Chapitre 28 : A consommer avec modération
- RHHHAAA !!! Par la malepeste ! Encore un qui n'a pas de langue ! C'est quoi ce pays pourri ?!
- Respirez, Maître, vous devenez bleu.
Llégion fila un coup de pied rageur sur le cadavre de l'ours qu'il venait de tuer. Enfin, que Mezz venait de tuer, aidé par les sorts de son Maître.
Comme à son habitude maintenant, Abatik s'était confortablement installé dans le capuchon du Démoniste, et observait la scène en se retenant de rire.
Ne manquait que Seln au tableau, qui était restée à Moulin de Tarren.
Le petit groupe était arrivé la veille au village de la Horde situé au cœur de la région de Hautebrande. Llégion l'avait découvert quand il s'était rendu au Viaduc de Thandol, et avait soigneusement noté sa position pour y retourner plus tard.
Estimant en avoir eu plus qu'assez des Tarides, de son soleil torride et de sa faune hostile, Llégion s'était décidé à changer de continent. Et puis, c'était toujours mieux que de retourner à Orgrimmar, trop encombrée ces temps-ci.
Le village de Moulin du Tarren était étonnement peuplé pour un "trou" perdu en pleine campagne. Sentant en Llégion le pigeon de service, les habitants s'étaient quasiment jetés sur lui pour lui demander mille et un services - dont ramener dix langues d'ours.
D'où l'agacement, pour ne pas dire plus, du Démoniste en constatant que, encore une fois, l'ours qu'il venait de tuer n'avait pas de langue.
- On en est à combien, Abatik ?
- On a... quatre langues, Maître. Pour vingt-sept ours tués. A ce rythme-là, il nous faudra en tuer encore... une quarantaine pour avoir le quota.
- (voix caverneuse) Et je dois vous signaler, Maître, que depuis que nous sommes arrivés ici, la population oursine a manifestement beaucoup diminuée. Nous risquons l'extinction.
- Rien à foutre. En plus, je n'ai jamais pu saquer ces saletés. Par contre, on risque de se retrouver à court de fournisseurs de langues...
- Encore heureux que Seln ne soit pas là, Maître.
- Effectivement...
Seln avait été folle de joie quand elle avait appris que le petit groupe quittait les Tarides. Même si elle avait commencé à bien s'entendre avec une des Gobelines de Cabestan, l'absence criante de boutiques lui portait de plus en plus sur les nerfs. Elle avait même sauté au cou de Llégion, qui ne s'y attendait pas et rata ainsi une occasion peut-être unique de poser les mains sur la Succube.
Oui, quand ça veut pas, ça veut pas...
Par contre, elle s'était mise à faire la tête en apprenant leur destination, qui passait nécessairement par Fossoyeuse.
- Oh nonnnn... Mais chéri, Fossoyeuse est TELLEMENT sinistre. Et il y a TELLEMENT peu de boutiques. Et puis, c'est TELLEMENT sombre. Alors que Lune d'Argent est TELLEMENT fashion ! Pourquoi on n'y va pas, mamour ? Tu m'avais dit qu'on irait à Lune d'Argent ?
Llégion avait assez vite pris le pli avec elle. Il suffisait de la laisser se plaindre et elle finissait par se mettre à bouder et à le laisser tranquille. Pas très élégant, mais efficace.
Mais quand il lui avait dit qu'ils ne faisaient que passer par Fossoyeuse, pour se rendre dans un trou paumé en Hautebrande, Seln avait eu une réaction, disons... instinctive.
Elle lui avait collé une gifle magistrale et avait cessé de lui parler. Ce qui faisait le bonheur de Llégion, car il pouvait ainsi souffler. Sauf pour la gifle, car on a sa fierté après tout.
Arrivés à Moulin de Tarren, Seln s'était installée à l'auberge avec un stock de chocolats fourrés au soufre et s'était enfermée dans sa chambre, laissant le Démoniste accompagné d'Abatik et de Mezz massacrer la faune locale.
La bouderie durait depuis maintenant une semaine, et Llégion commençait quand même à s'inquiéter un peu. Même si ses expéditions dans la région lui prenaient tout son temps.
- Bon, on fait une pause, les gars. On va se changer les idées. On a quoi encore à faire pour les pignoufs, Abatik ?
Le Diablotin sortit une liste et un crayon.
- Il y a le village de paysans de l'Alliance où on doit tuer des types, Maître.
- Mouais… Je commence à m'en lasser, du massacre d'innocents. Ensuite ?
- Vous avez les truands dans leurs ruines, Maître. En plus, on devient copain avec les voleurs de Ravenhold.
- Rien à foutre. Rien d'autre ?
- Et bien… bien sûr, il y a les Gnolls et leurs champignons, Maître...
Les Gnolls et leurs champignons... Llégion sentit un frisson lui parcourir l'échine.
La mission que l'alchimiste de Moulin du Tauren lui avait donné était simple : récupérer des champignons dans un champ annexé par une bande de Gnolls, pour pouvoir réaliser une de ses potions.
Enfin, officiellement.
Car Llégion avait en réalité mis le pied dans un véritable nid de frelons.
Les champignons en question étaient soudainement apparus quelques mois plus tôt dans le champ d'une modeste famille de Hautebrande, suite à une pluie étrange venue des Maleterres. Bleus translucides, légèrement transparents, d'une taille peu commune, ils s'étaient révélés puissamment hallucinogènes une fois convenablement préparés.
La famille qui les avait goûtés n'avait pas décollée pendant trois jours, et après avoir retrouvé ses esprits, le père avait immédiatement prévenu la petite colonie naine installée au sud du Mur de Thoradin pour qu'ils les lui enlèvent.
Vétéran de plusieurs guerres et naturellement prudent, le brave homme avait tout de suite vu en cette nouveauté une formidable source d'ennuis pour lui et les siens, d'où sa décision.
Malheureusement, l'homme avait misé sur le mauvais cheval – ou plutôt le mauvais poney, comme dirait Llégion… (Seln ne se lassait pas de ce bon mot…).
Le chef des Nains n'était qu'une crapule, exilé par les siens dans ce coin perdu. La petite famille eut un "accident" – un truc idiot, leur chariot fut "malencontreusement" écrasé par un char de guerre tombé d'un arbre.
Oui, ça arrive, la preuve…
Mais les Nains n'avaient pas été assez rapides. La nouvelle s'était répandue, et une petite bande de Gnolls avait mis la main sur le champ pendant que leurs "concurrents" s'escrimaient à installer un char dans un arbre au dessus de la route…
Les chefs des deux groupes étaient du genre retords et calculateurs. Plutôt que de s'entretuer, ils avaient conclu un accord destiné à assurer à chacun une part honnête des bénéfices : les Gnolls exploitaient le champ, et revendaient leur production aux Nains qui se chargeaient de l'écouler.
Llégion avait donc tenté de s'infiltrer dans le champ suite à la demande de l'alchimiste. Il s'était rapidement fait tuer par une demi-douzaine de chamans Gnolls complètement défoncés mais néanmoins très efficaces.
Suite à cette mésaventure, Llégion était retourné voir l'alchimiste pour avoir des explications et des précisions. Une fois bien secoué par Mezz, il avait alors révélé avoir été envoyé par ses collègues de Fossoyeuse pour récupérer ce trafic à leur profit exclusif.
Le Démoniste n'avait pas du tout apprécié que lui, le futur Maître du monde, se fasse manipuler par un minable trafiquant de drogue. Après de longues négociations, et l'aide de Mezz et du Code Pénal Démoniaque (la version intégrale, celle en trois volumes), Llégion avait réussi à obtenir un pourcentage sur l'affaire.
Restait à nettoyer le champ, tâche rendue difficile par le renforcement des lieux suite à sa visite "meurtrière".
D'où le frisson du Démoniste. Tuer des Gnolls, ou tout autre créature d'ailleurs, ça allait. En affronter une dizaine d'un coup, ça devenait un peu plus délicat, même pour 20% de part.
- On va plutôt attendre encore un peu, Abatik. Le village des ploucs me paraît plus intéressant.
- Vous voulez tuer de braves paysans innocents, Maître ? Mais ils ne vous ont rien fait…
- Justement…
- Z'êtes vraiment mauvais, Maître. C'est un honneur de vous servir.
- Et on ne repassera pas par la boutique de colifichets t'acheter ce nœud papillon à paillettes, Abatik. N'insiste pas.
- Mais Maître-eeeuuuhhh…
Moustaches prit mentalement note de s'occuper de cette histoire de champignons plus tard. Il n'aimait pas ce genre de méthodes, mais après tout, la fin justifiait les moyens.
Puis le rat vomit sur le cadavre de l'ours.
***
Chapitre 29 : Le bras de fer
- Salutations, l'ami ! Oups, désolé…
Edualk secoua la main pour chasser la douleur. Il avait frappé violemment sur le dos de Vimayre, ce qui d'ordinaire fracassait la victime, mais sur un Tauren…
- Ravi que vous ayez pu vous déplacer, messire.
L'Humain et le Tauren s'assirent autour de la table et se jaugèrent du regard.
Le Paladin n'avait pas l'air bien équipé, mais quelque chose en lui poussait Vimayre à la méfiance. Il avait l'air trop minable pour l'être vraiment. Et son regard ne se détournait pas.
Edualk rompit la glace le premier.
- D'ordinaire, je ne fraye pas avec ceux de la Horde, sauf quand je me fais démolir sur les champs de bataille d'Alterac ou de l'Oeil du Cyclone, mais j'ai cru comprendre que vous êtes une sorte de fonctionnaire, c'est ça ?
- Je suis Contrôleur Principal pour la Confrérie des Collecteurs.
- Ah. Les impôts.
- Votre équipement ne semble d'ailleurs pas avoir le cachet réglementaire, messire…
- En effet, ce cachet n'est pas obligatoire pour de l'équipement d'occasion, ou fabriqué pour son usage personnel. Et la charte de ma Guilde me couvre au plan juridique.
Les deux adversaires se regardèrent en silence. La partie était serrée, ils s'en rendaient compte, et dans l'auberge de Baie du Butin, un grand silence s'était fait autour d'eux.
- Je suis chargé de mettre à jour un dossier, messire. Concernant votre arrière grand-oncle. Llégion, vous connaissez ?
Edualk le regarda droit dans les yeux, sans ciller.
- Pas du tout. D'une part, je suis trop jeune pour connaître mes aïeux directement, et d'autre part, un certain nombre de ceux-ci ont fait l'objet de procédure en reniement. Votre dossier doit certainement le mentionner…
Edualk avait pris une voix fielleuse. Vimayre ne se démonta pas.
- En effet, notamment votre père, si mes renseignements sont bons.
Edualk leva un sourcil et sourit.
- Il y a en effet un homme du nom d'Arrsène qui a été renié par mon grand-père quand il a rejoint la Confrérie des Défias. Je croyais d'ailleurs que celle-ci avait des liens avec votre confrérie, non ?
Vimayre sourit lui aussi.
- De simples rumeurs, vous savez ce que c'est…
Un nouveau silence se fit, qui fut rompu quand l'aubergiste fit tomber un verre par terre. Les deux adversaires le fusillèrent du regard, l'obligeant à se réfugier dans l'arrière-salle.
- Bon…
- Bien…
Vimayre et Edualk se regardèrent à nouveau, cherchant à évaluer la force de l'autre. Le Tauren, moins expérimenté que l'Humain, décida de céder le premier.
- Ecoutez messire, Llégion a plus de 50 années de retards sur ses impôts, sans compter ses dettes du temps où il était encore en vie. Il n'a plus de lien avec vous ou quiconque de sa famille, donc notre organisation ne peut en aucun cas se retourner contre vous. Alors aidez-moi, je vous prie.
- C'est la famille, non-juridiquement parlant. Je ne livre pas ma famille, même non-juridique.
Vimayre pesta intérieurement. S'il n'avait pas précisé "non-juridique", il aurait pu l'avoir, mais le bougre était malin.
Moins bête qu'il n'en avait l'air, le bougre…
- Donc… ?
- Il n'y a pas une prime de prévue pour ceux qui vous aident ?
- Je n'ai pas souvenir…
- Article 272 alinéa 4. Ou un truc de ce genre.
Vraiment moins bête…
- Maintenant que vous le dites… 5% du redressement il me semble…
- 10% en réalité.
- … 10%, vous avez raison, suis-je bête. Alors… ?
- Je ne sais pas où il est maintenant, mais je ne serais pas surpris, vu que c'est un Démoniste et un Mort-Vivant, qu'il se soit rendu à Fossoyeuse après notre rencontre, histoire de récupérer un nouveau démon. Mais ce n'est qu'une hypothèse, bien entendu.
- Bien entendu, messire.
Le Tauren et l'Humain se regardèrent à nouveau en silence.
- Par curiosité, vu que je n'ai aucun lien juridique avec ce Mort-Vivant, vous allez lui faire quoi quand vous l'aurez retrouvé ?
- Il subira un redressement de niveau 4.
- Ce qui signifie ?
- Vous ne voulez pas le savoir. Croyez-moi, messire.
Edualk hocha la tête, puis à la grande surprise de Vimayre, sourit.
- Le pauvre vieux ! Quand ça veut pas, ça veut pas…
- Vous n'avez pas l'air si désolé, finalement.
Edualk plissa et les yeux en continuant de sourire.
- Je vais vous donner un conseil, monsieur le Contrôleur Principal. Conseil que je me permets de vous recommander de ne pas oublier. Dans notre famille, même au sens non-juridique, on n'est peut-être pas doués, mais on est du genre coriace. Très coriace.
Vimayre hocha la tête.
- J'en prends bonne note, messire.
- Et vous payez les consommations. Frais de déplacement.
- Bien entendu.
Très loin de là, Moustaches secoua la tête pour remettre ses idées en ordre. D'abord la Succube, puis ça… Heureusement que le Paladin avait tenu, sinon…
Puis le rat pissa contre un mur de passage.
***
Chapitre 30 : La rage du feu…
Llégion eut une grimace. Il avait soigneusement préparé l'opération, mais là, il se sentait soudainement minable.
Et passablement énervé.
Devant lui, installés juste à l'entrée du gouffre de Ragefeu, un Druide et un Chasseur Elfes de la Nuit affûtaient leurs armes. Une demi-douzaine de cadavres d'Orcs jonchaient le sol devant eux.
- Par la malepeste ! J'arrive pas à le croire ! Le jour où je décide d'aller nettoyer ce satané gouffre, y'a deux pignoufs de l'Alliance qui font un raid sur Orgrimmar. Et bien sûr, pas un garde ne bouge, à croire qu'ils le font exprès !
- (voix caverneuse) Il me semble que cela est autorisé par le Code, Maître. On ne peut rien dire…
- Déjà qu'ils m'ont pourri la vie dans les Tarides avec leurs attaques toutes les trois minutes, voilà qu'ils me suivent jusqu'ici ! J'en ai ras-le-bol !
- Respirez, Maître, vous devenez bleu. De toutes façons, ils n'ont pas l'air de vouloir vous attaquer. Vous devez leur paraître trop mina… trop fort pour eux.
Llégion jeta un regard noir au Diablotin qui prit un air innocent.
- Bon, inutile de rester traîner, on y va. Mezz, tu passes devant. Abatik, tu profites de notre petite virée pour me retrouver Seln. Ca fait deux jours qu'elle a disparu et je n'aime pas ça…
- Pas d'inquiétude, Maître. Je m'en occupe. Elle ne peut pas être bien loin, elle vous est liée.
- (voix caverneuse) Et puis-je connaître nos objectifs, Maître ?
- On entre, on tue tout ce qui bouge, on pille les corps. Ah oui, on doit aussi retrouver un de ces foutus Taurens qui s'y est paumé. Mezz, tu les cognes, moi je reste à l'arrière. Un commentaire ?
- (voix caverneuse) Le Code…
- J'ai vérifié, Mezz, c'est non seulement autorisé mais aussi obligatoire. Clause d'instance, ils appellent ça. Et tu n'as plus de formations ou de récup' à poser.
- (voix caverneuse) … Vous n'êtes pas sensé vous occuper de ces choses-là, Maître. C'est mon travail…
- N'empêche que tu viens avec moi et que tu passes devant.
- (voix caverneuse) Oui, Maître. Mais j'attire votre attention sur la pause réglementaire…
- C'est prévu : une pause tous les quarts d'heure pour récupérer, en plus, j'en aurai aussi besoin.
Mezz poussa un grognement. Si maintenant son Maître se mettait à s'intéresser à la loi des Enfers…
Abatik leur fit de grands signes de la main alors que le Démoniste et son serviteur pénétraient dans le gouffre, sous le regard goguenard des deux Elfes de la Nuit.
Moustaches, quant à lui, avait décidé de les suivre. Non qu'il y ait quelque chose de particulier à y faire, mais il avait deux-trois bricoles à vérifier avec un certain démon…
…
Ragefeu. Ce nom faisait frémir les jeunes aventuriers qui arrivaient tout juste à Orgrimmar. Mais passés les premiers émois, le lieu devenait beaucoup moins intéressant. Les comploteurs Orcs qui s'y étaient installés se révélaient vite trop peu dangereux pour menacer la stabilité de la cité.
Surtout avec tous ces jeunôts qui écumaient les lieux en permanence, sans parler des vétérans qui ne rechingnaient pas à nettoyer les lieux entre deux raids sur Hurlevent.
Mais le lieu présentait quelques avantages pour ceux qui, comme Llégion, avaient l'intention de rester dans les bonnes grâces des dirigeants de la ville.
- (voix caverneuse) Quatre.
- Qu'est-ce que tu dis, Mezz ?
- (voix caverneuse) C'est la quatrième fois que nous mourrons, Maître.
- Ce coup-ci, c'est de ta faute, Mezz. Je t'ai dit d'attaquer ce Gnoll, pas de rameuter la moitié de sa tribu !
- (voix caverneuse) J'étais obligé de passer par eux pour atteindre la cible, Maître.
- Par la malepeste ! Il te suffisait de sauter dans le trou, Mezz ! Et moi, je restais en hauteur à les bombarder ! Tu es nul !
- (voix caverneuse) Cela ne m'a pas paru adéquat, Maître.
- Dis plutôt que tu as le vertige ! Rhhhaaa ! Par la malepeste ! Et on y était presque ! Je déteste me taper le chemin à pied depuis ce satané cimetière !
- (voix caverneuse) Où allons-nous maintenant, Maître ?
- Tu vois les Orcs là-bas ? Avec les Démonistes et les guerriers ? On se les fait.
- (voix caverneuse) Oui, Maître. (en aparté) Pourquoi ai-je posé la question…
Llégion et Mezz eurent le temps de mourir encore trois fois. Les Orcs, bien que de faible niveau, étaient nombreux, et les patrouilles incessantes. Et puis il y avait eu l'assaut contre l'invocateur…
- Mezz ?
- (voix caverneuse) Désolé, Maître. Mais c'était le chemin le plus court.
- Non. Le chemin le plus court, c'était celui où tu sautais de la corniche.
- (voix caverneuse) C'était haut, Maître…
- Deux mètres, Mezz. J'appelle pas ça haut. Surtout pour un démon des Enfers.
- (voix caverneuse) Je risquais de me blesser, Maître, et donc d'être immobilisé. L'ennemi vous aurait alors attaqué.
- Mezz… Ils m'ont attaqué. Parce que tu as rameuté la moitié des effectifs ennemis. Et je suis mort, Mezz. Ca commence un tantinet à me GONFLER SERIEUSEMENT, PAR LA MALEPESTE !!!
- (voix caverneuse) Puis-je vous suggérer de reprendre votre respiration, Maître ? Vous commencez à prendre une teinte bleutée.
- Tu as raison, je suis calme, zen, tout va bien PAR LA MALEPESTE !!! Cool, zen, lexomil.
- (voix caverneuse) Les cours de yoga de Selneri semblent vous faire du bien, Maître. Vous paraissez plus serein.
- Mezz ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître ?
- Ta gueule. Et on y retourne. On a encore un de ces types à éliminer, et on sort.
- (voix caverneuse) Vous parlez de celui sur la corniche, Maître ? Là-haut ?
- RHHHAAA !!! PAR LA MALEPESTE !!!
Moustaches secoua la tête d'un air navré. Il avait eu les informations qu'il cherchait, mais ces deux-là manquaient décidemment de discrétion.
Puis le rat pissa sur les bottes du Démoniste.
***
Chapitre 31 : Fossoyeuse
- Tu disais, petit ?
Vimayre avait d'emblée choisit d'adopter un profil bas, vu que la maîtresse des Démonistes de Fossoyeuse appartenait à la hiérarchie de la Confrérie.
Foutus Morts-Vivants…
- Veuillez me pardonner, Madame, mais je suis chargé par la Confrérie d'un dossier YZO-17.
- Et en quoi cela me concerne-t-il, petit ?
- En fait, Madame, notre contribuable est un Démoniste Mort-Vivant du nom de Llégion. Il est probable que vous l'ayez rencontré.
- C'est possible, petit.
- Dans ce cas, vos renseignements me permettraient de continuer à suivre sa piste, Madame.
La Démoniste sembla réfléchir, mais avec son regard dur et surtout vide étant donné son absence d'yeux, il était en fait difficile de savoir si elle n'était pas en fait sujette à une constipation chronique.
- Il est venu me voir. Un grand chauve, pas futé. Impatient et peu respectueux.
- J'espère qu'il ne vous a pas manqué de respect, Madame ?
- Tu n'aimes pas les Réprouvés, n'est-ce pas ? Je le sens d'ici. Mais ce n'est pas un problème. On te dit efficace, et tu me parais avoir toute l'hypocrisie nécessaire pour notre sacerdoce.
- Euh... merci Madame.
Vimayre n'était pas sûr que ce soit un compliment, mais il avait entendu dire beaucoup de mal de la maîtresse des Démonistes de Fossoyeuse par les autres Morts-Vivants de la Confrérie.
Autant dire que Vimayre avait un a priori positif sur elle.
- Je lui ai appris à invoquer un Marcheur du Vide. Il se nomme Mezznagma. C'est une plaie pour les Démonistes, et il a l'art de laisser des traces partout où il va.
- De quels genres, Madame ?
- Du genre syndical, petit. Cherche des manifestants, et tu trouveras ton contribuable. Et en attendant, je sais qu'il s'est rendu au Sépulcre.
- Merci Madame. Vous m'avez énormément aidé.
- Oui, vraiment hypocrite...
***
Chapitre 32 : Recherche Selneri désespérément
Quelques heures plus tôt.
Abatik arrêta de secouer la main quand il vit Llégion et Mezz disparaître sous le porche de Ragefeu. Puis il soupira.
Un Diablotin de son niveau… Multi-diplômé, avec les meilleures références des Enfers, être obligé de servir un nul pareil…
Certes, cela faisait longtemps qu'Abatik songeait à prendre des vacances.
Accompagner ce Démoniste maladroit et colérique ressemblait assez à l'idée qu'il se faisait de vacances réussies, mais parfois il se disait qu'il n'avait pas mérité un tel sort.
Ca m'apprendra à rendre service, pensa-t-il. La prochaine fois, le grand cornu se débrouillera tout seul avec ses histoires de Messie…
Enfin… Il était débarrassé pour un moment de son Maître. Mais il fallait maintenant retrouver Selneri…
La Succube avait disparu juste après leur arrivée à Orgrimmar. En fait, après que Llégion lui ai dit qu'ils allaient visiter Ragefeu. Déjà énervée, la Succube avait – encore une fois – giflé son Maître et était partie folle de rage vers les portes de la cité. Ce n'est qu'au moment de se rendre dans le gouffre que Llégion s'était inquiété de ne pas la revoir.
Surtout que, et Abatik s'était bien gardé de le révéler à son Maître, elle avait pris avec elle la moitié de son argent…
Abatik aimait bien la Succube. D'ordinaire, il travaillait avec des démones perverses et cruelles, terriblement orgueilleuses et surtout incapables de tenir une conversation digne de ce nom.
Selneri était très largement différente. Pas seulement parce qu'elle n'était pas diplômée, mais parce qu'elle avait manifestement un bon fond.
Certes, ce n'était pas l'idéal pour une Succube des Enfers. Mais elle avait quand même ce pouvoir de manipulation des mâles commun à celles de son espèce. Sauf que chez elle, cela se traduisait par ce côté boudeur et enthousiaste qui agaçait et en même temps séduisait Llégion.
Dans son genre, Selneri était plutôt douée…
Et dans le cas présent en fugue le Diable sait où…
Abatik réfléchit. Les gardes d'Orgrimmar l'avaient vue quitter la ville par la grande porte. Une rapide vérification auprès des Gobelins de la tour des dirigeables lui appris qu'aucune Succube solitaire n'avait pris de vol. Le regard concupiscent du responsable l'amenait à penser qu'il aurait automatiquement repéré la fugueuse…
Selneri n'avait pas le sens de l'orientation. Il s'en été rendu compte, ainsi que Llégion, lors de leur expédition dans les Tarides. Heureusement, Mezz avait chassé les lions rien qu'en leur montrant son Code. Les mauvaises nouvelles comme Mezz voyageaient vite, surtout depuis que les lionnes s'étaient mises en grève de reproduction…
Donc… elle pouvait être n'importe où. La plage à l'est d'Orgrimmar ? Un simple bout de côte désert et au sable pollué. Aucune chance qu'elle y soit.
