Chapitre 72 : Les Déesses sont tombées sur la tête
- Alors, t'en penses quoi, Abatik ?
- Ca pue le plan foireux, Maître. Depuis le début. Et je m'y connais.
- Mouais... Moi aussi, ça me parait louche. Et par la malepeste, Seln, dis à ce foutu clébard d'arrêter d'aggro tout ce qui bouge !
- Mais laisse le jouer, mon lapin... Il ne fait rien de mal.
Comme à son habitude, Zaza s'était jeté au beau milieu d'un groupe de ces dangereuses bestioles pullulant en Arathi, en l'occurrence un assortiment de raptors et d'araignées géantes. Ceci dans l'idée de ramener à sa "maman" quelques nouveaux copains pour l'attendrir.
Llégion n'avait d'ailleurs jamais compris pourquoi la Succube s'extasiait devant les araignées que lui ramenait le Chasseur Infernal au point de leur faire des mamours, alors que d'ordinaire elle les fuyait en hurlant de peur.
En même temps, c'était Seln... Fallait pas chercher à comprendre.
Dans un magnifique mouvement à peine gâché par son caractère répétitif et systématique - trente fois par jour, ça finit par lasser - Zaza ramenait donc ses "nouveaux amis" vers le Démoniste, à savoir trois raptors et deux araignées passablement énervés et désireux de faire payer à quelqu'un - autre que Zaza, bien sûr, sans ça ce n'était pas drôle - la gêne occasionnée.
Le combat fut brutal et sanglant, surtout pour les représentants locaux du règne animal qui, tout à leur énervement, ne virent que trop tard Mezz et son désormais célèbre Code.
Le fait est que Mezz était maintenant connu et redouté dans tout Azeroth... Les mauvaises nouvelles voyagent vite, plus vite que les bonnes.
Et les bestioles étaient toutes du genre "masculin".
Llégion secoua son bâton pour le refroidir, puis se tourna vers Abatik qui, pour une fois, n'affichait pas son air railleur habituel.
- Bon... Alors ? On fait quoi ?
- Si ça ne tenait qu'à moi, Maître, je laisserais tomber de suite. On n'a jamais rien à gagner à se mêler des affaires de "déesses" soi-disant en difficultés.
- "Soi-disant" ?
- Si c'est une déesse, elle a des fidèles. Alors laissons-les se débrouiller eux-même. En plus, ils vont aimer se faire tuer, parce que pour ces pignoufs, ça signifie un aller direct dans leur foutu paradis.
Llégion haussa un sourcil devant la véhémence du Diablotin.
- Tu n'as pas l'air d'aimer les divinités, Abatik.
- Foutus connards... Pardon, Maître. Mais franchement, ras-le-bol ! A chaque fois qu'on passe du temps à pervertir toute une population, il y a toujours un de ces foutus "sauveurs" qui vient vous ruiner tous votre boulot avec leurs histoires à la con de rédemption et de salut, tout ça au nom d'une divinité pas foutue de trouver son cul avec un plan ! Pardon du langage, Maître, mais font chier !
- Et bien...
- C'est vrai, quoi ! Ils ne peuvent pas emmerder le monde ailleurs ?! Pardon, Maître, mais franchement... Ils pensent au boulot qu'on s'est tapé, nous, à pervertir et à damner ces abrutis de mortels ?! Mais non ! Ils s'en foutent ! Tout ce qui les intéresse, c'est leur foutu bouquin débile et leurs préceptes à la mords-moi-l'noeud !
- Oui, tout ça c'est...
- En plus, vous verriez leurs prophètes, Maître ! On leur a jamais parlé de l'hygiène, à ces cinglés ?! Pardon, Maître, mais vous les verriez ! Même les maladies n'osent pas s'en prendre à eux, tellement ils puent !
- Bon, tu te calm...
- Et vas-y que ça vous lève des foules en extases, tout ça parce que ça transforme la flotte en pinard - tous des ivrognes, Maître, de toutes façons, c'est toujours pareil, quand ça ne picole pas, ça fume des trucs bizarres que même les Druides d'ici refusent de toucher !
- Hola, tu vas...
- Alors les divinités, vous m'excuserez, Maître, mais ras-le-bol ! Jusque là ! L'autre pétasse, elle a qu'à se démerder toute seule ! C'est vrai, quoi, je sais que vous êtes le pigeon de service à toujours vous taper le sale boulot pour toutes les feignasses du coin, mais cette fois-ci, on oublie !
- "Pigeon" ?!
- Parce que je suis sûr qu'en plus, cette... Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit, Maître ? Et respirez, vous devenez bleu.
Llégion prit une profonde inspiration.
- "PIGEON" !!!
- Euh... Oups. Ce que je disais, Maître, c'est...
- Abatik ?
- Oui, Maître ?
- Ta gueule ! Ici, celui qui s'énerve, c'est moi ! Vu ?!
- Oui, Maître. Toutes mes excuses, Maître. C'est seulement que...
- Ta gueule.
- Oui, Maître.
- On va s'occuper de cette histoire, et ça va me rapporter non seulement du fric, mais aussi une nouvelle alliée, vu qu'elle sera obligée de me remercier de l'avoir aidée.
- C'est vous le Maître, Maître.
- Et puis après, on... Ta gueule, je l'ai dit ?
- Oui, Maître. Mais ce n'est pas grave.
- Oui. Ta gueule.
- Oui, Maître.
- Bon, il vient ton plan ?
- Mon pl... ? Oui oui, Maître, je suis dessus. Si on profitait de ce que je réfléchisse pour faire une pause quelque part ? Genre une taverne ?
- C'est ton plan, ça ?
- Euh... Oui... Oui ! Le début, au moins, Maître.
- On retourne au Trépas d'Orgrim, alors. Et Abatik... ?
- Ta gueule, je sais Maître.
- Tu vois quand tu veux.
Llégion reprit la route vers le fortin de la Horde, suivi par les démons et notamment Abatik qui se creusait la tête pour trouver un plan.
En réalité, le plan était déjà tout trouvé. La déesse en question - une géante plutôt vulgaire selon l'avis d'Abatik qui était pourtant bon public - avait donné des consignes étonnament claires pour une fois.
Trop claires, même, au point que le Diablotin sentait le coup fourré depuis le début de cette histoire. D'habitude, les divinités lâchaient des morceaux de phrases sans queue ni tête, laissant au pigeon de service le soin de déméler tout ça et de comprendre le but de la manoeuvre.
Là, rien de tout ça. Les étapes étaient simples, limpides et expliquées avec force détails.
En plus, Abatik n'avait jamais entendu parler de cette grognasse.
Non, le plan dont devait s'occuper le Diablotin portait plus sur le rattrapage du ratage que n'allait pas manquait de provoquer cette histoire. Tout ça en ramassant du butin, en restant en vie et en évitant d'énerver Llégion - la partie la moins simple.
Heureusement, Abatik se vantait - après tout, c'était un démon - de toujours trouver quelque chose. Lorsqu'ils arrivèrent dans la grange servant d'auberge au fortin hordeux, le Diablotin avait mis au point un moyen de limiter la casse.
Il attendit quand même le lendemain pour l'expliquer à Llégion : pour une fois qu'ils pouvaient dormir dans un vrai lit...
Moustaches suivait en trottinant, l'air blasé. Encore du temps perdu, car après tout, ce n'était pas comme si… Mais tant pis, il avait encore le temps.
Puis le rat fit un écart pour croquer une blatte.
***
Chapitre 73 : Le Nain
- Vous voulez tâter de ma hache, Tauren ?
Vimayre se déplaça discrètement pour mettre le banc entre lui et le Nain.
- Je cherche juste un Mort-Vivant, un Démoniste. A Bois-Brisé, on m'a dit qu'il serait venu par ici.
- Et alors ? C'est pas votre papier de la Confrérie qui va m'empêcher de vous raser vos longues jambes ! Moi aussi j'en suis !
Le Nain agita sa hache d'un air menaçant. Il portait effectivement l'insigne des Vigiles de la Confrérie, chargés de garder les fonds collectés. Et il était lourdement équipé du meilleur matériel existant.
- C'est un Hordeux, et c'est un YZO-17…
- Un YZO-17 ? Fallait le dire de suite, l'ami ! A quoi il ressemblait ?
Vimayre retint une grimace. A tous les coups, le Nain allait réclamer un pourcentage des sommes perçues. Et vu la rapacité des Nains…
- Haute taille, le front… Non, on va dire un grand chauve à l'air con.
- Oui ! Il a voulu tailler en pièces des Elfes là-bas. Normalement, j'interviens pas parce que je hais les Elfes, mais j'avais mon arbalète à la main, mon doigt a glissé… bref, j'ai fini par lui taper dessus.
- Et vous l'avez eu ?
- Même pas ! Il a foutu le camp avec ses démons, mais je les ai bien dérouillés quand même. J'ai pas insisté parce que j'aime pas les Elfes.
- Et il est parti où ?
- Je ne sais pas, mais j'ai ramassé ça par terre.
Le nain tendit à Vimayre un bout de papier gluant de sa poche. Manifestement, il s'en était servi comme mouchoir… Il réussit quand même à distinguer quelques mots, dont "Cabestan", et une signature, "Menera".
- Cabestan, donc. Cette fois-ci, on reste en Kalimdor… Etonnant.
- Au fait, il doit combien ?
Vimayre sentit le piège et, honteux mais soulagé, disparut dans un éclair vert. Il avait eu la présence d'esprit d'activer sa pierre de foyer qui l'envoya à…
- Rhhhaaa ! C'est pas vrai ! Pas Fossoyeuse !
***
Chapitre 74 : Elle avait un corps de déesse
- PAUVRES MORTELS ! PAUVRES FOUS !
- Eh ! Doucement sur les insultes, la grosse ! N'oublie pas qui t'a sortie de ta prison !
Llégion avait reculé d'un pas devant l'apparition de la déesse, gigantesque et très énervée. Tout s'était déroulé comme prévu - des combats, Mezz qui meure, Seln qui ne suit pas, bref la routine - et Llégion avait alors pu lancer le rituel permettant de libérer la déesse de sa prison.
Et le moins qu'on puisse dire, c'était qu'elle n'était guère reconnaissante.
- JE SUIS UNE DEESSE ! ET JE SUIS LIBRE !
- Je vous l'avez dit, Maître : c'était foireux.
- Abatik, ta gueule. Et toi, la grosse, tu me dois un service. Alors comme...
- UN SERVICE ?! TU OSES EXIGER DE MOI UN SERVICE ?!
- Je vais me gêner... Donc, comme je veux...
- JE SUIS OMNIPOTENTE ! ET JE SUIS ENFIN LIBRE !
- Oui, j'ai compris. Donc, je veux conq...
- OUI ! JE VAIS POUVOIR ACCOMPLIR MON DESTIN !
- Par la malepeste ! Jamais elle écoute, la grosse ?! Eh ! J'te cause !
- AZEROTH PLIERA DEVANT MOI ! LE MONDE M'APPARTIENT MAINTENANT !
- Tu vas... QUOI ?!
- JE... TU ES ENCORE LA, MORTEL ?
- Qu'est-ce que tu viens de dire ?!
- SUR QUOI ?
- Sur le monde ! Qu'est-ce que tu viens de dire ?!
- QUE LE MONDE M'APPARTIENT. DEPUIS TOUTE PETITE, JE RÊVE DE CONQUERIR LE MONDE, ET MAINTENANT QUE JE SUIS LIBRE, JE VAIS POUVOIR...
- Non non non.
- COMMENT CA, "NON NON NON" ?
- Le monde, c'est moi qui le conqué... conqui... conq... Rhhhaaa ! Qui vais le conquérir. Pas toi. Reçu ?
- TU AS DU CULOT, TOI. JE SUIS UNE DEESSE, JE TE RAPPELLE.
- Et moi Llégion le Maléfique, Génie du Mal, plus grand cerveau criminel d'Azeroth et futur Maître d'Azeroth !
