Stropovitch
Race: Draenei
Classe: Guerrier
Niveau: 70
Serveur: Vol'Jin
Jeu: World of Warcraft
Etat: Actif
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Stropovitch

Le Pèlerinage du Démon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par J.- F. Vivicorsi

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Créé le 09/07/2008 à 12:36:59 - Pas de modification

 

Prologue


Danse de l'immobile, une onde chante et meurt.

Dans le cri du silence, une goutte de rien

A parcouru la nuit et recherché son cœur.

Là, nulle part, une ombre attend, et se souvient.

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Créé le 09/07/2008 à 12:38:00 - Modifié le 09/07/2008 à 12:43:58

 

 

 

 

Première partie : Echos


 



Chapitre 1


 

 


Courir, encore.
Pourquoi ? Pourquoi les Orcs les pourchassaient-ils ainsi ? Quelle rage les poussait ? D'où venaient ces terribles pouvoirs démoniaques que certains d'entre eux utilisaient pour semer la peur et la mort ? D'où venaient cette peau rouge, ces yeux injectés de sang ? Où étaient les méfiants mais pacifistes Shamans qui guidaient leur peuple de leur sagesse rustique ?
Mais l'heure n'était pas aux questions.
"Stropo, prends ma main."
Maman.
"C'est encore loin Telredor ?" demandai-je.
La face couverte de boue et de larmes, elle alla chercher la réponse dans les yeux de mon père.
Puis elle se tourna vers moi.
Ce fut la dernière fois que je vis son visage.
Un visage de désespoir et de souffrance.
"Je ne sais pas."
Je ne sais pas.
Cette phrase que je répète tous les jours sur tant de sujets. Ma devise.

Ils nous cherchaient. Ils n'étaient pas loin.

Nous venions de Sha'naar, à l'est du marécage. Je ne connaissais pas le monde au-delà, mes parents non plus d'ailleurs. Je me souviens seulement de flammes, de cris et de sang. Que reste-t-il de Sha'naar, que reste-t-il du bonheur que je vivais sans savoir qu'il était si fragile et précieux ? Je ne sais pas.

Dans le chaos nous avons pris la fuite avec une dizaine d'autres loin des routes, jusqu'au marécage nous rampions plus souvent que nous ne marchions, dans les broussailles, nous écorchant, pleurant, nous demandant pourquoi.

Mes parents savaient que Telredor serait un refuge, mais ils ne savaient pas où aller exactement dans le Marécage, d'autant que nous évitions les routes.

Et ils nous pourchassaient, ces vils traqueurs dimensionnels dressés par les chasseurs Orcs. Des bêtes capables de se rendre invisibles, à l'ouïe et l'odorat aiguisés, et au tempérament sournois.

L'attaque fut nocturne. Je me réveillai aspergé de sang, à cause des cris horribles que poussait mon voisin, dont un traqueur mâchait d'un air réjoui les entrailles. Je sentis le bras de mon père me soulever de terre. Ma mère et lui coururent, les yeux agrandis par la panique, jusqu'à arriver devant une pente abrupte où ils se jetèrent de concert. Nous roulâmes un instant avant de nous immobiliser dans un lit de gros champignons poisseux à l'odeur épouvantable. Ce furent leurs chapeaux et leur puanteur qui nous sauvèrent. Il est probable que nos compagnons aient tous péri.

Mais on ne berne pas des Orcs aussi facilement.

Ils nous cherchaient. Nous le sentions.

"Ayanë, Stropo, regardez."

Au loin, entre les champignons géants, nous pouvions discerner dans la brume les contours vagues de bâtis de bois aménagés sur le chapeau d'un champignon qui surpassait un peu ses voisins.

"C'est sûrement Telredor", dit-il d'un air sérieux. Il se concentrait manifestement pour ne pas se réjouir trop vite et continuer à guetter le moindre signe de nos poursuivants.

Une route passait devant Telredor. Elle semblait déserte dans un sens comme dans l'autre. Mon père ne semblait tout de même pas rassuré, craignant de commettre une erreur si près du but. Il nous demanda d'attendre quelques instants. Ma mère s'effraya mais il la rassura d'un regard. Grâce à ses pouvoirs de mage - qui étaient très modestes malheureusement, comme il n'avait débuté sa formation que très peu de temps avant l'attaque - il se téléporta de l'autre côté de la route dans une broussaille. Nous le vîmes aller au pied du champignon et attirer l'attention d'une sentinelle, laquelle alla alerter manifestement d'autres personnes.

Un instant plus tard une plate-forme descendait magiquement du haut du champignon pour nous recueillir. Mon père se décida enfin à sourire en nous faisant signe de courir vers lui.

J'entendis alors ma mère s'exclamer en se levant, puis un son étrange, celui d'un coup sec contre une porte. Toc ! Le visage de mon père se figea. Je tournai la tête vers ma mère et ne vit que sa poitrine transpercée d'une flèche. Devant mes yeux, un rideau de feu.

Mon corps se couvrit de flammes.

J'entrevis alors à travers le voile ardent recouvrant mon visage, quelques mètres derrière moi, un démoniste orc à l'air sadique qui me fixait intensément. Je suffoquais, la douleur était si puissante qu'elle m'empêchait de respirer ou de penser. Il marmonna alors un mot d'incantation dont toujours je me souviendrai : Oth'nala ; dont j'appris plus tard qu'il signifiait Incinérer.