Le fleuve à l'ouest ? Il fallait traverser une lande poussiéreuse, et Abatik se souvenait que Seln s'était achetée la veille un nouveau bustier. A exclure là aussi.
Restait la route du sud, qu'Abatik prit en sautillant.
Une heure plus tard, le Diablotin interrogeait l'aubergiste de Tranche-Collines. Coup de chance, Seln était passée par l'auberge l'avant-veille pour s'y reposer.
Elle était repartie au bout de cinq minutes en découvrant l'absence de chambre individuelle, de baignoire ainsi que l'obligation de payer ses repas.
Dix minutes supplémentaires suffirent au Diablotin pour apprendre d'un garde qu'un convoi qui passait par là avait bien voulu la prendre avec eux.
Le garde connaissait même la destination : Cabestan.
A ce moment de ses recherches, Abatik commençait à se faire une petite idée de la destination probable de la Succube. Il espérait juste se tromper…
En arrivant dans les Tarides, Abatik se souvint brusquement du chaos semé par Mezz lors de leur dernier passage.
La Croisée était quasiment encerclée par plusieurs manifestations concurrentes organisées, le Diablotin l'apprit vite, par des organisations syndicales rivales car issues de scissions.
Leur concurrence avait facilement pris la forme de batailles rangées, compliquées non seulement par leur nombre mais aussi par le fait que les dirigeants des communautés concernées, contestés par leur base, avaient embauché des mercenaires pour rétablir l'ordre.
Et au milieu de ce capharnaüm, la poignée de gardes Orcs assurant la sécurité de l'avant-poste de la Horde essayaient de maintenir un peu de calme à grands coups de massues…
Oh, j'oubliais. Il va de soi que tant les mercenaires que les gardes de la Horde étaient eux aussi "contaminés" par le syndicalisme militant provoqué par Mezz…
Normalement, Abatik n'aimait pas vraiment les Marcheurs du Vide. Leur arrivée auprès d'un Démoniste signifiait souvent la mise au rencard des faibles Diablotins. Mais il fallait reconnaître à Mezz un vrai talent pour semer le désordre.
Abatik réussit à esquiver les manifestants et se dirigea vers l'est, vers Cabestan, ses gobelins et ses bateaux vers les Royaumes de l'Est…
Loin de là, au cœur du gouffre de Ragefeu, Moustaches reprit ses esprits. Même s'il maîtrisait assez bien la technique, voir au-delà de son champ de vision nécessitait de grands efforts pour lui. Mais il était rassuré. Le Diablotin jouait la partie comme il l'avait prévu.
Puis le rat entreprit de grignoter les pieds d'un cadavre qui traînait par là.
***
Chapitre 33 : Lizaa
- Slt ! On két ensanble ? Moa sé Lizaa !
Vimayre hésita. Et sentit immédiatement que ça allait être dur… Déjà que le Sépulcre était rempli de ces foutus Morts-Vivants...
- Tu as rencontré un certain Llégion. Un Démoniste. Tu sais où il est allé ?
- ???!!!
- D'ac-cord... Toi connaître Llégion ? Moi chercher lui.
- Ui ! Y lé gren é chov é kon ! Mé y ma édé a fér dé ket ! é y ma doné dé PO ! Mé y lé plu den la guild ! Y lé parti ! lol !!!
- ... Je vois. Toi savoir où lui parti ?
- Y voulé alé a Ombrecroc ! lol !!!
- Tout seul ?
- Ge sé pa ! Y ma pa di ! lol !!!
- Où lui être quand lui quitter toi ?
- On nété a Fossoyeuse ! é y lé parti ! é y ma plu doné de PO ! lol !!!
Vimayre respira profondément en pinçant l'arête de son museau. La conversation avec cette… "créature"… commençait à lui donner mal à la tête.
- Bon. Toi savoir si lui parler avec quelqu'un ?
- Lol ! Je sé kil a vu 1 mago ! 1 elph de sen ! lol !!!
- Intéressant… Tu connais son nom ?
- ???!!!
- Bon sang… Toi savoir nom à lui ?
- Mé ui ! Y sapel Llégion ! Té 1 maran toi !!!
- Non… Le nom du mage. Du "mago".
- Lol ! Javé pa conpri ! Le mago y sapel Mercät. Lol !!!
- Et tu aurais des informations sur… Pardon. Toi savoir choses sur le mago ?
- Ui ! Y di dé blag ! Dé supair draul ! Lol !!!
- Toi savoir où lui être ?
- Ui ! Y fé 1 skeptakl à Lune d'Argent. Lol !!!
- Merci. Tu m'as beaucoup aidé.
- ???!!!
- Pfff… Toi aider moi beaucoup beaucoup. Moi dire merci toi.
- Lol ! Té 1 maran toi !!!
Vimayre soupira et quitta précipitamment la Morte-Vivante. Non seulement son mal de crâne était en train d'empirer, mais en plus ça commençait même à lui piquer les yeux…
***
Chapitre 34 : Quand Abatik rencontre Edualk
Abatik n'en revenait pas. Il dut se coller une claque pour vérifier que ce qu'il voyait n'était pas le fruit d'une hallucination.
Cabestan était d'ordinaire un petit village calme et peu peuplé. Les aventuriers de passage ne restaient que le temps de faire réparer leur équipement et de passer à la banque avant d'aller visiter les Cavernes des Lamentations.
Mais cette fois-ci, des centaines d'aventuriers de l'Alliance encombraient la zone. Un brouhaha considérable, entrecoupé de cris quand deux Guerriers se battaient en duel, rendait toute conversation absolument impossible à une lieue à la ronde.
Et surtout, les aventuriers avaient l'air de s'ennuyer considérablement…
Abatik, qui avait le sens de l'observation, nota aussi autre chose, mais il n'y accorda pas d'attention sur le coup. Mais cela fit néanmoins écho dans son esprit à une autre idée qu'il avait gardé en mémoire.
La situation ne gênait pas le Diablotin, qui en avait vu d'autres. Le problème, c'était comment retrouver la trace de Seln sans se faire piétiner...
Abatik en était encore à chercher comment se faufiler jusqu'à l'auberge quand son ouïe acérée surprit une conversation entre deux Paladins de l'Alliance.
- Franchement, il est temps que le Maître de l'Ordre fasse quelque chose. Ce type nous fait honte...
- Il ne fera rien. J'ai entendu dire qu'il y avait une vieille histoire entre lui et le grand-père du type...
- Tu parles du vieux sénile qui emmerde tout le monde à la Comté de l'Or ?
- Il n'y est plus. L'hospice de Hurlevent a fini par lui mettre la main dessus, malgré la protection du Maître.
- J'aimerais bien savoir comment ce vieux sénile tient notre Maître... J'ai entendu parler d'une histoire de bizutage...
- Vaut mieux pas savoir, crois-moi. Il parait que le dernier qui a évoqué cette histoire dans la cathédrale s'est retrouvé concierge à Ruisselune...
- Pas mal...
- ... avec interdiction d'approcher les Mortemines.
- Moche. Mais je maintiens que l'autre, avec son tigre feignasse et ses histoires de Draeneies, il nous fiche la honte !
- Surtout qu'il squatte le meilleur lit de l'auberge...
Abatik réfléchit. Edualk. Ainsi l'arrière petit-neveu de son Maître était lui aussi à Cabestan. Le Diablotin avait gardé de l'homme une image sympathique : un Paladin qui mène en bateau et torture psychologiquement un Démoniste de la Horde a forcément un bon fond !
Pardon, un "mauvais" fond…
Et surtout, Abatik pensait qu'il était sûrement moins bête qu'il n'en avait l'air...
Le Diablotin se dirigea donc vers l'auberge.
Les écuries lui confirmèrent la présence du Paladin.
Nonchalamment affalé dans une litière, un énorme tigre somnolait.
Une écuelle dans laquelle on aurait mis un cheval se trouvait à portée de patte, et débordait littéralement de viande.
La sérénité de la scène vola soudain en éclat quand parut Edualk.
- C'est bon ? T'es content ? T'as tout ce qui faut ?
- Mrrr...
- Tu me diras quand t'auras fini, hein ?
- Rrrr...
- J'aurais jamais cru ça de toi… Tricher aux dés… C'est nul !
- Hrrr hrrr hrrr…
- Je sais pas ce qui me retient de te faire cuire à la broche...
- Graou.
- Si, j'ai le niveau en cuisine ! En plus, t'es bien content quand je m'esquinte à te faire à manger !
- Maow !
- Si c'est dégueulasse, pourquoi t'en redemandes ?
- ...
- T'as raison, tais-toi, tu m'énerves... T'es qui toi ?
Abatik retourna subitement à la réalité. Malgré son camouflage furtif, le Paladin l'avait repéré.
- Euh... Je ne suis qu'un humble Diablotin qui a perdu son Maître, noble seigneur.
- Tu sais quoi ? Ca marcherait mieux sans le noeud rose.
Abatik hésita et, lentement, ramena sa main sur sa tête... où trônait un magnifique noeud rose. Il se souvint brusquement qu'il avait le même à Baie du Butin, quand il avait rencontré Edualk pour le plumer.
Moins bête qu'il n'en a l'air…
- Alors, comment va le sac d'os ? Toujours pas Maître du monde ? Je pense pas, sinon j'en aurai entendu parler, non ?
Abatik hésita encore. C'était un Paladin de l'Alliance, donc techniquement doublement un ennemi. Mais en même temps, c'était un tordu et Abatik avait besoin d'aide.
Surtout que la petite idée qu'il avait en tête lui faisait des appels du pied insistants, et que si cela se vérifiait, Edualk serait utile.
Le Diablotin choisit donc, après avoir pris une profonde respiration, d'être franc avec lui.
Après tout, c'était quand même la famille, non ?
Loin de là, à Ragefeu, Moustaches dressa les oreilles et fronça le museau. Ca y était. La rencontre avait eu lieu, comme prévu. Ne restait plus qu'à attendre…
Puis le rat s'assit pour attendre le Démoniste qui venait encore une fois de mourir.
***
Chapitre 35 : Mercät
- … et là la petite souris dit : oui mais moi j'ai été malade.
Toute l'auberge de Lune d'Argent éclata de rire tandis que Mercät faisait le tour de la scène en battant des ailes comme un poulet.
Vimayre secoua la tête. Un spectacle comique par un Elfe de Sang… Il devait sûrement exister pire supplice dans l'univers, mais de peu.
Vimayre attendit donc dehors que le spectacle se termine, puis rentra à nouveau lorsque le public commença à sortir.
- C'est vous Mercät ?
- Le seul et l'unique ! Vous voulez un autographe ? C'est pour qui… dam ? Vous avez compris ? Quidam ? Je suis génial !
- En fait, je suis un Contrôleur Principal…
- … sambleu ! Palsambleu ! Vous avez compris ?
- Et je suis ici…
- … phon ! Siphon ! Vous avez compris ?
Vimayre sentit son mal de crâne revenir à toutes jambes.
- Soit vous arrêtez de suite, soit je…
- … de main ! Jeu de main ! Vous avez compris ?
- … serais dans l'obligation de me penchez sur vos déclarations. Car vos spectacles sont déclarés, n'est-ce pas ?
Mercät faillit répondre "-tisserie", ce qui aurait fait un super jeu de mots, mais quelque chose lui souffla que ce n'était peut-être pas le moment.
- Euh… Vous voulez quoi ?
- Llégion. Un Démoniste Mort-Vivant. Vous l'avez accompagné à Ombrecroc.
- … quignolesque. Croquignolesque ! Vous avez comp… Hum… Oui, je le connais. Une prestance royale, un front d'intellectuel, et l'air très intelligent. On s'est quitté après qu'il m'ait aidé à tuer un sale type sans humour.
- Et il est parti où ?
- … rs en peluch… Hum… J'ai entendu parler d'un nouveau démon. Fossoyeuse sûrement.
Vimayre soupira. Il y avait peu de choses plus détestables que les Morts-Vivants, et malheureusement les Elfes de Sang en faisaient partie.
***
Chapitre 36 : Le charme de la vie à deux
- On a un souci, Monseigneur. Un gros.
- Tu vas me raconter ça autour d'un verre, petit. Et ton nom, c'est quoi ?
- Abatik, Monseigneur. Et je ne bois pas.
- Laisse tomber le protocole, Aba. T'as pas idée à quel point ces trucs-là me gonflent...
- D'accord, m'sieur. Si vous permettez, vous êtes assez... original pour un Paladin. Je suis un démon, vous savez.
- Tu dis ça parce que tu connais pas la famille. Je peux t'assurer que ton Maître ne fait pas tâche. Au contraire. Son frère était lui aussi bien atteint, mais dans un genre... différent.
- Son frère, m'sieur ? Mon Maître a un frère ?
- "Avait". Il doit être mort depuis le temps. Quant à son histoire... Papy me l'a raconté. J'te raconterai un jour. Comme ça, t'auras un peu moins honte de ton Maître. Bon, sinon, tu cherches qui au juste ?
Abatik tiqua. Il n'avait pas parlé de chercher quelqu'un. Comment avait-il deviné ?
Oui, vraiment moins bête.
- Nous avons, comment dire… "égaré" notre Succube, m'sieur. Elle s'appelle Selneri, et il semble qu'elle soit venue ici il y a deux jours.
- Une Succube ? Ce vieux sac d'os s'est dégoté une Succube ? Ben y s'emmerde pas ! Finalement, il se débrouille pas trop mal, apparemment…
- C'est pas aussi simple, m'sieur. Ca l'est jamais avec mon Maître. Seln est du genre "gentille". Et aussi capricieuse et boudeuse. Une sorte de gamine, m'sieur. D'où sa fugue.
- Gentille ? Une gamine ? Pas du genre rural, je suppose ?
- C'est rien de le dire, m'sieur.
- Cherche plus, je sais où elle est. Mais ça va pas être simple. Pas du tout même.
- Ca n'aurait pas un rapport avec la présence de tous ces aventuriers ici, m'sieur ? Et le fait qu'il n'y ait aucune fille ?
- T'es un malin, Aba. Oui, y'a un lien. Un truc s'est produit à Hurlevent.
Le silence se fit brusquement dans l'auberge pourtant bondée. Quelques aventuriers couturés de cicatrices se mirent à pleurer. Devant le comptoir, un gigantesque Prêtre Draenei portant la marque de l'Aldor se mit à trembler et à se mordre le poing, tandis qu'un de ses amis essayait de le calmer.
Tous les regards étaient braqués sur Edualk et le Diablotin. Un Elfe, nonchalamment assis à la table voisine, commença à parler.
- C'est arrivé soudainement, petit. Aucun avertissement. Mais "elles" savaient. Et quand la chose s'est produite, "elles" étaient prêtes.
- "Elles", Monseigneur ?
- Oui, petit. Nos compagnes. Nos sœurs. Nous avons à peine eu le temps de nous enfuir dans le seul lieu où on ne risquait rien, à Cabestan.
- Mais… de quoi parlez-vous, Monseigneur ?
- Un truc de filles, Aba. Le genre qui truc à faire fuir tous les mâles.
L'Elfe interrompit Edualk.
- Tu peux parler, Edualk. Tout le monde sait que t'as jamais été foutu de te dégoter une fille. Alors les avis d'un célibataire… Tu connais rien à ça. A se demander ce que tu fous là, d'ailleurs.
- Vas-y, dis-le plus fort ! J'ai une réputation à tenir, moi !
L'Elfe regarda Edualk les yeux écarquillés, puis éclata de rire en même temps que toute la salle.
Mais Abatik plomba à nouveau l'ambiance.
- Euh… On parle de quoi exactement, Monseigneur ?
L'Elfe plissa les yeux et soupira. Les aventuriers autour d'eux se mirent à regarder leurs pieds d'un air gêné. On entendit un gloussement hystérique venant du fond de la salle, tandis qu'un Gnome se remettait à pleurer silencieusement.
- Je parle de… *profonde respiration* des…
- Non ! Ne prononce pas le mot ! cria une voix dans la foule
- … Des soldes, petit.
Un silence de mort accueillit les paroles de l'Elfe. Celui-ci voulut se servir un verre de vin, mais sa main tremblait tellement qu'il en renversa la moitié à côté.
Abatik regarda les hommes qui l'entouraient. Uniquement des vétérans, tous lourdement équipés avec le meilleur matériel glané sur les champs de bataille d'Azeroth ou en Outreterre.
Tous tremblant comme des feuilles.
Le Diablotin regarda Edualk, qui hocha la tête avec sérieux.
- Attendez, les gars… Messeigneurs. Vous vous êtes enfuis de Hurlevent parce que ce sont les soldes ?! Vous ?! La fine fleur de l'élite de l'Alliance ?!
L'Elfe reposa brutalement son verre sur la table, en en cassant le pied.
- Tu n'y connais rien, petit ! Tu n'as jamais dû suivre ta copine les bras chargés de colis ! Tu n'as jamais dû l'attendre à l'entrée des boutiques pendant qu'elle dépensait ton or durement gagné !
- Moi, j'ai pas pu acheter ma monture à cause de ça, dit une voix.
- Moi, j'ai même dû revendre mon bouclier pour lui payer une jupe, dit un autre.
- Moi, j'ai même dû essayer ses robes pour faire des retouches, et elle ne m'en a même pas laissé une seule, dit un troisième.
Un long silence accueillit cette dernière remarque. Le Guerrier qui l'avait prononcée, un Nain à la longue barbe tressée, rougit sous son heaume de plaques.
- Ben quoi, on fait tout les deux la même taille. En plus, elle m'allait super bien, cette robe. Je veux dire, c'est moi qui l'ai payé et je peux même pas la porter… Pourquoi vous me regardez comme ça, les gars ?
L'Elfe secoua la tête d'un air accablé. Mais discrètement, quelques Guerriers se rapprochèrent du Nain et commencèrent à parler avec lui d'un air intéressé.
- Ne nous dis pas que nous sommes des lâches, petit. Tu ne sais pas. Tu ne peux pas savoir.
- C'est pour ça que nous sommes tous ici, intervint Edualk. Cabestan est tellement pourri qu'elles ne viendront jamais nous chercher ici…
- Pas toi ! cria quelqu'un dans la foule.
- Ta gueule. Ta Succube y est sûrement. Elle a probablement pris le bateau vers Baie du Butin, puis de là est remontée vers Hurlevent.
- Donc je dois y aller, m'sieur.
- Tu vas te faire massacrer, Aba. Les gardes sont très nerveux depuis le dernier raid de Hordeux. Surtout que ce sont les filles qui les ont massacrés…
- J'ai pas le choix, m'sieur. Mon Maître va piquer sa crise si je reviens les mains vides.
- Et je suppose que tu vas me demander un coup de main ?
- Ben oui, m'sieur. C'est pour la famille.
Edualk sourit avant de vider sa chope de bière.
Près du cimetière de Durotar, attendant le Démoniste, Moustaches sourit. Il était assez fier de ce coup-là, et les suites risquaient d'être amusantes.
Puis le rat se gratta l'oreille.
***
Chapitre 37 : Fossoyeuse encore
- Tiens, te voilà de retour, petit.
Vimayre essora sa chemise et prit quelques secondes avant de répondre. Quand il avait su que Llégion était retourné voir la Maîtresse des Démonistes de Fossoyeuse, il s'était précipité pour la voir, passablement énervé.
Et Lucifer, son démon personnel, l'avait intercepté et plongé par les pieds dans le canal. Apparemment, ce n'était pas la première fois qu'il agissait ainsi.
- Il semblerait que mon client soit revenu vous voir, Madame. Une seconde fois.
- Vraiment ? Cela m'aura échappé. Je vois tellement de Démoniste, sans parler des importuns.
La Démoniste lui lança un regard éloquent, tandis que Vimayre sentit Lucifer se placer derrière lui.
- Si vous pouviez me dire où il est reparti, Madame, je vous en serais très reconnaissant.
- Tu te maîtrises mieux que lui, petit. Il a plutôt mal pris la procédure à suivre pour invoquer sa Succube.
- Et quelle est-elle, Madame ?
- Il a dû aller me chercher deux cœurs. Celui du capitaine du Mur de Grisetête, et l'autre dans la poitrine d'un Humain au viaduc de Thandol. Un voyage des plus… agréable, pourtant.
- Il est allé vous les chercher puis vous les a ramenés, Madame ?
La Démoniste sourit avec cruauté sans répondre. Vimayre songea un instant à insister, mais se dit que ce ne serait pas une bonne idée. Surtout pour son avancement.
- Je vais donc commencer par Grisetête, Madame.
- Une bonne idée, petit. Et soit poli avec eux. Ils seront peut-être un peu agacés. Bizarrement, les Humains de l'Alliance semblent peu apprécier de se faire arracher le cœur par les Démonistes de la Horde.
Vimayre faillit faire une remarque, mais la garda pour lui. De toutes façons, il allait devoir retourner la voir, alors…
***
Chapitre 38 : Vers Hurlevent et au-delà !
La supposition du Paladin était juste. Le patron des quais de Cabestan confirma que Seln avait pris le bateau vers Baie du Butin la veille.
Les deux compères partirent donc vers la ville principale de Strangleronce. A l'auberge, un Gobelin se souvenait de la Succube, vu qu'il lui avait mis la main aux fesses.
Tout en grimaçant sous ses bandages, le Gobelin leur apprit que Seln avait trouvé un cavalier pour l'emmener jusqu'à Sombre-Comté, dans le Bois de la Pénombre.
La route du Nord était longue. Heureusement Tigrou – la monture du Paladin – était d'humeur à les transporter. Surtout, Abatik lui avait expliqué entre quatre yeux ce qui risquait de lui arriver s'il refusait de les aider.
Il avait même fait les gestes pour être sûr d'être compris.
Tigrou avait parfaitement compris.
Ils retrouvèrent assez vite le cavalier, près de l'arène de Strangleronce. Installé sous un arbre, il soignait de profondes coupures manifestement provoquées par un fouet.
Il expliqua à un Edualk goguenard qu'il y avait eu un "quiproquo" avec la Succube et que celle-ci était repartie à pied vers le Nord.
Nos deux compères repartirent donc, après que le Paladin ai réussi à reprendre son sérieux…
Ils croisèrent un autre Paladin sur la route, un vieil ami d'Edualk. Les deux hommes commencèrent à se raconter leurs exploits récents, et grâce à lui Abatik apprit que Seln était passée par le camp des chasseurs, au nord de la région.
Le Diablotin commença à imaginer la raison de ce détour, et arrivé au camp, ses impressions se confirmèrent.
La Succube avait attaqué et ravagé le camp, et mis une dérouillée aux chasseurs qui avaient osé s'en prendre "aux mignons petits animaux de la forêt".
Le Nain qui les commandait avait dû promettre d'abandonner la carrière et de se reconvertir dans la menuiserie. Il n'était pas encore sûr d'avoir vraiment menti pour sauver sa peau, et avait par prudence commandé des outils à Baie du Butin et commencé à abattre quelques arbres…
Il leur appris aussi qu'une Démoniste qui passait par là s'était proposée de l'amener jusqu'à Hurlevent. Le Nain avait juste entendu parler d'une histoire de salaire, ou de solde, un truc dans le genre.
Mais en tout cas, la Démoniste avait l'air très excitée – tout comme la Succube…
Ils retrouvèrent la trace de la Démoniste près du pont séparant Strangleronce du Bois de la Pénombre.
La jeune femme, les habits déchirés et l'air très énervée, passait un savon à une Succube – pas Seln, mais celle de la Démoniste – elle aussi très remontée et couverte de coupures de fouet.
Laissant Edualk se rincer l'œil – les habits de la Démoniste était vraiment très déchirés – Abatik interrogea les deux femmes. Il apprit ainsi que Seln et sa consoeur s'étaient vite pris le bec pour une sombre histoire de marque sur les fesses et que la monture de la Démoniste en avait profité pour reprendre sa liberté.
Il apprit aussi que Seln avait continué à pied vers le nord.
Le Bois de la Pénombre aurait vraisemblablement plu à Llégion. Sombre, glauque, suintant la peur, la région était envahie par les morts-vivants et diverses créatures agressives.
Malheureusement, seule l'Alliance y avait une zone sous contrôle, un village à l'est, sur la route des Terres Foudroyées.
Edualk et Abatik y retrouvèrent un Voleur humain qui avait proposé à la Succube de l'accompagner. Vu son état il avait manifestement voulu faire le malin avec sa compagne d'un jour.
Le corps lardé de coups de fouet, et affligé d'une étrange voix de fausset, il soignait ses blessures, issues d'une main baladeuse, à l'auberge de Sombre-Comté. En gémissant, il leur appris que Seln avait continué vers le nord, vers la Forêt d'Elwyn et donc vers Hurlevent.
Abatik commençait à se dire que la Succube n'était finalement peut-être pas si "gentille" que ça, et prit mentalement note de prévenir son Maître de ne pas lui manquer de respect…
Edualk, quant à lui, semblait s'amuser de leur équipée. De temps en temps, il s'éloignait pour aller tuer quelques créatures en vadrouille, et revenait avec un grand sourire en essuyant sa lame.
Abatik avait rencontré beaucoup de Paladins dans sa carrière. Très – trop – souvent d'une manière brutale et meurtrière. Meurtrière pour lui-même. Celui-ci était apaisant et ne se prenait pas au sérieux, ce qui le changeait de son ordinaire, et aussi de Llégion.