- MAITRE D'AZEROTH ? PAS POSSIBLE. SEUL UN DIEU - OU UNE DEESSE BIEN SUR - PEUT L'ÊTRE. PAS UN SIMPLE MORTEL.
- Ca me ferait mal. En plus, je ne suis plus vraiment mortel, vu que je suis un Mort-Vivant. Donc je disais...
- ET BIEN, CA A BIEN CHANGE DEPUIS QUE J'AI ETE EMPRISONNEE... DE MON TEMPS, ON N'AURAIT PAS LAISSE UN MINABLE MORTEL SE LANCER DANS LE BUSINESS DE LA CONQUETE DU MONDE...
- Minable, minable... Quand même pas, hein ! Bon, sinon, comme je t'ai libérée, tu vas me filer un coup de main.
- UN COUP DE MAIN ? CA AUSSI, C'EST UN TRUC NOUVEAU ?
- Nouveau ?
- UNE DEESSE N'AIDE PAS LES MORTELS. SAUF CEUX QUI SONT DANS LE BUSINESS DU DIEU BIENVEILLANT, ET ENCORE, J'EN AI CONNU QUI AVAIENT LA MAIN LOURDE SUR LES CALAMITES QUAND ON S'AVISAIT DE LEUR DEMANDER QUELQUE CHOSE.
- Les autres, je ne sais pas, et je m'en fous.
- BONNE MENTALITE, CA. TRES DIVIN, DE S'EN FOUTRE.
- Tant mieux. Donc, tu sais faire quoi ? Foudroyer mes ennemis ? Détruire des villes ? Histoire que je sache quoi te demander.
La déeese secoua la tête.
- ECOUTE, PETIT. JE T'AI DIT QUE LES DIVINITES S'EN FOUTAIENT DES MORTELS. TU CROIS QUE JE VAIS FAIRE UNE EXCEPTION POUR TOI ? ET PUIS, J'AI LE MONDE A CONQUERIR.
- Mais je t'ai libérée, par la malepeste ! Tu me dois un service !
- PFFF... LE BOULET... TU N'AS PAS COMPRIS QUE JE T'AI PIGEONNE ?
- Pigeonné ?!
- OUI. D'AILLEURS, J'Y PENSE TOUT JUSTE, IL ME RESTE UN TRUC A FAIRE.
- Un truc ? Quel truc ?
- CA VA TE PLAIRE. C'EST LA PARTIE OU JE T'ECRABOUILLE ET OU TU REJOINS TES ANCÊTRES.
- Que... Abatik ! Elle a le droit de faire ça ?
- Je vous l'avais dit, Maître : foireux.
Abatik soupira, et fit un geste fatigué à Mezz qui attendait un peu plus loin.
- Mezz ! Ramène-toi ! Et tu me dois 10PO, au passage...
- MEURS, MORTEL ! JE VAIS TE... JE... PAR LA MALP... FOUTUE ROBE !
Llégion, bien qu'estomaqué par le manque de reconnaissance de la déesse, réussit à l'esquiver quand elle se prit les pieds dans sa robe et s'effondra au sol en pestant.
Mezz se jeta sur elle, profitant de ce qu'elle soit empêtrée dans sa robe, tandis que Llégion incantait ses malédictions.
Abatik poussa un nouveau soupir et se mit à discuter avec Zaza qui s'était assis à ses côtés.
- C'est toujours pareil, avec ces fichues divinités. On se casse le cul à les aider, et elles vous envoient paître.
- Wif !
- Ou alors, c'est le coup des calamités. Remarque, moi j'aime bien, les fidèles se tournent souvent vers les forces du Mal ensuite...
- Wof !
- Ouais, c'est vrai, seulement les survivants... Mais ils sont durs et du genre énervés, ce qui, l'un dans l'autre, est plutôt sympa.
- Wouf ?
- Un certain nombre, oui. J'ai pas mal roulé ma bosse, tu sais.
- Wof.
- Bof. Je dirais que celle-là, elle est dans la moyenne.
- Wif !
- C'est normal. Ils sont tellement occupés à pourrir la vie des mortels et à soigner leur look qu'ils oublient les petits détails du genre "savoir se battre".
- Wouf wof.
- Je ne sais pas... Il se débrouille bien, avec ses malédictions... Et Mezz est encore en vie.
- Bwouf ?
- Il progresse, il progresse... En plus, je le trouve louche, ces temps-ci... Je sens comme un coup fourré en cours...
- Wif !
- C'est bien toi qui a raison, tiens. Au fait, elle est passée où, Seln ?
Le Chasseur Infernal haussa les épaules d'un air éloquent et fit un signe de tête vers un rocher où la Succube avait installé une serviette et prenait le soleil.
Abatik grimaça.
- Notre Maître a raison : elle pourrait suivre, de temps en temps...
Zaza haussa à nouveau les épaules avec son air "Elle est comme ça, on ne la changera pas, en plus, ça fait partie de son charme".
Abatik fit une petite tape sur la tête du démon et sursauta légérement quand un dernier sortilège acheva la déesse et la fit s'abattre au sol dans un grondement de tonnerre.
- NON !!! PAR LA MALP... !!!
Llégion leva les poings au ciel.
- Rhaaa ! Par la malepeste ! Pour une fois que je tenais une déesse en mon pouvoir, elle veut me tuer ! Ras-le-bol !
- Dommage, Maître. Et puis, je ne sais pas... Elle avait comme un petit quelque chose de... comment dire... de familier. Vous n'avez pas remarqué ?
- Remarqué quoi ? Qu'elle voulait conquérir le monde ? Qu'elle était même pas foutue de tenir sur ses jambes sans se prendre les pieds dans le bas de sa robe ? Moi, j'appelle ça une naze. Bon, Mezz, fouille-la. J'espère qu'elle a des trucs de bien, au moins...
Abatik et Zaza se lancèrent un regard éloquent, puis haussèrent en même temps les épaules.
Moustaches souffla discrétement de soulagement. Heureusement que cette déesse n'était pas de taille, sinon elle aurait pu... Mais maintenant, il allait pouvoir reprendre là où il en était.
Puis le rat pissa sur un caillou qui passait par là.
***
Chapitre 75 : La robe
- K'ek k'y gveulent les bœufs ? *hips*
Vimayre fronça les narines. Comme tous les Taurens, il avait l'odorat sensible, et la Démoniste affalée sous un arbre devant lui puait l'alcool à cent mètres.
- C'est vous, Menera ? Je cherche un Démoniste du nom de Llégion.
- Gparlez pas tous en gmême temps… *hips*
- Llégion. Mort-Vivant. Grand, chauve, con. Démoniste.
- *blurp*
Menera vomit sur les sabots de Vimayre et s'écroula en riant bêtement.
Cinq minutes plus tard, Vimayre souleva une Menera trempée et légèrement plus sobre, après l'avoir plongée plusieurs fois dans l'abreuvoir.
- J'ai besoin de réponses ! Llégion !
- P'rquoi zavez fait za ?
- Vous êtes ivre !
- Pas touchée une goutte depuis ma cure… *hips*
- Llégion ! Par la malepeste, vous allez me dire où il est !
- Z'ai connu un type qui gparlait com' vous. Tenait pas en plaze… *hips*
- Et… ?
- Voulais une robe. Moi j'ai dit, une robe, c'est pour les filles, mais lui y voulait sa robe… *hips*.
- Il est parti où ?!
- J'y ai donné le… le truc, là, avec des dessins, pour faire la… bidule.
- Où ?!
- Même que c'est quand les… les meumeuhs, là, *hips* m'ont dit que l'alcococococococool c'était… nifi pour gmoi ! *hips*
- Pitons du Tonnerre ? Il était à Pitons du Tonnerre ?
- Hein ?
- En hauteur ! Beaucoup de vent !
- Ah, ouais… *hips* Même que quand j'ai gvomi, le type en dessous il était vert… *burp*
Vimayre lâcha Menera qui s'effondra par terre, secouée d'un rire d'ivrogne. Puis elle essaya de se lever, échoua et finit par s'allonger et par s'endormir en ronflant copieusement.
Pitons du Tonnerre. Au moins, un coin civilisé. Et sur le même continent…
***
Chapitre 76 : Cinq colonnes à la Une !
Abatik était tranquillement installé sur un rocher, assis en tailleur, et lisait "L'Echo des Enfers", le quotidien de référence concernant l'actualité d'en-bas.
Mezz tenait comme tous les jours son atelier syndical. Abatik avait cru comprendre que le thème du jour portait sur la question des griffes et serres, d'où la présence de nombreux raptors et araignées, et même quelques Ogres venus discrètement de leur repaire au sud d'Arathi.
L'atelier était régulièrement troublé par Zaza qui ne comprenait pas, malgré les rappels à l'ordre de Mezz, que les raptors ne veuillent pas jouer avec lui. Abatik avait mis un moment avant de comprendre que le Marcheur du Vide utilisait en réalité les interruptions du Chasseur Infernal pour déstabiliser et manipuler son auditoire.
Somnolant au pied de son rocher, Moustaches paraissait indifférent à son environnement, et s'agitait de temps en temps pour se gratter le flanc ou pour se nettoyer le museau. Abatik l'observait en douce, toujours aussi intrigué.
Un jour, il va falloir que je m'intéresse de plus près à ce rat, pensa le Diablotin. Il est quand même sacrément bizarre...
Enfin, au milieu des pierres du cercle druidique, dans un calme et un silence impressionnant étant donné les personnalités des deux protagonistes, Llégion et Seln étaient assis en tailleur, les yeux clos, respirant profondément et sereinement.
Abatik devait bien avouer que son Maître avait changé, et en mieux. Certes, il s'énervait toujours autant, râlait, tempêtait, etc. Mais depuis quelques temps, ses résultats étaient de plus en plus impressionnants, et ses réussites nombreuses.
Non seulement il progressait et apprenait, mais surtout, Seln l'avait converti au yoga...
Abatik avait parié avec Mezz que leur Maître ne tiendrait pas une heure. Et il avait perdu. Cela avait tellement surpris le gros bleu lui-même qu'il avait oublié de réclamer le pari.
Ainsi, Llégion et Seln, régulièrement, se trouvaient un coin tranquille et pratiquaient leurs exercices et leurs méditations.
Ca n'était pas le premier Démoniste s'installant dans un coin tranquille pour faire des "exercices" avec sa Succube. Abatik avait beaucoup connu de Maîtres, et avait l'habitude.
Mais de ce genre-là, c'était bien la première fois ! C'était finalement assez reposant, et ça permettait au Diablotin de faire une pause, et de rattraper son retard de lecture.
Abatik termina son journal et le jeta négligemment à sa gauche, où un tas gigantesque menaçait déjà de s'effondrer. Puis il prit le journal suivant sur la pile à sa droite.
Abatik croyait aux vertus du recyclage des vieux papiers, mais en ce qui le concernait, c'était aux autres de se taper le sale boulot.
Il jeta un oeil sur la Une, puis se figea à la vue du titre principal. Au même moment, quelque chose attira son attention à la limite de son champ visuel.
Moustaches avait levé la tête et regardait lui aussi le journal, mais la dernière page. Puis, sentant qu'Abatik le regardait, il éternua bruyamment et prit l'air de rien.
Abatik n'était pas un débutant, loin de là, mais ce rat... On aurait pu jurer que rien ne s'était passé, mais il se connaissait suffisamment bien pour ne pas ignorer son soupçon.
Précautionneusement, tout en continuant à regarder le rat du coin de l'oeil, Abatik retourna le journal et commença à regarder les articles. De son côté, le rat se mit à se gratter.
Il fut déçu. Aucun article ne paraissait suffisamment intéressant pour qui que ce soit :
* résultats des sports - les Damnés de la Terre battus 1500 à 0 par les Diables de Tasmanie ;
* les petites annonces - jeune Succube esseulée cherche vieux démon luxuriant pour pervertir royaume décadent et plus si affinités ;
* la météo - immensément chaud et sec, comme d'habitude ;
* les faire-part - M. et Mme Cthulhu ont la douleur de vous faire part du mariage de leur fils Nyarlatotep, Abomination des Abysses, avec Sophie Petibidon, coiffeuse – ni condoléances ni quolibets, merci ;
* ainsi que l'inévitable strip de quatre cases narrant les aventures de Pim, Pam et Belzébuth - l'histoire du jour narrait comment Pim écorchait vif le Capitaine et dévorait son foie.
