir. Comme je n’étais pas très loin de Kesh, je me suis dit que ça valait peut-être le coup de passer une nuit avec un toit au dessus de la tête… Je pensais repartir ce matin, mais je me suis levé un peu tard pour ça. Je m’en irais ce soir, après avoir dîner.
-         Tu vas voyager de nuit ?
-         Oui, pourquoi ? Ce n’est pas interdit, si ?
-         Si. Le Gouverneur arkadien a envoyé des émissaires en avertir toutes les villes.
-         Ah bon ? Pourquoi ?
Reth lança un regard circulaire autour de lui, comme pour se rassurer sur l’absence de client dans sa Taverne. Puis, il se pencha en avant, rapprochant sa tête de celle de son interlocuteur, toujours posée sur ses bras croisés.
-         Tu sais que la famille royale est détenue dans leur Palais, à Yaesh…, murmura-t-il, d’un air conspirateur. Eh bien, il paraît que le Prince héritier, Fidélité, s’est enfui, et le Gouverneur met tout en œuvre pour le retrouver.
-         Le Prince héritier s’est enfui ? répéta le brun, en fronçant les sourcils. Quand ça ?
-         Je ne sais pas, il y a quelques jours maintenant. Pas plus d’une semaine –d’ailleurs, ça m’étonnerait beaucoup qu’il tienne encore longtemps avant de se faire capturer.
-         Vous prenez des paris ?
-         Tu veux parier ?
-         Non, c’est pour savoir si j’aurais le monopole.
-         A part l’argent, qu’est-ce que tu aimes dans la vie ?
Le brun haussa les épaules, évasif. Il s’apprêtait à ajouter quelque chose, lorsque quelqu’un dévala les escaliers qui menaient aux chambres, et entra dans la Grande Salle.
Il était grand, élancé et blond. Ses vêtements, bien qu’assez simples, témoignaient d’une grande richesse de part leur entretien et leur qualité. Une épée –sans aucun doute fort coûteuse, si l’on en jugeait la garde ouvragée- pendait à son côté droit. Etonné de voir des gens attablés à cette heure de l’après-midi, il s’arrêta en bas des marches et leur jeta un regard étrange. Un regard entre la méfiance, le dégoût et la surprise. N’aurait été son teint hâlé et ses pommettes saillantes, Airain l’aurait pris pour un Arkadien –noble, qui plus est.
Cette nouvelle présence éveilla la curiosité –pourtant anesthésié par ce réveil difficile- du Ménestrel. Que venait faire un Seigneur –car c’en était un, c’était indéniable-, dans pareil Auberge ? Il devait être en disgrâce auprès des envahisseurs, et tentait de leur échapper en se terrant des lieux malsains, sales, peuplés de malfaiteurs, brigands et autres culs-terreux –des lieux où jamais on ne s’attendrait à rencontrer un Noble.
Ledit Noble sembla hésiter un moment, se balançant d’un pied sur l’autre, les lèvres pincées, une moue soucieuse plaquée sur le visage. Finalement, il s’approcha de leur table d’une démarche princière, tête haute et dos raide.
Il y avait une expression pour décrire ça… Quelque chose en rapport avec un balai… Le brun ne se rappelait plus vraiment de laquelle il s’agissait.
« Il faut toujours balayer devant sa porte. » Hm… Non, ça n’avait absolument aucun rapport avec la façon de marcher… « Prends garde aux coups de balais. » Euh… ça existait, ça ?
Airain se secoua –mentalement-, et laissa tomber ses considérations linguistiques. Il reporta son attention sur l’inconnu, qui s’apprêtait à parler.
-         Je vous souhaite le bonjour, messieurs…, commença-t-il.
Argh ! Même sa manière de s’exprimer transpirait l’arrogance et une éducation distinguée ! Manifestement, il ne comprenait pas que l’on pouvait parler correctement et poliment, sans user de tournure de phrase alambiquée et pompeuse au possible.
- Je souhaiterais faire route jusqu’à Tern, une ville portuaire, tout au Sud de notre pays      …
Le Ménestrel se retint de lever les yeux au ciel –pardon, au plafond-, exaspéré par la hauteur dont faisait preuve l’individu qui le surplombait. Par tous les Esprits, il savait tout de même où se trouvait Tern ! C’était la ville marchande la plus puissante d’Eldra. D’ailleurs, seule sa position vulnérable face aux Pirates –la ville se trouvait au bord de l’eau, ce qui en faisait, évidemment, une proie de choix pour ces Brigands des Mers- expliquait qu’elle ne soit pas la capitale de leur Nation.