Mon corps fut dévoré de l'intérieur. Mon coeur pompa des flammes au lieu de sang. Ma tête vibra tandis que du sang et des flammes jaillissaient des coins de mes yeux, de mes narines, de ma bouche dont je sentis très nettement l'intérieur s'assécher et se fendre telle une terre aride. Mais surtout sous ma peau tous les nerfs se tendirent et hurlèrent. J'appris la douleur, j'appris la folie. J'appris le chant des abîmes de la souffrance. J'appris le cri de l'âme. Le cri que je poussai alors. Qui fut le dernier et résonna dans tout Draénor, dernier écho d'une conscience d'enfant. 

 

 

~~

 

 

 

"Vous écrivez quoi ?"

Stropovitch ferma vivement son carnet et lança un regard noir à l'individu qui venait de l'apostropher.

"Rhoo ça va vous vexez pas j'peux pas lire c'est du draeneï vot'écriture là j'comprends rien à c'te langue."

Le regard de Stropovitch ne s'adoucit aucunement.

"D'accord, j'vous présente mes excuses, ah la la. J'me présente, Jack, enfin, c'juste pour donner un nom hein hé hé."

L'individu nommé "Jack" tendit la main à son interlocuteur qui l'ignora et continua à le fixer.

Jack déglutit. Ce mercenaire connu sous le nom de Stropovitch n'avait manifestement pas d'humour. Sa carrure impressionnante et ses armes terrifiantes dotées de ce qui semblait être une aura magique n'étaient pas pour le mettre à l'aise non plus. Mais de fait le draeneï était une référence dans sa profession et il n'y avait pas plus prisé que lui des Paluns jusqu'à Sombre-Comté. Un, il était draeneï, donc il n'avait aucun rapport personnel avec les problèmes des différentes régions d'Azeroth. Deux, il remplissait toujours ses contrats rapidement et proprement. Trois, il était muet, donc s'il se faisait prendre rien ne transpirerait de lui.

Le lieu de rendez-vous qu'avait fixé le draeneï était assez insolite. C'était dans une auberge, certes, mais délabrée, en ruines et isolée : celle de la Colline des Sentinelles, dans la Marche de l'Ouest. La vieille aubergiste, sale, folle et sourde qui n'avait jamais quitté les lieux malgré le fait qu'elle n'ait plus de clients, regardait en mâchant son pouce, d'un air béat, l'homme habillé en citadin décontracté, avec béret et chemise débordant sur le pantalon, et le colossal draeneï qui ne s'était pas allégé de la moindre pièce d'armure.

Jack soupira.

"C'regard signifie "Venons-en au fait j'ai pas qu'ça à faire", un truc dans l'genre, hein ?" dit-il d'un air sarcastique. "Bah rien d'compliqué pour toi. En gros la p'tite fille de celui qui m'envoie s'est fait enl'ver, tu vois. Les ravisseurs d'mandent une rançon qu'le vieux a pas envie d'payer, genre mêm'tes services lui r'viennent trois fois moins cher."

Le draeneï leva un sourcil d'un demi-millimètre.

"Ouais, t'as bien compris, une énorme rançon. Genre pas une rançon normale, vu qu'y a pas qu'la vie d'la fille qu'est menacée, tu vois." Il prit un air finaud. "Ouais, l'vieux a des choses à cacher, et des choses vraiment pas racontables, du lourd quoi, qu'les ravisseurs, un p'tit groupe de vauriens là qui s'font appeler les Vide-Châteaux menacent de divulguer."

Le regard de Stropovitch devint pensif, ce qui déconcerta un peu Jack, qui quitta son air sarcastique et lâcha comme subitement énervé : "Bon en gros ton job c'est d'trouver où sont les mecs et d'les faire taire. La fille, tu m'la ramènes ici. On s'donne rendez-vous dans trois jours. Ok ?"

Stropovitch réfléchit. Jack l'observa avec curiosité. Le draeneï leva deux doigts. "Deux jours ? ça t'suffira pour les localiser ?" L'autre ne répondit pas du moindre signe. "Ok, ok, ok dans deux jours" dit Jack, qui commençait à être vraiment exaspéré. "Au fait, ajouta-t-il en se levant, ça n'a pas l'air d'te gêner qu'j'te donne aucun indice pour la r'trouver. Ton employeur m'a dit que tu t'débrouillerais, et j'ai bien du mal à l'croire. C'est qu'chaque indice qu'y t'donnerait risquerait d'te faire découvrir qui il est, et il a pas envie, t'vois. Donc en gros tu sais rien. Pas d'problème ?"

Alors Stropovitch à la grande surprise de Jack eut un sourire en coin et un regard amusé. Jack s'en retourna avec une rage qui le faisait trembler, qu'il ne comprenait pas lui-même.

Stropovitch reprit intérieurement, fermant les yeux. Ce Jack n'était manifestement qu'un serviteur, un valet tout au plus, d'un noble. Lequel n'avait pas voulu se montrer au mercenaire, mais de fait, celui qui en savait le moins en ce moment, c'était Jack. Le noble avait à travers lui révélé ce qu'il voulait réellement. Le fait que les "ravisseurs" soient au courant de ce que le noble voulait cacher signifiait certainement que ce dernier s'était engagé dans un complot puis s'en était désolidarisé - et maintenant les comploteurs gardaient sa fille en otage pour s'assurer son silence. Mais de fait ce noble ne voulait pas révéler publiquement le complot, ce qui risquait de révéler aussi qu'il y avait participé. Non, il voulait que Stropovitch fasse discrètement le ménage et qu'on n'en parle plus.