Abatik regarda à nouveau le rat, qui avait replongé dans le sommeil. Oui, vraiment bizarre ce rat... Un de ces jours...
Mais là, Abatik avait autre chose à faire. Concernant la Une du journal datant du mois précédent. Comment avait-il pu rater ça ?! Maintenant, il allait falloir l'annoncer à Llégion, et ça allait être folklorique...
- Hum... Maître ?
- Mmmmmmmmmmm...
- Maître ? Je dois vous parler.
- Chhhttt...
- Heu... Ca concerne la monture de Démoniste, Maître.
- On verra ça plus tard... Pas le niveau... Mmmmmmmmmm...
- Hem... C'est-à-dire... Maître ? Les règles ont changé. Vous n'avez plus la monture au 40e cercle.
Abatik serra les dents et ferma les yeux en attendant l'inévitable explosion de colère. A moins que le yoga ne l'ait vraiment anesthésié. Après tout, Llégion était devenu beaucoup plus calm...
- QUOI ???
En fait, non.
***
Chapitre 77 : Drag queen
- Tu pues l'alcool, frère. Ceci n'est pas digne d'un Tauren. Tu devrais rester ici un moment, et rencontrer le docteur.
Vimayre avait rejoint la capitale de son peuple par voie aérienne, et malheureusement, l'atmosphère éthylique de Menera avait déteint sur lui. Et les Taurens n'était guère tolérants envers les buveurs.
Surtout ceux du centre de désintoxication.
Il réussit à ne pas mettre son poing dans le visage du chargé d'accueil, et commença son interrogatoire.
- Je cherche un Mort-Vivant, un Démoniste, qui a dû rencontrer une alcoolique Morte-Vivante que vous avez soignée. Menera.
- Je m'en souviens. Un cas difficile, mais l'équipe médicale a appliqué une nouvelle méthode révolutionnaire. Il est certain que dorénavant, elle ne touchera plus jamais d'alcool de sa vie.
Vimayre réussit à ne pas avoir l'air trop gêné. Une nouvelle méthode révolutionnaire… Bien sûr…
- Et le Mort-Vivant ? Grand, chauve, peu fûté. Plein de démons avec lui.
- Alcoolique ?
- Pas à ma connaissance.
- Alors désolé, mais pour moi, les non-buveurs se ressemblent tous.
- Je… Probablement très énervé. Râleur.
- Ah oui ! On l'a entendu dans tout Mulgore ! Il a causé à Menera – je vous ai dit qu'elle a rejoint la Ligue Anti-Alcoolisme ? Ca fait plaisir à voir, vous savez !
- Oui, oui… Llégion ?
- Il doit être gay.
- Gay ?
- Il portait une robe de femme. Très énervé, il ne devait pas avoir l'habitude…
- Alors qu'en fait, c'est très confortable.
Vimayre et le premier garde lancèrent un regard surpris sur le second garde qui venait d'intervenir.
- ... Passons. Et vous savez où il est parti ?
- Il a gueulé "Vers Arathi, bande de nuls !" Oui, très énervé. Vous êtes sûr que vous ne voulez pas voir le docteur ? On fait des promos sur les cures.
Vimayre tourna les talons et se dirigea vers la plate-forme des wyvernes. Il n'était même plus surpris de devoir changer de continent…
***
Chapitre 78 : Jamais content !
Llégion s'était relevé et posté devant le Diablotin réfugié derrière son journal.
- La monture, Maître. Vous ne l'avez plus au 40e cercle.
- Tu te fiches de moi ?!
Derrière, Seln commença à se plaindre.
- Mais mon roudoudou... J'allais atteindre la plénitude, là. J'étais TELLEMENT bien !
- Seln, c'est pas le moment. Alors ? Abatik ?
- C'est dans le journal, Maître. En gros titre.
- (voix caverneuse) Ca ne dit pas tout à fait cela, Maître.
Mezz avait laissé ses élèves s'entretuer, après qu'une araignée ait lâché l'air de rien que seuls les animaux avec huit pattes pouvaient prétendre à occuper le sommet de la pyramide sociale, en aucune manière des lézards.
L'un des trois raptors présents avait alors fait remarquer que cela lui ferait mal que de simples mangeurs de mouches se mettent à faire la loi dans la région.
Une araignée s'était ensuite interrogée à haute voie sur l'utilité d'avoir des moignons de mains si c'était pour ne se servir que de leur gueule, par ailleurs très grande.
Un raptor avait fait remarquer au même instant que quand on a des centaines d'yeux, et qu'on est myope, c'est qu'on est vraiment débile. Alors pour le sommet de la pyramide sociale…
L'un des Ogres, un peu plus rapide que ses congénères, avait alors demandé qu'on lui explique les mots "lézards", "mangeurs de mouche", "moignons" et "débile".
Les araignées et les raptors étaient finalement tombés d'accords pour régler ça de façon naturelle, c'est-à-dire en s'entretuant.
Les Ogres s'étaient jetés dans le combat au hasard, parce qu'il n'y avait pas de raison que ce soient toujours les mêmes qui rigolent.
- Et ça dit quoi exactement, Mezz ?
- (voix caverneuse) Et bien, Maître...
- Rhhhaaa ! Passe-moi ce journal, par la malepeste !
Llégion arracha le journal des mains du Diablotin et commença à le lire. Abatik et Mezz se regardèrent et commencèrent à reculer subrepticement.
Seln, quant à elle, toujours aussi concernée, était partie jouer avec Zaza.
Llégion relit l'article une deuxième fois puis, calmement, replia le journal et le tendit à Abatik. Lequel le prit en rentrant la tête dans les épaules.
- Donc, si je comprends bien, "ils" ont décidé de changer les règles d'accès aux montures. C'est ça ?
- Oui, Maître.
- Et ça prend effet immédiatement, c'est ça ?
- (voix caverneuse) C'est cela, Maître.
- Et donc, maintenant, les montures ne sont plus accessibles au 40e cercle, mais... Abatik, toi qui as le journal, tu peux me rappeler le niveau maintenant ?
- Euh... 30e cercle, Maître.
- Donc, si je comprends bien, j'aurais pu avoir cette monture depuis... Seln ? Histoire de t'intéresser un peu à ce qui se passe ici.
- Mais je m'intéresse, mon Llélé ! Tu es du 38e cercle ! Je le sais parce que c'est pile le double de mon âge en siècles ! Mais il parait que je fais beaucoup moins... A peine 1600 ans. Hein mon Zaza, que Maman fait toute jeune ?
- Wif !
- Même que Maman a été surprise que son Llélé n'ait pas demandé la monture avant. Hein qu'elle a été surprise, Maman ? Mais oui, c'est un adorable petit canaillou, ça !
- Wif ! Arf...
- Ben quoi, les garçons, j'ai dit une bêtise ?
Abatik et Mezz s'étaient retournés vers la Succube et la regardaient les yeux écarquillés. Llégion aussi.
- Par la malepeste ! Tu étais au courant et tu ne m'as rien dit ?!
- Respirez, Maître, vous devenez bleu.
- Mais si, je te l'ai dit, mon choubichounet. Mais tu es TELLEMENT pas attentif à ce que je dis. Tu fais "Oui, oui", mais tu n'écoutes jamais. Hein mon Zaza que Papa n'écoute jamais Maman ?
- Wif ! Grrr...
- Mais tu ne m'as jamais...
Llégion s'arrêta au milieu de sa phrase. Dans un coin de sa mémoire, un souvenir furtif lui faisait un signe timide de la main avant de s'enfuir en courant.
- Rhhhaaa ! Mais tu aurais pu me le dire que c'était important !
- Mais tu n'écoutes jamais, mamour !
- Bien sûr ! Mais si tu m'avais dit que c'était important, je t'aurais écouté !
- Je n'arrête pas de te le dire, mais tu t'en fiches ! Tu es TELLEMENT méchant avec moi ! Parfois, je me dis que j'aurais dû écouter ma mère.
- Par la malepeste ! Ne mêle pas ta mère à ça !
- Bouhouhou... je n'aime pas quand tu cries...
- Wouf ! Wouf !
- Rhhhaaa ! Par la malepeste !
Abatik et Mezz se regardèrent en soupirant. Puis, laissant Llégion et Seln refaire la grande scène du 3, Abatik se réinstalla sur son rocher et repris sa lecture, tandis que Mezz alla voir si une motion commune avait pu être trouvée entre les araignées et les raptors.
Moustaches sourit intérieurement. Le Diablotin était futé, mais pas assez pour comprendre. Il lui manquait trop d'éléments. En tout cas, les nouvelles étaient plus que bonnes, s'il devait en croire le journal.
Puis le rat éternua.
***
Chapitre 79 : Les cavaliers de l'Apocalypse
- Repos, soldat ! Alors ! On vient rejoindre la fière armée de l'Alliance ?
Vimayre retint une grimace. Grâce à son appartenance à la Confrérie, il avait pu être reçu par le commandant de la garnison de Stormgarde, après qu'un Réprouvé rencontré sur la route lui ait appris que Llégion avait été envoyé là-bas.
- Je cherche un Mort-Vivant, qui vous aurait été envoyé en mission.
- Correct ! Cette vermine malfaisante a bien été repérée devant le Repaire de l'Ornière !
- Et ?
- L'ennemi susnommé a attaqué une de nos patrouilles ! Malgré le courage et la vaillance de nos soldats, le suppôt du Mal a vaincu !
- C'est triste. Et vous ne sauriez pas où il est allé ensuite ?
Le commandant regarda Vimayre d'un air suspicieux.
- Vous le cherchez pour quoi, mon gars ?
- Il a quelques soucis avec notre organisation.
- Excellent ! Ce salopard a éventré nos vaillants soldats après les avoir vaincu grâce à sa lâcheté ! Pas de pitié, pas de quartier !
- Euh… Certes, mais si vous avez une piste…
Le commandant se caressa le menton d'un air songeur.
- La vermine malfaisante n'a pas été repérée sur les voies d'évacuation de la zone de conflit !
- Ce qui veut dire ?
- J'en sais foutrement rien, de là où il a été ensuite ! Mais moi, à votre place, je jetterai un œil sur ces foutus cercles maléfiques qui encombrent le paysage. Vu que c'est un suppôt du Mal.
- Pas bête… Merci de l'aide, commandant.
- Pas de soucis, mon gars ! Pour l'Alliance !
Vimayre sortit des ruines de Stormgarde, sa carte à la main. Les cercles d'invocation… En espérant trouver quelqu'un qui aurait vu quelque chose, bien sûr.
***
Chapitre 80 : Hue, cocotte ! !
- Tiens donc, regardez qui voilà...
Llégion se tenait respectueusement devant la Maîtresse des Démonistes de Fossoyeuse. Lucifer avait voulu l'attraper dès qu'il l'avait vu pour le plonger dans le canal, mais sa maîtresse l'en avait empêché.
Soi-disant qu'il fallait une raison...
Maintenant, il boudait dans un coin, rejoint par Seln qui n'avait pas encore décidé de mettre fin à la dispute avec son Maître.
- Bonjour, Madame. Comment allez-vous en cette belle journée ?
- Tu es si énervé que cela, petit ?
- En effet, mais... excusez-moi, Madame.
Llégion s'éloigna de quelques pas et...
- RHHHAAA !!! Par la malepeste !
... puis il revint vers la Démoniste.
- Où en étais-je... Ah, oui. Je viens m'enquérir très respectueusement de la monture démoniaque, Madame.
- Je suis impressionné. Tu progresses, petit, tu progresses... Il aura du mal avec toi, finalement.
- Merci, Madame. Et concernant la monture ? Madame ?
