Chapitre 1 : Une folie pure
La nuit était claire sur Lune d'Argent, et la ville tranquille. Dans une ruelle, de la lumière et de la musique sortaient d'une auberge discrète. Trois Elfes portant la livrée des Gardes de la cité s'arrêtèrent devant la porte. Leur officier fit un geste vers la porte.
- Normalement, il est ici. Vous surveillez les entrées et vous me laissez faire.
Les deux gardes approuvèrent de la tête et suivirent leur chef à l'intérieur.
L'auberge était remplie d'Elfes discutant et s'amusant autour d'un verre. Aucun autre membre de la Horde - le lieu ne leur faisait pas bon accueil.
L'officier passa en revue les tables, puis sourit en voyant ce qu'il cherchait. D'un bref hochement de tête, il montra l'entrée des cuisines à l'un de ses hommes qui s'y rendit pour surveiller la sortie, tandis que le second restait à l'entrée, la main sur la poignée de son épée. Puis l'officier marcha à travers la petite foule jusqu'à la table qu'il avait repérée.
Un Elfe relativement âgé était assis devant un verre de vin, une carafe bien entamée devant lui. Il semblait d'humeur joyeuse, et ne remarqua l'officier que quand celui-ci s'arrêta devant lui.
- Vous êtes Lot'latham ?
L'Elfe leva la tête d'un air ennuyé, et se redressa en voyant à qui il avait affaire.
- Oh, salutations Capitaine ! Vous venez des Terres Fantômes, à voir votre uniforme. Vous êtes bien loin de votre garnison, dites-moi.
- Nous avons à parler.
- Bien sûr, je vous en prie, asseyez-vous ! Vous buvez quelque chose ?
- Pas en service.
- Je vois. Ne vous vexez pas si je reste au vin. Et que puis-je pour vous ?
- Vous connaissez un certain Tel'sallas ?
Lot'latham hocha la tête.
- Oui, c'est un de mes plus vieux amis. Quelque chose lui est arrivé ?
- Je viens vous parler de celle qui se fait appeler Ichorine.
Lot'latham se renfrogna.
- Je m'en serais douté... Ichorine... La fille aînée de Tel'sallas. Elle a causé du soucis, autrefois, mais cette période est finie.
- Que savez-vous sur elle ?
- Et bien... C'est une jeune femme maintenant, une Chevalière de Sang, partie sur les routes pour défendre notre place en Azeroth.
- Vous avez parlé de "soucis"...
- Oui, bien sûr, vous avez dû en entendre parler... A la fin de la guerre, Tel'sallas est retourné auprès de son épouse et de sa fille, Driel - c'est son vrai nom, et pas ce nom de guerre qu'elle a choisi depuis, Ichorine. Quelle magnifique enfant, aux cheveux si blonds qu'ils en étaient presque blancs.
- Si magnifique que cela ?
- Et bien... Malheureusement, son comportement s'était vite révélé, comment dire... inquiétant.
L'officier hocha la tête.
- Je l'ai entendu dire, mais sans plus de détails.
- Il est vrai que les enfants inquiètent souvent leurs parents. Surtout en ces temps difficiles pour notre peuple. Mais pour Driel, c'était différent. Oui, différent...
Le regard de Lot'latham se perdit dans les souvenirs.
- Derrière sa beauté charmante, une enfant égoïste, extrêmement fière et méprisante. Extrêmement sensible à ce besoin qui nous hante tous. En manque, elle passait par des crises terribles, et particulièrement humiliantes pour sa fierté si élevée. Elle a ainsi montré très tôt un comportement instable : méprisante envers les autres, menteuse, gratuitement cruelle.
Je me souviens de la fois où elle m'a montré le chat que ses parents lui avaient offert pour son anniversaire... Elle lui avait arraché la peau et crevé les yeux... Et la pauvre bête vivait encore...
L'officier leva un sourcil.
- Elle était donc bien folle ?
- Folle ? Oui... On pourrait dire cela... Instable tout du moins, dangereuse pour les autres comme pour elle-même.
Lorsqu'elle est devenue adolescente, Tel'sallas m'a demandé de l'aider. Son état s'était aggravé avec l'âge, il fallait agir sous peine de la perdre. Nous avons alors fait jouer de notre influence pour la faire entrer dans la voie des Chevaliers de Sang. Cela nous sembla le mieux pour recadrer cette jeune fille et soigner son esprit malade : la discipline de l'enseignement, la rigueur nécessaire pour maîtriser l'usage de la Lumière. Elle suivit cette formation exigeante sans éclat mais aussi sans difficultés, finalement. Ses parents l'envoyèrent ensuite à l'Ile de Haut-Soleil, pour méditer sur son engagement et se préparer à son service.