Le draeneï soupira. Le poisson était gros. Vide-Châteaux - comment le valet n'avait-il pas compris tout seul que sous ce nom absurde se cachait sa cible réelle, Van Cleef. Il n'y avait pas besoin d'indications particulières. Ce noble savait que Van Cleef avait sous ses ordres des énergumènes de toutes origines, y compris des ex-mercenaires voire mercenaires tout court qui continuaient à exercer ce métier entre deux campagnes de piraterie ou pillages de villages. Des gens du même milieu que Stropovitch. Ce noble savait que le draeneï aurait des contacts au sein de la Confrérie. Et qu'il n'aurait aucun mal à s'en servir pour parvenir à leur Repaire.

Ce noble était intelligent, décidément.

Stropovitch hésitait encore à accepter. Il lui faudrait peut-être tuer des connaissances - bien qu'il n'ait tissé aucune amitié particulière. Mais la somme d'argent promise était faramineuse. C'était un plan en or, un de ces plans qui permettent au mercenaire de faire une très longue pause et de se faire plaisir - ce dont Stropovitch ressentait le besoin après de longs mois de missions pénibles voire éprouvantes, et peu rémunérées.

Et puis ce n'était pas comme si tous ses adversaires allaient être des tendres.

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Créé le 09/07/2008 à 12:39:03 - Modifié le 09/07/2008 à 13:19:56

 

 

Chapitre 2



 


"Point de cérémonies je viens prendre des nouvelles rapides."

Je n'avais jamais entendu une voix aussi grave. C'était une voix de vieillard millénaire.

"S'est-il agité cette semaine ?
- Oui, des cauchemars permanents semble-t-il. Il crie mais ses cordes vocales sont irrémédiablement hors d'usage. Quand on essaie de le tenir il manifeste une force dont je n'aurais jamais cru un enfant capable. Il m'a projeté sur plusieurs mètres il y a deux jours, d'un seul bras."

Etait-il possible que l'on parle de moi ?

"Je vois. La Lueur s'est-elle manifestée de nouveau ?
- Oui, dans ses crises aiguës. Tous les symptômes liés apparaissent de concert. C'est effrayant. Si vous, ô grand Prophète, n'avez pu le purifier de ce mal, que devons-nous faire de lui ?"

La Lueur ? Des symptômes liés ? De quoi parlaient-ils donc ?
Que faire de moi ? Mon coeur se figea. Pourquoi mes yeux refusaient-ils de s'ouvrir ? Je me sentais si faible...

Un silence. Lourd.

"Nous ne le tuerons pas. Nous allons l'élever dans la Lumière. Il faudra le préserver, le ménager. Quand son corps sera en communion avec la Lumière, alors nous pourrons définitivement le purifier et ne plus craindre cette Lueur qui s'éveille quand la douleur ou la peine lui sont insoutenables. Hmmmmmm." Un silence. "Il s'éveille. Au sujet de sa famille, dites la vérité sans détours. Faites attention à vous, alors. Une fois qu'il saura, nous pourrons commencer le programme."

Mes yeux ne voulaient toujours pas s'ouvrir. Je me souvenais de tout, et ces paroles étaient inquiétantes ; mais mon corps ne voulait pas bouger ni se départir de ce calme souverain qui l'habitait.
La présence du vénérable disparut. Ce devait être quelqu'un d'extrêmement puissant.
Deux personnes s'affairaient autour de moi, me tâtaient, se préparaient manifestement pour mon réveil.
"Si le Prophète en personne nous dit qu'il est dangereux, je n'ose imaginer les risques que nous prenons" dit une voix tremblante.

Un immense soupir sortit enfin de moi, le soupir de tout un corps qui s'éveille d'un très long sommeil. Mes yeux s'ouvrirent et mon torse se redressa.

Je les vis. Ces pauvres êtres.

Les deux médecins étaient prostrés près de la porte entrouverte, revêtus d'une armure lourde sur l'ensemble de leur corps. La porte était massive, un bon mètre d'épaisseur ; ils étaient prêts à bondir dehors et à refermer la porte sur moi ; l'ensemble de la chambre n'était que des parois d'acier blindé.
L'un d'eux fit un énorme effort sur lui-même et débita à toute vitesse, les larmes coulant sur ses joues : "Vos parents sont morts ainsi qu'une grande partie des nôtres nous avons dû fuir Draénor nous sommes dans l'Exodar un vaisseau à la recherche d'une autre terre mais ne vous inquiétez pas la vie s'est très bien organisée à l'intérieur nous allons nous occuper de vous."

Ils tremblèrent en me regardant d'un air paniqué, les yeux grand ouverts.

Je digérai les informations les unes après les autres. Je voulus poser une question mais aucun mot ne sortit de ma bouche.
Muet. Comme ils l'avaient dit à l'instant. Sur le moment je ne fis qu'une moue et un soupir. Je saisis une plume et un papier qui se trouvaient - sûrement exprès - sur ma table de chevet.
Ils s'approchèrent lentement et déchiffrèrent mon écriture maladroite. Leurs visages passèrent de la panique à l'étonnement. "Euh... d... deux mois."

Je restai coi, abasourdi.

"Eh bien, commentai-je bêtement sur la feuille, je ne pensais pas qu'on pouvait dormir si longtemps."
Cette fois ils passèrent de l'étonnement au soulagement total. Ils s'approchèrent, leurs jambes tremblant encore, mais le sourire aux lèvres. "Suivez-nous, Stropovitch. Tout est prêt."

Tout est prêt... Ces trois mots m'intriguèrent mais ne m'inquiétèrent pas. Il s'agissait de prendre particulièrement soin de moi, à ce que j'avais compris. Je les suivis docilement.