- Effectivement, les règles ont changé. Je peux t'apprendre à invoquer un cheval démoniaque. Mais pour cela, il te faudra accomplir une série de quêtes longues et délicates.
- Je m'en doutais, Madame.
- Bien sûr... Tu as entendu parler du Temple Englouti ?
- Ah. Oh. Le Temple Englouti. Madame. J'en ai entendu parler. Excusez-moi, Madame, mais m'autorisez-vous à aller exprimer mon irritation un peu plus loin ? Et je pense que je pleurerais un peu, aussi. Madame.
- Bien sûr, petit. Mais avant cela, j'ai une chose à te dire.
- Oui, Madame ?
- Je plaisantais. L'invocation de ta monture ne te coûtera que 80PA. Là, tu peux aller "exprimer ton irritation", petit.
- Merci, je reviens, Madame.
Llégion fit demi-tour et s'éloigna encore une fois de quelques pas…
- RHHHAAA !!! PUTAIN DE SALOPERIE DE DEMONISTE A LA CON !!! PAR LA MALEPESTE !!! RHHHAAA !!!
… puis revint vers la Démoniste.
- Merci, Madame, ça va mieux. Donc, 80PA. Tenez, Madame.
- Tiens, prends ceci. Ce sont les rênes maudites qui vont te permettre d'invoquer ton nouveau démon. Au fait, j'espère que tu sais monter à cheval...
Llégion prit solennellement les rênes des mains de la Démoniste, puis s'inclina et se dirigea vers la sortie de Fossoyeuse. Quitte à invoquer un cheval, autant le faire en extérieur.
Lucifer lui lança un regard noir au passage, et se jura de le plonger quand même dans le canal la prochaine fois. Qu'il ait une raison ou pas.
Abatik, Mezz, Seln et un Zaza toujours gambadant le suivirent. Seln continuait à faire la tête, la moue boudeuse et les bras croisés, ce qui accessoirement faisait ressortir encore plus sa poitrine.
Profitant que son Maître venait de se casser la figure - Par la malepeste ! Marre de cette fichue robe ! - Abatik se rapprocha l'air de rien de la Maîtresse des Démonistes, qui lui lança un sourire carnassier.
- Au fait, Madame, j'ai noté une phrase tout à l'heure, que mon Maître n'a pas relevée. Vous avez dit "Il aura du mal avec toi, finalement".
- Tu en es sûr, petit démon ?
- Sûr et certain, Madame. J'aimerais en savoir plus...
La Démoniste sourit à nouveau, découvrant des dents limées et pointues. Puis elle se pencha vers le Diablotin.
- Quelqu'un est venu me voir. Quelqu'un qui cherche ton Maître.
- Beaucoup de gens le cherchent en effet, Madame.
- Et il n'a pas l'air très amical.
- Cela va souvent de paire avec le fait de le chercher, Madame.
- C'est un Chasseur.
- Mon Maître les méprise assez, c'est vrai, Madame. Mais en même temps, il méprise tout le monde...
- Un Tauren.
- Effectivement, c'est étrange. Il est vrai que mon Maître fréquente peu les Taurens, Madame. A cause de l'odeur.
- Une histoire d'argent.
- Il est de notoriété publique que mon Maître a toujours des soucis d'argent, Madame. C'est même chez lui une sorte de principe philosophique.
- Datant d'avant sa mort.
- Je crois savoir qu'il avait de lourdes dettes de cette époque, Madame.
- Ce Tauren est tenace, manifestement.
- Ils le sont tous au début, Madame. Puis ils se lassent. C'est un des talents de mon Maître.
- Celui-là ne se lasse pas.
- Les Taurens sont patients, il est vrai, Madame. Mais même eux se fatiguent au bout d'un moment.
- Il appartient à la Confrérie des Collecteurs.
Abatik ouvrit la bouche pour répondre, puis la referma lentement.
- La Confrérie, Madame ? Vous êtes sûre ?
- J'en suis membre, petit. Il semblerait que mes confrères aient décidé de clore le dossier de ton Maître. Je me suis laissée dire qu'il commençait à encombrer. Beaucoup.
- ...
- Ton Maître va avoir des ennuis, petit. Je l'aime bien, il me rappelle moi quand j'étais moins desséchée. Mais ce Tauren est ambitieux, et tenace. Et son retard commence à s'amenuiser.
- Je... crois... que... je vais d'abord me renseigner avant d'en parler à mon Maître, Madame.
- C'est peut-être mieux, en effet.
- Il n'a pas besoin de nouveaux soucis, Madame. Pas tout de suite.
- Peut-être.
- Bon, alors j'y vais, Madame ?
- Ce serait bien, en effet. Ton Maître t'attend.
- Au fait, vous ne m'avez pas dit son nom, Madame.
- Il s'appelle Vimayre, petit.
- Alors au revoir, Madame.
Le front soucieux, Abatik revint vers son maître qui l'attendait impatiemment mais n'avait pas osé interrompre la Démoniste.
- Alors ? On peut savoir ce que tu faisais ?
- Hum ? Oh, rien, Maître. Je voulais avoir quelques nouvelles d'en-bas.
- Tu en auras avec le canasson. Allez, amenez-vous tous.
Abatik laissa Llégion le devancer de quelques pas et, discrètement, parla à Mezz.
- On a un problème. Et il vaut mieux que notre Maître ne soit pas au courant... pour le moment.
- (voix caverneuse) Quel problème, collègue ?
- On en reparlera tout à l'heure.
Moustaches était contrarié. La nouvelle n'aurait pas dû être révélée si vite. Et en plus, ce Tauren allait beaucoup trop vite... Il allait falloir agir.
Puis le rat se mit à trottiner derrière le Démoniste.
***
Chapitre 81 : La déesse
- Vous savez le temps que ça nous a pris ? Et lui, il vient tout casser ! Bouhouhou... Méchant Mort-Vivant ! Méchant !
Vimayre avait assez vite trouvé la trace de Llégion. Il faut dire qu'un cadavre de déesse géante, ça se remarque... Surtout entouré d'une dizaine de prêtres épleurés - et en robes à paillettes...
- Je cherche un Mort-Vivant, justement. Un Démoniste, grand, chauve, l'air con.
- Oh le vilain ! C'est lui qui a tué notre gentille déesse ! Je le hais ! Hein qu'on le hait, Zéphyr ?
Le dénommé Zéphyr - un autre prêtre tout aussi "viril" - se retourna, un mouchoir de soie brodé à la main.
- Oh oui, ma chérie. Il a été très vilain ! Je l'ai vu - bouhouhou ! - invoquer notre gentille déesse et la tuer. Vilain !
- Et bien... En fait, je lui veux du mal. Vous sauriez où il serait allé ?
- Vous allez lui faire du mal ? Beaucoup ? La chance...
- Euh... Hem. *voix très grave* Si je preneur de toute piste que vous pourriez me fournir.
- Nous aussi on prend...
- Oui, mais là, non, pas le temps, tout ça, vous savez ce que c'est, hein ? Bon, pour Llégion ?
Le prêtre soupira, un petit sourire charmeur au visage.
- Dommage, beau Tauren... Il est parti, mais on ne sait pas où.
- Ca ne m'arrange pas, ça.
- Mais nous, on l'a cherché. Partout partout ! Et bien, vous n'allez pas le croire, il a campé un peu plus loin, près du cercle nord. Mais chut ! Normalement, c'est un secret, parce que nous, on veut aussi le trouver. Mais pour un beau Tauren comme vous...
Vimayre fit un pas en arrière tandis que le prêtre se rapprochait.
- Bien bien. Le cercle nord ? Excellent ! J'y vais de suite ! Adieu !
- Au revoir, beau Tauren... Et reviens nous voir !
Vimayre s'enfuit plus qu'il ne partit. Bon sang ! Quel monde de débiles !
***
Chapitre 82 : Ghostriders in the sky
Llégion s'arrêta à l'entrée des ruines sous lesquelles les Réprouvés avaient bâti Fossoyeuse. Il sorti de sa poche les rênes données par la Démoniste, et entreprit de déchiffrer le rituel inscrit dessus.
Les rênes étaient légèrement chaudes au toucher, et les inscriptions gravées dessus semblaient être faites en lettres de flamme.
- Bon, vous tous, il semblerait que, POUR UNE FOIS, cette invocation soit simple. Pas de démon à tuer, pas d'innocent à égorger à l'autre bout du monde, et pas de truc bizarre dont on ne sait que faire. D'ailleurs, tu as compris, toi, Seln, à quoi sert ce satané goupillon ? Il est où, d'ailleurs ?
- Et bien, mon Llélé... Zaza ! Reviens ici !
Zaza, qui s'était couché aux pieds de sa "maman" et n'avait absolument pas envie de la quitter, leva la tête d'un air surpris en l'entendant l'appeler.
Il lui lança un regard du type "mais qu'est-ce que tu racontes ?", auquel elle répondit par un regard "je t'en prie, aide-moi à faire diversion !".
Zaza lui répondit par un regard "c'est quoi encore cette histoire ? Je faisais la sieste, là". Ce à quoi la Succube lui rétorqua par le regard "arrête de discuter et fais-le, sinon je te prive de caresses".
Zaza, pas naïf, répondit par le regard "bien sûr, je te crois, de toutes façons tu ne tiendras pas 2 minutes, vu que c'est toi qui n'arrête pas de me faire des mamours", s'attirant en réponse un regard "bon sang, je te demande juste de faire comme si, c'est pas compliqué, non ?!"
Zaza râla encore une fois avec le regard "franchement, la prochaine fois, préviens moi avant, parce que j'allais m'endormir et que j'ai mal aux pattes". Ce à quoi Seln répondit par le regard "merci, mon Zazounet d'amour ! Ta maman t'adore ! Hein que ta maman t'adore, mon Zaza !"
Puis Zaza se leva péniblement et partit en trottinant quelques mètres plus loin, se retournant de temps en temps pour voir si la Succube approuvait.
- Zaza ! Je t'ai dit de revenir ! Et plus vite que ça !
Observant le petit manège avec étonnement, Llégion allait lancer son fameux regard "Rhhhaaa ! Par la malepeste ! Ces quoi ces fichus regards ! Et tu ne m'as pas répondu sur ce satané goupillon !" quand Abatik intervint.
- Maître, vous oubliez l'invocation.
- Ah, oui, heureusement que tu es là, Abatik. Bon, voyons voir ce truc...
Llégion commença à lire les étranges symboles gravés sur les rênes, accomplissant en même temps une série de passes avec les mains.
Il y eu l'habituelle déchirure dans le tissu de la réalité, donnant à apercevoir brièvement une partie des Enfers.
Puis la déchirure se mit à se troubler, tandis que dans les mains du Démoniste les rênes se mettaient à devenir de plus en plus chaudes et à fumer.
Une chose étrange se produisit alors.
Llégion eut la brève vision d'un étrange cavalier-squelette, au crâne en flammes et armé d'une chaîne d'acier en fusion, assis sur une monture métallique elle aussi en flammes.
La monture ne ressemblait à rien de connu, et tenait plus de la carriole que du cheval, mais en plus étroit et avec moins de roues.
Le cavalier le regarda dans les yeux, faisant se glacer le sang du Démoniste.
Enfin, c'était l'idée, mais vu que Llégion n'avait plus une goutte de sang depuis plus de 50 ans... il ressentit juste un léger picotement sur la nuque.
Puis il tendit un doigt squelettique et enflammé vers le Démoniste. Dans sa tête, une voix sèche et impitoyable lui dit :
- Je vois tes péchés.
Llégion alla rétorquer "Et alors ?", vu qu'il s'en fichait complètement, mais le cavalier fit un geste des mains sur les "rênes" de sa monture qui se mit à rugir avec des accents métalliques.
Puis, faiblement, il entendit comme une étrange mélopée venue du fond des Enfers. Ses paroles étaient incompréhensibles, mais le rythme envoûtant.
- Yippie yi ohhhhh, Yippie yi yaaaaay, Ghooooost Ridersssss in... the skyyyy...