Les deux compères, maintenant devenus copains comme cochons, continuèrent leur route jusqu'à la Comté de l'Or, petit bourg où traînaient toujours quelques aventuriers débutants, ainsi que des vétérans venus uniquement pour mettre des claques aux premiers et pour jouer les fiers-à-bras auprès des demoiselles impressionnables.
Mais cette fois-ci, l'endroit était désert. Ils remarquèrent quand même un Voleur planqué dans un buisson près de la route, qui leur fit de grands signes paniqués quand ils s'arrêtèrent à côté de lui.
Pendant qu'Edualk faisait semblant de rajuster ses bottes, le Voleur leur apprit qu'il se cachait là depuis l'ouverture des soldes. En effet, les aventurières qui avaient investi Hurlevent faisaient des raids réguliers dans la Forêt d'Elwyn pour rafler tous les mâles ayant le malheur de se trouver là, pour les aider à porter leurs paquets, donner leur avis sur de nouveaux habits et autres activités abominables.
Le Voleur avait échappé aux rafles, et avait surtout vu passer Seln qui courrait vers la cité des Hommes.
Traversant le bourg déserté et aux maisons calfeutrées, Edualk et Abatik se dirigèrent, avec quand même une certaine appréhension pour Edualk, vers Hurlevent, capitale des Hommes, cité de l'Alliance et foyer de la Grande Quinzaine des Affaires…
Confortablement installé sur le cadavre d'un Orc, loin de là, à Ragefeu, Moustaches regardait Llégion en train de passer un savon à Mezz, pour la 17e fois de la journée. De toutes façons, tout se déroulait correctement.
Puis le rat se mit sur le dos et commença une sieste.
***
Chapitre 39 : Le Mur de Grisetête
- Eh Robert, les latrines ont été vidées ?
- Non, chef !
- Extra ! On va peut-être les remplir encore une fois…
Le capitaine de l'Alliance commandant la garnison de Grisetête se retourna en souriant vers Vimayre. Il était entouré d'une dizaine de soldats peu aimables, et seule la vue des papiers du Tauren l'empêchait manifestement de le mettre en pièce.
- Je recherche un Démoniste de la Horde, un Mort-Vivant. Il a dû venir ici pour arracher le cœur d'un de vos prédécesseurs.
- Foutus Démonistes. A chaque fois ils nous font le coup. Heureusement qu'on en chope certains, ça permet de se détendre en les balançant dans les latrines. Hein, Robert ?
- Oui, chef ! Même qu'on en a eu 87 ce mois-ci, chef !
- Je vois… Et pour mon client ? Il s'appelle Llégion.
- Eh, Robert ! Llégion, tu connais ?
- Oui, chef ! Un con pareil, j'avais jamais vu, chef ! Grand et chauve, chef ! On l'a démolis et balancé dans les latrines, chef ! Mais il a eu le chef, chef !
- Et il est parti vers où ?
- Le Mur de Thoradin, chef ! Il a dû aller se faire démolir en Arathi, chef !
Le capitaine hocha la tête vers Vimayre.
- Et il a fait quoi, à part exister, ce salopard ?
- Faut le démolir et le balancer dans les latrines, chef !
- Des arriérés d'impôts. Beaucoup.
- Je sais que vous êtes un salopard de Hordeux, Tauren…
- Et on les aime pas, chef !
- Mais démolissez-moi ce salopard, OK ?
- Faut le balancer dans les latrines, chef !
Vimayre se força à sourire.
- Comptez sur moi, capitaine. Mais d'abord, j'ai des liquidités à récupérer.
- Faut le faire avant de le balancer dans les latrines, chef ! Sinon, vous reconnaîtrez pas les bonnes liquidités, chef !
- Robert, ta gueule.
- Oui, chef !
Vimayre fit demi-tour et se dirigea vers l'est. Arathi… Gros morceau…
***
Chapitre 40 : La Cité des hommes perdus
Etonnamment, Abatik n'avait jamais eu l'occasion de se rendre à Hurlevent. Mais il en avait beaucoup entendu parler, et avait hâte de voir cette cité si fameuse dans tout Azeroth.
Ce qu'il vit, une fois les portes passées, le surpris malgré sa préparation, et fit hésiter Edualk.
L'entrée de la fière cité était déserte. Aucun garde, aucune présence humaine si ce n'est un cul-de-jatte qui les apostropha en les voyant.
- Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance, pauvres mortels. Fuyez, ou cette ville sera votre tombeau !
Edualk s'arrêta.
- Comment ça se fait que tu sois encore ici, toi ? Tu es un homme, non ?
- C'est-à-dire plus, comme qui dirait, techniquement, messire Paladin. Y'a pas qu'mes jambes que j'ai perdu, comme qui dirait, comme membre, si vous voyez ce que j'veux dire…
- Oh. C'est moche.
- Mais j'me plains pas, messire. Vu que j'suis le seul, comme qui dirait, "non-femme" de la ville à chaque Quinzaine des Affaires, et que si j'ai plus de, comme qui dirait, virilité, j'ai encore des yeux et vu que comme y'a plus d'hommes, les bonnes femmes font moins, comme qui dirait, gaffe, ben… je profite de la vue, comme qui dirait.
- "Font moins gaffe" ? C'est-à-dire ?
- Y'a des endroits, messire, où elles se baladent, comme qui dirait, quasiment à poil. Rapport qu'il faut, comme qui dirait, essayer des trucs et qu'avec des vêtements sur le dos, c'est, comme qui dirait, pas pratique.
- ... Argh…
- Respirez, m'sieur, vous devenez bleu.
- … Effectivement, Aba, faut que je vois ça… Pour l'intérêt scientifique, hein…
- Bien sûr, m'sieur…
- Ca c'est, comme qui dirait, une bien mauvaise idée, messire. Les bonnes femmes sont, comme qui dirait, complètement folles lors de la Quinzaine.
- Je pense à quelque chose, intervint Abatik qui voyait un grand sourire apparaître sur le visage du Paladin. Et les vendeurs ? Ce ne sont pas des hommes ?
- Ben non, p'tite crotte. Ce sont, comme qui dirait, des vendeurs. Des "ça", pas des, comme qui dirait, "ils".
Abatik choisit de ne pas relever le "p'tite crotte". Et arrivé à ce stade, et voyant Edualk regarder d'un air rêveur en direction de la ville, Abatik décida d'abandonner la conversation avec le semi-homme.
Par contre, bien que l'entrée soit déserte, il y avait fort à parier que les rues de la cité seraient remplies de femmes. Et donc qu'Edualk risquait d'avoir des ennuis…
- Bon, il nous faut un plan pour entrer, m'sieur. Et il se trouve que j'ai ma petite idée…
- Pas question, Aba.
- Vous ne savez même pas quel est mon plan, m'sieur.
- Tu veux que je me déguise en femme. C'est hors de question, et en plus je suis barbu. Ca marchera jamais.
- Avec un masque, m'sieur, et une robe…
- Oublie ça, j'ai dit.
- … vous pourrez vous promener tranquillement dans les rues et fouiller les cabines d'essayage des boutiques où Seln se trouve sûrement…
- …
- Respirez, m'sieur, vous devenez bleu.
- … Tu m'as convaincu, Aba. Le temps de trouver une robe et on y va…
Dix minutes plus tard.
Abatik regarda d'un œil inquisiteur le Paladin devant lui. Il avait troqué sa "tenue de route" (un assortiment d'habits en tissu glanés dans divers donjons) pour une discrète mais élégante robe de soie.
Pour cacher sa barbe, il avait bricolé un masque constellé de paillettes avec une capuche d'un vert pomme du plus bel effet.
Une rose rouge piquée sur le devant de la robe donnait la petite touche féminine au tableau.
Avec un peu de fard à paupières, il donnait l'impression d'être une de ces discrètes et mystérieuses femmes voilées des îles du sud, dont le seul regard peut parait-il damner un homme.
Le plus étonnant, c'est que le Paladin avait dans ses sacs tous ces éléments. Tigrou avait d'ailleurs secoué la tête d'un air las en le voyant les sortir.
- Un truc à savoir, Aba. Un aventurier digne de ce nom doit être prêt à toute éventualité.
- Raow grow…
- Même pas vrai ! Tout ça parce que je suis un galant homme…
- Rrrr.
- Offrir des petits cadeaux aux jeunes débutantes n'est pas interdit, que je sache.
- Pfrrr...
- Jaloux.
- Euh… On va peut-être y aller, m'sieur ? Mon Maître va finir par se poser des questions, et j'entends des pas de gardes…
C'est donc un Edualk grimé en femme, accompagné d'un Abatik pas franchement rassuré, qui entra dans la fière cité de Hurlevent, temporairement capitale de la Grande Quinzaine Commerciale.
Loin de là, à l'entrée de Ragefeu, Moustaches regardait Llégion faire le tri du butin récupéré dans le gouffre. Il fallait maintenant savoir si la suite allait se dérouler selon son plan.
Puis le rat pissa sur un garde qui passait par là.
***
Chapitre 41 : Le Viaduc de Thandol
- Hem… Heu… C'est vous, pour la… hem… enfin… la Succube ?
Vimayre dut dresser l'oreille pour entendre le dernier mot, que l'Humain avait à peine murmuré.
Petit, l'air d'une fouine, et vêtu d'un imperméable informe, il se tenait caché derrière un des blocs de pierre jonchant les alentours du viaduc de Thandol.
Et avait l'air extrêmement gêné.
- Vous attendez un Démoniste ? Pour une Succube ?
- Chhh…. Pas si fort ! C'est-à-dire… Vous n'êtes pas Démoniste ?
- Bien vu. J'appartiens à la Confrérie des Collecteurs.
L'Humain enfouit son visage dans ses mains en gémissant.
- C'est pas vrai… Pour une fois que je fais un truc de ce genre, je me fais prendre. Vous n'allez rien dire à ma femme ? Hein ?
Vimayre eut la tentation de profiter de la situation, mais l'air malheureux du bonhomme lui fit pitié.
- Je cherche un Démoniste, un certain Llégion. Apparemment, il a dû "rencontrer" quelqu'un ici il y a quelques temps. Quelqu'un dans votre genre.
- C'est-à-dire, je ne connais pas grand monde, c'est la première fois…
- Je peux vérifier, vous savez.
- Euh… En fait, un de mes amis, je veux dire, je le connaissais pas vraiment, on s'est rencontré une fois, dans la boutique, je veux dire… Enfin…
- Oui ?
- Il m'a dit qu'il devait rencontrer un Démoniste, un grand type sympathique, un peu dégarni et discret. Je crois que c'était votre Llégion. D'ailleurs, c'est bizarre, depuis, je ne le vois plus à la boutique… je veux dire, si j'y allais régulièrement, je ne le verrais plus… Enfin…
- Et vous ne savez pas si ce Démoniste avait autre chose de prévu ?
- Il avait un rendez-vous à Fossoyeuse ensuite. C'est pour ça qu'il ne pouvait pas rester.
- Merci du renseignement. Au fait, si j'étais vous, j'oublierai cette histoire de Succube. Ca risque de vous arracher le cœur…
Souriant de son bon mot et de l'air interdit de l'Humain, Vimayre repartit donc vers Fossoyeuse… comme il s'en doutait depuis le début.
Foutus Morts-Vivants…
***
Chapitre 42 : Les voyages forment la jeunesse
Llégion était affalé contre un des murs de la banque d'Orgrimmar. Il avait fini par nettoyer Ragefeu et par tuer les invocateurs Orcs qui avaient choisi de trahir leur race.
Cela n'avait pas été sans mal. Llégion était mort vingt-trois fois, et Mezz trente-quatre. Mais le butin récupéré compensait l'effort et les dix-neuf heures passées dans le gouffre.
Malgré tout, le Démoniste avait le bras engourdi à force de manier sa baguette, et Mezz était devenu à moitié sourd à force de se faire invoquer par son Maître.
Restait un détail : récupérer Seln et Abatik, dont il était sans nouvelles.
- Mezz, t'aurais pas une idée de où pourrait être Abatik ? Ca fait un moment qu'il devrait être revenu.
- (voix caverneuse) Abatik m'a envoyé un message par voie démoniaque, Maître. Il a retrouvé la piste de Selneri, mais il lui faudra un peu de temps pour nous rejoindre.
- Par la malepeste ! Je lui avais dit de ne pas traîner ! Bon, autant en profiter pour faire un tour au sud des Tarides. J'ai toujours ce foutu message urgent à livrer, le Tauren va finir par se vexer.
- (voix caverneuse) D'autant que vous deviez le livrer il y a un mois, Maître...
- Rien à foutre. De toutes façons, ce n'est qu'un Tauren.
- (voix caverneuse) Et que ferons-nous ensuite, Maître ? Puis-je vous rappeler que vous aviez promis à Selneri de l'emmener à Lune d'Argent ?
- D'abord Fossoyeuse, Mezz. Je devrais avoir le niveau pour retourner voir l'autre conne au Temple. Je suis curieux de voir le nouveau démon que je vais pouvoir invoquer... Bon, on y va.
- (voix caverneuse) Puis-je vous suggérer de faire attention au bas de votre robe, Maître, vous allez march... trop tard.
- RHHHAAA !!! Par la malepeste ! Ras-le-bol !
- (voix caverneuse) Puis-je vous suggérer de reprendre votre respiration, Maître ? Vous commencez à prendre une teinte bleutée.
Llégion et Mezz prirent donc un vol pour la Croisée, où ils purent profiter d'une pause des manifestations pour se rendre par la route vers le sud.
Au passage, Llégion fit un carnage de Nains dans une carrière pour un Tauren qui, apparemment, passait sa vie à se promener sur la Route de l'Or.
- Foutu pays. Heureusement qu'on est tombé sur ces rase-bitumes. Ca m'a détendu d'en tuer, et en plus ce Tauren m'a payé pour ça !
- (voix caverneuse) ...
- Range ton bouquin, Mezz. On a de la route à faire.
- (voix caverneuse) Je suis sûr d'avoir vu un article contre ce genre de choses, Maître.
- Par la malepeste, arrête de bouder ! J'ai réussi à vider ce coffre sans que ces Nains ne puissent s'y opposer, c'est tout ce qui compte.
- (voix caverneuse) Vous m'avez envoyé me faire tuer pour pouvoir accéder à ce coffre, Maître. Encore une fois. Je suis sûr que le Code d'Invocation interdit ce genre de choses.
- Mezz, tu m'emmerdes. N'oublie pas que j'aurai bientôt un nouveau démon, plus puissant que toi. Donc, tiens-toi à carreau, tu veux ?
- (voix caverneuse) … Oui, Maître…
Le garde Tauren à qui Llégion devait livrer le message à l'entrée des Mille Pointes venait juste de se faire tuer par des Allianceux de passage.
Le Démoniste en profita pour laisser le pli sur son cadavre et pour filer en douce. Il avait en effet ouvert l'enveloppe lors d'un moment d'ennui, et n'avait pas envie d'être là quand le Tauren apprendrait qu'il pouvait enfin prendre ses premières vacances depuis dix ans.
Mais que la date était dépassée depuis trois semaines à cause du retard pris par le Démoniste…
Llégion retourna ensuite sur Orgrimmar. L'inconvénient de devoir se rendre à Fossoyeuse pour apprendre de nouvelles invocations, c'est qu'il fallait se rendre à Fossoyeuse, ce qui prend un certain temps quand on vient du fin fonds des régions perdues de Kalimdor.
…
Un heure plus tard, au Temple de Fossoyeuse.
- Bonjour, Madame. Est-ce que votre démon pourrait me reposer, Madame ? Pardon, Madame.
- Hmmm… ? Ah, oui, je ne t'avais pas vu, petit. Alors, tu viens pour un nouveau démon ? Tu progresses vite, petit… On dirait moi à ton âge…
- Oui, Madame. Merci, Madame. Je ne suis qu'une larve, Madame. Et pour votre démon, Madame… ?
- Lucifer, repose cet imbécile. Au fait, petit, j'ai oublié de te dire, tu n'es pas obligé de venir à chaque fois jusqu'ici. Mon confrère d'Orgrimmar peut t'apprendre lui aussi les secrets de notre art.
- Oh. A Orgrimmar. Oh.
- Surtout que cette fois-ci, ce n'est pas moi qui vais t'enseigner. Je déteste ces sales bêtes de Chasseurs Corrompus, ça pisse partout, ça bave et ça passe son temps à dormir et à manger.
- Ah. Et où dois-je me rendre, Madame ? Pardon, Madame.
- A Cabestan. Tu demanderas à voir l'ivrogne, c'est elle qui sait comment invoquer ces sales bêtes… C'est normal que tu deviennes bleu, petit ?
- (voix caverneuse) Puis-je vous suggérer de reprendre votre respiration, Maître ? Vous commencez à prendre une teinte bleutée.
- Rhhhaaa. Par la malepeste. Pardon, Madame. C'est seulement que j'en viens, Madame.
- Et tu as réussi à garder ton calme ? Tu m'impressionnes, petit. A croire que tu progresses vraiment…
- Merci, Madame. Je vais y aller alors, Madame. Pardon, Madame.
Llégion et Mezz s'éloignèrent donc vers le centre de Fossoyeuse.
- Elle ne nous entend plus, Mezz ?
- (voix caverneuse) Je ne pense pas, Maître. Puis-je abonder dans ce que vous a dit cette noble Dame ? Votre sang-froid…
- RHHHAAA !!! PAR LA MALEPESTE !!! PUTAIN DE SALOPERIE DE BORDEL DE CHIERIE DE CONNASSE DE MERDE !!! RRRHHHAAA !!!
- (voix caverneuse) Maître ? Maître ! Oh non, il a craqué ! Abatik ? Tu m'entends ? Notre Maître fait une crise !
- Gzzz… Rzzz… Allo ? Allo ? Oui, je t'entends, Mezz. Mais on avait dit qu'on utilisait pas la communication à longue distance…
- (voix caverneuse) Il fait une crise, Abatik ! Il est devenu violet !
- Gzzz… Rzzz… Allo ? Violet ? C'est que c'est grave, alors. Ne bouge pas, Seln et moi on arrive.
Moustaches secoua la tête d'un air accablé. Le Démoniste était des plus utile, mais parfois, il regrettait l'"autre".
Puis le rat pissa sur le Démoniste en convulsions.
***
Chapitre 43 : La Succube
- Te revoilà donc, petit. Si je m'attendais…
Vimayre était trop las pour relever. Et il devait songer à son avenir.
- En effet, Madame. Llégion serait-il, par hasard, revenu vous voir après être allé chercher les cœurs pour la Succube ?
- Toujours aussi hypocrite, petit. Et en plus tu gardes ton calme. Je pense qu'un avenir prometteur t'attend dans la Confrérie… même si tu détestes les Morts-Vivants.
- Et donc, Llégion, Madame ?
- Toujours ton grand chauve peu futé ? Je lui ai effectivement appris à invoquer une Succube, grâce à son goupillon ouvragé démonique d'élégance.
- Un goupillon ouvrag… Je vois. Très élégant. Madame.
- Je pense qu'il n'a pas encore compris, petit. De toutes façons, il est tombé sur Selneri. Ca ne risque donc pas de lui servir beaucoup…
- Selneri, Madame ?
- Une "Succube". Plus décorative qu'utile, "ils" s'en sont débarrassé en l'envoyant à ton client. A mon avis, plus apparentée aux Elfes de Sang qu'aux démons.
- C'est-à-dire, Madame ?
- Une dinde, petit. Capricieuse, boudeuse… Elle n'est même pas diplômée.
- J'ignorais qu'il y avait des diplômes pour ce genre de… choses, Madame.
- Les démons adorent la paperasse, petit. Même plus que nous.
Vimayre ne fut pas surpris. Après tout, il avait beaucoup étudié pour en arriver là où il était, et avait appris que la Confrérie avait été créée à l'origine sous le patronage d'un démon du nom de Physkal, un des rares à être passionné par la comptabilité.
C'est lui qui, d'après la tradition de la Confrérie, avait établi les règlements et formulaires toujours en vigueur maintenant.
- Et sauriez-vous, par hasard, où il est parti ensuite, Madame ?
- Essaie au moins de faire un effort pour cacher ton mépris, petit. Cela ne me gêne pas, au contraire, mais d'autres pourraient mal le prendre. Et il est parti en Kalimdor, vers les Tarides.
- Merci de vos informations, Madame.
- N'oublie pas ce que je t'ai dit sur la Succube, petit. Va voir du côté des boutiques locales.
Vimayre grimaça. Des boutiques, dans les Tarides ? Ca allait être simple…
S'il avait pris l'ascenseur situé près de l'auberge, Vimayre aurait sûrement – peut-être – remarqué un petit attroupement autour d'un corps allongé.
Il aurait peut-être aussi fait le rapprochement entre le Mort-Vivant allongé et sa cible.
Et, avec de la chance, il aurait pu mettre la main sur Llégion. Et s'épargner bien des tracas.
Mais Vimayre prit l'ascenseur opposé. Et ne vit donc pas Llégion.
Comme quoi, ça tient parfois à presque rien. Ou alors, c'est simplement l'application de la loi de l'emmerdement maximum…
***
Chapitre 44 : Trente millions d'amis plus un
- Tu ne le trouves pas TELLEMENT mignon, mon doudou ? Et puis il est TELLEMENT affectueux. Hein que c'est le toutou à sa maman, hein… regarde-le, mamour, il sourit !
Llégion lança un regard noir au… à la… au "truc" dans les bras de Seln.
Les deux derniers jours avaient été plutôt agités. Le Démoniste avait dû garder la chambre sur ordre de l'apothicaire, qui lui avait aussi imposé de lever le pied sur la conquête du monde s'il ne voulait pas passer du stade "Génie du Mal" à celui de "Fou Démoniaque".
Et sa crise avait effectivement été violente. Même les caresses de Seln n'avaient pas réussi à le calmer, et Abatik avait dû se résoudre à contacter un alchimiste pour lui faire une potion de guérison – en réalité un purgatif, mais tous les témoins avaient juré solennellement de garder le silence…
Seln était revenue, et si elle avait retrouvé sa bonne humeur et son enthousiasme, elle continuait à lancer des regards noirs au Démoniste.
Néanmoins, la nouvelle garde-robe qu'elle s'était offerte à Hurlevent lui avait remonté le moral. Abatik avait juste insisté auprès d'elle pour qu'elle évite d'évoquer le sujet des factures, payées grâce à l'or que la Succube avait "emprunté" à son Maître… Celle-ci n'avait pas eu besoin que l'on insiste sur ce point.
Le Diablotin et la Succube avaient aussi inventé une histoire pour justifier leur absence et la garde-robe neuve, sans parler de Hurlevent ni d'Edualk.
Abatik avait parlé pendant une heure, racontant une histoire abracadabrante où intervenaient des pirates, des Trolls et une pelle, mais Llégion s'était contenté de l'écouter en hochant la tête et n'avait pas insisté.
Abatik commençait donc à s'inquiéter de l'humeur de son Maître…
De plus, Seln n'était pas revenue les mains vides. Elle avait récupéré… un Chasseur Corrompu.
Le démon que Llégion était sensé récupérer auprès de "l'ivrogne" de Cabestan.
Celui-ci était une sorte de gros chien écailleux et griffu, du nom de Czaajhom, rebaptisé Zaza par la Succube.
Llégion avait imaginé une sorte de hachoir à viande sur pattes, capable de massacrer les monstres les plus puissants.
Il se retrouvait avec l'équivalent démoniaque du brave toutou, sautillant gaiement partout en remuant la queue et refusant de lâcher Seln d'un pas.
Bien entendu, la sale bête avait essayé de lui arracher la main quand il avait voulu la caresser…
Llégion aurait dû s'énerver, tempêter, hurler, mais il sentait comme une lassitude et après tout, il avait déjà bien à s'occuper avec les trois autres démons… Et puis Seln en était gaga, donc…
- Bon, écoutez tous.
Abatik, Mezz et Seln levèrent la tête – et Zaza la patte, en l'occurrence sur les bottes du Démoniste…
- J'avais prévu de retourner aux Serres Rocheuses…
- Mais mon doudou, c'est TELLEMENT désert là-bas, et en plus…
- … mais on va attendre un peu. On a tous besoin de vacances, moi le premier. Comme j'ai quelques économies, on va en profiter pour faire quelques achats à Lune d'Argent…
Llégion dut s'interrompre à cause des cris de joie de Seln, qui se mit à danser avec un Mezz médusé, tandis que Zaza leur courrait autour en jappant.
Seul Abatik garda le silence, pensant à tout l'or que Seln avait déjà dépensé. Heureusement, Edualk lui avait donné de quoi le rembourser quand il l'avait surpris en train de lui faire les poches…
Vraiment moins bête qu'il en avait l'air, ce Paladin.
Llégion soupira. Oui, il avait vraiment besoin de vacances. Loin de tous ces ploucs qui n'arrêtaient pas de l'utiliser comme larbin. Loin de cette satanée Lizaa qui n'arrêtait pas de le harceler par courrier pour avoir de l'or – " Di, torai pa 1PO ?" – Rhhhaaa !