-         …et j’aimerais me trouver un compagnon de voyage, qui soit habituer à ce genre de périple. Il est évident que je rémunérerais cet homme.
-         Par périple, tu veux dire qu’il y aura du danger, demanda Reth, en échangeant un regard avec le brun.
-         Oui… Je… Comment expliquer cela ? J’ai eu… un léger différend avec les Arkadiens –que les Esprits les dévorent !-, et ils semblent qu’ils veuillent s’expliquer avec moi.
-         Bienvenue parmi nous…, marmonna Airain, en grimaçant un sourire aimable.
Le blond lui lança un coup d’œil surpris. Le Tavernier éclata de rire et se mit en devoir de conter ses exploits :
-         Notre jeune ami ici présent a publié un écrit assez… insultant vis-à-vis des envahisseurs. Même s’ils ne le cherchent pas sous chaque caillou, je pense qu’ils seraient assez contents d’avoir une petite conversation avec lui. Quant à moi… J’héberge chaque nuit des dizaines et des dizaines de hors-la-loi qui passent leur temps à piller et voler les Arkadiens…
-         Pourtant, tu es toujours en liberté, remarqua le Noble, d’une voix sèche.
-         C’est parce que je n’ai moi-même rien –ou presque- à me reprocher ! Néanmoins, les descentes quotidiennes dans mon établissement commencent à me coûter du client… En plus, j’ai dû me débarrasser d’un stock d’alcool non déclaré. Le marchand qui me l’a racheté m’en a donné un prix ridiculement bas. Il savait que je devais m’en délester rapidement.
Le Seigneur lui adressa un demi-sourire qui se voulait sans doute compatissant.
-         Les Arkadiens sont un fléau pour notre Patrie ! déclara-t-il d’une voix emphatique. Mais, dites-moi, vous ne m’avez pas répondu précédemment. Connaîtriez-vous quelqu’un qui sache maniez l’épée et qui n’a pas peur de ses maudits envahisseurs ?
Et dont le voyage rémunéré jusqu’à Tern –à l’autre bout du Pays-, en évitant patrouilles, soldats et routes fréquentées tenterait, ajouta mentalement Airain. Mais qui serait assez stupide pour risquer de se faire arrêter de pareil individu. Après tout, sa couleur de cheveux était assez rare chez les Eldraks pour être remarquée, et son comportement dicté par une instruction bornée et tenace était suffisamment suspect pour intriguer n’importe quel individu un tant soit peu curieux.
-         Je ne sais pas, avoua l’Aubergiste –sans doute avait-il eu le même cheminement de pensée que le Ménestrel. Il faudrait que j’en parle avec les gars, ce soir… Je trouverais sans doute quelqu’un d’ici demain matin.
Le Noble inclina la tête.
-         Je te remercie pour ce service.
Puis, il se tourna vers le brun, qui commençait à s’endormir, avachi sur la table.
-         Ainsi, tu as publié un écrit que n’ont pas apprécié les envahisseurs. J’en apprécierais sûrement la lecture. Me diras-tu le titre de ton ouvrage ?
-         De l’origine et l’histoire d’Arkadia, répondit Airain, en surveillant la réaction de son interlocuteur. Tu l’as peut-être déjà lu ?
-         Non, avoua le blond, un air d’excuse plaqué sur le visage. Mais j’en ai entendu parlé.
-         En bien ?
-         En mal, ceux qui m’en ont fait le blâme étaient des Nobles, eux aussi.
« Eux aussi » ? Ne voulait-il pas plutôt dire « Comme moi » ?
-         Vraiment ? Qu’est-ce qu’ils ont dit ?
-         Que tu n’étais qu’un petit paysan stupide et arrogant, qui ne pouvait comprendre l’Intelligence suprême de leur Race à part. En substance.
-         Et toi, qu’est-ce que tu en penses ?
-         J’attendrais de l’avoir lu avant d’en faire une critique, si ça ne te dérange pas.
-         Cet échange est passionnant, vraiment, les coupa le Tavernier. Mais je vais devoir vous laisser, les clients commencent à arriver, et je dois tenir le comptoir. Vous prendrez quelque chose ?
-         Oui, amenez-nous deux verres de votre meilleur vin, acquiesça le Seigneur, en se laissant tomber sur une chaise, en face du brun. C’est moi qui paye, ajouta-t-il, devant l’air contrit et réprobateur du Ménestrel.
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Créé le 28/06/2008 à 19:16:46 - Pas de modification
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