 

~~

 

"Hé hé hé c'est dangereux dans la profession de garder des trucs écrits sur soi vieux."
Stropovitch soupira. C'était décidément une manie chez ces humains. Il referma le carnet et se redressa dans un crissement d'armure.
"C'est comme les courriers que tu fais passer. Remarque tu peux pas faire autrement hin hin hin."
Stropovitch ne fit même pas l'honneur d'un regard noir à son collègue.
"Van Cleef savait que tu finirais par nous rejoindre. T'es assez connu dans le milieu et il est au courant de quelques-unes de tes dernières missions - des jobs sans intérêt juste bons à t'acheter une croûte de pain au retour. T'en fais pas vieux t'as fait le bon choix. De l'or y a que ça dans le sillage de Van Cleef ! Par contre m'en veux pas mais juste pour la forme va falloir te tester."
Stropovitch leva un sourcil d'un demi-millimètre.
"Ouais, tester comment tu te bats, tu vois. Si le boss est content t'es intégré. Ce que je voulais dire par "m'en veux pas" c'est que bah tant que t'es pas intégré tu dois pas connaître l'emplacement du Repaire."
Le sourcil se rabaissa.
"'tain t'es terrible toi on sait jamais ce que tu penses t'as l'visage on dirait une statue... Allez viens à la barque à la plage, je vais te bander les yeux et te boucher les oreilles."

Avant qu'on lui bande les yeux la barque était orientée vers le nord. Donc le Repaire était orienté vers le sud - c'était facile à discerner, la ruse était enfantine et de toute façon, personne n'allait vraiment se méfier de lui, c'était "pour la forme".

A l'endroit où ils débarquèrent un vent d'ouest lui apporta une odeur de mort humide et gluante. Stropovitch connaissait cette odeur. C'était celle du vieux phare hanté à l'ouest des Collines de la Dague. Encore une information.

Ils grimpèrent une pente assez abrupte, puis le sol changea sous les pieds de Stropovitch - des graviers crissèrent sous ses sabots - et l'atmosphère se refroidit. Pas de porte ouverte, pas de réduit franchi, rien : l'entrée du Repaire se trouvait donc dans une des mines abandonnées à l'ouest des collines. Un endroit sûrement fouillé mille fois par les autorités de Hurlevent. Quoique...

On lui enroula une corde autour de la taille et on le hissa de quelques mètres. Un peu de plat... une descente légère... un pont de bois... des passerelles, plate-formes, escaliers... son bandeau fut enlevé.

Devant lui, sur le pont supérieur d'un énorme navire, Van Cleef et une vingtaine de pirates humains et gobelins, debouts, le regardaient d'un air réjoui.

Stropovitch fut surpris par l'aspect du capitaine. Van Cleef était un homme grand et à la carrure impressionnante, mais plus vieux qu'il ne pensait. Au-dessus du foulard rouge qui lui couvrait la partie inférieure du visage, ses yeux étaient entourés de rides, et sa chevelure était grisonnante. Van Cleef était un homme d'une cinquantaine d'années. Il était vêtu tout de cuir noir et portait deux sabres d'excellente facture - un adepte lui aussi du combat à deux armes.

Le capitaine s'approcha du draeneï et lui tendit la main. Stropovitch hésita - il n'était pas dans son habitude de serrer la main de quelqu'un. Au moment où il se résignait et où sa main s'avançait, Van Cleef croisa les bras et dit d'un ton provocateur : "ça tombe bien, moi non plus je ne fais confiance à personne".

Un sourcil de Stropovitch se fronça d'un demi-millimètre.

"Bien ! J'aime les gens prudents. Mais j'aime aussi les gens forts, et ! qui tuent de sang-froid."

Stropovitch en déduisit que le test vérifierait ces deux aptitudes.

Van Cleef le fixait droit dans les yeux, et l'on pouvait deviner à sa voix qu'il souriait.

"La Confrérie est basée sur la force et le sang-froid. A tel point qu'une de nos règles est que quiconque parvient à tuer le capitaine en combat loyal devient capitaine." Stropovitch leva un sourcil. "Peu s'y sont essayés jusqu'à maintenant", ajouta-t-il en finissant sa phrase par un petit rire sadique qui rendit les visages de ses hommes un peu moins goguenards. "Mais je te rassure je ne serai pas ton adversaire". C'est plutôt toi qui as de la chance. Dommage qu'il y ait autant de monde autour de toi. "J'ai gardé exprès pour notre prochain candidat une petite victime de notre dernière campagne maritime."

La foule se fendit pour laisser passer un homme ligoté et baillonné à qui on avait laissé son uniforme de capitaine de la flotte de Hurlevent, basée à Menethil.

"Nous l'avons mis au frais mais il est encore vigoureux et pour l'avoir personnellement affronté je peux te dire qu'il est bon - raison pour laquelle je l'ai capturé !" Etrange personnage que ce Van Cleef, capable de vaincre sans le blesser un capitaine expérimenté dans le maniement des armes. "Sire Venders, la créature bleue que vous voyez devant vous nous vient d'Outreterre pour rejoindre nos rangs. Si vous le tuez, je jure sur mon honneur de vous libérer. Quant à toi Stropovitch, je te demande de le tuer."

Cela vérifierait ses aptitudes au combat, pour sûr. Pour ce qui est de tuer de sang-froid, le draeneï avait un doute. Il ne lui serait aucunement difficile de se décider à tuer un capitaine de flotte, pas plus que pour un murlock ou un gnoll.

On ôta ses liens et son baillon au sieur Venders, puis on lui jeta son arme. Le draeneï et l'humain étaient encerclés par la foule des pirates qui s'était agrandie entretemps. Van Cleef, en retrait lui aussi, croisa les bras et fixa les deux hommes.

Venders ne prononça pas la moindre parole une fois son baillon enlevé. Il saisit sa rapière et se leva calmement, et une fois debout prit instantanément un maintien fier et droit. Ta décision est prise, c'est bien.