Tel'sallas me demanda d'aller la chercher, une fois sa retraite terminée. Elle revint à Lune-d'Argent avec moi, manifestement apaisée. Elle n'y resta pas d'ailleurs, et repartit le jour même pour courir les routes, et accomplir son serment de Chevalier.
Depuis, elle voyage dans ce vaste monde, apportant aide et réconforts aux siens, à ce que j'ai entendu dire.
Lot'latham se tut, regardant son verre sans le voir. L'officier se pencha vers lui, la mine sévère.
- Sauf que tout ceci est faux, et vous le savez.
L'Elfe eut un sursaut.
- Comment ? Vous ne me croyez pas ?
- Ce n'est pas ce que j'ai entendu.
- Et pourtant, je peux vous assurer...
Lot'latham bredouilla sous le regard sévère de l'officier, puis commença à sangloter.
- Miséricorde... Si seulement... Si seulement cela était vrai... Oui... Tout serait si simple...
- Dites-moi la vérité.
- Vous avez raison. Je vous ai menti. Comme j'ai menti à ses parents, à mon vieil ami et à son épouse. Comme je me mens à moi-même, en essayant d'oublier ce que j'ai vu...
- Qu'avez-vous vu ?
- Je suis sûr que vous savez... J'ai entendu des choses. Des rumeurs. Les mêmes qui vous ont fait venir à moi, probablement. Alors j'ai enquêté. J'ai suivi Driel devenue Ichorine, pour me faire ma propre opinion, pour voir de mes yeux.
- Le massacre de la bande des Egorgeurs.
- Vous savez cela ? Oui, c'est bien ça. Bien que l'affaire fut étouffée, je pense que c'est elle qui a assassiné et mutilé les cinq crapules retrouvées dans une ruelle il y a quelques années, alors qu'elle suivait sa formation de Chevalier. Des corps saignés à blanc, dont on avait arraché les yeux... Yeux que l'on a jamais retrouvés...
Ce massacre portait la marque d'Ichorine. Et son maître lui-même avait peur devant elle. Vous imaginez ? L'un des plus expérimentés parmi les Chevaliers de Sang de Lune-d'Argent, trembler devant une simple jeune fille ?
Son envoi sur l'Ile de Haut Soleil visait à la tenir éloignée de Lune-d'Argent, dans une ultime tentative de la soigner.
Lot'latham avait cessé de pleurer, mais son regard était hagard.
- J'ai vu son visage avant qu'elle ne parte, et la flamme qui brûlait au fond de ses yeux. J'ai vu mon vieil ami, qui jamais n'avait reculé devant les horreurs du Fléau, qui jamais n'avait tremblé devant quiconque, baisser les yeux devant sa fille. J'ai vu son épouse pleurer, désespérée...
Les yeux d'Ichorine... La flamme ardente qui y brûlait n'était pas celle de la foi et du courage. C'était... autre chose, de beaucoup, beaucoup plus inquiétant...
- Et après sa formation...
- Il est vrai qu'Ichorine avait l'air apaisée quand j'ai été la chercher à la fin de sa retraite. La flamme avait disparu de ses yeux. Elle semblait, comment dire... Cela avait l'apparence de la sérénité, mais je suis maintenant âgé, et j'ose dire que je sais lire derrière les apparences... Son attitude n'étais pas celle de la sérénité. La fierté était toujours là, mais s'était transformé en orgueil. La moue méprisante quand elle regardait les autres, quel que soit leur rang, la trahissait. Comment imaginer, alors, que ses autres aspects de sa personnalité aient disparu ? Et puis, le chevalier qui me l'a remise semblait soulagé de ce départ...
- Jesthenis Haurtesoleil, c'est cela ?
- Oui. Il m'a parlé ensuite, quand je suis revenu enquêter. Son séjour sur l'Ile fut effectivement calme. Mais dans le même temps, de très nombreuses bêtes vivant sur place furent retrouvées mortes. Saignées à blanc. Certaines avaient même les yeux arrachés...
L'officier secoua la tête lentement.
- Ichorine est folle à lier. Et dangereuse. Sa formation n'y a rien changé.
- Oui, vous devinez bien. Je sais maintenant qu'Ichorine a utilisé son séjour pour apprendre et maîtriser ses besoins et ses limites. Et elle a trouvé un substitut au besoin de magie, un substitut abominable : le sang.
L'officier eut un haut-le-coeur.