Et puis qui sait, peut-être Seln serait-elle reconnaissante…
…
- Salutations, ami cadavérique. Comment te débrouilles-tu depuis notre petite expédition à Ombrecroc ?
Llégion mis quelques secondes pour reconnaître l'Elfe de Sang qui l'interpellait à l'hôtel des ventes de Lune d'Argent.
- Oh, seigneur Mercät. Comment allez-vous ?
- A merveille, ami cadavérique. Tu tombes bien, j'ai trouvé une super blague, celle de la dame-pipi et du pianiste de vingt centimètres, tu vas voir, elle est mortelle…
- Je la connais ! Je la connais… Gardez-la plutôt pour un public plus digne de votre talent…
- Je reconnais bien là ta noblesse, mon ami. Et je veux te remercier. Que dirais-tu de rejoindre ma Guilde, les Anges Déchus. Tous de nobles combattants, courageux et sans peur. Mes frères d'arme.
Llégion eut soudain une vision d'horreur. Toute une guilde d'Elfes de Sang amateurs de blagues minables et pédants à l'excès…
- Respirez, Maître, vous devenez …blanc ? (Tiens, je la connaissais pas cette couleur).
- C'est-à-dire, je ne sais pas…
- Je te présenterai à notre chef, Astarod, un Chaman sage et expérimenté – quoique manquant un peu d'humour, à chaque fois que je veux lui raconter une blague, il me donne un coup de poing.
Llégion modifia son opinion. Après tout, les Anges Déchus formaient une des Guildes les plus célèbres et les plus redoutables d'Azeroth. Il risquait même d'y faire tache, vu son niveau encore faible.
Mais au moins, il serait débarrassé des débutants des "Kostos d'Hazerot" – et de la pénible Lizza…
- Par la malepeste, c'est d'accord ! Je suis impatient de rencontrer cet Astarod !
- Et puis ce qui est génial, c'est que ce soir, on fait notre soirée "Bière-foot" hebdomadaire ! Et en plus, cette fois-ci, on a des déguisements !
- Oh. Super…
Moustaches souffla enfin. Jusqu'à ce moment-là, tout pouvait encore rater, mais finalement ses prévisions s'étaient avérées exactes. Comme d'habitude.
Puis le rat fit une culbute sur lui-même.
***
Chapitre 45 : Les Tarides
Les Tarides étaient entièrement bloquées par un mouvement général quoique désordonné de grève. Le plus original, c'est que cela ne touchait pas seulement les humanoïdes, comme les agents de la Kapitalrisk au nord ou la garnison de l'Alliance près de Cabestan, mais aussi la faune locale.
Vimayre avait déjà subi une bonne vingtaine d'attaques de lions rien qu'entre Durotar et la Croisée, alors qu'il était pourtant sur la route. Manifestement, les fauves étaient très énervés et avaient besoin de passer leurs nerfs sur quelque chose.
Et couchées sous les arbres, les lionnes lézardaient sous la chaleur. Elles semblaient même sourire d'une façon ironique, tandis que leurs mâles tournaient autour d'elles sans oser s'approcher.
- "L'alliance, t'es foutue, les Hordeux sont dans la rue !"
- Plus de rage, camarades ! Il faut qu'on vous entende jusqu'à Orgrimmar !
- Excusez-moi…
Les gardes de la Croisée, regroupés autour d'une banderole – "La garde, oui. La mort, non" – se retournèrent vers Vimayre.
- Soutiens notre mouvement, camarade. Pour l'interdiction des raids de l'Alliance sur la Croisée. Signe ici.
- En fait, je cherche un Démoniste du nom de Llégion. Apparemment…
- Ah oui, le grand chauve à l'air con ! Il suit le Délégué Mezznagma ! Celui qui nous a libéré de l'oppression du patronat. Hein, camarades ?
Les gardes approuvèrent chaleureusement en agitant leur banderole. Vu l'ambiance, Vimayre décida de ne pas révéler son identité.
- En fait, je représente plusieurs Chasseurs Taurens, et je voudrais parler à ce Mezznagma pour notre section.
- T'as raison, camarade ! A bas l'oppression !
- "La garde, oui. La mort, non"
- "Garde, pas gardien"
- "Mangez cinq fruits et légumes par jour"
- Momo, on avait dit pas la nourriture. On se concentre sur nos conditions de travail.
- Et il est où, ce Mezz ?
- Va voir à Cabestan, camarade. Et à bas l'oppression !
Vimayre soupira. Si c'était comme ça à Cabestan, ça n'allait pas être simple.
***
Chapitre 46 : Les vacances de monsieur Llégion
Cela faisait une semaine que Llégion et sa suite passablement encombrante s'étaient installés à l'auberge de Lune d'Argent.
Le Démoniste avait repris du poil de la bête, et savourait tranquillement sa nouvelle situation.
Il arborait maintenant un magnifique tabard où trônait une tête de mort d'or sur fond rouge-sang – le redoutable et redouté emblème des Anges Déchus d'Azeroth.
Comme il l'avait espéré, Astarod n'avait rien à voir avec ce plouc de Mercät. C'était un Chaman Orc expérimenté et dont le sérieux faisait la qualité de la guilde.
Certes, il n'avait pas accordé assez d'importance, aux yeux de Llégion, à sa demande d'abdication en sa faveur. Il avait même eu un petit sourire quand le Démoniste lui avait fait part de ses légitimes ambitions de conquête du monde.
Mais l'ambiance semblait maléfique à souhait, et surtout personne n'avait manifestement l'intention de fourrer son nez dans ses affaires.
Toute la compagnie savourait donc ce repos étonnamment long venant de la part de Llégion.
Abatik avait entrepris de plumer systématiquement tous les Paladins de la ville, ce qui n'avait rien de bien difficile étant donné le caractère des Elfes de Sang. Il suffisait de leur raconter une blague débile pour les mettre dans sa poche.
Mezz donnait des cours de droit social infernal à quelques serviteurs des notables de la ville, ce qui laissait présager un futur quelque peu conflictuel chez les Elfes de Sang.
Seln avait acheté un plan détaillé de la ville, et avait coché toutes les boutiques susceptibles de l'intéresser – et elles étaient nombreuses. Elle avait établi un programme sur dix jours pour pouvoir tout visiter, et avait pris Zaza avec elle pour lui tenir compagnie et porter ses achats.
Moustaches avait disparu, mais une rumeur commençait à courir sur de mystérieuses disparitions d'objets dans certains quartiers.
Quant à Llégion, il en profitait pour reprendre des forces, développer ses compétences en enchantement et surtout réfléchir à ses futures actions – maléfiques comme il se doit.
Malheureusement, la semaine passée, tout le monde commença en fait à s'ennuyer.
Abatik plumait ses pigeons si facilement que ça en devenait gênant. Il avait même reçu un avertissement de sa hiérarchie infernale pour qu'il mette la barre un peu plus haut.
Non, en fait, haut tout court.
Il faut dire que même les chats de la ville, pourtant pas très futés, se débrouillaient mieux que les Elfes devant les bonneteaux du Diablotin.
Les "formations syndicales" de Mezz avaient produit des effets rapides, et au bout de trois jours les serviteurs de l'aristocratie de Lune d'Argent formaient leur syndicat et se mettaient en grève.
Le lendemain, la première manifestation jamais faite dans la ville était dispersée en dix minutes. Les notables firent empaler la moitié des manifestants, et obligèrent l'autre moitié à se rendre au nouveau spectacle de l'humoriste Dany Noob à titre d'édification.
Beaucoup de ces derniers préférèrent le pal, mais cela leur fut refusé – ce qui en dit long sur le fameux humour des Elfes de Sang…
Heureusement, Mezz avait eu la sagesse d'utiliser un faux nez et de fausses moustaches pendant ses cours, et la garde fut incapable de le retrouver…
Seln se montra fidèle à elle-même et se lassa de ses emplettes au bout d'à peine deux jours. Il faut dire qu'elle avait pillé la moitié de la ville et, fait notable, réussi à ne payer qu'un dixième des factures. Elle avait l'art d'embrouiller les vendeurs, art qui hélas ne se manifestait qu'en situation d'achat…
Même si les victimes de la Succube étaient des Elfes – et donc pas très malins – Abatik avait reconnu que sa consoeur se débrouillait bien.
Zaza ne quittait pas Seln d'une semelle – ou d'un sabot. Toujours fourré dans ses jambes, bavant partout, levant la patte sur tous les lampadaires de la ville – qu'il fallut remplacer quand ils commencèrent à fondre – le Chasseur tenait plus du canin que du démoniaque.
Il avait aussi réussi à traumatiser tous les chats de la cité dont la population, étrangement, diminua fortement le temps du séjour de Llégion et de ses démons…
Néanmoins, fait notable, un Troll qui avait voulu faire le malin avec la Succube fut retrouvé les habits en lambeaux au sommet d'une des tours, un Zaza rigolard couché aux pieds. Et le Troll était un vétéran…
Quant à Moustaches… Il était réapparu au bout de quatre jours, l'air manifestement satisfait et le museau frétillant. Llégion ne pouvait s'empêcher de sentir un frisson sur son échine en le regardant, mais il l'attribua à un mauvais rhume.
C'est à ce moment-là que commença une série d'évènements apparemment sans liens, mais qui devait aboutir à… Mais n'allons pas trop vite.
Llégion convoqua donc un matin toute la compagnie.
- Mais minou, je suis TELLEMENT fatiguée ! Tu m'as fait lever TELLEMENT tôt !
- Par la malepeste, laisse moi parler, Seln ! Bon, j'ai décidé de quitter la ville. Faut qu'on bouge, sinon on va rouiller. Et puis, la conquête du monde ne va pas se faire toute seule.
- Mais mon roudoudou, ne me dis pas qu'on va retourner dans ces endroits TELLEMENT déserts ! Avec tous ces monstres TELLEMENT dangereux ! Et cette poussière TELLEMENT…
- … poussiéreuse, je sais Seln. Non, on va aux Pérégrins. C'est à côté de Tranquillien, et avant de vous plaindre, je précise qu'il y a des arbres, de mignons animaux, Seln, et un lac pour se baigner.
- (voix caverneuse) Puis-je vous rappeler, Maître, la réglementation en vigueur sur les déplacements en zone inondable ? Notre règlement ne prévoit pas ce genre de situations.
- Seln ? T'en penses quoi ?
- Un lac !? Oh oui, on y va mamour ! Ce sera TELLEMENT bien ! Et puis Zaza ADORE l'eau, hein Zaza ?
- Wif !
- Zaza est d'accord ! On y va, chouchou ? Aller, dis oui !
- C'est décidé, on y va.
Llégion et Seln commencèrent à prendre leurs affaires, Zaza sautillant autour d'eux en aboyant et en bavant copieusement.
Abatik et Mezz se regardèrent.
- Soit on nous l'a changé, Mezz, soit il mijote un mauvais coup.
- (voix caverneuse) Je préfèrerais le mauvais coup, Abatik. Je trouve qu'il commence à baisser, ces temps-ci.
- Et puis, cet endroit, les Pérégrins… Le nom me dit quelque chose… En plus, à côté de Tranquillien, qui n'est pas un endroit du genre paisible…
- (voix caverneuse) Nous aviserons, Abatik. Nous aviserons…
Moustaches était plus que satisfait. Cela n'avait pas été sans mal, il avait bien souvent failli y rester, mais il avait obtenu ce qu'il voulait. Et maintenant, les Pérégrins… autant dire que le Démoniste lisait dans ses pensées !
Puis le rat entreprit de se laver le museau.
***
Chapitre 47 : Cabestan
- Approchez, mesdemoiselles, approchez ! Grand choix de maillots ! Paréos et crème solaire ! Approchez !
Vimayre s'approcha du Gobelin et de son stand. Installé à côté de la banque, il tentait d'accrocher les quelques aventurières de passage avec son étal rempli d'objets divers mais ayant tous en commun d'être très, comment dire… "visibles". De mauvais goût, quoi.
Manifestement, les affaires ne marchaient pas, mais le Gobelin ne se désespérait pas.
- Alors, noble seigneur ! Un bikini pour madame Tauren ?
- Je cherche un Démoniste Mort-Vivant. Il est accompagné, entre autres, d'une Succube. Genre "décorative". Selneri.
- Ah oui, la petite Seln ! Gentille gamine, c'est elle qui m'a donné l'idée de ce stand. La pauvrette, elle était tellement malheureuse de ne pas trouver les derniers articles à la mode ici, alors qu'on a une plage si magnifique.
Vimayre jeta un œil sur le bout de sable pollué qualifié par le Gobelin de "plage", passa sur le stand toujours aussi désespérément rempli et revint sur le Gobelin au sourire plein d'espoir.
- Son Démoniste, vous l'avez vu ? Il s'appelle Llégion.
- Attendez que je me souvienne… Oui ! Pas marrant le gars, pas comme la petite Seln. Plutôt grand – taille XXL je dirais – chauve – je lui conseillerais la crème que j'ai là – et franchement pas l'air futé. Mais j'ai rien pour ça !
Le marchand rit de son bon mot en se tapant sur les cuisses.
- Et ils sont partis où ?
- Ca, m'est avis que la petite s'est faite avoir. Elle voulait aller à Lune d'Argent, mais j'ai entendu le grand con parler d'un autre coin… Attendez que je me souvienne…
- Fossoyeuse peut-être ?
- Non, mais pas loin… Hautebrande, c'est ça ! Même que j'ai pensé à la pauvre petite qui allait s'ennuyer là-bas, sans rien pour s'amuser.
Vimayre hocha la tête et réfléchit tout en laissant le Gobelin lui expliquer abondamment ce qu'il pensait de la " pauvre petite".
Hautebrande. Une région disputée entre l'Alliance et la Horde. Et sur l'autre continent. Ca commençait à devenir pénible cette manie de voyager…
***
Chapitre 48 : La nuit des morts-vivants
- (voix caverneuse) Je te l'avais bien dis, Abatik. Il mijotait bien quelque chose.
- JE SUIS PAS MORT ! JE SUIS PAS MORT !
- En même temps, dans cette région, c'était évident, Mezz.
- EH ! LES PLOUCS ! JE SUIS PAS MORT !
- (voix caverneuse) Il faut reconnaître qu'il se débrouille de mieux en mieux, notre Maître.
- JE SUIS PAS MORT ! EUX ILS SONT MORTS, MAIS PAS MOI !
- A un contre six, et c'étaient pas des minables, Mezz.
- JE T'AI EU, MINABLE ! T'AS EU LES DEUX AUTRES, MAIS MOI JE SUIS PAS MORT.
- (voix caverneuse) Les deux autres ont beaucoup aidé... je crois. Avec tout ce mouvement et ces éclairs, j'ai eu du mal à voir...
- JE SUIS LE MEILLEUR ! JE SUIS LLEGION ! JE SUIS PAS MORT !
- Par contre, là, il devient un peu lourd, Mezz.
- JE SUIS PAS MORT !
Les deux démons regardèrent le Démoniste. Il s'était mis à danser une... enfin, à danser au milieu du tas de cadavres jonchant le sol de la tour.
Le combat avait été chaud, mais à la surprise générale, Llégion s'en était sorti vivant et vainqueur.
Tout avait commencé aux Pérégrins, le poste avancé des Elfes de Sang, que Llégion avait présenté comme un endroit calme et reposant.
En voyant le lac, Seln avait poussé des cris de joie et avait sorti ses affaires de plage – en particulier un bikini à faire rougir un Elémentaire de Feu. Puis elle était partie s'installer sur la petite île au milieu du lac, histoire de bronzer tranquillement.
Connaissant la région, Llégion avait grimacé et effectivement, dix minutes plus tard, des cris avaient commencé à se faire entendre, bien que fortement masqués par de formidables rugissements.
Seln était revenue folle de rage peu après la disparition des cris et rugissements, la chevelure en désordre, Zaza gambadant autour d'elle. Des filaments vaporeux recouvraient le Chasseur Infernal, ainsi que de multiples traces de coups qui ne semblaient pas du tout indisposer le démon.
En fait, le lac était rempli de fantômes plutôt énervés, et la petite île où Seln voulait se reposer n'était autre que leur principal lieu de hantise.
Zaza les avait facilement dévoré, mais Seln n'avait pas du tout apprécié de ne pas avoir été avertie.
Après avoir fait une scène à Llégion, elle s'était installée devant la cheminée des Pérégrins, enveloppée d'une couverture et avec une boîte de chocolats fourrés au soufre.
Llégion avait cette fois-ci eut la présence d'esprit de laisser Abatik avec elle et Zaza, histoire de ne pas la voir repartir en fugue, et avait filé en douce vers Tranquillien avec Mezz.
Les Elfes de Sang qui traînaient leur ennui dans les ruines du bourg étaient heureusement soutenus par une petite délégation de morts-vivants envoyée au titre de l'effort de guerre commun.
Ceux-ci vivaient – si l'on peut dire… - cette mission comme un exil, et se vengeaient en envoyant tous les aventuriers de passage réaliser des missions quasi-suicidaires dans la sombre cité de Mortholme, ancien repaire du Roi-Liche.
C'est là que le Démoniste reçut l'ordre d'aller tuer un puissant invocateur du nom de Dar'Khan, installé dans la tour centrale de la ville et protégé par une garde nombreuse et vindicative de fantômes et de morts-vivants.
Par chance, cette fois-ci, Llégion avait deux atouts majeurs.
D'une part, le fait est qu'il était nettement plus puissant que sa future victime.
D'autre part, il avait rencontré deux Elfes de Sang, une Voleuse et un Chasseur avec le même but. La Voleuse plutôt maligne pour sa race, et très efficace avec une dague et une gorge découverte.
Le Chasseur était accompagné d'un puma qui avait le même air déterminé et froid que son Maître.
L'assaut de la cité noyée dans les ténèbres avait été violent et efficace. Les quelques esprits gardant les portes avaient été mis en pièce pas les assauts conjugués de Mezz et du puma, la Voleuse ayant à peine le temps de donner un coup de dague ou deux.
Les trois compères s'étaient ensuite rués vers la tour, se frayant un chemin à coup de sorts et de fusils.
Malheureusement, la suite avait été beaucoup plus confuse. Llégion n'en faisait qu'à sa tête, la Voleuse passait son temps à se camoufler pour attaquer en douce des cibles déjà mises en pièces par Mezz et le puma, et le Chasseur avait à peine le temps de viser avec son fusil que d'autres ennemis l'attaquaient par derrière.
Bref, ce fut plus une ruée désordonnée vers l'invocateur qu'un assaut en règle, et bien évidemment, le combat se transforma en mêlée violente et d'autant plus confuse que les couloirs menant au sous-sol de la tour n'avaient pas été nettoyés.
La mêlée vit s'affronter les trois aventuriers avec l'invocateur, quatre des ses disciples et trois fantômes, dans des couloirs étroits et au milieu des explosions des sorts envoyés n'importe comment sur n'importe qui.
Llégion était complètement perdu et frappait de son épée – récupérée il y a longtemps dans le donjon d'Ombrecroc – sur tout ce qui passait à sa portée.
Et dix minutes plus tard…
- JE SUIS PAS MORT ! JE SUIS PAS MORT ! LE PLOUC EST MORT ET PAS MOI !
- Remarque, Mezz, au moins, j'ai pas eu de mal à vous retrouver, vu qu'on doit l'entendre jusqu'à Lune d'Argent.
- JE SUIS PAS MORT !
- (voix caverneuse) Moi, par contre, j'y suis resté, Abatik. Ainsi que le puma, le Chasseur et la Voleuse.
- ILS SONT MORTS ET PAS MOI !
- C'est drôle, le visage de la Voleuse, elle a l'air surprise. Peut-être à cause du tranchoir de notre Maître dans sa tête…
- JE SUIS LLEGION ! JE SUIS LE MEILLEUR ! JE SUIS PAS MORT !
- (voix caverneuse) Le principal, c'est d'avoir la tête de cet invocateur… enfin, je crois.
- JE SUIS PAS MORT !
- N'empêche, j'espère qu'il va arrêter, parce que là, il devient lourd…
- JE SUIS LE MEILLEUR ! JE SUIS PAS MORT !
Moustaches revint vers le Démoniste qui dansait au milieu des corps. Personne n'avait rien vu, heureusement, mais de toutes façons, personne n'aurait pu deviner ou même comprendre…
Puis le rat commença à tourner sur lui-même en poursuivant sa queue.
***
Chapitre 49 : L'alchimiste
- Vous êtes de la police ?
Vimayre sentit immédiatement l'hostilité de l'alchimiste. Et eut le temps de remarquer qu'il cachait plusieurs cahiers derrière lui.
Son attitude, ainsi que l'odeur persistante et caractéristique enbaumant son atelier, lui fit immédiatement comprendre à qui il avait affaire.
- Non, je suis de la Confrérie des Collecteurs.
L'alchimiste se détendit légèrement et sortit une liasse de documents.
- Je suis en règle sur ce point. Et je n'aime pas les fouineurs.
- Et moi je n'aime pas les trafiquants de drogue, même à jour de leurs taxes.
- Je…
- Et je sais qu'en haut lieu, ceux de votre espèce ne sont tolérés qu'à condition de ne s'en prendre qu'à l'Alliance.
- Vous…
- Et sauf erreur de ma part, et je n'en fait jamais, c'est le tampon des douanes de Fossoyeuse que j'ai vu sur les papiers que vous venez de cacher.
- Dites…
- Et je pense qu'en haut lieu, on détesterait savoir qu'un alchimiste Mort-Vivant envoie de la drogue à Fossoyeuse.
- Jamais…
- Et je sais que certains agents de notre Confrérie adorent se charger des affaires impliquant des Morts-Vivants, parce qu'ils sont très lents à mourir.
- Sauf…
- Et on prend vite de l'avancement dans la Confrérie quand on réussit à attraper un Mort-Vivant, surtout haut placé.
- Mais…
- Alors à votre place, j'éviterais de faire le malin et je répondrais aux questions.
- …
- Donc : Llégion, un Démoniste Mort-Vivant. Je veux savoir où il est. Et vite.
L'alchimiste se révéla très loquace. Il avait tenté d'utiliser Llégion, qui l'avait assez mal pris et avait accepté de passer l'éponge en échange d'une part des bénéfices.
Puis il était reparti sur Orgrimmar. Une envie de passer ses nerfs sur quelque chose, ou quelqu'un.
Décidemment, ce Démoniste n'avait absolument aucun sens de l'efficacité…
***
Chapitre 50 : C'est l'amour à la plage, ahou tcha tcha tcha
- Par la malepeste, Abatik, je t'avais dit de la surveiller !
- Désolé, Maître, mais je lui avait donné une nouvelle boîte de chocolats, ça devait la faire tenir tranquille.
- Maintenant, il faut que j'aille jusqu'à cette foutue plage. Je hais les plages ! C'est plein de sable, y'a de l'eau, des saloperies de gosses qui jouent quand c'est pas ces foutus Murlocks !
- Voyez le bon côté des choses, Maître. L'autre type de Tranquillien nous a dit qu'il y a des Elfes par là-bas. On va pouvoir s'amuser…
- Mouais… C'est sûr que c'est un argument. J'ai jamais pu encadrer ces satanés m'as-tu-vu, avec leurs tatouages et leurs foutus "communion avec la nature"… Encore un truc dégueulasse avec des animaux, j'en mettrais ma main au feu.
- Hem… Bref, Maître, on va faire d'une pierre deux coups : on retrouve Seln et on tue des Elfes. C'est chouette, hein ?
- En tout cas, elle a intérêt à être là-bas, sinon elle va se prendre un de ces savons !
Llégion et sa petite suite prirent donc la direction du rivage des Terres Fantômes, où Seln s'était probablement réfugiée en compagnie de Zaza.
La traversée de la Malbrêche fut rapide et violente. Les esprits dégénérés qui y traînaient ne faisaient pas le poids contre un Démoniste en colère, et le monstre bouffi qui croisa sa route et voulut en faire du hachis fut proprement – ou plutôt salement, très salement – mis en pièces par les malédictions de Llégion et les coups de Mezz.
Le Marcheur du Vide avait en effet découvert une nouvelle utilisation pour son Code du Travail Démoniaque, dont il venait de recevoir la nouvelle édition (5.700 pages en un volume relié, sans compter les annexes).
Il s'en servait maintenant pour taper sur les ennemis, tout en leur récitant les passages les plus intéressants. C'était la première fois de sa longue existence qu'Abatik voyait des créatures mourir à la fois tuées et suicidées…
La plage des Terres Fantômes n'avait rien de touristique. Comme Llégion l'avait supposé, des Murlocks s'étaient installés un peu partout, faisant fuir jusqu'aux mouettes par leurs gargouillis irritant.
Il y avait néanmoins une zone entièrement laissée à l'abandon, comme par hasard près du camp des Elfes.
C'est là que Llégion retrouva Seln, qui avait pris ses aises avec…
- Par la malepeste ! C'est quoi ça, Seln !?
- Oh, mon chouchou, tu es venu ! Zaza, dis bonjour à Papounet !
- Grrr…
- Gentil, Zaza.
- Wif !
- Seln, ça fait une heure qu'on te cherche partout. Et que font ces Elfes ici ?