Un coup de tonnerre ébranla alors le ciel, faisant s'évanouir la vision et la mélopée. Un éclair jaillit de la déchirure, éblouissant Llégion et ses démons.
Puis le silence se fit.
Llégion mit quelques secondes à reprendre ses esprits et à recouvrer la vue. Il les mit à profit pour exprimer son agacement - Par la malepeste ! - et pour souffler sur ses mains endolories par la chaleur dégagée par les rênes.
Puis il leva la tête et se trouva nez à museau avec...
***
Chapitre 83 : Un coin tranquille
Vimayre venait d'apprendre un nouvel élément sur sa cible. Llégion était bordélique.
Dommage que cela soit totalement inutile comme information...
Le Tauren soupira, et entreprit de fouiller ce qui restait du campement vide. Il l'avait trouvé près du cercle nord d'Arathi, entouré d'un tas d'animaux morts ainsi que de quelques cadavres d'Ogres - pourtant absents de cette zone normalement.
Vimayre avait du mal à comprendre. C'était comme si une partie de la faune locale - des araignées et des raptors essentiellement - s'était retrouvé à cet endroit pour s'entretuer, avec au milieu les Ogres en question.
Il y avait aussi un énorme tas de journaux près d'un rocher.
Et rien d'autre. Aucune trace de Llégion ou de ses démons.
Vimayre sourit. Enfin un défi à sa sagacité !
Il observa la scène, et remarqua alors qu'en fait, il y avait deux tas de journaux : un rangé en pile, et l'autre désordonné, comme s'ils avaient été jetés par terre après lecture.
Contrairement au premier tas, qui lui n'avait pas dû être lu.
Donc quelque chose - ou quelqu'un - avait interrompu le lecteur.
Le combat des bestioles ? Peut-être. Ou alors... le journal trainant seul entre les deux tas.
Vimayre le ramassa et grimaça. La première page manquait, arrachée avec violence apparemment.
Donc... Une information qui aurait provoqué une réaction. Mais laquelle ?
Le Tauren jeta un oeil sur les autres journaux : "L'Echo des Enfers". Logique. Mais pour retrouver la page manquante...
Par acquis de conscience, il parcourut quelques journaux avant et après celui à la page arrachée, mais ne trouva rien pouvant l'aider. "L'Echo des Enfers", manifestement, ne croyait pas au suivi des informations…
Vimayre pesta et sortit de son sac un carnet. La seule option, maintenant, était de trouver un autre exemplaire de ce numéro. En espérant qu'il ne soit pas obligé d'aller trop loin pour ça…
- Lune d'Argent. Tiens, c'est sur le même continent. Etonnant.
Rangeant son carnet, Vimayre se dirigea vers le Trépas d'Orgrim pour prendre le prochain vol de wyverne.
***
Chapitre 84 : L'Enfer, c'est les autres
Nous allons maintenant faire un petit aparté, qui remplira le quota culturel normalement obligatoire mais quelque peu délaissé depuis le début de notre récit…
…
Il existe une multitude d'Enfers et de démons dans l'univers. Techniquement, il en existe même une infinité, sans parler de ceux que les mortels se fabriquent eux-mêmes.
Une source traditionnelle d'inspiration pour les habitants d'"en-bas".
A une époque, les démons les plus puissants avaient même établi un programme de stages de perfectionnement dans un certain nombre d'univers, pour voir ce qui existait et ce qu'ils pouvaient en retirer.
Ils en étaient revenus avec deux constats : 1/ les mortels ont une imagination extrêmement fertile concernant la vie après la mort, surtout les passages avec des ustensiles étranges et des flammes éternelles, et 2/ jamais les Enfers ne pourraient rattraper leur retard dans ce domaine.
Le service créé pour programmer les stages avait donc été dissout, ses démons avaient été mutés au Service Après-vente - où jamais personne ne mettait les pieds - et il ne fut plus jamais question d'aller voir ailleurs si les autres faisaient mieux.
On a sa fierté, même chez les démons.
SURTOUT chez les démons, en fait.
Il est à noter que le problème de l'infinité d'Enfers existants gênait considérablement la communication autour d'eux.
En effet, comment convaincre les mortels de rejoindre l'Enfer où on découpe les gens en rondelles, quand ils ne connaissent que celui où on épluche les gens tous vifs - tout ça grâce à un budget com' conséquent qui avait permis la création d'une secte d'éplucheurs fanatiques dans un monde passablement peuplé - moins d'ailleurs depuis la création de ladite secte.
De fait, tous les mortels se ruaient sur les Enfers les plus à la mode, délaissant ceux trop pointus ou sans suffisamment de moyens pour se faire connaître.
Ainsi, l'Enfer où on brûle dans une éternité de tourments ne désemplissait pas, obligeant les responsables à racheter à prix d'or des Enfers mitoyens pour tout raser et construire de nouveaux bûchers.
Alors qu'à côté, l'Enfer où on souffle sur les gens n'avait jamais réellement réussi à percer. Pour être honnête, il ne comprenait qu'un seul damné, l'unique membre d'une religion autoproclamée détestant le moindre mouvement d'air.
Un cas très rare d'aérophobie.
Le problème, c'est que ces Enfers n'arrivaient pas à tenir leurs budgets, et il fallait utiliser les excédents de ceux bénéficiaires pour compenser les déficitaires.
L'Enfer où on brûle dans une éternité de tourments, pour ne citer que celui-là, permettait de financer environ 753 millions d'Enfers peu fréquentés.
Dont celui où on souffle sur les gens, qui employait quand même 45 démons assermentés à temps plein. Un véritable gouffre financier, donc.
Un démon avait bien essayé de mettre de l'ordre là-dedans, en supprimant les services inutiles, en regroupant les Enfers semblables - ainsi, on aurait fusionné l'Enfer où on brûle la plante des pieds avec celui où on brûle les talons - et en établissant un roulement chez les damnés, pour diminuer l'affluence dans les Enfers les plus populaires au profit de ceux moins connus.
Sauf que les démons sont par essence très traditionalistes, et attachés à un service au client personnalisé et de type artisanal.
Et surtout, ils détestent recevoir des ordres.
Le démon, un certain Physkal, fut remercié et envoyé en mission en Azeroth, où son intérêt envers l'argent et l'efficacité lui permit de créer une certaine société secrète dont vous avez peut-être entendu parler, la Confrérie des Collecteurs.
Comme quoi, tout se rejoint...
Un autre problème criant dans cette "organisation" des Enfers tenait à la multitude des interlocuteurs. Les démons étaient encore plus nombreux que les Enfers.
Or tout bon communicant sait qu'un produit a besoin d'une identité forte propre à fédérer les consommateurs. Et quoi de mieux qu'un démon charismatique à souhait ?
Problème : comment se distinguer, et donc distinguer son Enfer, quand on a des milliards de milliards de concurrents tout aussi charismatiques ?
Le problème n'avait jamais été résolu. Certains avaient eu la chance de bénéficier d'un environnement favorable, comme le vieux Satan, qui avait eu la chance dans son univers d'être honni par trois religions différentes et toutes adversaires, sans parler des scissions internes et des rivalités.
D'autres, comme Soufflard le Souffleur, traînaient leur anonymat auprès d'une poignée de damnés - un seul en l'occurrence pour ce pauvre Soufflard et son aérophobique.
Il y avait aussi des petits malins qui avaient réussi à trouver une niche hyper-spécialisée qui, si elle ne leur permettait pas forcément d'alimenter un Enfer, leur assurer des revenus confortables tout en leur permettant de rester indépendant.
Le Père Fouettard, par exemple, s'était spécialisé - malgré les mises en gardes de ses amis - dans la répression des enfants désobeissants, ce qui était totalement idiot étant donné que les enfants n'ont pas le sens du bien et du mal. Ni d'âme, bien entendu.
Mais il avait gagné une renommée conséquente qu'il exploitait tranquillement depuis plusieurs siècles en faisant des conférences et en travaillant comme consultant.
De nombreux démons avaient suivi son exemple, comme le Père Noël dans plusieurs univers qui sous couvert de...
Oups.
Oubliez cela. On va dire que vous n'avez rien entendu.
Bref, l'existence d'un démon n'avait rien d'une partie de plaisir, même si beaucoup, comme partout, étaient très satisfaits de leur quotidien morne et banal.
Pourquoi je vous raconte tout cela ?
Parce que le nouveau protagoniste de notre histoire, qui dans un instant va apparaître sous nos yeux émerveillés - oui, oui, émerveillés, vous allez voir, il en vaut la peine - faisait partie des rares démons à avoir réussi faire son trou, et pas qu'un peu.
Il est donc maintenant temps de vous présenter celui que des générations de Démonistes ont eu l'honneur et le privilège d'avoir comme serviteur ;
Celui qui commença son extraordinaire carrière au service du plus grand conquérant d'une obscure petite planète ;
La première monture à avoir accédé au statut de monture épique, et par la même occasion à avoir créé ce statut ;
J'ai nommé :
la Monture du Diable, le Destrier des Enfers, le Cheval du Tourment, le Grand Galopeur du Destin, le Fléau de Flammes ;
Le seul,
L'unique,
Le célébrissime,
BUCEPHALE
(laissons passer une minute de silence respectueux pour le plus noble destrier que les Enfers aient jamais connu)
C'est bon, nous pouvons continuer.
Comment ? Qu'est-ce que le plus formidable cheval des Enfers a à voir avec notre histoire ?
Vous ne devinez pas ?
Si, vous devinez, je le vois à votre regard effaré.
Vous avez mis dans le mille.
Aussi surprenant que cela paraisse, Bucéphale est la nouvelle monture de Llégion.
Je sens confusément que ça risque d'être folklorique…
***
- Ben qwoi, tu cwois waiment qwe ces tawlouzes d'Ewlfes s'intéwessent aux wieux pwapiers ?
Vimayre lança un regard affligé à l'archiviste de Lune d'Argent – qui se trouvait être un Troll. Puis son regard revint sur les archives de la villes.
Une salle où s'entassaient pêle-mêle des monceaux de papiers divers et variés.
Sans le moindre classement.
- Mais si vous êtes archivistes, vous ne devriez pas ranger ?
- Monw pote, tu cwois qwe j'ai qwe ça à faiwe ? Et qwe ces tawlouzes d'Ewlfes wiennent ici wégulièwement ? Alows casse paws la tête, mec, et pwends une taffe.
Vimayre refusa la "cigarette" que lui tendait le Troll en secouant la tête.
- Et, par hasard, vous ne sauriez pas où se trouvent vos archives de "L'Echo des Enfers" ?
- Je suis un Twoll, mec. Paws un Démoniste. Auwcune idée. Je ne sais même paws si on a ce twuc.
- Ca ne m'awwange… m'arrange pas, ça.
Le Troll tira une bouffée de sa "cigarette" avec un air d'extase.
- Pouwqwoi tu was paws woir un de ces pwutains de Démonistes, mon pote ?
Le visage de Vimayre devint livide.
- Allez voir un… un Elfe ?
- Ouaiws, c'est duw, mec, mais si tu weux ton jouwnal, je wois qwe ça. Maiws t'inqwuiète, y'en a plein la wille de ces salopewies.
Le Tauren secoua la tête. Allez voir un Elfe de Sang… Foutu boulot.
***
Chapitre 86 : Le cavalier de l'Apocalypse
... avec un cheval.
Enfin, seulement au premier coup d'oeil. Car le représentant de l'espèce équine apparu devant le Démoniste n'était pas tout à fait semblable aux autres chevaux.
Cela se remarquait à de petits détails.
En particulier les flammes à la place des sabots. Et de la crinière. Et des naseaux. Et des yeux.
En fait, il fallait être complètement ignorant des chevaux pour confondre l'"animal" apparu avec un banal cheval.
Llégion n'y connaissait pas grand-chose, mais il en avait déjà vu autrefois et remarqua les petits détails.
En plus, c'est lui qui avait fait l'invocation, donc il était au courant. Quand même.
Par contre, Abatik et Mezz restèrent abasourdis devant l'apparition.
- La vache !
- (voix caverneuse) Incroyable !