- Le sang ?
- Vous êtes choqué ? Vous ne saviez pas ? Je peux vous assurer que c'est vrai. Je l'ai suivi durant ses pérégrinations, et je l'ai vu massacrer toutes les créatures croisant sa route et boire leur sang... Je l'ai vu croquer leurs yeux... Je l'ai vu rire aux éclats en tuant, ronronner de plaisir alors que sa victime agonisait...
Oui, Capitaine. Ichorine a définitivement sombré dans la démence. Une démence meurtrière et sanglante que rien ne peut plus empêcher. Certes, elle sait faire illusion. Mais son mépris envers les autres êtres vivants est absolu. Il n'y a que quand elle combat, que quand elle tue, qu'elle revit, et que la flamme apparait dans ses yeux...
L'officier hocha la tête, puis se leva.
- C'est tout ce que je voulais savoir.
- Pourquoi vouliez-vous savoir ? A-t-elle... ?
- Une famille a été massacrée il y a trois jours de cela, sur la route de Tranquillien. Cela correspond à ce que vous m'avez raconté. Je vais arrêtez cette démente.
Lot'latham resta bouche bée, puis éclata d'un rire sans joie.
- Il faudrait déjà la trouver ! Et l'arrêter ? Mais comment ? En l'enfermant ? Cela ne règlerait rien. La tuer ? Mais en êtes-vous seulement capable ? Et croyez-vous... en avoir le droit ?
- Stupide. Le Régent ne tolère pas...
Lot'latham sourit.
- Vous êtes bien naïf... Croyez-vous vraiment que quoi que ce soit puisse se produire dans cette ville sans que nos dirigeants ne le sachent ? Le Régent est au courant. Il a même rencontré "par hasard" Ichorine à son retour. Il s'est contenté de sourire et de lui souhaiter bonne route...
L'officier resta silencieux, debout devant l'Elfe. Lot'latham soupira.
- Cela laisse songeur, n'est-ce pas ? Mais qui peut dire les plans de ceux qui nous gouvernent ? Qui peut dire l'utilité que peut avoir pour eux cette jeune fille ? Peut-être du profit pour notre peuple pourra-t-il ressortir de toute cette affaire... Pour ma part, Ichorine est perdue, et ses parents continueront à souffrir jusqu'à la fin de leurs jours...
Alors Capitaine, je vais me permettre un conseil : oubliez-la. Fuyez-la, même, ou Ichorine sera votre perte.
Il y a une seule chose que nous pouvons espérer, une seule chose que j'espère quand je suis seul, la nuit, avec mes cauchemars. Et que je crains en même temps : qu'elle croise la route d'un combattant de l'Alliance. Et qu'il la tue. Rapidement et sans hésitation.
C'est la meilleure chose qui puisse encore lui arriver... et à nous aussi...
***
Chapitre 2 : Massacre
L'officier resta un moment à regarder l'Elfe pleurer devant son verre. Puis il secoua la tête de dépit et fit signe à ses hommes de le suivre hors de la taverne.
- Alors, mon Capitaine ? Il a parlé ?
- Non. Il cherche encore à la protéger. Et je suis persuadé qu'il ne sait pas où elle est.
- Alors, que faisons-nous ?
Le Capitaine leva les yeux vers le ciel étoilé.
- Je vais prévenir nos garnisons, et faire passer le message auprès de nos alliés. Avec de la chance, elle recommencera et se fera prendre.
[i]- Jolis petits animaux, si mignons, si doux...[/i]
Les trois Elfes se retournèrent d'un bloc, la main sur les poignées de leurs armes. La voix, douce et ironique, était sortie d'un recoin sombre derrière eux.
Une jeune Elfe en sortit pour se placer en pleine lumière. Elle portait une cotte de mailles légère ne couvrant que sa poitrine et laissant le ventre nu. Celui-ci était couturé de cicatrices régulières. L'officier remarqua que chaque partie de sa peau nue portait de telles cicatrices - sauf son visage. Ses ongles étaient si longs qu'on croyait des griffes. Et elle avait les cheveux d'un blond si clair qu'ils en paraissaient presque blancs. Son visage affichait un mépris absolu, et un sourire amusé flottait sur ses lèvres minces.
L'officier tira son épée de son fourreau.
- Ichorine ! Saloperie de bâtarde !
- Jolis petites créatures, gorgées de sang sucré...
Malgré les trois Elfes menaçants, Ichorine ne semblait pas du tout inquiète. L'officier grogna.
- Excellent ! On va régler ça ici et maintenant. Tuez-la !