Stropovitch avait déjà affronté la rapière. Cette escrime lui déplaisait fortement, toute basée sur de légers mouvements de poignets et tout un arsenal de feintes. Si Venders se battait calmement et avec tous ses moyens physiques et psychologiques, le combat s'annonçait rude.

Venders prit la posture d'attente, les genoux pliés et flexibles, la rapière pointée vers le draeneï - si ce dernier lui fonçait dessus de quelque manière que ce soit, il serait esquivé, feinté et transpercé.

Stropovitch soupira. D'habitude il attendait les attaques, mais là l'autre l'attendait et ne cèderait pas. Très bien ! A la surprise générale, il ôta son gant gauche et le jeta au sol. Sans dégainer ses armes, il s'avança calmement vers le bretteur. Celui-ci manifesta de l'étonnement. Déconcentre-toi. Stropovitch s'arrêta tout près de la pointe, à une distance où il aurait à peine le temps d'esquisser un mouvement d'esquive si l'autre attaquait. Tu n'attaqueras pas. Je le sais. Tu es tout dans la contre-attaque. Tu hésites ? C'est bien, hésite. Une goutte de sueur perle à ton front. Tu as perdu. Stropovitch baissa soudain sa main droite vers l'arme qui pendait à son flanc gauche, dans un mouvement vif. Mais en réplique, encore plus vivement, à la rapidité de l'éclair, la pointe de la rapière fendit l'air pour transpercer la poitrine du draeneï.

L'assemblée retint son souffle, incrédule. En même temps que sa main droite s'abaissait, Stropovitch avait levé sa main gauche dégantée vers sa poitrine, paume orientée vers la pointe de la rapière, laquelle l'avait transpercée et avait été déviée dans le mouvement de la paume vers le ciel.

Le draeneï avec une précision diabolique avait cueilli au vol la pointe de l'épée et déviée ! Et ce au prix d'une blessure bénigne.

Les yeux de l'assistance étaient ainsi fixés sur la paume transpercée du draeneï et n'avaient même pas encore perçu ce qui s'était passé la demi-seconde suivante : Stropovitch avait tout de même saisi son arme de l'autre main et avait tranché d'un coup net, vif et silencieux la tête du capitaine, qui n'était même pas encore tombée de son cou. Quand le corps s'effondra mollement et que la tête roula, les pirates ouvrirent des yeux hallucinés.

Van Cleef se mit alors à applaudir calmement, sans commentaire immédiat.
"Bien ! Tu sais te battre. Je t'avoue que c'était le test le plus difficile que j'aie fait passer jusqu'à maintenant. Des hommes de la trempe de ce capitaine ne se trouvent pas à tous les coins de rue."
Je veux bien le croire.
"Tu as bien fait de tout miser sur la première attaque. Une fois que ce genre d'énergumène a commencé sa danse, on peut l'arrêter soit avec une arme plus longue que la sienne - à condition d'être vif - soit en connaissant parfaitement le même art. Ce qui n'était pas ton cas."
Stropovitch ne cilla pas.
"Maintenant l'épreuve de sang-froid !"
Je m'en doutais ! Il y avait deux épreuves.
La foule se fendit à nouveau pour laisser passage à une autre personne ligotée et baillonnée... en l'occurrence une petite fille blonde au visage larmoyant.
"Voilà une fille que nous gardions en otage pour nous assurer le silence de quelqu'un - mais il n'est pas obligé d'apprendre qu'elle est morte, n'est-ce pas ? Tue-la de sang-froid et tu es des nôtres."

Et merde.

 

~~

 

 

 

 

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Créé le 09/07/2008 à 12:39:42 - Modifié le 09/07/2008 à 12:46:54

 

Chapitre 3





(page du carnet écrite antérieurement)

On avait classé les enfants en deux grands groupes : ceux qui savaient déjà lire et écrire, et ceux qui ne le savaient pas encore. J'intégrai le second à cause de mon jeune âge, même si je savais déjà à peu près écrire - au moins je me perfectionnai. Ce groupe avait un seul enseignant - alors que nous étions près de deux cents. Maître Annïa, une vénérable draeneï au beau regard tout empli de Lumière.

Oui, "draeneï", exilés, nous méritions à nouveau pleinement ce nom.

On avait manifestement touché quelques mots à Annïa de cette "particularité" que j'avais - et dont je ne savais en fin de compte rien. Elle me parlait avec une extrême douceur et venait régulièrement me parler après son cours - alors qu'à chaque question elle devait attendre une réponse laborieusement écrite. Ce qui m'attristait, c'était que je sentais que cette affection était forcée. Il existe une forme de torture douce, qui consiste à vous entourer de soins et de douceur, alors qu'en vérité, vous êtes craint, suspecté, surveillé, et surtout, complètement seul.

Seul physiquement, je ne l'étais jamais. Ondraïev, mon "précepteur", m'accompagnait affablement partout, me couchait, me levait, m'apportait mes repas, me racontait tout et n'importe quoi, parfois des bribes de l'histoire de mon peuple, parfois des péripéties amusantes de sa propre vie, parfois des avis personnels grandiloquents sur des questions d'organisation sociale, parfois des inepties sans nom. Il gesticulait beaucoup, avec son faux sourire plaqué sans cesse sur son visage. Et j'étais seul, séparé des autres enfants qui pourtant, du moins les orphelins, dormaient ensemble.