- Les Elfes ? Ils sont TELLEMENT gentils, mamour ! Et TELLEMENT serviables ! Tu as vu ? Ils m'ont fait une petite cabane. Ce sont TELLEMENT des amours, ces petits Elfes…
- Seln, ils sont de l'Alliance ! Et nous de la Horde ! Nous sommes en guerre ! Par la malepeste, je hais les Elfes !
- Oh non, mon choubichou ! Regarde, ils t'ont même fait un chapeau pour te protéger du soleil. Ils sont TELLEMENT gentils.
Llégion lança un regard noir à l'Elfe qui lui tendait un chapeau de paille avec un sourire timide.
Tout autour de la Succube, une dizaine de guerriers Elfes s'agitaient à son service. Tandis que deux d'entre eux la ventilaient avec une feuille, un autre pressait des oranges tout en lui lançant des œillades gênées.
Assis sur le sable, un orchestre improvisé jouait une quelconque ballade sur laquelle un Elfe à la coupe de cheveux ridicule chantait une chanson sirupeuse sur un "bateau de l'amour".
La fière expédition de l'Alliance envoyée pour espionner la région était devenue, du fait de sa rencontre avec Seln, une bande de touristes idiots à son service exclusif.
Certains avaient même troqué leurs armures pour une sorte de costume blanc avec des épaulettes ridicules.
Llégion ouvrit la bouche, puis la referma et poussa un profond soupir. Il se sentit soudain très vieux et très las, et se mit à songer à son repaire secret, à son bossu et à son armée de séides, tous disparus après sa mort.
Il poussa un second soupir, et l'Elfe qui lui avait tendu le chapeau de paille lui prit la main délicatement en la tapotant.
Abatik et Mezz se regardèrent d'un air inquiet.
- Euh…. Maître, je pense que…
- RHHHAAA !!! PAR LA MALEPESTE !!!
Llégion poussa soudain un hurlement de rage et fracassa le crâne de l'Elfe avec son bâton, puis se rua sur le chanteur.
Le premier coup au ventre le fit taire et se plier en deux, le second lui fracassa la mâchoire et le dernier lui embrocha le cœur.
Puis il se tourna vers les autres Elfes qui le regardaient d'un air sidéré, et leva les mains en l'air.
D'un seul geste, Abatik, Mezz et même Seln se jetèrent au sol, tandis que Zaza poussait un gémissement de peur.
La malédiction du Démoniste transforma les Elfes en torches vivantes, tandis qu'une pluie de feu s'abattait sur eux.
Délaissant les restes fumants des Elfes, Llégion se retourna en direction des cahutes des Murlocks, les yeux brillant d'une lueur rougeoyante et un sourire sadique sur le visage.
[La suite aurait mérité d'être racontée, mais la Commission pour la Protection de la Jeunesse ne cautionnant pas la représentation de ce genre d'actions, nous nous contenterons de dire que ce fut violent, bruyant et rapide. Et rouge. Très très rouge.]
Dix minutes plus tard, la plage était vide de toute forme de vie, et seules de légères taches graisseuses et rougeâtres sur le sable prouvaient que des Murlocks avaient vécu à cet endroit.
Après un conciliabule animé, les démons décidèrent d'envoyer Abatik – "Vous me le payerez, ingrats !" – parler à leur Maître.
Celui-ci fumait encore, et la lueur dans ses yeux n'avait pas totalement disparue.
- Euh… Maître ? C'est moi, Abatik. Vous vous souvenez ? Votre Diablotin et serviteur fidèle…
- Abatik ?
- Oui, Maître ?
Le Diablotin regarda Llégion d'un air inquiet.
- Prends note qu'à partir d'aujourd'hui, je pars à la conquête du monde. Tremble, Azeroth ! Bientôt tu seras mienne ! Mouahahahahahahah !
- Maître ! Attention, vous allez marcher sur… trop tard.
- Rhaaa ! Par la malepeste ! Marre de cette robe !
Abatik se retourna vers les autres et leur fit un grand sourire, le pouce levé en l'air. Tout était revenu dans l'ordre. Leur Maître était redevenu lui-même.
Mezz commençait déjà à improviser un discours sur la "libération des masses opprimées" devant la mer, tandis que Seln était déjà en train de se plaindre du vent, du sel dans la mer et de l'obsolescence de son maillot de bain, devant un Zaza qui était en train de lever la patte sur la jambe de Llégion.
Oui, tout était bien redevenu normal.
Mais Abatik ne put s'empêcher d'éprouver une légère inquiétude au souvenir des pouvoirs du Démoniste. Heureusement qu'il était sensé être nul, parce que sinon…
Moustaches dût se retenir de sauter de joie. C'était encore mieux qu'il ne le pensait. Il pourrait peut-être même éviter de… mais cela restait à voir. Il devait rester patient, et attendre.
Puis le rat entreprit de creuser un trou dans le sable.
***
Chapitre 51 : Ragefeu
- Essaie de nous attaquer, qu'on rigole ! Marcel et moi, on adore la rigolade ! Hein, Marcel, qu'on adore ça ?
Vimayre soupira. Il avait découvert que Llégion s'était rendu à Orgrimmar pour nettoyer le Gouffre de Ragefeu. Et devant l'entrée du Gouffre, deux Elfes de la Nuit en vadrouille le narguaient, un tas de cadavres de gardes à leurs pieds.
- Du calme, les gars. Je suis en mission pour la Confrérie des Collecteurs. Je cherche un Démoniste Mort-Vivant qui a dû venir ici il y a quelques temps.
- Marcel et moi, on zone ici depuis pas mal de temps. Hein, Marcel, que ça fait pas mal de temps ? Il ressemble à quoi votre sac d'os ?
Vimayre hésita, mais il n'allait pas débiner un Hordeux devant l'ennemi !
- De haute taille, dégarni, peut-être un peu fatigué.
- Ouais, un grand con chauve, quoi. Marcel et moi on l'a vu avec son démon. Hein, Marcel, qu'on l'a vu ? Il est entré ici. Plusieurs fois, vu qu'il a pas arrêté de mourir.
- Je vois…
- Qu'est-ce qu'on s'est marré Marcel et moi à le voir passer et repasser. Quel con ! Hein, Marcel, qu'il avait l'air con ?
- C'est bien lui. Mais vous avez dit "son" démon. Normalement, il en a trois.
- Naan, il est entré qu'avec le gros bleu. La petite crotte est restée dehors et est parti de son côté ensuite. Marcel et moi on l'a vu poser des questions autour de lui sur une Succube. Hein, Marcel, qu'on l'a vu poser des questions ?
- Voilà qui est nouveau… Et le Démoniste, il est ressorti ?
- J'sais pas. Marcel et moi on a dû s'absenter un moment pour aller pisser, et vu qu'on peut seulement utiliser les gogues de l'Alliance, ça nous a pris trois jours pour faire l'aller-retour à pince sur Theramore. Même que Marcel a failli se pisser dessus. Hein, Marcel, que t'as failli te pisser dessus ?
Vimayre grimaça. Il se trouvait maintenant devant un dilemme : qui suivre ?
- Faute d'informations pertinentes, il vous serait des plus profitables de concentrer vos efforts sur la poursuite du susdit Diablotin. Je gage qu'il sera à même de fournir les éléments nécessaires à l'accomplissement de votre mission.
- Ce Marcel ! Toujours à déconner ! Hein, Marcel, que t'adores déconner ?
- Indubitablement.
***
Chapitre 52 : Retour à la nature
Orneval. L'une des plus belles forêts d'Azeroth, sous la protection des Elfes de la Nuit de Darnassus depuis toujours.
Mais la corruption avait gagné son cœur. Au plus profond des bois, dans les lacs et les rivières, le Mal s'était répandu et avec lui le malheur et le danger.
La Horde en avait profité pour établir un avant-poste à partir des Tarides, d'où de fiers combattants attaquaient les positions de l'Alliance et faisaient avancer leur cause.
A l'ouest, sur la côte, les profondeurs de Brassenoire attendaient les aventuriers trop fous pour vouloir rester en vie, et les Nagas qui occupaient ses ruines se repaissaient tous les jours de leur chair.
Et la nuit, malgré la beauté de la lune dans le ciel étoilé, la menace restait toujours présente…
- Seln ! Rappelle ce foutu clébard !
- Mais mon chéri, Zaza s'amuse TELLEMENT avec ses nouveaux amis. Et ils sont TELLEMENT choux ensembles !
- Seln ! Ce sont des bêtes fauves, pas des "mignons petits animaux de la forêt". On doit les tuer pour…
- Mais mon poupougnet ! Tu ne vas pas leur faire de mal ? Ils sont TELLEMENT a-do-ra-bles avec leur petites papattes et leur petit museau tout mi-mi.
Llégion leva les mains au ciel en râlant. L'Orc des Tarides lui avait dit qu'Orneval n'était pas une partie de plaisir, mais personne n'avait prévu la réaction de la Succube.
Elle s'était mise à pousser de petits cris de joie et à danser au milieu des ours et des loups de la forêt, un Zaza jappant et baveux sautillant autour d'elle.
Lesdits ours et loups l'avaient regardée d'un air interloqué et, après avoir échangé un bref regard, avaient collectivement décidé de l'ignorer.
Et de s'en prendre à Llégion.
Le Démoniste était tellement occupé à discuter avec Abatik de leurs prochains plans qu'il ne fit pas attention et que l'attaque faillit mal tourner.
Heureusement, Mezz apparut juste à ce moment-là et tant les ours que les loups, ainsi qu'une araignée qui passait par là et avait entendu du bruit, s'arrêtèrent net et firent demi-tour d'un air faussement innocent.
Manifestement, la réputation du Marcheur du Vide avait franchi les Tarides.
Une seul loup resta néanmoins sur place, intimidé, loup qui se révéla être en réalité une louve.
Des années plus tard, la louve, devenue vieille et respectée, devait raconter aux siens la légende que devint son histoire : celle de la rencontre entre "Louve Michel" et son mentor, qui émancipa et libéra les louves de l'oppression des mâles et fut à l'origine de la première communauté interraciale purement féminine d'Orneval.
Il est dommage que la légende mourut peu après le massacre général perpétré par un Chasseur Elfe de la Nuit désireux de se faire de nouveaux gants en peau de loup.
Comme quoi, le Destin a parfois un sens de l'humour plutôt original…
Mais, pour revenir au fil de notre récit, la présence de Mezz évita à la petite compagnie de se faire attaquer toutes les deux minutes par la faune locale.
- Par la malepeste ! J'en ai marre ! C'est quoi ce pays où il faut des heures pour aller chercher un satané messager ! Et ces arbres ! Rhaaa !
- C'est une forêt, Maître. Ca explique les arbres. Mais vous devriez voir le bon côté des choses : il y a plein de trucs à tuer.
- Ah oui ? J'ai l'air de m'amuser, là ? Et ils sont où les trucs à tuer, Abatik ? Entre le gros bleu qui fait fuir tous les mâles et refuse qu'on tape sur les femelles…
- (voix caverneuse) Je ne peux laisser ces exploitées dans l'oppression, Maître.
- … Seln qui pique une crise dès que je fais mine de lancer une malédiction…
- Mais mon minou, tu ne vas pas leur faire de mal ? Ils TELLEMENT mignons !
- … sans parler de l'autre soi-disant "chien des Enfers" qui n'a toujours pas assimilé le concept de "l'attaque"…
- Wif !
- … je vois mal ce que je pourrais "tuer", comme tu dis. Par la malepeste ! Si seulement j'avais un de ces satanés Elfes sous la main !
- Euh… Maître ? Regardez là-bas.
Llégion et ses démons avaient atteint une chaussée surélevée sur la route menant, loin vers le nord, au port d'Auberdine.
De cette chaussée, on pouvait voir quelques bâtiments elfiques et une poignée d'Elfes de la Nuit occupés à surveiller la route.
Et leur tournant le dos.
Le Démoniste lança un regard en coin vers Abatik, et les deux complices eurent un sourire cruel.
- Mezz ? Tu penses quoi des Elfes de la Nuit ?
- (voix caverneuse) Des suppôts du Grand Capital, Maître. Irrécupérables.
- Seln ?
- Mmmm ? Leurs habits sont d'un goût ! Ca jure avec mon bustier. Je les déteste. Hein qu'on les déteste, mon Zaza ?
- Wif ! Grrr…
- Bon, si on est tous d'accord… Abatik ?
- On attaque et on les tue, Maître ?
- T'as tout compris.
- On est obligé de faire ça proprement, Maître ?
- Arrête avec ces blagues douteuses, Abatik.
- Je sens qu'on va s'amuser, Maître.
- Moi aussi. Bon, vous tous !
- Oui, Maître ?
- (voix caverneuse) Oui, Maître ?
- Oui mon loulou ?
- Wif ?
- A MORT LES ELFES !!! ET PAS DE … Rhaaa ! Par la malepeste ! Foutue robe ! Eh ! Attendez moi !
Moustaches regarda avec inquiétude la charge désordonnée mais néanmoins mortelle des démons sur le petit groupe d'Elfes. L'autre n'était toujours pas arrivé, et sans lui…
Il sourit en voyant quelque chose apparaître au loin sur la route. Non, tout allait bien. Il pouvait continuer.
Puis le rat se gratta l'oreille frénétiquement.
***
Chapitre 53 : Sur la piste de Selneri
- Quelle garce, cette Succube ! Elle vous allume, et ensuite elle vous fouette ! Vivement qu'elle repasse par ici… Enfin, non ! Si ! Je sais plus…
Vimayre avait remonté la piste du Diablotin, et par la même occasion celle de la Succube, assez vite. Il suffisait en fait d'interroger les gardes présentant des coupures de fouet sur le corps.
Apparemment, aussi surprenant que cela puisse paraître, la Succube s'était fâchée avec son maître et avait fait une fugue. Et le Diablotin était parti à sa recherche.
Drôle d'histoire, mais ce Llégion semblait décidemment un drôle de Démoniste…
- Et donc, elle est passée ici et vous a… agressé… "sans raison valable".
Vimayre réussit à faire sentir les guillemets, ce qui troubla le garde Orc.
- Bon, p'têt que ma main a, comment dire, touché son dos. Mais elle avait pas à me fouetter ! Même si c'était assez chaud… Enfin, non ! Si ! Je sais plus…
- Bref, vous lui avez mis la main aux fesses et elle vous a dérouillé. Et le Diablotin ?
- J'ai failli lui en coller une, quand je l'ai vu avec son foutu sourire ! Je lui ai dit tout ce que je savais, vu qu'ils ont le même maître.
- C'est-à-dire ?
- Elle est partie vers l'est, vers Cabestan.
- Cabestan ? Vous êtes sûr ? Je ne l'imagine pas retourner là-bas volontairement pourtant…
- Excusez la question, mais vous êtes pas marié, non ?
- Non, mais je ne vois pas le rapport.
- Moi je suis marié. Et quand la Succube est passée, c'était l'ouverture de la Quinzaine Commerciale à Hurlevent.
- … ?
- Quinze jours de soldes monstres. Vu le genre de la Succube, c'est là qu'elle est allée. Et par Cabestan et Baie du Butin, c'est le plus simple.
- Je vois. Merci du renseignement. Vous donnerez le bonjour à votre femme.
- Au fait, ça m'arrangerait si vous ne lui en parliez pas. Les coupures, je lui ai dit que c'était en me rasant…
- Et elle a avalé ça ?
Vimayre laissa l'Orc et ses angoisses matrimoniales. Il avait maintenant les siennes, et elles étaient lourdes. Hurlevent… De mieux en mieux…
***
Chapitre 54 : Run away !
Llégion regarda ses démons l'un après l'autre. Abatik s'était réfugié dans la capuche de sa robe et tremblait encore.
Mezz avait une teinte très pâle et tenait à la main quelques feuilles déchirées de son Code.
Seln avait la chevelure en désordre, et le rouge de ses sabots s'était écaillé, preuve de la violence du combat.
Zaza était collé à la jambe de la Succube et tremblait tellement qu'il faisait presque pitié. Presque.
Quant à Llégion lui-même, un bref état des lieux lui apprit qu'il ne valait guère mieux. Sa robe était en loques, son bâton était cassé et ses gants tenaient plus de la pelote de ficelle que du travail de couturier.
Bref, un désastre. Mais au moins, ils étaient encore en vie.
Tout ça à cause de ce satané Guerrier…
L'assaut contre les Elfes avait pourtant bien commencé, si on oubliait la chute de Llégion et le côté désordonné de la chose.
Abatik lançait des éclairs de feu en ricanant, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps.
Mezz avait sorti son édition intégrale du Code des Assurances Infernales et tapait avec sur ses adversaires.
A la surprise générale, Seln avait sorti son fouet et s'en était servi, ce qui avait provoqué un moment de flottement tellement le geste était exceptionnel. Tous, y compris les Elfes, étaient restés la regarder bouche bée.
L'un des Elfes lui avait alors donné un faible coup de bâton, mettant ainsi fin à ce moment de grâce.
Fronçant les sourcils, la Succube avait porté deux doigts aux lèvres, provoquant une syncope chez l'un des Elfes, et avait poussé un sifflement strident pour appeler Zaza.
- Zaza ! Le méchant Elfe a voulu faire du mal à ta maman. Alors soit un amour et…
La suite de la phrase avait été couverte par les rugissements de rage du Chasseur Infernal, les cris de l'Elfe et un certain nombre de bruits qu'on n'entendait normalement que dans certains cauchemars particulièrement traumatisants.
Vous savez, ceux avec les trucs pleins de dents. Oui, ceux-là.
Bref, tout se passait pour le mieux jusqu'à ce qu'apparaisse sur la route un Guerrier Nain monté sur un bélier.
Llégion l'avait à peine regardé et avait repris ses incantations et ses lancers de sorts. Sa seule inquiétude avait été que le rase-bitume ne se joigne à la fête et ne lui vole son combat.
Celui-ci était alors descendu de sa monture, avait sorti sa hache et… avait attaqué Mezz !
Devant un Guerrier d'un niveau si élevé, Llégion avait prudemment choisi la retraite et avait fui ventre à terre. Le Nain les avait heureusement laissés en paix et avait repris sa route, mais l'alerte avait été chaude.
- Par la malepeste ! Depuis quand les rase-bitumes aident-ils les zoophiles ?! Satanée forêt ! Foutu pays ! Rhaaa !
- Au-au mo-moins on es-n'est en vi-vie, Maî-maître.
- Arrête de trembler, Abatik. Il est parti.
- (voix caverneuse) La dernière édition, dédicacée par l'auteur avant son suicide. Je suis sûr qu'il y a une loi contre ça, Maître.
- Ouinnn !!!
Tous se retournèrent vers la Succube qui s'était mise à pleurer, assise par terre.
- Bouhouhouh… Je me suis cassé un ongle ! Bouhouhouh…
- Wouinf…
- Fais un câlin à maman, mon Zazounet…
Llégion resta quelques secondes silencieux, puis tourna la tête vers le Diablotin toujours caché dans sa capuche.
- Abatik ? Il te reste des chocolats ?
- Ou-oui Maî-maître. Voi-voilà.
- Snif… Tu es TELLEMENT gentil avec moi, mon choupinet. Snif… Ils sont au soufre ?
- Seln, tu…
- Regarde mon bustier, Llélé. Il est tout déchiré et couvert de poussière. Je suis TELLEMENT horrible comme ça !
- Argh… Je veux dire : c'est vrai, il est vraiment déchiré. On voit même… argh.
- Tu va m'en acheter un neuf, hein, mamour ? S'il te plaît… Tu serais TELLEMENT chou. Et Lune d'Argent est TELLEMENT jolie à cette époque ! Hein ? Dis oui ! - Dis oui ! - Dis oui !
Le Démoniste ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois de suite sans pouvoir prononcer un mot. Puis il réussit à détourner son regard des restes du bustier de la Succube – argh – et secoua la tête pour reprendre ses esprits.
- Bon, je crois que moi aussi j'ai besoin d'un nouvel équipement plus efficace que celui-ci.
- Et aussi moins cassé, Maître.
- Puisque tu as repris ton calme, Abatik, dis-moi une chose. J'ai pas entendu parler d'une histoire de robe de Démoniste, à récupérer je ne sais où ?
- A Cabestan, Maître. Mais il me semble que ça n'a rien d'une histoire simple…
- Le contraire m'aurait étonné. Bon, on va d'abord se renseigner à Cabestan et ensuite – inutile de crier, Seln – on part sur Lune d'Argent récupérer du matériel.
Moustaches leva la tête et poussa un soupir de soulagement. Personne ne l'avait remarqué, et avec le combat le risque était faible, mais quand même… Restait à vérifier maintenant si cela suffirait.
Puis le rat entreprit de se nettoyer le museau.
***
Chapitre 55 : Retour à Cabestan
- Moi je vous le dis, une histoire pareille, c'est que du bonheur pour les affaires. Dommage que ce n'est que quinze jours par an.
L'aubergiste de Cabestan posa la choppe de bière devant Vimayre.
- Tant mieux pour vous. Et vous avez vu la Succube, ou le Diablotin ?
- Pleine comme une outre qu'elle était l'auberge. Faut dire qu'y avait des aventuriers dans tout Cabestan. Que des gars de l'Alliance.
- Passionnant. Et pour la Succube, ou le Diablotin ?
- Même que certains se tapaient dessus, avec leurs grosses épées et leurs éclairs. J'avais jamais vu un bazar pareil ici.
Vimayre sentait la lassitude l'envahir. Satanés aubergistes…
- J'imagine. La Succube ou le Diablotin ?
- Les gars, ils se marchaient dessus pour pouvoir s'asseoir dans mon auberge. Même que j'ai dû refaire une commande de bière chez les Nains, tellement ça partait vite.
- Ca devait vous changer. Et vous avez vu la Succube, ou le Diablotin ?
- Et puis les gars, ils picolaient, fallait voir ça. Ils devaient penser à leurs copines dépensant tout leur or à Hurlevent. Moi je dis, tant que ça fait marcher le commerce…
- C'est vrai. Et concernant la Succube, ou le Diablotin ?
- Et puis, certains gars pleuraient, aussi. Eux, ils devaient vraiment penser à leurs copines dépensant tout leur or. Ca faisait mal au cœur, vu que l'or, elles le dépensaient pas chez moi.
- Effectivement. Mais j'aimerais qu'on revienne sur la Succube, ou le Diablotin.
- La garce, je l'ai pas vu, mais je connais un garde qu'a essayé de la reluquer et qui boîte maintenant. Elle a pris le bateau pour Baie du Butin, après avoir causé avec certains gars. L'avait l'air excitée.
- Formidable. Et pour la Succ… Oh. Bien.
- Par contre, j'ai vu la petite crotte causer avec un palouf 70. Un Humain, l'air pas brillant mais sûr qu'il est moins bête qu'il en a l'air. Ils sont partis ensemble, même que les gars se foutaient de lui vu qu'il a pas de copine et qu'il avait rien à fiche ici.
- Vous m'avez beaucoup aidé, l'ami.
- La bière, c'est 50PC. Et 50PA pour le tuyau, vu que j'aime pas les Taurens.
Vimayre paya en soupirant. Un Paladin moins bête qu'il n'en a l'air… Edualk. Décidemment, cette histoire n'avait pas de fin.
***
Chapitre 56 : Tenue de soirée exigée
Un plan foireux. Abatik avait été catégorique en entendant l'histoire de la Démoniste passablement alcoolisée de Cabestan, et le fait est que le Diablotin s'y connaissait en plans.
Effectivement, la Démoniste Menera qui vivait à Cabestan, et accessoirement dans les brumes d'alcool vu qu'elle était légèrement alcoolique, savait fabriquer une robe magique conçue spécialement pour les invocateurs des Enfers.
Mais il ne suffisait pas de lui donner quelques rouleaux de tissu et du fil. Cela aurait été trop simple.
Tout d'abord, il lui fallait une Robe d'Arcana. Une conversation avec une consoeur de la Guilde avait appris à Llégion que le patron de cette robe tenait quasiment du mythe, et il avait dû finalement dépenser 40PO – argh – pour en acheter une à l'hôtel des ventes d'Orgrimmar. Et il avait eu de la chance que quelqu'un en vende.
Ensuite, il avait dû faire l'aller-retour sur Baie du Butin pour amener une barre d'or pur à un Gobelin rigolard. Cela avait rappelé des souvenirs à Abatik, et Seln n'avait pas cessé de se plaindre de l'odeur de poisson et des horribles Gobelins qui ne faisait que reluquer sa culotte par en-dessous.
Ce qui avait beaucoup surpris Llégion vu que tout le monde, de façon générale, la reluquait tout le temps et que cela ne lui posait jamais de problème.
Bien sûr, l'histoire était loin d'être finie. Il avait dû se rendre ensuite jusqu'en Désolace uniquement dans le but de tuer des Satyres et des Infernaux.
Tuer les Satyres avait été compliqué au début, non à cause de leur dangerosité mais parce que Seln les connaissait tous et qu'il est toujours difficile de tuer des gens qu'on connaît, surtout quand il s'agit de la famille – les Satyres sont cousins des Succubes.
Heureusement, l'un des cousins s'était permis une remarque sur le poids de Seln qui avait fait rire tout le monde sauf la première concernée qui le prit très mal.
Le plus drôle, c'était de voir les Satyres se jeter sous les coups du Démoniste en fuyant la colère de la Succube et de Zaza, toujours aussi féroce dès qu'on touchait à sa "maman".