Les deux gardes se jetèrent sur l'Elfe. Celle-ci se contenta d'esquiver avec une moue dédaigneuse. Elle agrippa le premier garde au passage par la gorge et la lui arracha dans une gerbe de sang. La victime s'écroula au sol dans un gargouillis, tandis que le second garde tentait de la frapper de taille. Ichorine esquiva encore une fois le coup tout en se léchant la main couverte de sang.
- Mmm... Il coule si bien dans ma gorge...
Dans un feulement de haine, elle attrapa le poignet du second garde et le brisa d'un coup sec sans la moindre difficulté. Elle lui tordit le bras et lui enfonça son épée dans le ventre avec une lenteur calculée, avant de remonter d'un coup sec la lame. Le garde, le visage terrorisé, s'écroula lui aussi au sol, les mains crispées sur ses entrailles.
L'officier n'avait pas bougé, tétanisé par le massacre. Ichorine se baissa avec détachement vers le premier garde qui agonisait, la main tendue vers son visage. Il y eut un bruit abject, puis Ichorine se retourna vers l'officier. Elle tenait un oeil ensanglanté entre deux doigts, et ronronnait. Sous le regard horrifié de l'officier, elle le porta à sa bouche et le croqua.
- Mmm... Un met de choix, si doux...
L'officier souffla et hurla un cri de rage, se jetant sur elle. Ichorine le désarma d'un coup de pied rapide et attrapa sa tête. Elle sourit et se passa une langue gourmande sur les lèvres.
- Une viande tendre, et sucrée, pour mon plaisir... Merci, petit animal.
L'officier hurla de douleur quand Ichorine lui creva les yeux. Puis elle lui brisa la nuque d'un coup sec, interrompant net le cri. Elle regarda autour d'elle. L'officier était mort, et les deux gardes agonisaient dans leur sang. Elle soupira.
- Oh, quel gâchis. Ils avaient l'air si mignons, dans leurs jolies petites armures... Bon, tant pis !
Alors que la cité commençait à s'agiter et que retentissaient les cris des gardes attirés par le massacre, Ichorine se fondit dans l'obscurité dans un léger rire cristallin.
***
Chapitre 3 : Je reviens
- Je vous en supplie... Pitié...
La jeune Elfe en larmes était terrorisée. Ses liens étaient si serrés qu'elle saignait, et elle tremblait dans son armure légère - de froid et de terreur.
Ichorine se pencha vers elle et posa un doigt sur ses lèvres.
- Chut, petite bestiole... Pas crier, ou sinon, maman deviendra méchante.
Elle sourit et retourna auprès du feu de camp où elle faisait rôtir un petit sanglier. Elle fit la moue.
- Cuit, mieux, chaud... Mais pas beaucoup de goût, non. Plus de sang sucré, mais la jolie dame, oui, sucré et doux.
La prisonnière se remit à pleurer.
Ichorine fronça les sourcils et regarda autour d'elle, les sens soudain aux aguets. Elle avait choisi une clairière isolée au coeur de la forêt pour y trainer la prisonnière qu'elle avait faite plus tôt. Une messagère qui avait eu le malheur de croiser sa route.
Il n'y avait qu'eux deux, mais pourtant...
- Quelqu'un ? Joli met de choix, oui... Mais où ?
- Pitié... Je vous en prie...
Ichorine marcha rapidement et souplement vers sa prisonnière et lui trancha net la gorge d'un coup de dague.
- Chut, petite bestiole bruyante. Pas seule, non. Il me faut le silence.
Debout, aux aguets, Ichorine écoutait attentivement. Il n'y avait aucun bruit, mis à part le crépitement du feu. Elle était seule.
- Où es-tu ? Viens me voir, petite bestiole...
- Être là.
Ichorine jeta des coups d'oeil rapides autour d'elle.
- Qui ? Où ? Dis-moi, petite bestiole.
- Être là. Ici.
Ichorine plissa les yeux et poussa un feulement abject, le visage déformé par une grimace de haine.
- Sors de ma tête... SORS DE MA TÊTE !!!
- Pourquoi ? Parler.
- SORS DE MA TÊTE !!!
Ichorine commença à se griffer le visage, faisant couler le sang.
- Sang. Moi aimer. Moi vouloir. Toi vouloir ?
- SORS DE MA TÊTE !!!
- SANG !
La sensation la frappa telle une vague et la fit tomber à genoux. La tête entre les mains, Ichorine se mit à hululer, submergée par ce que lui envoyait la voix mystérieuse... Une soif. Sans limite, sans frein... une soif de sang.