Ce statut spécial suscitait de plus chez mes camarades crainte et jalousie à mon égard (je me demandais ce qu'ils m'enviaient). Ils chuchotaient souvent en me regardant en coin, ne m'abordaient pas ou très rarement, et pour des apostrophes diverses, sans suite - ils n'avaient pas la patience ou même la capacité de suivre une conversation écrite. On me demanda régulièrement pourquoi j'étais muet. A cela je n'essayai même pas de répondre. Quelque chose en moi se souvenait mais m'interdisait de trop y penser. Alors ces enfants s'inventèrent des réponses. Ainsi tous finirent par tomber d'accord que j'étais corrompu de quelque façon par une magie maléfique - et s'imaginèrent que je pourrissais de l'intérieur, me transformerais soudain un jour en démon et les dévorerais tous.

Hypothèse qui n'encouragea personne à beaucoup m'approcher.

Mais j'avoue que cette rumeur ne me paraissait pas du tout infondée.

Un soir la douce Annïa remarqua que je broyais du noir et s'approcha d'un air inquiet.
"Qu'y a-t-il ?
- Dites-moi, écrivis-je, est-ce que je vais me transformer en démon ?"
La question la stupéfia. Elle hésita.
"Non bien sûr qui t'a raconté ces histoires", répondit-elle avec le ton le moins convaincant du monde.

Mon coeur se serra.

J'ai su.

Je me traînerais ici-bas seul craint muet et malheureux jusqu'à une fin pire que la mort, dépossédé de moi-même, renié par mon propre peuple, voire abattu par lui.

"La Lumière..." chuchota Annïa. "La Lumière vainc toujours, Stropovitch. Elle te guidera."
"La Lumière...", me répétai-je intérieurement tel un écho.


~~~~~~~~

Le draeneï avait deux secondes pour réfléchir. Autour de lui l'encerclant, une soixantaine de pirates. Il était sur le pont d'un navire, au milieu d'une gigantesque grotte. Grâce à sa stature, Stropovitch pouvait voir par-dessus la foule qu'il y avait deux embarcadères, un de chaque côté du navire. Etant donné qu'il n'avait pas passé beaucoup de temps les yeux bandés à partir de l'entrée de la mine, un des deux embarcadères menait à la sortie, l'autre à s'enfoncer plus avant encore dans le Repaire. Aucun moyen de trancher.

Il soupira. S'il s'enfuyait, il n'aurait aucune chance de survie. Mais il ne devait pas non plus tuer la fille.

Quelque chose clochait. Le noble qui l'avait engagé était très intelligent, il en avait eu la preuve. Pas du genre à ne pas demander de garanties. Or Van Cleef avec cette fille avait une mine d'or à disposition. Il pouvait demander grâce à elle des rançons régulières, que le noble lui verserait par l'intermédiaire d'un agent qui aurait pour tâche de s'assurer d'abord que la fillette était vivante.

De plus il ne faisait pas encore partie de la Confrérie. Il était étrange que Van Cleef lui révèle pourquoi il gardait la fille, lâchait-il ainsi des informations à des inconnus ? Ou était-ce...

Stropovitch fronça un sourcil d'un demi-millimètre. Il saisit une épée. Un pas en avant martelé sur le sol, simultanément un coup horizontal si rapide que les pirates ne virent que l'air onduler.

La perruque tomba au sol, les cheveux coupés s'éparpillant en l'air avant de se déposer lentement.

Une exclamation parcourut l'assistance. Sous la perruque de la fausse fillette se montrait un crâne chauve et vert, maquillé à partir du front pour imiter la peau humaine, et assorti de deux oreilles pointues sur les côtés.

Le gobelin se redressa, une sueur froide dégoulinant sur ses tempes. Il arracha son baillon et gémit : "Bon sang, heureusement qu'il a réussi l'épreuve, je comptais éviter son attaque s'il tombait dans le panneau mais je n'aurais pas pu, il est ahurissant patron, j'ai rien vu venir." Il se retourna vers Stropovitch. "Salut gars, moi c'est Sneed, le bricoleur en chef ici, hé hé. Fiou mon coeur ha ha tu lui as pas fait de cadeau là, avant que je me calme ! Je m'disais aussi inventer une épreuve supplémentaire pareille juste pour ce gus c'était vraiment risqué. Bah tu vois t'as deviné que Van Cleef était pas du genre à sacrifier des sacs à pépettes comme ça. Hein patron, l'est fortiche il a flairé l'embrouille, hein ! Patron ?"

Stropovitch, Sneed et les pirates levèrent les yeux vers Van Cleef. Lequel, le bandeau ôté, regardait fixement le draeneï avec un air carnassier.

Un silence de plomb s'installa aussitôt.

Le sang de Stropovitch se figea. Van Cleef se doutait de tout depuis le début. Il avait senti que la demande d'intégration du draeneï était louche. Il s'était demandé si cela n'avait pas un lien avec la fille. Voire ! pire ! il y avait eu des fuites et Van Cleef savait qu'il avait été contacté par Jack. Oui ! Van Cleef ne s'était sûrement pas contenté de garder la fille en otage ! Un ou plusieurs espions surveillaient sûrement le noble en permanence.
Mais pour une raison quelconque il n'était pas sûr. Et il l'avait testé et démasqué. Il avait percé le visage fermé du draeneï lorsqu'on avait jeté la fille à ses pieds, avait vu et compris son regard sur les embarcadères, avait lu sa décision finale.

Et maintenant il regardait toujours Stropovitch, et avait compris qu'il avait compris. Aussi se contenta-t-il de sourire encore plus largement et de dire avec flegme : "Tuez-le".

Les pirates restèrent interdits tandis que Van Cleef s'en retournait nonchalamment dans sa cabine. Ce dernier s'arrêta, tourna la tête et dit : "Quoi ? Tuez-le, allez. C'est un ordre." Avant de disparaître dans les entrailles du navire.

Les pirates se tournèrent vers Stropovitch et dégainèrent leurs armes. "Désolé, gars", fit Sneed.