- Mais c'est...
- (voix caverneuse) Ce ne peut être que...
La flamme dans les yeux du destrier se mit soudain à brûler violemment tandis qu'il foudroyait les deux démons du regard.
Qui se turent, passablement impressionnés.
Puis le cheval se tourna vers Llégion qui était resté coi devant l'apparition, et s'inclina devant lui.
- Mes respectueuses salutations, Monseigneur. Je suis dorénavant à vos ordres.
Llégion secoua la tête pour reprendre ses esprits. Mais il n'en revenait toujours pas de ce qu'il avait devant lui.
Habitué à se colleter tous les minables des Enfers, Llégion s'était attendu à voir apparaître quelque chose de plus... ben, minable, quoi.
Voire un poney. Ca ne l'aurait même pas surpris.
Mais celui qu'il avait devant lui avait une classe folle. Une musculature impressionnante se devinait sous sa robe, qui avait des reflets de sang sous la lueur des flammes l'enveloppant.
Son port de tête était altier et empreint de noblesse. Son élocution posée et élégante indiquait une intelligence et une culture supérieure à la moyenne.
Bref, Llégion était soufflé.
Et agacé.
- C'est bon, j'ai compris, tu t'es trompé de Démoniste, c'est ça ?
- Nullement, Monseigneur. Je suis bien le démon qui vous a été attribué. A moins que vous ne soyez pas le noble Llégion, puissant Démoniste Réprouvé ?
- "Noble" ? Donc c'est une mauvaise plaisanterie ? Je te préviens, je ne suis pas d'humeur.
- Qu'il me soit permis de vous rassurer, Monseigneur. Je n'ai guère coutume de me livrer à de sordides plaisanteries à l'encontre des manipulateurs des forces démoniaques. Je suis bien à votre service dorénavant.
Llégion se gratta pensivement le menton.
- Ce n'est pas une erreur ?
- Non point, Monseigneur.
- Ni une plaisanterie ?
- Nullement, Monseigneur.
- Et tu es à mon service ? A moi, Llégion ?
- Effectivement, Monseigneur.
- Et bien... c'est bien la première fois que je reçois un démon aussi impressionnant.
- J'avoue ne point comprendre, Monseigneur. Je ne suis qu'un simple cheval des Enfers, un parmi tant d'autres.
- J'ai déjà vu des chevaux des Enfers. Tu les surpasses tous en allure. Tu es quoi, en réalité ?
- Il est éventuellement possible que la nature m'ait légèrement avantagé, Monseigneur, mais pas tant que cela. Il est absolument inenvisageable que je sois autre chose qu'une monture de Démoniste basique.
- Pourtant...
- Soyez certain, Monseigneur, que je ne suis en aucune manière une de ces montures épiques ayant combattu aux côtés des plus puissants Démonistes que ce monde ait jamais porté. Rien ne peut le prouver.
- Mouais... Au fait, tu t'appelles comment ?
- Je porte le patronyme de Bucéph... de Buck, Monseigneur. C'est ça, Buck. Pas Bucéphale. Rien à voir avec ce noble et puissant destrier. Aucun rapport.
Le cheval regarda le Démoniste avec un air légèrement gêné. Llégion n'était pas franchement convaincu, mais comme dit le proverbe, à cheval donné, on ne regarde pas la peau de l'ours. Ou quelque chose dans ce genre.
Et puis, on ne savait jamais... De là à ce quelqu'un se rende compte qu'il y avait bien une erreur...
- Bon, Buck, bienvenue dans le monde merveilleux de mes serviteurs.
- C'est pour moi un honneur et un privilège, Monseigneur. A ce propos, préférez-vous que je m'adresse à votre personne par la qualificatif de "Monseigneur", ou de "Maître" qui, dit-on, est en usage chez les démons du commun. Ce que je suis, d'ailleurs. Pas un aristocrate. Nullement.
- "Monseigneur", c'est bien. Alors, le petit excité là-bas, c'est Abatik.
- Mes respectueuses salutations, ami Abatik.
- Salut, ..."Buck".
- Le gros bleu s'appelle Mezz.
- Un honneur que de vous rencontrer, puissant Mezznagma.
- (voix caverneuse) Moi de même, ..."Buck".
- La Succube, c'est Seln.
- Je vous présente mes hommages, charmante Selneri.
- Bonjour le cheval ! J'aime TELLEMENT les chevaux ! Hein qu'elle les aime maman, mon Zaza ?
- Et le truc qui la colle, on l'appelle Zaza.
- Ravi de te connaître, fidèle Czaajhom.
- Wif ! ..."Wucf".
- J'espère que tu es aussi efficace et rapide que tu en as l'air, Buck.
- Soyez assuré que je suis capable d'atteindre des vitesses considérables, Monseigneur, et de porter des charges importantes. Enfin, aussi rapide et aussi importantes que tout autre cheval des Enfers. Ce que je suis. Pas une monture épique. Pas du tout.
- Euh... oui. De toutes façons, que ferait une monture épique avec moi ? Ca voudrait dire qu'elle aurait abandonné son statut. Il faudrait être complètement stupide !
- Certes, Monseigneur. Ou bien désireux de parfaire ses connaissances et de découvrir une nouvelle vie pour mieux connaître l'environnement dans lequel il évolue. Ce qui serait fort pertinent pour un cheval des Enfers sérieux et consciencieux.
- Non. Complètement stupide, je te dis.
- Certes... Au fait, Monseigneur, vous ne m'avez pas présenté notre dernier compagnon ? Pourtant si essentiel dans notre compagnie, il me semble.
- Ah bon ? Lequel ?
- Le rat, Monseigneur.
- Le rat ? Il s'appelle Moustaches. Mais il n'a aucune importance. Ce n'est qu'un rat.
- Vous me voyez surpris, Monseigneur, car...
Buck croisa alors le regard de Moustaches et arrêta de parler. Il hésita quelques secondes, puis se reprit.
- Euh... Effectivement, ce n'est qu'un rat, Monseigneur. Rien à voir avec... Non. Rien qu'un rat. Tout comme moi je ne suis qu'un cheval des Enfers. En aucune manière... Non. Aucun rapport.
Moustaches soupira intérieurement. Alors ça, c'était le bouquet ! Tomber sur lui, ici, à ce moment précis... Heureusement, le cheval ne dirait rien. Il avait ses propres mystères à taire. Mais il allait falloir se méfier.
Puis le rat pissa sur l'un des sabots du cheval.
***
- Vous savez, vous auriez aussi pu simplement me demander, je vous aurais renseigné avec joie.
L'Elfe tenta un pâle sourire, malgré le fait que Vimayre le tenait par le col de sa robe et à un bon mètre du sol.
- Ecoute-moi bien, l'Elfe. Je vais te poser des questions, et tu vas y répondre directement, sans faire d'humour, sans blague foireuse, sinon je t'arrache un bras. Reçu ?
L'Elfe hocha la tête frénétiquement.
- Il n'y a aucun problème, monsieur. Je ne comprends pas pourquoi vous usez d'une telle…
- La ferme. Tu es Démoniste, correct ?
- Oui.
Vimayre foudroya du regard l'Elfe, mais celui-ci semblait avoir compris et n'ajouta aucun commentaire.
- Il y a un journal, qui s'appelle "L'Echo des Enfers". Je cherche un ancien numéro. Est-ce que tu en as ?
- Mon Diablotin est abonné et très soigneux. Ce sera avec plaisir que je vous fournirais ce numéro, monsieur.
- Il est où ?
- A mon laboratoire, monsieur. Si vous voulez bien me lâcher, je me ferais un plaisir de vous y emmener.
Vimayre lâcha l'Elfe qui s'effondra au sol et se releva en époussetant sa robe, l'air pas plus gêné que cela. Il indiqua du menton un passage au bout de la rue.
- C'est juste en face, monsieur.
Toujours méfiant, le Tauren suivit l'Elfe dans son laboratoire…
***
Chapitre 88 : Hiiiii !!! C'est Bucéphale !!!
Après de vifs débats avec ses démons, Llégion avait finalement imposé sa volonté - Par la malepeste ! Vous la fermez et vous obéissez ! - et choisi d'aller faire un tour dans les souterrains de Brassenoire.
Il se trouvait présentement dans le petit camp de la Horde installé sur la grève de Zoram, à essayer de convaincre un marchand dubitatif d'acheter les quelques habits qu'il avait fabriqué un peu plus tôt.
Abatik en profita pour discuter discrètement avec Mezz.
- Il se passe des trucs bizarres, Mezz. Le cheval...
- (voix caverneuse) Bucéphale. Le plus célèbre des Enfers. Il a participé à toutes les aventures, à tous les combats.
- Par la malepeste ! Vous savez le temps que ça m'a pris pour faire ces machins !
Les hurlements de Llégion indiquaient qu'il avait commencé la phase de négociation proprement dite. Ca risquait de durer un moment.
- Et plus encore, Mezz. Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas une monture de base. Jamais Llégion n'aurait dû l'avoir.
- (voix caverneuse) Je l'ai déjà rencontré, un jour. Il était venu visiter l'usine de damnation où je travaillais quand j'ai débuté. Il avait l'air d'une saleté de canasson pédant et orgueilleux. Un oppresseur.
- RHHHAAA !!! Vous me prenez pour un pigeon ?!
- C'est vrai, on a toujours dit que c'était le meilleur. Mais qu'est-ce qu'il fiche ici ?
- (voix caverneuse) En plus, il n'est pas crédible. Il veut faire populaire, mais ça sonne faux. C'est un fichu aristocrate.
- Non ! Hors de question de vous le laisser à ce prix !
- Ah ! Mes valeureux compères ! Puis-je me joindre à vous ? Et discuter de... de choses dont discutent les démons du commun. Ce que je suis. Evidemment.
Abatik et Mezz lancèrent un regard noir au cheval, qui les regardait avec un air qui se voulait sûrement engageant mais que gâchait la formidable flamme dans ses yeux, ainsi que son port aristocratique.
- Ah, salut... "Buck".
- (voix caverneuse) Nous ne sommes pas dupe, "monsieur l'aristocrate". Ce n'est pas en essayant de vous immiscer auprès du peuple des démons que vous nous ferez oublier l'oppression des masses dont vous et vos semblables tirez vos richesses et votre pouvoir.
- Par la malepeste ! Vous vous fichez de moi ?!
- Du calme, Mezz. Et toi, explique. Qu'est-ce qu'une monture épique comme toi fabrique avec notre maître ?
- Mais je vous assure, mes vaillants compagnons ! Je ne suis qu'un humble démon comme vous. Avec les mêmes problèmes des démons du commun. Comme… Comme… Comme les problèmes que vous… que nous rencontrons tous, dans notre vie de tous les jours.
- Ca y est ! Je t'ai reconnu ! Tu avais raison, Zaza ! C'est Bucéphale ! Bucéphale ! J'arrive pas à y croire ! Bucéphale !
Seln s'était mise à pousser des cris délirants, heureusement inaudibles pour Llégion trop occupé à essayer de convaincre le vendeur.
Elle se précipita en sautillant d'excitation vers Buck et se planta en trépignant devant lui.
- C'est Bucéphale ! C'est Bucéphale ! J'avais un poster de toi dans ma chambre ! C'est Bucéphale !
- Euh... Ah ah ! Certes non, jeune Succube. Je ne suis qu'un démon du commun du nom de Bucéph... de Buck. Rien à voir. Ah ah.
- C'est Bucéphale ! J'y crois pas ! C'est Bucéphale ! Quand j'étais petite, j'avais même la poupée avec tous les accessoires ! Celle avec la panoplie du Roi-Liche ! Et le petit peigne ! Et les rubans !
- Ah, la poupée... Je l'avais oubliée... Je veux dire, si j'étais ce "Bucéphale", ce que je ne suis pas, j'aurais pu l'oublier. Mais ce n'est pas moi. Ah ah.
- M'sieur Bucéphale... ! J'arrive pas à y croire ! Je peux avoir un autographe ! S'il te plait ! Juste un ! S'il te plait !