De retour à Cabestan, Llégion avait dû attendre une journée que Menera dessaoule pour connaître la suite de l'histoire.
Elle était effectivement gratinée, car cette fois-ci, elle l'avait envoyé en Arathi pour tuer des Elémentaires de Feu.
La région était toujours aussi dangereuse que lors de son précédent passage, et Mezz avait sorti son Code d'Invocation Démoniaque dès leur arrivée au mur de Thoradin – il n'avait manifestement pas pardonné à son Maître l'histoire du cœur de l'innocent et ses nombreuses morts sous les coups de la faune locale.
Les Elémentaires étaient à la hauteur de leur réputation. Les combats furent violents et ravageurs, mais ni Mezz ni Llégion ne moururent. Même Abatik devait reconnaître que son Maître se débrouillait de mieux en mieux.
Même s'il y eut un moment gênant quand Mezz retrouva parmi les Elémentaires un vieux camarade de syndicat. Heureusement, celui-ci avait rejoint depuis leur dernière rencontre une branche dissidente et Mezz se fit un devoir de lui rappeler l'orthodoxie à coup de Code dans la tête.
Finalement, après bien des voyages et de nombreux combats, Llégion avait réussi à récupérer la totalité des composants nécessaires pour que Menera lui fasse la fameuse robe.
Il fut néanmoins légèrement agacé – "RHHHAAA !!! Par la malepeste !" – en découvrant à son retour à Cabestan que la Démoniste avait été ramassée la veille par la garde suite à une chute dans le port, et envoyé en désintoxication aux Pitons du Tonnerre.
Il dut donc attendre une semaine entière dans la capitale des Taurens, lieu déprimant s'il en est.
Abatik tenta bien de monter quelques jeux truqués, mais contrairement aux Elfes de Sang, les Taurens étaient étonnamment placides et totalement imperméables aux joies des jeux d'argent.
Mezz ne rencontra pas plus de succès en tentant de prévenir les masses laborieuses et exploitées de la nocivité de leur condition. Race unie et en harmonie avec la nature, les Taurens vivaient en bonne intelligence les uns avec les autres et partageaient les taches entre eux en toute égalité.
Seln, bien entendu, constata tout de suite l'absence de boutiques potables, l'odeur d'étable permanente et fut surtout très vexée de voir passer devant elle les puissants Taurens sans que ceux-ci ne jettent même un œil sur elle.
Zaza, lui, déprima très rapidement quand il découvrit qu'il n'y avait pas un seul lampadaire dans toute la ville, ni un seul chat à courser.
Quant à Llégion… eh bien, disons simplement qu'il restait égal à lui-même et que l'attente lui pesait. Beaucoup. Enormément. RHHHAAA !!! Par la malepeste !
Finalement, après une semaine longue et ennuyeuse, Menera fut finalement considérée comme guérie et relâchée.
Elle fêta immédiatement ça par une tournée générale à la taverne, mais dut attendre que Llégion en eut finit avec elle avant de rejoindre les fêtards.
Malheureusement, elle était déjà bien imbibée quand le Démoniste mit la main sur elle et au final, il dut coudre lui-même la fameuse robe, sous le regard intéressé de ses démons curieux de voir comment leur maître allait s'en sortir avec une tache aussi minutieuse.
Ils furent déçus. La langue au coin des lèvres – enfin, au coin de la mâchoire, vu qu'il n'avait plus de lèvres, ni d'ailleurs de joues -, le front plissé – enfin, encore plus plissé – Llégion se mit à coudre tranquillement après s'être installé à l'auberge.
Et une heure plus tard, la robe était terminée.
Triomphant et fier, Llégion se tourna vers ses démons après avoir mis sa nouvelle robe et, les mains sur les hanches, levant la tête avec orgueil, dit un seul mot.
- Alors ?
Moustaches réussit à garder son calme et à ne pas éclater de rire. Tant de soucis, tant de choses à préparer et à prévoir, tout ça dans le seul but de… Heureusement que le Démoniste était là pour le distraire !
Puis le rat croqua une blatte qui passait par là.
***
Chapitre 57 : Le bras de fer, la revanche
- Tiens tiens tiens, quelle surprise. Revoilà mon Tauren préféré…
Vimayre prit une profonde inspiration et s'avança vers le Paladin.
L'arrière petit-neveu "non-juridiquement parlant" de Llégion était en train de pécher, tranquillement assis sur le tablier du pont reliant les Bois de la Pénombre à la Forêt d'Elwyn.
Vimayre constata que son équipement semblait de meilleure qualité que lors de leur dernière rencontre, mais restait minable par rapport aux standards en vigueur pour un aventurier de son niveau.
Et surtout, Edualk semblait toujours aussi décontracté.
- Moi non plus, je ne m'attendais pas à vous trouver par ici, messire. Je vous imaginais plutôt en Outreterre.
- En fait, en ce moment je me farcis des batailles pour essayer de me payer une arme correcte. J'en suis pas loin, mais là, je commence à en avoir marre de me faire tailler en pièces par vos amis de la Horde.
- Je vois… Mais vous êtes loin des maîtres de guerre ici…
- Là, c'est particulier. On m'a parlé d'un voleur, une sorte de m'as-tu-vu à queue de cheval. Faut que je lui cause, et il passera forcément un jour par ici. Et comme j'aime pas courir pour rien…
- Peut-être l'ai-je croisé. Comment s'appelle-t-il, messire ?
Edualk ouvrit la bouche et hésita.
- Ne vous vexez pas, l'ami, mais cette histoire ne regarde que moi. Ne vous en mêlez pas.
Vimayre sentit une idée lui traverser l'esprit, et vit que le Paladin l'avait remarqué.
- Je suis sérieux, l'ami. Je ne voudrais pas nous fâcher… Donc, pas de coup d'œil "au cas où" dans vos dossiers.
- Mais vous savez que je vais quand même jeter un oeil, messire...
Edualk éclata de rire.
- Vous avez raison, et je serais déçu que vous ne le fassiez pas. En fait, il s'appelle Arrsène.
- Arrsène ? Votre père, non ? N'est-il pas au service des Défias depuis plusieurs années ?
- Apparemment, la "honte de la famille" a quitté les Défias. Ou bien Van Cleef l'a fichu dehors, ce qui ne m'étonnerait qu'à moitié connaissant le bougre. Au fait, "famille" au sens non-juridique, inutile de le préciser...
- Inutile, en effet. Je n'ai pas envie d'essayer de vous piéger, messire. Et puis, Llégion m'occupe assez comme cela.
- Toujours à sa poursuite ? Je vous avais bien dit de ne pas le sous-estimer.
- En fait, c'est sa Succube que je cherche. Il semble qu'elle ait fait une fugue il y a un moment de cela. Et le Diablotin était parti à sa recherche.
- Un petit malin, cet Abatik. Tordu et tenace. Je le plains d'être tombé sur Llégion.
Un long silence succéda aux paroles du Paladin qui, un léger sourire aux lèvres, surveillait sa ligne.
Vimayre poussa un profond soupir. Puis s'assis aux côtés d'Edualk.
- Vous savez, messire, votre arrière grand-oncle me fait courir depuis des semaines. Il n'arrête pas d'aller et de venir, de passer d'un continent à un autre, sans logique aucune. Maintenant il sème ses démons un peu partout. Sans parler de sa famille qui manifestement prend plaisir à me balader. Vous comprendrez donc que parfois, je sens comme une légère lassitude me gagner.
- C'est vous qui le poursuivez, l'ami. Lui, il cherche juste à conquérir le monde. Normalement, ce serait une sacrée raison d'aller lui coller des baffes à coups de haches, mais Llégion est un minable. Ca date de longtemps, même s'il n'a pas toujours été comme ça.
- C'est ma mission, messire.
- Il ne paiera jamais. Vous en êtes conscient ? Si on l'a renié dans la famille, c'est pas pour rien.
- Je dois le retrouver quand même.
- Et vous, vous y gagnez quoi ? Une médaille ? Une part de l'argent récupéré ?
Vimayre resta silencieux un moment. Et quand il parla, ce fut à voix basse, comme s'il hésitait encore à dire ce qu'il avait sur le coeur.
- J'appartiens à une Confrérie séculaire chargée d'une mission essentielle. Mais depuis toujours, elle est aux mains de Morts-Vivants dégénérés, incapables et engoncés dans leurs habitudes. Je veux changer tout ça. Je veux le pouvoir, pour rénover notre Confrérie. Et pour ça, je dois prouver ma valeur en accomplissant les missions qui me sont données.
- Donc, Llégion.
- Oui. C'est le dossier le plus ancien et le plus pourri qui existe. Et il concerne un minable, comme vous le dites vous même, qui ne pourra pas me nuire. Je vais l'attraper, le redresser et ainsi accéder au Conseil de la Confrérie. Et une fois là, rien ne pourra m'arrêter.
Edualk resta à surveiller sa ligne sans rien dire un moment, le Tauren silencieux à ses côtés. Puis il se tourna vers son voisin, un air sérieux sur le visage.
- Llégion aussi veut le pouvoir. Comme vous. Cela pourrait vous ouvrir mutuellement des possibilités. Y avez-vous songé ?
- Vous voulez dire, trahir la Confrérie ? Jamais ! Et puis, mes chances seraient nulles.
- Donc vous y avez songé.
- Bien sûr. Mais Llégion serait plus une gêne qu'une aide. Tous ceux que j'interroge sur lui le décrivent comme un "grand chauve à l'air con". Un minable...
Edualk secoua la tête sombrement.
- Voulez-vous un bon conseil, l'ami ?
- Dites toujours.
- Ne vous fiez pas aux apparences. Ne croyez pas ce que vous savez – ou pensez savoir.
- … J'avoue ne pas vous suivre.
Edualk secoua la tête, l'air sérieux.
- Llégion… Comment dire… Ce qu'il est aujourd'hui n'a rien à voir avec ce qu'il fut autrefois. Et rien ne permet de dire qu'il a réellement oublié le passé. Il est plus compliqué, et plus dangereux, que ce que vous pouvez en connaître.
Vimayre fronça les sourcils.
- Et plus précisément ?
- Plus précisément, non. C'est une histoire de famille, qui se transmet uniquement entre nous. Et nous sommes, quoique vous puissiez croire, beaucoup plus compliqués que nous en avons l'air.
- Une histoire de famille ?
- Mon aïeul… Il… Non. C'est à vous de le découvrir. De comprendre. Mais honnêtement, je ne vous le souhaite pas. "Ce qui aurait dû être et qui ne fut pas." Une histoire de déchéance… et de sang.
Edualk soupira.
- Oui, je ne vous souhaite pas de connaître cette histoire.
Le Tauren et le Paladin restèrent silencieux un moment. Puis…
- Bordel ! Jamais ils veulent mordre, ces foutus poissons !
L'exclamation d'Edualk fit sursauter le Tauren. Le Paladin jeta sa canne à pêche à terre, et commença à ranger ses affaires.
- Au fait, messire… Le Diablotin. Vous l'avez vu, n'est-ce pas ?
- Effectivement. On s'est rencontré à Cabestan lors de la Quinzaine Commerciale. Je l'ai accompagné à Hurlevent pour récupérer la Succube. Jolie fille, d'ailleurs…
- Et …?
- Et quoi ? Ah oui, j'ai failli oublier, vous cherchez à les retrouver… On a récupéré la Succube, et ils sont repartis précipitamment. Apparemment, le vieux sac d'os aurait eu comme une crise nerveuse.
- Pourquoi ne suis-je pas surpris…
Edualk éclata de rire, rejoint par le Tauren.
- Vous savez, l'ami, je vous aime bien. Vous semblez un brave type, et puis ça me gêne de laisser Llégion tranquille. Je suis quand même Paladin…
- C'est vrai qu'on a tendance à l'oublier, à vous voir, messire…
- Merci, merci… Les deux démons sont repartis en catastrophe sur les Tarides. Même que la Succube n'avait pas l'air enthousiaste.
Vimayre sourit et remercia le Paladin. Ils se séparèrent, chacun allant vers son destin… Mais le Tauren avait commencé à réfléchir…
***
Chapitre 58 : Let me be a drag-queen !
- Alors ? J'ai pas une classe folle avec ça ?
- Oh mon loulou ! Tu es TELLEMENT beau avec ça ! Même si…
- Vous êtes magnifique, Maître. Bravo ! Même si…
- (voix caverneuse) Je ne peux que constater votre élégance, Maître. Même si…
Llégion lança un regard à Zaza, qui le lui rendit en penchant la tête.
- Waf ! Wouf wif…
- D'accord, j'ai compris, qu'est-ce qui ne va pas ? C'est la couleur ?
- Regarde-le, Zaza ! Il est TELLEMENT chou ! Mais non, mamour, la couleur est très bien. Hein, Zaza ?
- Wif !
- Alors je me suis planté dans mes coutures ?
- Pas du tout, Maître. Je dois avouer que votre œuvre est sans défaut.
- Et toi toujours aussi faux-cul, Abatik. Alors la longueur ? Elle est trop courte ?
- (voix caverneuse) Je ne trouve pas, Maître. Elle respecte le Code d'Indécence Infernale.
- Le Code d'Indéc… Je ne veux rien savoir. Alors c'est quoi ?!
- Ben mon choubichounet…
- Oui ?
- Wouf…
- Couché.
- C'est-à-dire, Maître…
- J'attends.
- (voix caverneuse) Comment dire…
- Par la malepeste ! Vous allez cracher le morceau !
- (voix caverneuse) Abatik a remarqué quelque chose, Maître.
- (Merci, Mezz, je te revaudrai ça) En fait, Maître… J'y pense, n'avez-vous pas remarqué comme cet individu là-bas nous regarde d'un air bizarre ? Je pense…
- Abatik ?
- Oui, Maître ?
- Accouche.
- Hem… en fait… comment dire, Maître… Votre robe est très bien, d'une couleur convenable…
- Je te l'ai dit, mon Llélé. Hein que maman l'a dit, Zaza ?
- Wif !
- Elle est parfaitement réussie, sans défaut de couture… Vous pouvez me croire, Maître !
- Faux-cul.
- Et d'une longueur adéquate, Maître…
- (voix caverneuse) Conformément au Code, Maître.
- Non, dans l'ensemble, tout est très bien, Maître.
- Et… ?
- Euh… Vous êtes sûr pour le gars bizarre là-bas ? Moi il me parait louche, Maître.
- Je suis sûr, Abatik. Et si quelqu'un écrivait mon histoire, ton baratin prendrait déjà une page entière. Donc… va au fait.
- Hem… *profonde respiration* Votre robe, c'est…
Ce fut étonnant, tout le monde dut en convenir. Llégion garda son calme. Il se contenta de lever un sourcil, de baisser les yeux sur la robe magnifique qu'il avait eu tant de mal à fabriquer et qui lui avait pris tant de temps.
Puis il regarda Menara qui, étendue par terre, dormait du sommeil de l'ivrogne. En ronflant avec un peu de bave aux lèvres, preuve alcoolisée que même les femmes les plus intelligentes et les plus cultivées peuvent être aussi stupides que les hommes.
On aurait pu penser qu'il se jetterait sur elle pour la rouer de coups, mais non. Il se contenta de passer une main négligente sur le devant de sa robe, et de regarder autour de lui.
Puis il se dirigea vers le bord du précipice entourant les Pitons du Tonnerre, faisant signe aux démons de rester où ils étaient.
Puis, debout sur le bord, ayant devant ses yeux le magnifique paysage verdoyant de Mulgore, Llégion prit une profonde inspiration.
Derrière lui, les démons se jetèrent au sol, les mains sur leurs oreilles.
- RRRHHHAAA !!! PAR LA MALEPESTE !!! RRRHHHAAA !!!
Le Démoniste reprit son souffle, se retourna, fit un pas puis s'arrêta et revint vers le précipice.
- RRRHHHAAA !!!
Puis, un sourire satisfait au visage, il revint vers les démons qui le regardaient d'un air inquiet – quoique légèrement blasé.
- Bon, ça c'est fait. Donc, Abatik, tu me faisais remarquer avec tact que la robe que j'ai cousue avec mon talent et mon habileté légendaire, grâce à des composants glanés dans tout Azeroth au mépris de tous les dangers, est… c'est quoi l'expression, déjà ?
- Euh… Un modèle pour femme, Maître.
Dans les prairies de Mulgore, les animaux qui s'étaient cachés brusquement en entendant le hurlement du Démoniste et qui commençaient à sortir de leurs cachettes s'arrêtèrent net et attendirent.
L'atmosphère était soudainement devenue étouffante, et dans le ciel, de sombres nuages noirs commençaient à s'accumuler au dessus de la capitale des Taurens.
Dans sa hutte, le puissant Cairne Sabots de Sang, chef incontesté de cette race solide, sentit un frisson sur son échine, ce qui ne lui était plus arrivé depuis longtemps.
Llégion soupira.
- Bon, pas grave, je commence à avoir l'habitude. Avec de nouveaux habits par-dessus, de nouvelles armes et quelques enchantements, ça devrait aller.
Les démons se relevèrent, surpris par le calme de Llégion, et restèrent silencieux. Ce fut Seln qui brisa la glace.
- Euh… Mamour ? Tu te souviens ? Tu as dit qu'on irait à Lune d'Argent ?
- Waf !
- Tu vois, mon Llélé. Zaza confirme. Hein que sa maman a raison, mon Zazounet d'amour !
- Seln ?
- Oui mon choubichounet ?
- On va devoir traverser les Tarides, Durotar et passer par Fossoyeuse pour y aller.
- Mais poupougne…
- Et à Fossoyeuse, c'est la semaine du curetage des douves.
- …
- Sinon, j'ai cru entendre dire qu'il y aurait un projet de centre de vacances sur les plages d'Arathi. Mais c'est toi qui v…
- Oh oui, mon loulou ! On y va ! Ce serait TELLEMENT chou ! Hein mon Zaza que ce serait chou ?
- Wif !
- Tu vois, il est d'accord ! Dis oui ! Dis oui ! Dis oui !
- D'accord, Seln, tu as gagné. On va en Arathi, et comme il faut passer par les Tarides on en profitera pour te trouver quelques habits en fourrure pour cet hiver. Et je pense qu'on devrait trouver des joailliers à Orgrimmar, vu qu'on passe à côté – les Orcs sont réputés pour ça. Et puis, une fois dans les Royaumes de l'Est, direction Arathi !
Seln courut chercher ses affaires à l'auberge, un Zaza frétillant à ses sabots. Mais avant de disparaître derrière une tente, le Chasseur Infernal se retourna et regarda Llégion en secouant la tête. Puis il rejoignit sa "maman".
Abatik se rapprocha en sifflotant de son maître.
- Vous savez, Maître, c'est pas parce que c'est une Succube qu'elle est complètement cruche. Même le clebs a compris.
- Tu insinues quoi ? Elle est heureuse, c'est le principal.
- Maître… Depuis quand il y a une plage en Arathi ?
- Y'a la mer, donc y'a une plage. CQFD.
- Et on va passer par les endroits où vous avez dit qu'on n'irait pas, Maître. Elle va avoir des doutes.
- On avisera. Et Abatik ?
- Oui, Maître ?
- C'est quoi ce nouveau nœud sur ta tête ? Je t'ai dit d'enlever ça.
- Mais Maîtttrrre-eeeuuuhhh…
Moustaches revint vers le groupe en trottinant. Il avait eu peur un instant à cause de la remarque du Diablotin, mais finalement personne ne s'était intéressé à l'homme. Et celui-ci lui avait appris beaucoup…
Puis le rat se mordilla frénétiquement une côte.
***
Chapitre 59 : Le messager
- Le salopard ! Un peu que je me souviens de lui ! Il a pas intérêt à me tomber entre les mains, sinon je vous jure que j'en fait du hachis !
Vimayre grimaça devant la véhémence du Tauren posté à la Grande Elévation reliant les Tarides aux Milles Pointes.
- Donc, vous l'avez vu ?
- En fait, non, pas vraiment. C'est mon petit frère qui était de garde quand des Allianceux l'ont buté au passage en allant dans les Milles Pointes. Quand je suis arrivé pour le relever, j'ai trouvé son corps, avec dessus une lettre. Ouverte, en plus ! Môman, elle était furax !
- Mais vous n'avez pas vu Llégion.
- Ben si, je l'ai vu s'enfuir. Môman, elle dit que j'ai de très bons yeux, en plus.
- Et elle disait quoi, la lettre ?
- C'était pour ses congés ! Des mois qu'il l'attendait ! Même qu'on avait prévu d'aller avec Môman voir mon tonton. Sauf que la date était passée depuis des jours !
Vimayre hésita quelques secondes devant la colère "particulière" du garde. Mais bon, il n'était pas là pour ça.
- Et vous ne sauriez pas où il est allé par hasard ?
- Ben, on l'a amené au cimetière, comme on fait pour ceux qui meurent au service de la Horde. Même que Môman, elle a fait un soufflet au fromage.
Vimayre prit une profonde inspiration en se pinçant l'arête du mufle.
- Non, je parlais du Démoniste
- Ah, lui. Il est reparti vers le Nord. D'après les gardes d'Orgrimmar, il a pris un vol vers Fossoyeuse.
- Vous êtes sûr ?
- Ben oui. J'ai voulu l'attraper pour le dérouiller, alors je me suis renseigné. Mais moi, je vais pas chez les Morts-Vivants. Môman veut pas.
- Et il y avait combien de démons avec lui ?
- Ben, un seul. Un gros truc bleu. Môman, elle aime bien le bleu. Mais elle aurait pas aimé celui-là.
Vimayre laissa le garde et sa "Môman". Donc la bande n'était pas encore réunie. Il allait lui falloir vérifier à Fossoyeuse.
Foutus Morts-Vivants…
***
Chapitre 60 : Ninja !
- Moi j'vous dit, c'est dégueulasse un coup pareil. S'il revient dans le coin, je le démolis.
- La ferme, Edualk, tu saoules tout le monde avec tes histoires, et en plus tu l'es aussi.
La salle de l'auberge d'Elwyn rit du bon mot du Démoniste.
Edualk rota et, un sourire mauvais aux lèvres, répliqua :
- Les Démos, c'est tous des pédales. Des tapettes avec des robes, c'est tout.
Le Démoniste se leva brusquement tandis que son Gangregarde se jetait sur le Paladin.
Celui-ci, moins saoul qu'il n'y paraissait, esquiva l'attaque qui, néanmoins, frappa dans le dos un Guerrier tranquillement assis à côté, une jeune Draeneie en face de lui.
Le Guerrier se retourna fou de rage, sortit deux épées flamboyantes et se jeta sur le démon, tandis que le Démoniste entreprenait de lancer une malédiction sur la nouvelle menace.
- Eh, les gars, y'a une bagarre ! Géronimo !
En à peine vingt secondes, tous les aventuriers présents dans l'auberge étaient en train de se battre allégrement, sous le regard affligé de la Draeneie restée seule devant son verre.
Edualk, l'air de rien, en profita pour s'asseoir à sa table, ignorant ostensiblement le chaos général.
- Ouaip, mademoiselle, ça ne devrait pas être permis de voler le coffre d'une Guilde. Il est tellement plus agréable de voler le cœur d'une charmante demoiselle esseulée…
La Draeneie sourit timidement devant le compliment. Edualk sourit lui aussi, surpris que ce genre de plan puisse encore marcher. Mais bon, autant en profiter, c'était tellement rare…
- En fait, j'ai découvert l'arnaque pendant la nuit. En voulant jeter un œil dans le coffre de ma Guilde, j'ai vu qu'il n'y avait plus rien. Ni or ni équipement ! Et le registre de la banque n'indiquait que "Inconnu" comme nom du "nettoyeur".
La Draeneie sourit à nouveau, encourageant du regard le Paladin à continuer, tandis que l'aubergiste tentait de décrocher le miroir mural.
- Au fait, j'appartiens à l'Equipe Relax. Bon, c'est vrai que comme nom de guilde, il y a mieux, mais l'ambiance est sympa, et on me fout la paix. Tout ce que j'aime, en somme !
La Draeneie remit en place une mèche de cheveux. Un bruit de verre brisé et un gémissement de douleur confirmèrent l'échec de la démarche de l'aubergiste.
- J'ai parlé à notre chef peu après. Fortunate, qu'elle s'appelle. Je ne la connais pas vraiment, mais je suis sûr qu'elle doit être mignonne. Moins que vous, certes, mais ça c'est une évidence…
La Draeneie rougit, tandis que derrière elle deux combattants s'écrasaient sur une table.
- D'après elle, il y avait un Démoniste qui avait disparu "comme par hasard" au même moment. Un Humain. Je me suis renseigné, et j'ai vu qu'il avait rejoint un autre Royaume, celui des Sentinelles. Drôle de coïncidence, non ?
La Draeneie continua de sourire sans parler. Au fond de l'auberge, un Prêtre tentait, apparemment avec quelques succès, de dévisser la tête d'un Voleur à mains nues.
- Ca a été compliqué, mais j'ai réussi à me rendre incognito dans ce Royaume. Un beau paquet de cinglés, là-bas ! Le genre qui causent bizarrement avec des "Oyez" et des "Holà, manant". J'ai eu de la chance, j'ai pu parler au Démoniste, sans qu'il ne se doute de qui j'étais.