~~~~~~~~

Rester calme.
Analyser les environs.
Rester calme. Velen ô grand Prophète, je n'ai pu faire mien votre enseignement, si ce n'est ce principe. Si je ne veux pas être dépossédé. Si je ne veux pas perdre conscience et raison. Rester calme. Je ne peux survivre qu'en faisant un massacre. Qu'en faisant calmement un massacre.


Tout se passa à une vitesse affolante. Tous les muscles du visage de Stropovitch se contractèrent férocement et il poussa un cri surpuissant, qui figea tous les pirates. Une demi-seconde plus tard, cinq pirates gisaient au sol, diversement étripés et démembrés. Stropovitch avait fait une trouée dans le cercle et avait sauté du navire. Les pirates dégainèrent arcs, arbalètes et fusils et se penchèrent. Pas de trace du draeneï.

"Il est retourné dans le navire se cacher", grommela un énorme tauren. Med et Kiros, surveillez l'embarcadère ouest, Levis et Nico, l'est. Surveillez l'eau aussi. Les autres, on se divise en trois groupes et on fouille. Un groupe pour chaque second." Gilnid le superviseur de la Fonderie, Vertepeau l'ancien capitaine du navire, grand gobelin sadique amateur de hallebardes, et lui-même.

Mister Smite, comme on l'appelait, était un des seconds de Van Cleef et un vieux baroudeur. Il saisit son énorme masse et descendit le premier dans la cale. 
 

Je dois fouiller tout le navire pour trouver la fille. Je me suis rattrapé à une écoutille très proche du niveau de l'eau après avoir plongé, il ne devrait pas y avoir de niveau inférieur ; je vais fouiller méthodiquement en commençant par le fond. Ils s'agitent là-haut, je l'entends.
Fond, porte gauche. Pompes en cas de prise d'eau. Porte droite. Cachot, vide. Je reviens, escalier, niveau supérieur. Des pas au-dessus de moi. Le fond. Porte gauche, cambuse, provisions. Porte droite, munitions. Je prends un fusil, le charge, saisis une giberne, la bourre de poudre. ça descend l'escalier ; ça ouvre des portes ; ça arrive à la mienne ; je prends mon élan et l'enfonce d'un coup d'épaule. ça envoie bouler le type et un collègue derrière au fond des provisions. Je tire dans le couloir. Des cris, du sang. Je reviens dans la pièce, attache le fusil à la bandoulière de la giberne, brise l'écoutille, dégaine mes armes, sors, escalade la paroi du navire en y plantant mes lames, brise l'écoutille du dessus et entre. ça chauffe en bas, ça crie. Là c'est une grande pièce emplie de hamacs. Je recharge le fusil. Sneed entre. Comme je ne l'ai pas entendu, il doit être seul, pas de quoi gâcher la poudre, je le choppe et lui tords le cou. Il n'a fait que couiner. Pressentiment. Je bondis en arrière au moment où une gigantesque masse s'abat sur moi et détruit le plancher.

Ne pas se laisser impressionner.

Dans le mouvement je tranche le manche de l'arme avant qu'il la relève puis tire. Le tauren mugit. Il est dans l'encadrement de la porte, il y a des gens derrière mais il prend toute la largeur du couloir. Je jette le fusil, vais planter mes épées dans la poitrine du tauren, le maintiens debout. Il est lourd. Je m'entends crier sous l'effort. Je le laisse s'affaisser un peu sur mon épaule pour pouvoir le soulever, et avance, et cours, et pousse les autres de l'autre côté qui s'exclament et s'ahurissent. Ne pas leur laisser le temps de pousser de leur côté en retour. L'un d'eux perd l'équilibre et tombe. J'entends ses os craquer sous mes sabots tandis que j'avance. Enfin des bruits de chute. Je m'arrête et balance le tauren dans l'escalier avec les autres. Le corps du tauren écrase un gobelin en contrebas. Les autres que j'ai poussés et qui sont tombés sont mal en point ou morts de trouille. Le couloir, les portes, ce doit être les chambres des seconds. Une. Deux. Trois. Quatre. Vides. ça s'active de nouveau en bas. Et en haut. Une autre masse détruit le plafond avec une force surhumaine et un ogre s'abat dans le couloir dans un fracas épouvantable.

Ne pas se laisser impressionner.

"Rhakh'Zor pas cont..." Ses tripes jonchent le sol tandis qu'il ouvre bêtement les yeux et la bouche et qu'un filet de bave va rejoindre la mare de sang à ses pieds. J'entends des hommes monter les marches et charger des fusils. Je saute et agrippe les bords du trou fait par l'ogre, et me hisse. Le pont. Des hommes y sont postés à gauche et à droite, et me regardent l'air effrayé, armant leurs arcs d'une main tremblante. Vite. Deux corps tombent dans l'eau, leur sang aussi en beaux arcs rouge vif. Je me tourne. Une flèche m'égratigne l'oreille. Et de quatre moitiés d'homme à la mer. ça s'interroge en bas. Je sors un canon de son emplacement - bon sang que c'est lourd, je dépense trop de temps et d'effort - il roule - chaque seconde compte - je le mets la gueule abaissée dans l'axe de l'escalier qui descend dans le navire. Le baril était à côté. Je charge. Ils ont fini de fouiller en bas et ont sûrement entendu le canon. Ils montent. Le premier qui voit la gueule de métal ouvre les yeux, incrédule. Le boulet de canon qui suit désigne trois volontaires pour refaire la tapisserie. Fracas du boulet qui traverse le bateau. Cris de terreur. Pas de temps à perdre. Je réemprunte le trou de l'ogre. Un gobelin m'accueille en bas un fusil braqué sur moi.