Buck chercha ses mots en regardant la Succube qui trépignait en rougissant, un Zaza passablement perdu à ses pieds - pardon, à ses sabots.
Puis il se tourna vers Abatik, qui l'observait avec une moue dubitative. Puis vers Mezz, qui avait pris une teinte violette tellement il était énervé contre l'"oppresseur".
Derrière lui, Llégion avait empoigné le col du vendeur et le secouait violemment.
Buck soupira.
- Soit. Je capitule. Je suis bien le célèbre Bucéphale. Le plus grand...
- Je le savais ! Je le savais ! C'est Bucéphale ! Hiiiiii !!!
- Certes. Mais j'aimerais que vous conserviez mon secret par devers vous.
- (voix caverneuse) Vous êtes venu espionner nos actions, oppresseur.
- Mollo, Mezz... Après tout, il est dans la même galère que nous maintenant. Parce que je connais bien les règles : en acceptant de venir ici, tu t'es mis, quelles que soient tes raisons, au service Llégion. Et tu risques de le regretter.
- Ami Abatik, croyez-vous vraiment que je l'ignore ? Et rassurez-vous, puissant Mezznagma, je n'en veut point à vos luttes ô combien honorables. Je donne d'ailleurs régulièrement aux gueux lors des galas de bienfaisance organisés par la bonne société des Enfers.
- (voix caverneuse) Votre mépris des classes laborieuses...
- Du calme, Mezz. Alors ? C'est quoi l'arnaque ?
Buck - alias Bucéphale - soupira. Puis il se tourna vers la mer, prenant garde à ce que la lune qui venait de se lever soit placée juste derrière lui et illumine son pelage de reflets d'argent.
Les démons restèrent muets. Il n'y avait pas photo, comme on disait "en-bas". Ce Bucéphale avait vraiment une classe folle.
- Eh bien, mes vaillants compagnons…
Moustaches s'assit pour observer les Nagas sur la grève. Il allait devoir jouer finement, s'il ne voulait pas se faire prendre.
Puis le rat cracha une boulette de poils
***
- C'est par ici. Physik est très soigneux, alors si vous pouviez ne pas trop mettre de bazar…
Vimayre passa en revue le laboratoire de l'Elfe avec méfiance. Des bocaux au contenu étrange un peu partout, des signes cabalistiques, de vieux grimoires… Un laboratoire classique d'un spécialiste des arts occultes.
Et dans un coin du laboratoire, derrière un paravent – avec des petits chats ?! – se trouvait le coin du Diablotin de l'Elfe.
- C'est… particulier. Pour un démon, j'entends.
- Oui, Physik est quelqu'un de très soigneux. Il n'aime pas le désordre. Ce serait même un maniaque du rangement.
- Hum… Je ne pensais pas à ça, en fait…
Vimayre passa en revue le petit nid douillet que le Diablotin s'était confectionné dans le coin du laboratoire. Avec le petit tapis en rotin, les rideaux vichy aux fenêtres, les fleurs sur la table et les petits napperons, on se serait plus cru chez une vieille grand-mère un peu gâteuse que dans l'antre d'un démon des Enfers.
Le Tauren se secoua et prit un paquet de journaux ficelés ensemble. Heureusement, ils étaient rangés par ordre de date, et trouva vite le numéro dont il avait besoin.
L'Elfe jeta un œil par en-dessous.
- Ah oui, je m'en souviens. On en avait beaucoup parlé entre nous quand c'est arrivé.
- La monture de Démoniste ? C'est quoi cette histoire ?
- Avant, on nous apprenait à invoquer un destrier des Enfers au 40e cercle. Mais "ils" ont décidé dernièrement d'abaisser le niveau d'accès au 30e cercle. Je vous laisse imaginer le chambard !
Vimayre soupira, reposa le journal et attrapa à nouveau l'Elfe par le col.
- Eh ! Ma robe !
- La ferme. Et pour apprendre cette invocation, on fait comment ?
- Uniquement les Démonistes, monsieur. Et les Paladins, mais c'est un destrier pour eux. Il faut aller voir son maître Démoniste.
Vimayre lâcha l'Elfe qui, cette fois-ci, avait anticipé et réussit à ne pas s'effondrer au sol.
Puis il sortit à grands pas du laboratoire pour aller à Fossoyeuse.
L'Elfe secoua la tête en soupirant. Puis se tourna d'un air désespéré vers un poney au regard bovin qui attendait dans un coin.
- Bon, Robert – ce nom ! - on recommence. Tu es un Destrier des Enfers, et moi je suis ton nouveau Maître. Compris ? *soupir* Si je tenais le responsable des affectations des Enfers…
***
Chapitre 90 : On a échangé nos dadas !
- Je dois vous avouer, mes nobles compagnons, que ma carrière de monture épique connaît quelques... disons, "difficultés". Mon agent a de plus en plus de soucis pour me trouver des contrats dignes de mon rang.
- Tu es pourtant célèbre dans tous les Enfers. Tu as porté les plus puissants Démonistes d'Azeroth depuis des siècles.
- Effectivement, mais voyez-vous, ma renommée est devenue une nuisance. Les temps héroïques sont passés, et les seuls Démonistes susceptibles de pouvoir m'invoquer ont trop peur de ne pas être à la hauteur, au point qu'ils préfèrent se tourner vers des destriers moins impressionnants.
- Dur d'être le meilleur, hein ?
Buck ignora le sarcasme.
- De plus, l'ouverture du portail vers l'Outreterre m'a fait beaucoup de tort. Les montures volantes, bien que dénuées de personnalité et de standing, ont dorénavant la préférence des aventuriers.
- J'ai jamais aimé les piafs, moi.
- Alors je traîne mon ennui dans mes étables du Pandémonium, passant ma morne existence en fêtes, soirées, galas de bienfaisance... Il s'agit d'une vie plaisante, mais j'ai besoin de me sentir désiré ! Je suis une monture ! Pas une bête de foire !
- La richesse, quelle plaie...
- J'en ai parlé à mon agent. Et il a fini par me trouver un contrat. Quelque chose d'original et de décalé, susceptible de séduire le public et de relancer ma carrière.
- Et donc te voilà.
Buck hocha la tête.
- Oui, ami Abatik. Mais j'avoue que j'ai beaucoup hésité avant d'accepter ce projet. Je craignais qu'il ne me rabaisse... Je suis quand même Bucéphale, morbleu ! LE Bucéphale !
- Faut faire gaffe, quand on est célèbre...
- Vous ne pourrez jamais connaître cela, mon ami. La griserie des foules en admiration... Les charges héroïques contre les armées d'ennemis terrifiés... Non, vous ne pourrez jamais comprendre... Parfois, j'en arrive à envier le sort des petites gens comme vous. Une existence morne, sans enjeu, sans utilité... *soupir*
Abatik réussit à retenir Mezz qui allait se ruer sur le cheval.
- Euh... ouais. Si tu le dis... Et le truc de ton agent... ?
- Un nouveau concept de divertissement populaire. Destiné aux démons des cercles inférieurs. Cela s'appelle "On a échangé nos montures". L'idée est simple : deux démons de classe différente échangent leur existence, et découvrent la vie de l'autre. Il semblerait que les démons du commun raffolent de ce genre de divertissements.
- Donc, tu as échangé avec le cheval destiné à Llégion, qui est...
- Hum... Je n'aime pas médire sur les autres, même d'une classe inférieure, mais force est de reconnaître que le bougre – un certain, hem, Robert - n'est pas très futé. Ni élégant. Ni cultivé. Ni...
- Bref, Llégion devait se ramasser un crétin, c'est ça ? Et toi...
- J'étais destiné au Champion de Lune d'Argent, un Démoniste promis au plus brillant avenir.
Abatik secoua la tête tristement.
- Je plains l'Elfe de Sang.
- Moi aussi, mon ami. Je crains qu'il n'apprécie guère ce petit tour. D'autant que les Démonistes ne doivent pas être prévenus. Sinon, le contrat est annulé.
- Ca ne risque pas de lui nuire, à ton vrai Maître ?
- Llégion est dorénavant mon seul Maître, mon ami. De plus, c'est quand même un Elfe... Il y a des limites à mon immense tolérance naturelle.
Abatik sourit.
- Je crois qu'on va s'entendre, Buck. Hein, Mezz ?
- (voix caverneuse) Non. Jamais je ne trahirai ma cause pour un aristocrate.
- T'inquiète pas, Buck. Ca finira par lui passer.
- Soyez assurés, mes chers compagnons, que je saurais être digne de votre amitié et de votre confiance.
- Alors, tu restes ?
Seln s'était figée, blème et tremblante, les yeux pleins d'espoir.
- Il semblerait bien, jeune Succube. Je...
- HIIIIIIII !!!!!!!
Le hurlement hystérique de Seln vrilla les oreilles de tous les êtres vivants à une lieue à la ronde, faisant fuir les Nagas traînant sur la grève de Zoram.
Il interrompit aussi Llégion qui s'apprêtait à lancer une malédiction sur le vendeur.
- Par la malepeste ! Qu'est ce qu'il t'arrive, Seln ?
- (Je vous en conjure, mes amis. Gardez mon secret. Ma carrière en dépend)
- Ce n'est rien, Maître. C'est juste Seln qui vient de réaliser que le canasson reste. Vous la connaissez...
- Il reste ! Il reste ! Je suis TELLEMENT heureuse ! Les copines vont être vertes !
Llégion passa en revue du regard ses démons. Abatik souriait d'un air nerveux, cachant manifestement quelque chose. Mezz leur tournait le dos, les bras croisés, et son bleu était toujours teinté de violet. Seln trépignait, au comble de l'excitation. Zaza sautillait autour de sa "maman" en aboyant comme un forcené.
Et Buck, tout en conservant son port aristocratique et son assurance, semblait retenir son souffle.
Llégion secoua la tête.
- Je ne veux rien savoir. Mais qu'est-ce que vous... Non. Je ne veux rien savoir. Et calmez-vous, on ne s'entend plus maudire avec votre boucan.
Le Démoniste retourna vers le vendeur en retroussant ses manches, lequel fit craquer les os de ses mains. La négociation allait atteindre sa conclusion.
Abatik se retourna vers les autres.
- Bon, on essaye de faire profil bas. Surtout qu'il y a un truc dont on doit parler.
- Je suis à votre entière disposition, ami Abatik. Juste le temps de signer un autographe à notre charmante compagne.
- HIIIIIII !!! Je vais avoir un autographe de Bucéphale ! Je vais avoir un autographe de Bucéphale ! Je vais...
- Seln, c'est Buck maintenant.
- J'y crois pas ! Je suis TELLEMENT heureuse ! Je vais avoir un autographe de Bucéphale !
Moustaches sortit précautionneusement la tête du sac du vendeur, regarda autour de lui et, constatant l'absence de réaction, en sortit discrètement et rejoignit les autres. Ce n'était pas là... Peut-être à Brassenoire, alors...
Puis le rat s'assit et regarda Buck apposer la marque de son sabot sur la feuille que lui tendait une Seln toute tremblante.
***
- Tiens, notre ami Tauren. Comment se passe ta traque, petit ?
Vimayre retint la remarque sarcastique qui lui venait et se contenta de saluer de la tête la maîtresse des Démonistes de Fossoyeuse.
- J'ai appris que Llégion avait récemment atteint le niveau pour invoquer un destrier des Enfers, madame. Serait-il, par hasard, venu vous trouver ?
- Toujours aussi méprisant envers les Réprouvés, petit. C'est bien, tu iras loin.
- Merci madame. Et pour Llégion ?
- Il a effectivement appris qu'il avait plus que le niveau pour accéder à ce nouveau démon. Comme quoi, il sait parfois surprendre son monde.
- Je n'en doute pas, madame. Et ?
- Et quoi ?
Vimayre prit une profonde respiration tandis que la Démoniste le regardait en souriant avec cruauté.
- Il est venu vous trouver, madame ?