La Draeneie s'humecta les lèvres avec sensualité. Sous la table d'à côté, un Chasseur visa soigneusement avec son arc un Guerrier occupé à essayer de toucher la panthère qui le harcelait.
- Et bien, vous n'allez pas le croire, mais il a fait l'innocent ! Qu'il ne savait pas de quoi je parlais, qu'il venait d'ailleurs et pas de Krasus, etc. Sauf que ce type, j'ai vérifié, est le seul portant ce nom dans tous les Royaumes confondus. Manifestement, il se foutait de moi.
La Draeneie se mordilla la lèvre inférieure. Un bruit sec et un cri de douleur ponctuèrent le tir du Chasseur, sauf que la flèche avait touché un autre Chasseur au lieu du Guerrier visé.
- Je suis revenu plusieurs fois le voir, histoire de maintenir la pression. Et au bout de quelques jours, surprise ! Je n'ai plus trouvé trace de son nom ! Là, j'avoue que j'ai eu quelque inquiétude. Mais la chance a été avec moi.
La Draeneie soupira, et sourit à nouveau pour s'excuser. Un peu plus loin, les deux Chasseurs avaient entrepris de se tirer dessus à bonne distance, blessant au passage un certain nombre de combattants qui n'apprécièrent pas du tout.
- La chance… et le talent quand même un peu ! En fait, j'avais noté son nom dans ma liste d'amis, même si ce type était une crapule. Et le truc drôle, c'est qu'il avait changé de nom, mais que ma liste s'est mise à jour ! Il ne devait pas le savoir, à mon avis. Quel idiot !
La Draeneie rit avec Edualk, tandis que devant le comptoir, un groupe de Guerriers hérissés de flèches était en train d'attaquer les deux Chasseurs subitement obligés de faire front commun.
- J'ai voulu lui parler à nouveau, mais il a fui. Voleur, idiot et lâche ! Un parfait spécimen de Démoniste ! En plus, il avait rejoint une nouvelle Guilde. Vous pensez bien que je me suis fait un devoir de prévenir leur Maître, qui a particulièrement apprécié ma démarche… Soi-dit en toute modestie, bien sûr !
La Draeneie secoua la tête en souriant à nouveau de la plaisanterie. Dans la cuisine, deux Paladins énervés se tapaient dessus et se soignaient en alternance, faisant s'éterniser leur combat.
- Au fait, charmante demoiselle, ça vous dirait qu'on se raconte nos aventures dans un endroit plus confortable ? Je suis sûr que vous avez pleins d'histoires passionnantes à raconter…
La Draeneie continua de sourire sans parler, puis fronça les sourcils devant le visage engageant du Paladin. Dans la cuisine, les deux Paladins avaient lancé leur bulle de protection, histoire de reprendre des forces.
Le sourire d'Edualk commença à se figer.
- Euh… Mademoiselle ?
La Draeneie sembla soudain reprendre ses esprits, alors que la bagarre commençait à se calmer, faute de combattants encore valides.
- Was ? Sprechen Sie mir ? Ich entschuldige mich. Ich spreche nur Deutsch. Traurig.
Edualk resta quelques longues secondes silencieux, le sourire figé aux lèvres. Puis il secoua la tête d'un air las.
- Décidemment, quand ça veut pas, ça veut pas. Tigrou va encore se foutre de moi. Pour une fois que j'avais une opportunité, fallait que ça tombe sur une étrangère qui parle pas la langue.
- Was ?
- Non, non, rien.
Edualk s'affala sur sa chaise et reprit le cours de sa cuite, abandonnée un peu plus tôt.
De la cuisine, les deux Paladins, sans la moindre blessure mais épuisés, jetèrent un œil dans l'auberge dévastée et revenue au calme, tous les combattants étant hors de combat.
Puis ils se regardèrent d'un air gêné.
- Bon, on a qu'à dire que j'ai gagné, vu qu'il me reste de la mana à moi.
- T'es pas bien ! Pas question ! C'est moi qu'allait gagner !
- OK, on règle ça dehors.
Les deux Paladins sortirent donc, enjambant les corps épars et saluant de la tête Edualk plongé dans son verre.
- Was ? Ich verstehe nicht.
- Oh, ta gueule…
Loin de là, Moustaches se permit un sourire satisfait. Le Paladin s'était montré plus tenace que prévu, mais n'avait finalement rien pu faire. Tout pouvait donc continuer comme prévu.
Puis le rat se nettoya le museau.
***
Chapitre 61 : L'apothicaire
- Laissez moi me rappeler… Ah oui, un GCAC ! Je m'en souviens, parce que c'est peu courant chez les Démonistes. Scalpel.
- Un "GCAC" ?
- Oui. "Grand Chauve Air Con" dans notre jargon. Tenez-moi ça.
L'apothicaire tendit à Vimayre le paquet d'entrailles sanglantes qu'il venait d'enlever du corps de son patient. Le Tauren réussit à les prendre sans vomir son déjeuner.
- Et il allait comment quand vous l'avez vu ?
- Ca, il avait pas l'air vaillant. Une crise de nerf. Faites gaffe, y'a un bout d'intestin qu'est tombé par terre.
- Désolé. Il serait coutumier du fait, d'après ce que je sais.
- Ce coup ci, ça a été sérieux. C'est son Diablotin qui est venu me chercher, et il avait l'air inquiet. Vous pouvez me passer le foie ? Non, le truc violet. Merci.
- Effectivement, ça devait être grave. Et il s'en est sorti ?
L'apothicaire farfouilla dans le ventre de son patient en jurant.
- Bordel ! Je crois que ma chevalière a glissé dedans. Faut que je ressorte tout ! Passez-moi la grosse cuillère derrière vous.
Vimayre sentit son déjeuner remonter dans sa gorge.
- Et donc, Llégion ? *glups*
- Je lui ai filé un laxatif. Ca l'a remis d'aplomb. Bingo ! Je l'ai retrouvé ! Vous pouvez fourrer ces machins dedans, je m'en occuperai plus tard.
Vimayre déposa le tas d'entrailles dans le ventre béant du patient, et se sentit soudain très mal.
- *burp* Désolé…
- Pas grave. Vous êtes pas le premier à vomir dans un patient. Suffira de nettoyer, les infirmières ont l'habitude. Surtout quand je suis bourré !
- Et *burp* il est parti où ensuite ? *eurk*
- La gamine l'a tanné pour aller à Lune d'Argent. Et comme il avait l'air fatigué, il a dit oui. Tiens, vous avez mangé des carottes ce midi ?
Vimayre s'enfuit à toutes jambes, les mains sur la bouche. Encore des Elfes de Sang… C'était un cauchemar…
***
Chapitre 62 : C'est le plus grand des voleurs…
- C'est bon, je n'ai pas besoin de vous ! Je n'ai jamais eu besoin de personne, moi ! Minables…
Ce dernier mot avait été prononcé à voix basse. Même s'il était de taille à tous les affronter, étant donné son talent reconnu de tous, il n'avait pas envie de partir sur une mauvaise impression.
- Van Cleef t'a dit de dégager, alors tu dégages ! Et ne t'avises plus de remettre les pieds ici !
Arrsène épousseta la poussière sur son pantalon, brossa son magnifique pourpoint et fusilla les Défias du regard. Puis il sortit un peigne de sa poche revolver et remit sa chevelure en ordre.
Enfin, ayant repris apparence humaine, il salua bien bas ses anciens collègues et prit la route de l'est en sifflotant.
C'était bien la peine de se donner tant de mal, tiens. Autant d'ingratitude lui faisait mal au cœur, mais après tout, c'était la rançon du succès.
Et puis, peut-être était-ce mieux ainsi. Ce Van Cleef se la jouait avec son costume de cuir moulant et son air sombre, mais sans ses hommes de main, ce n'était qu'un chef de bande comme les autres.
Il n'y avait qu'à voir le nombre d'aventuriers qui venaient lui faire la peau régulièrement, et repartaient tranquillement après lui avoir mis une dérouillée, sans même prendre la peine de jeter un œil sur la décoration.
Pourtant, Arrsène s'était donné du mal pour faire du repaire des Défias un endroit classieux et digne de sa présence. Il lui avait fallu des heures pour convaincre les Défias méfiants de se mettre au travail.
Et malgré tout, ses coreligionnaires continuaient à cracher sur les tapis, à utiliser les tapisseries pour jouer aux fléchettes et à pisser dans les vases précieux.
Sans parler bien sûr des aventuriers qui cassaient tout, salissaient les murs avec le sang des Défias et ne s'essuyaient même pas les bottes sur les paillassons.
Pourtant, ils étaient bien visibles, ces foutus paillassons ! Arrsène avait même fait mettre des panneaux partout pour les signaler.
Mais rien à faire. Aucun respect pour le travail des autres. Quelle misère…
Arrsène secoua la tête de dépit, tandis qu'il passait devant la tour des Sentinelles des Marches de l'Ouest.
Foutus Défias… Même leurs femmes s'étaient révélées inintéressantes au possible. Pourtant, avec leur physique attrayant, leurs tenues moulantes et leur décolleté profond, on aurait pu penser qu'un gentleman élégant et séduisant comme lui n'aurait eu aucun problème.
Sauf que ces paysannes n'avaient que le combat en tête. Et pas le genre auquel Arrsène pouvait penser…
Bien sûr, il y avait Elvira Van Cleef. Ahhh… Elvira… La sœur du chef. Arrsène eut un sourire rêveur en songeant à cette beauté magnifique.
Un corps de rêve, des jambes interminables, une poitrine à damner un saint, des lèvres pulpeuses, bref, tout ce dont un homme pouvait rêver.
Arrsène n'avait eu aucun problème à séduire la belle. Après tout, ce n'est pas comme si les Défias pouvait le concurrencer dans ce domaine. Et puis, quand on passe sa vie enfermée dans des grottes éloignées de tout, l'arrivée d'un bel homme distingué et élégant comme Arrsène était une chance à ne pas rater.
Et la gourgandine ne l'avait pas ratée. Oh que non. Elle en avait même largement profité.
Bien sûr, rustique comme elle était, il avait dû prendre un peu de temps pour lui apprendre quelques trucs basiques. Histoire qu'elle soit un minimum digne de lui.
Déjà, prendre un bain pour commencer. Apprendre à s'habiller. A se tenir. A se maquiller. A ne pas cracher par terre. A ne pas roter toutes les dix secondes.
Mais elle s'était révélée une élève plutôt douée… si on oubliait sa manie de lui mettre des coups de tête dans le feu de l'action, ou d'essayer de lui briser les bras.
Arrsène continua de songer un moment à la belle Elvira tout en traversant le pont reliant les Marches de l'Ouest à la Forêt d'Elwyn.
Puis son visage s'assombrit quand il se souvint de la réaction de Van Cleef.
Van Cleef ! Comment un minable pareil pouvait-il régner sur les Mortemines ? Arrsène lui avait posé la question, quand il l'avait surpris en train de lutiner sa sœur dans un coin sombre.
Ce barbare ne lui avait même pas répondu ! Et il l'avait frappé ! Soi-disant que personne ne touchait à sa sœur sans sa permission…
L'ingrat… Avec tout ce qu'il avait fait pour lui ! Et pour donner à sa mocheté de sœur un peu de vernis de civilisation ! Quelle ingratitude !
Arrsène était écoeuré. Il avait cru trouver chez les Défias un public réceptif à son immense talent, et il n'avait trouvé que des ploucs pour qui le summum de l'élégance consistait à ne pas faire de gosses à leur propre sœur…
Bien la peine d'essayer de relever le niveau, tiens…
Bref, Van Cleef avait prétendu le mettre à la porte à cause de cette histoire. Bien sûr, il n'en était rien : c'est lui, Arrsène, qui avait choisit de partir de ce trou infect et puant.
Oui, tout ceci était beaucoup mieux. Il était temps de partir. De retrouver la civilisation.
Il redevenait indépendant, comme il n'aurait jamais dû cesser de l'être. On n'enferme pas un aussi magnifique spécimen de charme et d'élégance comme lui. Quelle folie…
Enfin, la leçon avait été divertissante et il était à nouveau libre comme l'air, et autonome.
Par contre, ces pouilleux de Défias ne lui avaient même pas laissé le temps de récupérer son argent ou son matériel.
Etre libre, c'était une chose. Etre pauvre, c'en était une autre. Et c'était absolument inenvisageable. Comment assurer son train de vie quand on n'a pas le sou ?
Arrsène sourit en arrivant aux portes de Hurlevent. Après tout, il avait encore de la famille. Et le devoir des enfants n'est-il pas de subvenir aux besoins de leurs parents ? Avec tout ce qu'il avait fait pour lui, c'était un peu normal…
Arrsène entra dans Hurlevent en sifflotant. Oui, Edualk était un fils respectueux. Il aiderait son vieux père.
Le Voleur eut quand même un léger doute en dirigeant ses pas vers l'hôtel des ventes. Edualk était assez proche de son grand-père, et celui-ci n'avait jamais accepté le choix de vie de son propre fils.
De là à ce que ce vieux sénile lui ai mis de mauvaises idées dans la tête…
Moustaches remit de l'ordre dans ses idées. Encore un évènement non prévu… Cela devenait pénible, cette manie qu'avaient certains de réapparaître comme cela sans prévenir.
Puis le rat pissa sur les bottes du Démoniste.
***
Chapitre 63 : Encore Mercät…
- Vous connaissez celle de la vache et du prisonnier ? Elle est tordante !
Vimayre était vert de rage, et seul la présence de nombreux Elfes de Sang de haut niveau dans l'auberge l'empêchait de massacrer Mercät.
- Vous vous foutez de moi !? Alors comme ça, môssieur le Mage a rencontré Llégion plusieurs fois, et môssieur le Mage ne m'en dit rien ?! Il se tait ?!
- … iére. Théière ! Vous avez compris ? Qu'est-ce que je suis drôle, moi, aujourd'hui !
- RHHHAAA !
- Tiens, c'est marrant, l'autre sac d'os, il dit la même chose que vous. Sauf qu'il rajoute "par la malepeste" après. Vous êtes parents ?
Le Mage se frappa la cuisse en riant aux éclats.
- Un Tauren Mort-Vivant ! La crise !
- Sanguina ! Attaque !
Le raptor, qui somnolait aux pieds de son maître, leva la tête vers lui, puis vers le Mage. Considérant son propre niveau – 27 – et celui du Mage – 70 -, Sanguina bailla et… se rendormit. Sous le regard éberlué de Vimayre.
- Rhhhaaa ! C'est pas vrai ! Jamais tu obéis, saleté !
- Ah ouais, vous lui ressemblez vachement… "Vachement" ! Et vous êtes un Tauren ! Elle est géniale ! Faut que je la note…
Vimayre attrapa le Mage par le devant de sa robe et le secoua violemment.
- Tu vas me dire où il est, par la malepeste, ou je te mets en pièces, saloperie d'Elfe à la con !
Normalement, Vimayre aurait dû être instantanément vaporisé par les sorts du Mage qui, s'il était doté d'un humour abominable comme la plupart de ses congénères, n'en restait pas moins un vétéran.
Mais Mercät était tellement secoué de rire qu'il n'y pensa même pas.
- Je l'ai pris dans ma Guilde, les Anges Déchus. Puis il est parti visiter la ville…
Vimayre lâcha le Mage et sortit de l'auberge à grands pas. Ca allait barder.
***
Chapitre 64 : Non mais quelle famille !
Edualk prit une profonde inspiration avant de franchir le pas de porte de la Prison de Hurlevent.
Ce n'était pas la première fois qu'il y allait, bien sûr. Il aimait bien y faire un tour de temps en temps, histoire de se détendre en tuant quelques dizaines de Défias mutinés. En plus, c'était toujours moins loin que les Mortemines.
Le plus surprenant, c'était que ces satanés Défias continuaient à se mutiner. On aurait pu penser que depuis le temps, ils auraient compris, mais non. En plus, la garnison de Hurlevent n'avait rien trouvé de mieux que de continuer à y enfermer tous les bandits du continent.
A se demander si tout ceci avait une logique…
Mais cette fois-ci, Edualk n'y allait pas pour le travail ou la détente, mais pour une raison personnelle.
Et ça le gonflait prodigieusement…
- Salutations, capitaine. Comment est la Prison aujourd'hui ?
- Salutations, Paladin. Toujours aussi mutinée. Toujours aussi encombrée d'aventuriers. Et toujours aussi incontrôlable. Mais pourquoi ça changerait ?
Edualk sourit. Il aimait bien le capitaine de la garde de la Prison. Celui-ci avait compris l'imbécilité de sa tache, mais la faisait quand même, conscient que de toutes façons sa désertion n'y changerait rien.
Mais ça ne l'empêchait pas de râler et de se plaindre.
- Ca va vous surprendre, mais vous avez dû recevoir un Défias hier. Un Voleur. Suffisamment rare pour que vous vous en souveniez.
Les deux hommes se regardèrent en silence pendant plusieurs secondes, puis éclatèrent de rire en même temps.
- Non, sérieusement, celui-là est particulier. Il s'appelle Arrsène.
- Un Défias avec un nom ? Effectivement, c'est original. C'est un chef ?
- Non, je ne pense pas. J'en suis même sûr.
- Bon, je vais vérifier.
Le Capitaine ouvrit un lourd registre posé sur un tonneau, et le parcourut soigneusement. Divisées en colonnes, ses pages étaient remplies du nom des prisonniers amenés dans la Prison.
Il y avait donc beaucoup de "//" dans les colonnes, les Défias ayant l'habitude de ne pas avoir de nom mais uniquement un titre, et tous les mêmes.
- Donc : "Prisonnier Défias", non. "Mutin Défias", non plus. "Détenu Défias" ?
- Non plus.
- Ah ! Arrsène. Je l'ai. Arrêté à l'entrée de Hurlevent pour… vol d'une paire de chaussures à un cul de jatte ?
Le Capitaine leva un regard surpris sur Edualk, qui réussit à ne pas paraître trop blasé.
- Non, mais ne vous inquiétez pas, c'est normal.
- Il est bien là-dessous. Et vous lui voulez quoi ? C'est pour une quête ?
- C'est un poil gênant…
- Une histoire de Draeneie ?
Le Capitaine fit un clin d'œil appuyé au Paladin, qui prit l'air choqué.
- Non ! Dites donc ! En plus, ça n'est arrivé qu'une seule fois… Bref, en fait, je voudrais juste le faire sortir d'ici et lui faire quitter la ville. C'est possible ?
- Vous savez, à partir du moment où on les a mis dans la Prison, la suite, on s'en fiche. S'il survit, tant mieux ; s'il meurt, tant pis. Si vous êtes prêt à y aller le récupérer…
- Et ils sont comment aujourd'hui ?
- Comme d'habitude. Teigneux et pénibles. Vous y descendez ? Il vous doit du fric ?
- Non. Enfin, si, beaucoup même, mais ça fait longtemps que j'ai laissé tomber. Bon, je crois que je vais aller faire un tour dans la prison, alors.
- Bonne chance. Mais vous connaissez les lieux. Au fait…
- Oui ?
- Si vous croisez quatre Prêtres, des niveaux 15, vous pouvez me les ramener ?
- Des niveaux 15 ? Sans tank ? Ils avaient bu ?
- Même pas. Mais l'un d'entre eux est le père d'un copain du fils du Roi, et ça fait deux jours qu'ils sont partis…
Edualk leva les yeux au ciel.
- Bon, je promets rien, mais si je tombe sur eux, je les sors de là. En même temps, deux jours…
Edualk descendit donc les escaliers, laissant le Capitaine à ses états d'âme.
…
- Edualk ! Mon fils chéri ! Tu es venu chercher ton pauvre vieux père ! Et tu as bravé ces abominables Défias rien que pour moi ! Je suis tellement ému…
- Papa… T'as encore le masque de ces crapules sur le visage. Et l'autre là bas m'a dit que tu étais envoyé par Van Cleef…
Edualk nettoya sa masse et son bouclier, légèrement aspergés du sang des mutins.
- Et tu vas croire un bandit ?
- Non. C'est pour ça que je ne te crois pas. Bon, j'ai des trucs à faire, alors tu me suis et on sort d'ici.
- Tu sais, fils, je suis vraiment très touché que tu sois venu. Sérieusement.
Edualk se retourna vers son père.
- Et il est hors de question de te donner du fric.
Arrsène prit un air choqué.
- Tu me vois te demander de l'argent ?
- C'est vrai, d'habitude tu te sers directement, ou tu donnes mon nom sur les factures. Tiens, j'allais oublier, tu n'aurais pas vu des Prêtres dans les parages ?
- Tu crois que je fais attention à ces trucs-là ?
- Ce sont pas des chevalières de Prêtre de la Lumière à tes doigts ?
Arrsène eut l'air vexé.
- Un tel manque de confiance… Et puis, ils me les ont offertes.
- Les quatre t'ont donné leur chevalière ?
- C'est ça le charisme, fils ! Au fait, tu vas rire, mais tu n'aurais pas un peu d'argent à me prêter ? Les Défias m'ont tout volé quand je les ai quitté…
Loin de là, Moustaches était dubitatif. Qu'allait-il bien pouvoir faire de ce Voleur ? Et n'allait-il pas gêner le Paladin ? Tant pis, l'avenir le dira…
Puis le rat se gratta le côté.