Ne pas se laisser impressionner.

L'index de sa main droite desserre la gâchette, maintenant qu'elle n'est plus reliée à son bras. Ses yeux et sa bouche se referment, maintenant qu'ils sont séparés du reste de sa tête. "Gilnid ?" Ce sont les autres qui regardaient encore les résultats du boulet et qui commencent à peine à se retourner. Un, deux, trois, quatre. ça crie encore mais c'est hors de combat, pas le temps de faire dans le détail. Il y en a encore en bas. Reste une porte, près de l'escalier. Chambre luxueuse, bureau, carte, compas, bourses d'or. Celle du capitaine. Qui n'est pas là. Placard. La fille. ça, c'est fait. Je referme le placard. Je retourne dans la pièce aux hamacs, reprends le fusil, le recharge, agrandit le trou du tauren à coups de talon et saute. De l'eau, jusqu'à la taille - le boulet a brisé la quille, un trou béant fait sombrer le bateau. Ceux que j'ai entendus paniquent en tentant d'installer la pompe. Aucune résistance. Des corps déchiquetés flottent. Je me penche au moment où une hallebarde allait me sectionner la nuque. Un gobelin de taille supérieure à la moyenne et avec un grand sourire sadique, dans l'escalier. Il fait tournoyer sa hallebarde autour de lui, je ne vois rien, l'air siffle. Il veut me destabiliser.

Ne pas se laisser impressionner.

Arme plus longue que les miennes : je tire. Il a réagi vivement, la pointe de la hallebarde était sur le chemin mais elle a sauté. Mais il sait sûrement se battre avec ce qu'il reste - un bâton. Ses dents se serrent. Il n'a plus de dents. Le coup de poing l'a sonné. Je lâche le fusil, dégaine et le termine. Je remonte, vais récupérer la fille ligotée et bâillonée, qui ne dit ni ne fait rien, la pauvre, elle est terrorisée. Je redescends, détache la fille - je laisse le baillon - la balance dans la flotte par l'écoutille par laquelle j'étais rentré, la suit, la repêche - elle ne savait apparemment pas nager, me hisse sur l'embarcadère. Là où Van Cleef m'attendait
.

~~

Son bandeau était mis.
Ses bras, croisés, le regard, sarcastique.

"Est-ce que tous les gens de ta race sont comme toi ? J'en doute."

Stropovitch, haletant, posa la fille et s'avança. Dégoulinant d'eau et de sang.

Derrière lui, les gémissements d'un navire qui sombre.

Van Cleef dégaina ses deux épées. Stropovitch remarqua d'un oeil acéré l'aspect poisseux de leur tranchant. Du poison. S'il m'égratigne, je suis mort.

"C'est de la maille fine avec de l'armure de cuir renforcé dessous que tu as là. Tu me permettras de viser directement la tête ?"

Stropovitch fronça un sourcil d'un demi-millimètre. Pourquoi parler et me laisser ainsi reprendre mon souffle ? Ce n'est pas un comportement de pirate, ce souci d'honneur et de bienséance.
"Quel que soit le prix que l'on te paye, c'était de la folie de faire tout ça pour cette gamine. Tu cherchais autre chose que de l'argent."

Stropovitch fronça l'autre sourcil. Le calme revenait dans son coeur.

"Etant donnée ta force, je comprends que tu aies été attiré par un défi de cette envergure - tu devais t'ennuyer. Tu n'es donc pas un mercenaire digne de ce nom, qui privilégie la prudence et les plans solides."

Et alors ?

"Tu voulais un beau combat ? Moi aussi j'en ai désiré ardemment un durant ces longues années. Si je meurs, tu effaceras enfin définitivement une page de l'histoire de Stormwind que la caste dirigeante veut effacer depuis longtemps déjà."

Si tu le dis. Mais vos affaires ne me concernent pas.

"Qu'importe, hein ! Je me suis bien amusé, l'envie de vengeance faiblit en moi depuis quelque temps. Tu m'excuseras de t'avoir laissé reprendre ton souffle, c'est que j'ai de vieilles habitudes de la bonne société auxquelles je tiens."

Il était noble ?

"Il n'y a pas de témoin, mais c'est un duel singulier. D'homme à homme. Ce ne serait pas correct de te tuer en situation de faiblesse - je n'en ai pas besoin, alors autant éviter cette lâcheté de ma part."

Et le poison ce n'est pas lâche peut-être ? Ne t'en fais pas, tu ne me toucheras pas.

Derrière lui l'eau s'agitait d'énormes remous tandis que le navire - la caverne résonnant de ce bouillonnement - achevait de sombrer. Puis un bruit sourd : la carcasse de bois avait atteint le fond. De nombreux corps sanguinolents émergeaient les uns après les autres, entourés de halos de sang qui s'agrandissaient en lentes arabesques.

Au premier plan de ce tableau macabre, Van Cleef vit Stropovitch se redresser fièrement, puis s'incliner respectueusement.

"J'en conclus que tu es prêt ?"

Stropovitch acquiesca.

Le regard de Van Cleef devint celui d'un oiseau de proie, les yeux grand ouverts, les pupilles rétrécies. Il se positionna souplement, une épée en garde devant lui, une épée dissimulée dans le dos. L'intensité de son regard ! Il cherchait à l'hypnotiser, ou à l'effrayer, vraisemblablement les deux en même temps.

Ne pas se laisser impressionner.

 

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Créé le 09/07/2008 à 12:49:20 - Modifié le 09/07/2008 à 13:07:37
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