Ichorine finit par se taire, et se mit à rire.
- Joli. Je connais, le sang, le goût sucré sur ma langue... Qui es-tu ?
- Moi être éternel. Moi être soif. Sang. SANG !
- Oh oui ! OUI !
Ichorine, toujours à genoux, se mit à ronronner.
- J'aime le sang. Toi aussi ?
- Oui. OUI ! Aimer. VOULOIR !
- Tu veux quoi, jolie voix dans ma tête ?
- Moi chercher. Beaucoup. Longtemps. Chercher... hôte ? Accueillir moi. Aider moi.
- Qui es-tu, jolie voix ?
- Peaux-vertes dire moi Esprit Sang. Moi être peur. Moi éternel. Toujours là. Toujours soif. SOIF ! Toujours revenir. Moi apprendre. Apprendre bêtes. Apprendre... Humains ? Moi posséder Humaine. Apprendre. Apprendre mots. Mais eux tuer Humaine. Moi cacher. Guerre. Attendre. Trouver... hôte ? Elfe. Elle avoir vide dans tête. Moi prendre vide. Beaucoup sang. BEAUCOUP SANG !
- Oui... Le sang...
- Humain venir. Combattre. Lui... Lui briser moi ! Moi prisonnier ! Toujours soif, plus sang ! Tourner, rager, pleurer, hurler, sang, sang, SANG ! SANG !!!
- Jolie voix dans ma tête, si triste...
- Humain trop fort. Plus pouvoir contre lui. Moi connaître beaucoup, mais pas connaître lui. Moi... prisonnier. Soif, pas sang...
- Jolie voix dans ma tête, toute triste.
Ichorine s'était mise à sangloter.
- Moi chercher, toujours. Pas trouver.
- Mais tu es là, jolie voix ?
- Froid venir. Grand froid. Mort. Briser prison. Moi échapper.
- Bravo !
Ichorine se mit à battre des mains telle une enfant.
- Moi chercher. Soif, beaucoup soif, mais apprendre. Attendre. Chercher.
- Tu cherches quoi, jolie voix dans ma tête ?
Ichorine, toujours à genoux, attendait. Puis elle commença à s'étreindre, les yeux mi-clos.
- Chercher hôte.
- J'aime le sang, jolie voix.
- Moi savoir. Moi chercher, et trouver toi. Toi aimer sang. Toi... comme moi...
- Jolie voix dans ma tête ?
- Toi accepter moi ?
Ichorine ouvrit soudain les yeux et se leva en souplesse. Son visage était soudain devenu dur, haineux.
- Je suis Ichorine. Qui es-tu pour OSER me demander de me soumettre ?!
- Moi être soif. Moi être sang. Toi Ichorine ? Toi devenir... Sanglante. Nom Elfe avant, quand moi avec.
- Pourquoi me soumettre, abomination ?!
- Mots cruels. Moi montrer...
Ichorine retomba à genoux, tendue à se rompre. Ce qui la frappa dépassait tout ce qu'elle avait pu ressentir. Une haine absolue envers tout ce qui vivait. Et une soif, et le sang.
Les souvenirs de l'Esprit qui lui parlait l'inondèrent. Elle vit d'innombrables massacres. Des hurlements de peur et de douleur.
Et elle vit, elle sentit, elle but jusqu'à ne plus en pouvoir, ce que cherchait l'Esprit de Sang, ce qui justifiait son nom : le sang.
Les mains levées au ciel, les yeux exorbités, Ichorine poussa un long cri d'extase, puis retomba au sol, vidée de ses forces.
- Toi vouloir ?
Haletante et tremblante, Ichorine se releva péniblement. Ses yeux brillaient d'un plaisir qu'elle n'avait jamais connu jusqu'à présent.
- Jolie... Jolie voix ? Oui... je veux tout... tout ça. Je veux la jouissance.
- Toi dire.
- Je veux ce que tu es.
- Toi dire.
- JE VEUX LE SANG !
- TOI DIRE !
Ichorine éclata de rire, défiant le ciel de son poing.
- PRENDS-MOI !
- Moi... prendre.
Le hurlement d'agonie et d'extase mêlées d'Ichorine fit trembler la forêt et se voiler le ciel. Dans d'innombrables foyers, d'innombrables dormeurs se réveillèrent en hurlant de peur. Dans la nuit étoilée, la lune pleine frémit... et prit une couleur de vermeil.
Ichorine ouvrit les yeux. Ses pupilles brillaient d'une lueur rougeâtre. Elle sourit. Ses dents étaient des crocs.
- Je... suis... revenu...
SANG !