***
Chapitre 66 : Pour la Horde ! - (voix caverneuse) Ils ont l'air forts, Maître. - Le temps qu'ils descendent de cheval, on en aura eu au moins un. - (voix caverneuse) Mais il en restera deux, Maître. Et ils ont l'air forts. - Je te couvre, Mezz ! Et puis, tu n'as qu'à te dire que c'est comme pour les Ogres ! - (voix caverneuse) Vous voulez dire, là où je suis mort ? Huit fois ? A la suite ? - Par la malepeste ! Attaque-les et arrête de râler ! Llégion, Abatik et Mezz s'étaient postés sur la route traversant les Hautes Terres d'Arathi d'est en ouest, juste avant le Refuge de l'Ornière, et observaient un groupe de trois cavaliers de l'Alliance patrouillant en direction du Donjon de Stromgarde. Seln n'était pas avec eux, ayant refusé de sortir de Trépas d'Orgrim quand elle avait vu les araignées géantes pullulant dans la région. Il va de soi qu'elle avait aussi entamé une bouderie, vu qu'il n'y avait rien à faire dans le coin. Seul Zaza s'amusait, en pourchassant lesdites araignées en jappant joyeusement. En temps normal, ils auraient évité les cavaliers, étant donné leur force, mais comme à son habitude, Llégion s'était laissé convaincre par un Orc du Trépas d'Orgrim d'aller récupérer des glyphes sur lesdits cavaliers. Depuis qu'il s'était installé dans cette forteresse de la Horde, Llégion passait son temps à faire des allers et retours entre les grottes des Ogres, les fermes de l'Alliance et les ruines de Stromgarde, tout ça pour "faire sentir à la région la main ferme de la Horde". Le Démoniste s'en fichait pas mal, mais les cadavres de ses victimes avaient toujours un peu d'argent et de tissu à lui fournir, et surtout il voyait avec impatience se profiler pour lui le 40e cercle. Et avec ce passage important pour tout aventurier digne de ce nom, l'accès à une de ces montures qui permettaient d'arrêter de se traîner sur les routes d'Azeroth. En attendant, Llégion devait servir de larbin et tuer tout ce qui passait à sa portée. Dont les fameux trois cavaliers. - Bon, Mezz, on y va à trois. Abatik, tu surveilles les alentours. Je n'ai pas envie qu'on se fasse attaquer dans le dos. - Attendez, Maître ! Quand on y va à trois, on y va à trois ? Ou bien on compte jusqu'à trois et puis on y va ? - Quoi ? - (voix caverneuse) Il a raison, Maître. C'est un, deux, et trois on y va ? Ou un, deux, trois, et on y va ? - Par la malepeste ! Vous m'embrouillez ! Mezz ! Attaque ! - (voix caverneuse) Puis-je vous faire remarquer, Maître, qu'ils sont sur une butte fort élevée… - Rhhhaaa ! Crève, saloperie ! Llégion se précipita sur les trois cavaliers en brandissant son bâton. Mezz et Abatik se regardèrent en silence, puis en soupirant, se jetèrent dans la bagarre. Le combat fut, comme d'habitude, violent et disputé, mais Mezz réussit à concentrer les attaques sur lui et Llégion et Abatik en profitèrent pour lancer leurs sorts. - (voix caverneuse) Je suis mort, Maître. Encore une fois. Je suis sûr qu'il y a des lois contre ça… - Pas grave, et les types sont morts. Ou quasiment. Par contre, pas moyen de trouver ce fichu glyphe ! Llégion agrippa le col du chef des cavaliers agonisant qu'il venait de fouiller trois fois de suite et le secoua en criant. - Où tu as mis ce glyphe, satané Humain ! - Argh… - Tu vas parler, dis ! - Trouveras… pas… sale… mort-vivant… - Dis-le moi et je t'achève ! - J'ai… secret… en… moi… Va… chier… - Tu vas parler, par la malepeste ! - *gargl* - Il est mort, Maître. On fait quoi ? - Il a dit que le secret est en lui… - Euh… Je n'aime pas votre sourire, Maître. - Abatik ? Llégion sortit une dague et la tendit au Diablotin qui la prit avec précaution. - Oui, Maître ? - Fouille-le. En lui. - Euh… Maître…Vous voulez que… - … que tu lui ouvres le bide et que tu fouilles dedans. Il a dû l'avaler. - Maître ! C'était pas dans mon contrat ! - Prends ça comme une promotion. Et nettoie la lame quand tu as fini. Moi, je vais faire une sieste. Llégion s'installa sur le bas-côté en repoussa son chapeau sur son visage, tandis qu'Abatik resta regarder la dague dans sa main, le cadavre du soldat et Mezz qui hochait la tête. - (voix caverneuse) Je t'aiderais bien, collègue, mais mes mains sont trop grosses. - Comme par hasard, Mezz… - (voix caverneuse) Dis-toi que ce n'est qu'un Humain. - Ca m'aide pas, Mezz. Abatik prit une profonde respiration et, tout en se pinçant le nez, commença à "fouiller en dedans" le cadavre. Moustaches secoua la tête de dépit. Quel idiot ce Démoniste… Rater une occasion pareille. En tout cas, lui ne l'avait pas raté. Cela lui sera utile plus tard. Puis le rat se coucha et entama une sieste. *** Chapitre 67 : Dar'Khan - Vous savez que je ne suis pas sensé coopérer avec ceux de votre camp, n'est-ce pas ? Vimayre avait eu du mal à arriver jusqu'au maître de Mortholme, un certain Dar'Khan. Celui-ci n'avait accepté de le recevoir qu'après que le Tauren eut graissé quelques pattes. - A Tranquillien, on m'a dit qu'un Démoniste du nom de Llégion était venu ici. Un Mort-Vivant. Dar'Khan grimaça. - J'en vois tous les jours, des aventuriers qui viennent pour m'abattre. Parfois ils gagnent, parfois non. Si je devais retenir tous leurs noms... - Celui-là est grand, dégarni et fatigué. Il est du genre peu doué. - J'ai bien vu un grand chauve à l'air con, avec deux minables à ses basques. Mais plutôt doué, vu qu'il m'a eu. - Hmmm... - D'ailleurs, il a pas arrêté de hurler qu'il était le meilleur, le plus fort, etc. Alors que c'est son démon qui a fait la plus grande partie du boulot avec son Code du Travail Infernal. - Il se battait avec un Code ? - Oui, ça m'a surpris, car je croyais que ce truc avait été interdit. - Alors c'est lui. Mais il serait devenu bon... ? Vimayre resta pensif un moment. Si son client se mettait à devenir doué, ça risquait de compliquer les choses. - Autre chose à me dire ? - Un Diablotin est arrivé ensuite, alors que j'attendais qu'il parte pour récupérer mon corps. Je n'ai pas tout compris, mais apparemment, leur Succube s'était faite la malle. - Ca confirme que c'est bien lui... Et vous savez où ? - Aucune idée. Voyez à Tranquillien, ils surveillent tout dans la région. Vimayre grimaça. Retourner là-bas lui faisait horreur, vu que les ruines du village étaient occupées par une alliance de Réprouvés et d'Elfes de Sang. Mais Dar'Khan avait raison. Eux seuls pourraient le renseigner. *** Chapitre 68 : C'est mignon mais c'est fatigant, une fille - Bordel à queue ! Edualk jura pour la sixième fois de la soirée en relisant la lettre reçue le matin même. Puis, toujours pour la sixième fois, il vida d'un coup sa chope de bière et en demanda une nouvelle. Et pour la sixième fois de la soirée, l'aubergiste secoua la tête en le resservant. - Je te comprends pas, Edualk. Ca fait je ne sais combien de temps que tu cours après les Draeneies sans jamais en attraper une et là, on t'en offre une, et tu râles... T'es vraiment pénible, tu sais. - Bordel ! Edualk continua de râler encore un moment, puis reprit la lettre et entreprit de la relire encore une fois. La septième. Derrière son comptoir, l'aubergiste tira une septième chope de bière. Autant gagner du temps... La lettre était en papier rose, avec des petits coeurs et des nounours dans les marges. Et quelqu'un avait répandu du parfum bon marché dessus, ce qui empestait toute l'auberge. "Salut ! Tu vas bien ? Moi ça va super ! Je ne sais pas si tu te souviens de moi, mais tu m'as aidée il y a quelques mois en Exodar. J'avais besoin de tuer des Murlocs - je les aime pas, ces trucs, avec leurs gargouillis... beurk ! - et tu m'as aidée. Enfin, en vrai, tu as tout fait tout seul et moi j'ai récupéré la farine et j'ai tué le fantôme elfe. Je ne sais pas si c'est très clair, parce qu'en plus c'est loin et toi tu dois être très occupé, et tout... Je pense que tu dois te souvenir, parce que tu m'as envoyé un chat par la poste, avec une fleur. C'était très gentil, sauf que j'ai été en vacances et que quand je suis revenu, la fleur elle était fanée, et pour le chat, le vétérinaire a dit qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que ça allait aller mieux au bout d'un moment, mais qu'il ne pourra plus jamais être enfermé ou bien rester dans le noir. Moi je l'aime bien, le chat, je l'ai appelé Pattenron, c'est le nom d'un chat, ou d'un autre animal, je ne sais plus, qu'il y avait dans un livre que j'ai lu quand j'étais en vacances. Sauf que lui, le Pattenron, celui du livre, pas le mien, il aime bien le noir. Alors que le mien de Pattenron, quand on éteint la lumière, il miaule et il saute partout et puis il arrête mais il fait des saletés sous lui et il tremble de partout, on dirait un vibromasseur, sauf que lui, il a des poils. Il est marrant ! Enfin, moi ça va bien, j'espère que toi aussi. En plus, tu dois être très célèbre maintenant que tu es de niveau 70 et que tu es dans une Guilde, et tu dois avoir des tas d'amis, je suis sûr, parce que quand on est dans une Guilde, c'est pour se faire des tas et des tas d'amis, pour aller tuer des tas et des tas de méchants ensemble. En plus, je suis sûr que tu dois être super fort, et que tu peux tuer plein de méchants rien que d'un seul coup d'épée, ou de marteau, je ne sais plus quelle arme tu utilises maintenant, parce que la dernière fois, tu avais une lance, même que ça m'avait étonnée. Moi, j'ai plein d'amis dans ma Guilde, mais on n'est pas encore super fort comme toi, mais on va le devenir, parce que notre chef, il a dit que notre Guilde, ça sera la plus super de tout Krasus, il a dit le chef. Moi je l'aime bien, le chef ! En plus, il est mignon, c'est un Draenei, comme moi, et il a des cornes très grandes, et une longue queue, et moi j'aime bien les longues queues. Mes copines, elle disent que c'est très important, la queue des Draeneis, parce que c'est "pro-por-tion-nel". Moi j'avais pas compris et elles m'ont expliqué et c'est vrai que c'est important, je le sais maintenant. J'espère que le chef, il va voir que je l'aime bien, comme ça on pourra faire des quêtes ensemble, parce que moi, j'aime bien faire des quêtes avec les gens, surtout quand ils sont mignons, comme le chef. Enfin, on verra. Sinon, j'ai une copine, elle est super sympa, c'est ma meilleure amie du monde entier, elle s'appelle Roxiane. Elle est Mage, et super intelligente, c'est elle qui m'a expliqué pour le coup du "pro-por-tion-nel". Parce que Roxiane, elle lit des tas de livres, même qu'il n'y a pas d'images dessus, comme ceux qu'on avait à l'école, sauf que Roxiane, et ben elle est pas obligée de les lire comme à l'école, et ben elle les lit quand même. J'aime bien Roxiane, parce que c'est ma meilleure amie, mais elle est un peu bizarre quand même... mais faut pas lui dire, sinon elle sera triste, et moi, je veux pas que ma meilleure amie elle soit triste. Et ben tu sais, Roxiane, et ben elle trouve aussi que le chef, il est super mignon, mais elle dit que sa beauté est "inversement proportionnel à son intelligence". J'ai pas trop compris, parce que je vois pas pourquoi elle parle de sa queue pour son intelligence, mais Roxiane, et ben elle sait plein de trucs que moi je sais pas, et donc ça doit être vachement intelligent, ce qu'elle a dit. Même que quand le chef il parle, elle secoue la tête en levant les yeux au ciel, parce que le chef, il dit des trucs tellement super et en plus moi je comprends tout ce qu'il dit. Et en plus, il est super mignon, je sais plus si je t'ai dis. Alors voilà, Roxiane, elle m'a dit qu'elle voulait "aller de l'avant". Moi j'ai pas compris, parce que d'habitude, elle aime pas être assis devant, elle préfère être derrière, mais elle m'a expliqué, ça veut dire qu'elle a envie de faire des quêtes plus fortes que celles que nous on fait dans la Guilde. Enfin je crois, parce que quand elle parle, Roxiane, il y a des tas de mots que je comprends pas, alors moi j'ai une botte secrète que le chef il m'a dit, je dis "c'est pas faux", comme ça, Roxiane, elle pense que j'ai compris, alors qu'en fait, non. C'est un super truc secret, mais comme c'est secret, faut pas le répéter, faut que ça reste secret. Moi je te le dis, mais ça ne compte pas, parce que toi, tu n'es pas dans la Guilde, alors que moi oui. Moi, j'ai raconté à Roxiane le coup que tu m'avais aidé, avec les Murlocs et le fantôme, et tout, et Roxiane, elle a dit comme ça qu'elle voudrait bien te rencontrer, parce qu'elle pense que quelqu'un qui met des chats dans un colis, il doit être super intelligent. Et puis elle a levé les yeux au ciel comme elle fait d'habitude. Et comme Roxiane elle est super intelligente aussi, et ben moi j'ai dis comme ça que ce serait super si toi et Roxiane vous deveniez amis. En plus, tu pourrais l'aider, parce que Roxiane, là, elle est sur l'île de Brume-Sang, je le sais parce qu'elle m'a envoyé une carte postale. C'est tout rouge, et il y a des ours, des arbres et des elfes. Et puis il y a aussi des Murlocs, et c'est pour ça que moi, j'ai dit à Roxiane que je te dirai pour les Murlocs, pour que tu l'aides, parce que je sais que Roxiane, elle a du mal avec les Murlocs, parce que c'est un Mage et que les Murlocs, il courent super vite. Alors voilà, Roxiane, elle t'attend là-bas, et je suis sûr que vous allez super bien vous entendre et même devenir des amis. Et puis comme tu es encore plus intelligent que Roxiane, elle pourra apprendre plein de trucs encore plus intelligents avec toi. Alors Roxiane, c'est une Draeneie, elle a des cheveux courts, alors que moi ils sont longs, elle a une queue, comme moi, mais la sienne elle est moins jolie, parce qu'elle a une petite cicatrice, mais faut pas le dire, parce que Roxiane, elle s'est blessée avec une porte, et que c'était un peu la honte. Elle est Mage aussi, je ne sais pas si je t'ai dis, comme ça, comme elle a pas d'armure, tu la reconnaîtra facilement. Voilà, alors je te laisse et je te fais de gros bisous. Marine" - Bordel ! Aubergiste, une bi... oh, t'es là. Merci. L'aubergiste jeta un oeil par dessus l'épaule du Paladin sur la lettre. - Ben dis donc, elle m'a l'air d'être gratinée, celle-là. On dirait ma fille quand elle fait une rédaction pour l'école. En même temps, elle n'a que huit ans... - Marine... Marine... J'arrive pas à mettre un visage là-dessus. Ca devait être quand je traînais sur l'Ile de Brume-Azur... - Celle -là, elle dit que tu lui a envoyé une fleur et un chat. C'est mignon... - Si tu savais combien j'en ai envoyé de ces trucs... Un deal avec la vieille d'Elwyn. C'était ça où les noyer dans le Lac de Cristal. Et vu les gamins qui traînent là-bas… Edualk et l'aubergiste eurent un même frisson. - Et tu as eu du succès ? Edualk foudroya du regard l'aubergiste qui faisait l'innocent. - D'après toi ? - Et bien là, tu en as une qui répond. Roxiane... Original comme nom. - Encore une gamine qui va me jeter. Pourquoi j'irais me fatiguer ? Et puis, d'après la lettre, elle n'est pas vraiment en demande d'aide, cette Draeneie. C'est sa copine qui me demande... Sa copine... OK, j'ai compris. Ca sent le plan foireux, ça. L'aubergiste finit de lire la lettre par dessus son épaule. - Quoique, à la lire, il semblerait qu'elle soit plus futée que cette Marine. Et puis, je ne sais pas si tu as remarqué, elle a le même tic que toi, avec les yeux... Edualk leva les yeux au ciel en râlant... puis se reprit et se replongea dans la lettre. - Je te prépare ta bière. J''espère que quelqu'un te ramène... - Laisse tomber. L'aubergiste leva un regard iinterrogatif vers le Paladin. - Tu vas y aller ? - Oui... Brume-Sang, c'est un coin que je ne connais pas. Et puis, Arrsène me lâchera comme ça : il a le mal de mer. - Ah, au fait, il m'a laissé une petite note... Comme c'est ton père, et qu'il était gêné, je me suis dit... Edualk leva une nouvelle fois les yeux au ciel. - Ca explique l'absence de ta serveuse... et des couverts. C'est la dernière fois que je règle ses dettes. C'est un escroc. - Les couv... Merde ! Le salopard ! J'avais pas vu ! - Bienvenue dans ma vie... - Et avec ma fille, en plus ! - La serveuse, c'est ta fille ? Je ne savais pas. En même temps, ce ne sera pas la première fois qu'elle passe la nuit avec un aventurier... - Co... comment ?! - Oups... J'ai peut-être gaffé, là... - Raymonde ! Sors ma hache ! La grande que j'avais à la guerre ! Et vous tous, vous allez me dire qui a couché avec ma fille ! Les quelques aventuriers qui étaient en train de s'éclipser en douce prirent soudainement la poudre d'escampette, poursuivis par l'aubergiste furieux. Edualk alla se servir une dernière chope derrière le comptoir. - Et voilà, mon père m'a encore mis dans la merde, et maintenant je dois aller récupérer une Mage... C'est pas une vie, ça... - Was ? Ich verstehe... - Oh ça va, je te cause pas, à toi. - Was ? Loin de là, Moustaches secoua la tête d'agacement. Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ? C'était comme si quelqu'un essayait de lui mettre des bâtons dans les roues. Peut-être s'agissait-il de… Il allait devoir vérifier. Puis le rat fit une cabriole. *** Chapitre 69 : Tranquillien - Connard. Vermine. Cafard. - Pétasse. Cruche. Dinde. L'Elfe de Sang et le Réprouvé s'insultaient depuis au moins cinq minutes, et l'air blasé de leur entourage indiquait que ça pouvait durer des heures. - Ne faites pas attention, elle est toujours comme ça. C'est depuis qu'on est obligé de supporter les Réprouvés parmi nous. Vimayre se tourna vers l'Elfe qui l'avait interpellé.. - En fait, je cherche un Démoniste Mort-Vivant du nom de Llégion, qui cherchait sa Succube en fugue il y a un moment de cela. - Ben dites donc, ça m'a tout l'air d'être un con, votre client, pour paumer sa Succube. Manquerait plus qu'il soit grand et chauve. Vimayre attendit l'inévitable blague débile qui devait ponctuer les propos de l'Elfe, mais il en resta là. - Ah. Euh... - Je comprends, c'est parce que je ne blague pas ? Je peux le faire, si vous y tenez, mais c'est pas mon truc, en fait. Je suis plutôt branché gothique, vous voyez. C'est pour ça que je suis ici. L'Elfe était effectivement vêtu de noir et maquillé d'un teint blafard. Pitoyable. - Je ne tiens pas spécialement aux blagues. Et vous pouvez m'aider ? - Je traînais l'autre jour du côté des Murlocs, sur la côte. J'aime bien leur côté glauque. Il y avait eu un massacre sur la plage. J'ai pleuré face à la mer, d'avoir raté cela... - Et rien d'autre ? - Celui qui les a tué était grand, sombre et violent. Son rire démoniaque m'a déchiré le coeur. C'était cooool... - Et ils sont partis vers où ? - Aucune idée. J'étais encore en train de pleurer face à la mer. Mais essayez avec un Murloc. Ils ont dû entendre des trucs. Vimayre se sentit déconcerté. Pas seulement par l'Elfe gothique - encore que... - mais surtout par l'évolution de Llégion. Deviendrait-il efficace ? Se pourrait-il que le Paladin ait vu juste ? *** Chapitre 70 : Galanterie oblige - Croac ! Coco veut un biscuit ! Le perroquet vert se gratta ensuite le bec, puis farfouilla dans ses plumes comme seul un oiseau est capable de le faire. Edualk secoua la tête. - Super... "Coco veut un biscuit". Tu n'aurais pas pu apprendre autre chose ? De plus intelligent, je veux dire ? - Croac ! Tu veux dire comme le théorème de Pythagore ? De toutes façons, l'Humain, tu ne sais même pas ce que c'est. Croac ! - Le carré de l'hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Tu vois, je sais. - Croac ! Dis donc, l'Humain, tu es moins bête que tu en as l'air. - Oui, il parait... - Arrêtez un peu, vous deux, je ne m'entends plus penser. Le perroquet repris la fouille de ses plumes, tandis qu'Edualk revenait sur la Draeneie. Finalement, après avoir beaucoup râlé pour la forme, Edualk avait décidé de faire le voyage jusqu'à l'île de Brume-Sang. De toutes façons, c'était ça ou s'occuper de la longue file d'attente des jeunes membres de sa Guilde voulant qui un rush sur le Monastère Ecarlate, qui sur les MortesMines, qui sur le Temple Englouti... Et les rushs, ça commençait à le gonfler. La région lui avait rappelé l'Outreterre, avec ses paysages rougeâtres et ses créatures interdimensionnelles. Et puis, côté Draeneie, il avait été gâté. Si les "mâles" avaient toujours aussi l'air guindés, les "femelles" étaient toujours aussi excitantes et surtout, nombreuses dans cette région d'Azeroth. Suivant la lettre de Marine, le Paladin et Tigrou avaient galopé plein nord, jusqu'à la côte où devait se trouver la Mage du nom de Roxiane. Il l'avait effectivement découverte près de la carcasse d'une tortue géante, lançant sorts sur sorts contre de véloces Murlocs gargouilleurs et un peu trop nombreux pour la Draeneie uniquement vétue d'une robe légère. Son apparition, qu'il avait voulu impressionnante, avait été malheureusement gâchée par un Gobelin à moitié cinglé vivant sous la carapace de la tortue, qui lui avait balancé un seau d'ordures sans même faire attention. Assis sur un Tigrou passablement estomaqué par l'acte du Gobelin, Edualk avait donc pris le temps de la détailler sa "nouvelle amie". Et force était de reconnaître que la donzelle était loin d'être une mocheté, et savait se défendre. Puis le perroquet voletant autour d'elle s'en était mêlé. - Croac ! Tu devrais t'éloigner, l'Humain, l'odeur des ordures va attirer des Murlocs. A moins qu'elle ne serve à masquer la tienne. Croac ! - Mort de rire, le piaf. Et si tu allais jeter un oeil du côté de Darnassus, pour voir. La Mage intervint alors. - Non, messire, il a raison, les Murlocs semblent attirés par vous. - Quels Murlocs ? - Ceux qui sont en train de vous attaquer, messire. Edualk remarqua alors le gargouillis caractéristique venant du sol. Jetant un oeil par terre, il vit une douzaine de ces créatures tenter sans succès de le frapper à hauteur de botte, tandis que d'autres essayaient de blesser le tigre. - Ah oui, tiens. Soyez maudits ! Edualk lança un puissant sort de Consécration qui faucha tous les Murlocs aux alentours, fit trembler la carcasse de la tortue et provoqua les récriminations de son occupant. - Bon, ça c'est fait. Une broutille... - Surtout vu votre niveau, messire. La Draeneie avait un air sérieux qui fit disparaître le sourire engageant des lèvres d'Edualk. En plus, elle avait raison. Massacrer des bestioles de ce niveau, ce n'était plus du combat, c'était de l'anecdote. - Je m'appelle Edualk. J'ai reçu une lettre d'une certaine Marine… La Draeneie leva les yeux au ciel. - J'imagine la lettre, messire. Je ne suis pas comme elle. La Draeneie avait l'air de s'excuser. - Ne t'inquiètes pas, je ne juge que sur pièces. Et oublie les "messire", ainsi que le vouvoiement, d'ailleurs. Ce n'est pas mon genre. - Comme vous voulez, Edualk. Mais je préfère garder le vouvoiement. Au moins jusqu'à ce que je vous connaisse mieux. Edualk jeta un œil rapide sur la Draeneie. Elle avait le physique avenant de toutes les Draeneie, celui qui faisait craquer le Paladin habituellement. D'autant que ses formes étaient mises en valeur par une tunique en soie, décolletée juste ce qu'il fallait pour imaginer ce qui était imaginable. Elle avait un air de délicatesse charmant, hélas amoindri par le sérieux de son regard. Il ne fallut que deux secondes à Edualk pour juger qu'il n'avait pas la moindre chance avec elle. Comme d'habitude… - Tu te débrouilles bien, pour une jeune Mage. Mais méfie-toi des Murlocs, ce sont de vraies saloperies. - Je suis au courant. Et vous comptez faire quoi, ici ? Edualk se retint de justesse de lui lancer son fameux sourire en coin, celui qui faisait craquer toutes les filles. Enfin, qui était "sensé" faire craquer toutes les filles, mais qui ne marchait jamais en fait. Le dévisageant avec sérieux, Roxiane n'avait manifestement pas l'air d'être du genre à craquer, sourire en coin ou pas. - En fait, j'étais venu voir si tu avais besoin d'aide. - Et vous arrivez d'où ? - Euh… Comté de l'Or. J'avais besoin de cuivre, alors j'ai pensé… Roxiane secoua lentement la tête en faisant un léger bruit sec et répétitif avec la langue. - Et vous passiez par là ? - Et bien… je sais que tu vas avoir du mal à le croire, mais en fait j'avais jamais mis les pieds ici, et j'avais envie de connaître… - Bien sûr… Roxiane leva les yeux au ciel en soupirant. - Je vais y aller, si tu n'as besoin de rien, alors… - Ca ira pour moi. Au fait, j'ai déjà Coco. Pas besoin de m'envoyer un chat par la poste. - J'ai arrêté les chats. Les postiers m'ont dit que ça faisait des saletés dans les boîtes aux lettres. - Surtout si on oublie de venir les chercher. - En effet. Et puis le temps d'attraper le chat, de le fourrer dans un colis, de réussir à mettre le colis dans une boîte aux lettres, sans parler des défenseurs des animaux qui me regardent à chaque fois d'un sale œil… Non, j'ai eu raison d'arrêter. - C'était une idée stupide, vous vous en rendez compte ? - Tout est bon à tenter, quand on est désespéré. Tu ne pourras jamais comprendre ça. Pour la première fois depuis leur rencontre, Roxiane se permit un léger sourire. - Vous ne vous prenez jamais au sérieux ? - Jamais. C'est un principe. Sinon, je me serais déjà jeté au fond d'un lac. Tu devrais essayer. - De me jeter dans un lac ? Edualk sourit lui aussi. - Tu vois ? C'est juste un coup à prendre. Et tu es sûre que tu ne veux pas un coup de main ? Au moins pour le dragon. Roxiane soupira en levant les yeux au ciel. Mais une petite lueur amusée était apparue dans ses yeux. Loin de là, Moustaches essayait de comprendre. Une Mage ? Draeneie ? Comment allait-il bien pouvoir gérer ce nouvel élément ? Puis le rat lâcha une crotte. *** Chapitre 71 : Les Murlocs - Grglll ! Vimayre savait depuis le début que c'était une mauvaise idée. Aller interroger les Murlocs... Il fallait déjà pouvoir les comprendre ! - Euh... Personne ne parle ma langue ici ? L'un des Murlocs courant sur la plage s'arrêta et vint vers lui. - Grglll ? - Quelqu'un parle ma langue, ici ? - Grglll ! Le Murloc piqua un sprint vers un groupe de cahutes un peu plus loin. Vimayre soupira. Il y avait bien des traces du massacre, mais aucun indice concernant Llégion. - Grglll ! Vimayre se retourna. Le Murloc était revenu avec un autre de son espèce lui ressemblant en tous points. - Grglll. - Il dire ici plage nous. Vous partir ou taper. - Vous parlez ma langue ? Magnifique ! - Papa moi Elfe Sang. Maman moi Murloc. - Ah... Ca doit pas être simple... - Médecin tête moi riche. Moi beaucoup tisane dormir tête moi. Vie moi merdique. - Je vois... Un Démoniste Mort-Vivant a tué des Elfes ici. Je le cherche. - Grand chauve con parti. Crotte petit dire arbres grands. - Ca ne m'avance pas... Ca ne manque pas les forêts par ici... - Le Diablotin a dit au Démoniste d'aller en Orneval, pour gagner un peu d'or chez les Orcs. Vous pourriez faire un effort pour me comprendre, merde ! Vimayre regarda le Murloc avec surprise, puis secoua la tête pour se remettre les idées en ordre. - Je ne veux rien savoir. Surtout pas. Puis il fit demi-tour en direction de Lune d'Argent. Orneval… Ca promettait.
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