- Une histoire étrange, petit – mais je commence à avoir l'habitude avec lui. Je lui ai appris à utiliser les rênes démoniaques qui servent à invoquer son destrier.
- Etrange, madame ? Ce n'est pas la procédure habituelle ?
- Etrange, car ce ne sont pas des rênes ordinaires, petit. Je devine une embrouille comme nos amis d'"en-bas" en ont l'habitude.
- Ah. Et concernant mon affaire, madame, est-ce un problème ?
- Qui sait, petit… Qui sait.
- Bien bien. Et peut-être, si je peux me permettre de continuer à abuser de votre temps, savez-vous où il est allé ensuite, madame ?
La Démoniste sourit de toutes ses dents limées.
- Il a dû testé sa nouvelle invocation. D'habitude, ils font ça dehors. Sylvanas n'aime pas qu'on invoque à tour de bras dans sa cité.
- Je comprends cela, madame. Je vous remercie de votre aide, et vous souhaite une bonne journée.
- C'est la nuit, et je suis morte et infestée de vermine. Mais merci du souhait, petit.
- Ah. Oh. Je vais y aller, alors. Au revoir, madame.
La Démoniste regarda Vimayre tourner les talons. Puis elle grimaça soudain et se mit à se gratter frénétiquement, sous le regard amusé de son démon.
***
Chapitre 92 : Finalement, on va le garder
Finalement, Llégion avait décidé de ne pas tenter sa chance dans Brassenoire. Il fallait traverser à la nage des tunnels inondés, et il venait de se souvenir qu'il n'aimait pas l'eau…
En plus, pour une raison inconnue, tout le monde semblait quelque peu énervé. La jalousie par rapport à l'arrivée de Buck, sûrement.
Le Démoniste en profita donc pour faire un tour à Orgrimmar, où il n'avait pas été depuis un moment.
Pendant que leur Maître campait devant l'hôtel des ventes pour récupérer du tissu, Abatik réunit les démons pour leur annoncer la mauvaise nouvelle.
- Bon, les gars...
- Je suis pas un gars !
- Seln... Les gars ET les filles...
- Et je suis la seule fille.
- Rhhhaaa ! ...Vous tous !
- (voix caverneuse) Qui t'as désigné comme notre chef, Abatik ? Nous devrions procéder à une élection, avant.
Abatik prit une profonde inspiration en se pinçant l'arête du nez.
- C'est bon ? Vous avez fini de m'emmerder ? J'avais un truc à dire, là.
- Reprenez votre propos, mon ami. Nous sommes tout ouïe.
- Merci, Buck. Bon, en fait, j'ai eu une petite discussion avec la Maîtresse des Démonistes de Fossoyeuse. Apparemment, notre Maître a quelqu'un qui le poursuit.
- (voix caverneuse) Ce n'est pas surprenant. Il a le don d'énerver tout le monde.
- Vous me voyez surpris, mes nobles compagnons. Notre Maître me semble pourtant des plus aimable.
- On te racontera, Buck. Mais bref, là, c'est du sérieux. C'est un Tauren du nom de Vimayre. Un Chasseur. Et il bosse pour la Confrérie des Collecteurs.
Un silence se fit après les paroles d'Abatik. Tous avaient entendu parler de la Confrérie. Et tous savaient le danger que représentait une telle nouvelle pour leur Maître.
- (voix caverneuse) On les dit sans la moindre pitié. Puissant ou misérable, riche ou pauvre, leurs clients ne s'en relèvent jamais.
- La Confrérie... J'en frissonne à la seule mention de leur nom honni. J'ai connu un mien parent qui a subi un redressement. En êtes-vous sûr, mon ami ?
- Sûr et certain, Buck.
- C'est quoi la Confrérie, les garçons ? On me dit jamais rien à moi !
- C'est une chose terrible, Seln. Il s'agit...
- Wof !
Zaza interrompit le Diablotin.
- Wof ! Wouf waf waf wof. Waouf wif wouf... Grrr... Waf ! Waf ! Waf ! *gémit* Wouf. Wif waf, wouf wof. Wouf. Waf ! Waouf wif. Wif ?
Les démons restèrent quelques instants à méditer les explications du Chasseur Infernal.
Seln était devenue blême.
- Mais... c'est horrible ! Tu te moques de toi, hein, Zaza ? Hein que tu te moques de ta maman ?
- Wof.
- Le clebs a raison, Zaza. Même si je trouve qu'il est encore assez optimiste, là.
- Waf !
- Si tu le dis...
- (voix caverneuse) Mais où est le problème, Abatik ? Un créancier de plus pour notre Maître. Et s'il y reste, nous retrouverons un nouveau Maître.
- Ah, non !
Tous se retournèrent vers Seln qui avait l'air en colère.
- Moi, je garde mon Llégion ! Pas question que j'en change ! Ah, non !
- (voix caverneuse) Tu ne sembles pourtant pas l'apprécier...
- Mais si !
- Seln, tu n'arrêtes pas de râler, de te plaindre de tout, voire de fuguer... Il ne fait jamais rien comme tu veux.
- Oui, mais ce n'est pas pareil.
Les autres démons restèrent interloqués devant la Succube. Même Zaza levait des yeux étonnés, et Buck essayait manifestement avec difficultés de suivre une conversation dont il n'avait pas tous les éléments.
Seln poussa un soupir d'énervement.
- Vous comprenez rien ! C'est bien les garçons, ça.
- Il faut reconnaître, Seln, on a du mal à suivre, là.
- Essayez de vous mettre à ma place. Moi, au départ, j'aimais bien l'idée d'être Succube. Embêter les hommes, se conduire en fille, je sais pas si vous avez remarqué, mais c'est plutôt mon truc.
- Rassurez-vous, charmante enfant, cela ne nous avait guère échappé.
- Gnagnagna... Sauf qu'on m'avait pas dit pour... enfin, vous voyez... les trucs que les Succubes font avec leurs Maîtres.
- Tu veux dire le sexe ?
Seln rougit.
- Oui, bref, ben "ça", c'est pas trop mon truc. Moi, j'ai toujours rêvé de rencontrer un beau démon, de tomber amoureuse, et qu'on se marierait avec une belle robe et une belle cérémonie.
- Mais, jeune Succube, votre destin est de forniquer avec les mâles, d'user de vos charmes et de vos perversions dans le domaine érotique pour damner les âmes des mortels. Vous me voyez surpris de votre réaction.
Seln devint cramoisie.
- Ben, moi, c'est pas mon truc. Voilà.
- Vous disposez pourtant de tous les appâts pour accomplir cette tache, ma charmante enfant. Comme toute Succube, tout en vous respire le stupre et la luxure...
Seln commençant à fumer légèrement tellement elle rougissait, Abatik vint à son secours en interrompant le destrier.
- Bon, on va pas faire la liste non plus. Et ?
- Llélé ne m'a pas touché une seule fois depuis que je suis là ! Je connais les Démonistes, toujours à vouloir faire... des trucs. Même les femmes. On m'a raconté. Et lui, non.
- Tu l'as rembarré, Seln.
- Oui, mais il a pas insisté ! Et comme le... enfin, la "chose", c'est pas mon truc, c'est génial ! Et en plus, je trouve ça TELLEMENT chou... Alors je ne change pas de Maître. Ah, non !
Les démons méditèrent les paroles de Seln.
- (voix caverneuse) Je dois effectivement avouer que notre Maître est le plus compréhensif que j'ai eu depuis longtemps. Il me laisse pratiquer mes activités syndicales sans trouver à redire, alors qu'il pourrait me soumettre complètement à ses ordres.
- Je ne connais point encore bien notre auguste seigneur, mais pour ma part, mon agent m'a explicitement laissé entendre que plus mon Démoniste sera "original", plus le public sera content. Et ma carrière s'en ressentira favorablement. Je vote donc pour lui.
Abatik exprima alors tout haut ce que tout le monde pensait.
- En fait, les gars...
- Je suis pas un gars !
- ... les gars et Seln, le truc bien avec notre Maître, c'est qu'il ignore totalement qu'il a le pouvoir de nous contrôler totalement, sans qu'on puisse s'y opposer. Quand on y réfléchit, c'est rare comme cas. Ce serait idiot de passer à côté.
Seln eut un petit rire de triomphe.
- Alors on est tous d'accord pour garder mon Llélé. Même Zaza ! Hein, mon Zaza, que tu l'aimes ton papa ?
- Bwof...
- Mais si, tu l'aimes !
- Wif !
Abatik poussa un profond soupir.
- Bon, maintenant, la question est : que fait-on pour le Tauren ?
Moustaches était satisfait. Les démons avaient joué la partie comme il fallait, même si la Succube s'était révélée plus qu'utile pour les pousser dans le bon sens. Maintenant, il allait falloir attendre et observer...
Puis le rat fit une culbute sur lui-même.
***
- Bon sang, et je fais quoi maintenant ?
Vimayre continua de chercher autour de lui, par acquis de conscience, mais c'était inutile.
Certes, il y avait des traces de l'invocation d'un destrier infernal au sol – les sabots de feu ont tendance à faire du dégât – mais manifestement, les Démonistes étaient nombreux dans les parages, et les traces innombrables et confuses.
Et bien sûr, personne pour le renseigner.
A moins que…
Vimayre se dirigea vers la tour des dirigeables un peu plus loin. Certes il faisait nuit, mais avec un peu de chance, un des Gobelins en faction aurait vu quelque chose.
Par chance, le Tauren n'eut aucune difficulté à trouver un témoin – d'autant que les Gobelins respectaient profondément la Confrérie.
- J'ai tout vu, Monsieur le Contrôleur Principal. Faut dire qu'avec tout le chambard que ça a fait ! Je me suis même dit : ça, ça mériterait un rapport.
- Je vois. Et qu'avez-vous vu exactement ?
- Un grand type, un Mort-Vivant, l'air minable, qui a invoqué un de ces destrier des Enfers. Vous savez, a ce poste, on en voit des dizaines tous les jours, de ces canassons. Et bien celui-là, entre nous, il avait une classe folle.
- Une classe folle ?
- Oui, carrément le genre de bestiaux qui n'a rien à faire avec le grand con qui l'avait invoqué. Enfin moi, ce que j'en dis…
- Certes. Et vous savez où ils sont allés ensuite ?
- Ils ont pris le dirigeable pour Orgrimmar. Je les ai entendu parler d'un endroit… Comment c'était déjà… Une histoire de natation et d'obscurité…
- De natation et d'obscurité… ? Brassenoire ?
- Bingo ! Dites, vous êtes forts pour deviner des trucs, vous ! Ca vous dirait de venir à notre kermesse ce dimanche ? On fait des concours de devinettes, et…
- Non merci j'ai du travail ! Et puis… Le dirigeable ! Je dois y aller ! Adieu !
Le Gobelin fit un vague signe de la main au Tauren qui embarquait sur le dirigeable venant d'arriver.
Puis il lança un regard affligé à son camarade.
- Me regarde pas comme ça. Au moins, j'aurais essayé !
***
Chapitre 94 : Que faire d'un Tauren ?
La discussion entre les démons avait duré une grande partie de la nuit et les avait fait aborder toutes les options, sans pouvoir en choisir une seule.
Tous, sauf Seln bien entendu qui en profita pour se faire les ongles.
Mais alors qu'Abatik s'apprétait à laisser tomber, Seln mit les pieds dans le plat en disant tout haut l'idée que le Diablotin n'osait proposer.
- Et le mignon petit Paladin ? Tu sais, Abatik, le barbu qui était avec toi à Hurlevent quand vous êtes venu me chercher ?
- Edualk ?
- Oui ! Il était gentil, même s'il n'a pas arrêté de me reluquer en douce. Il m'a fait pensé à mon Llélé. C'est drôle, hein ?
- Je t'ai déjà expliqué, Seln. Edualk est l'arrière petit-neveu de notre Maître. Et il sert l'Alliance.
- Un instant, mes nobles compagnons. Notre puissant seigneur aurait un descendant indirect qui aurait suivi la voie du Paladin ? Pour l'Alliance ?
Abatik prit quelques minutes pour expliquer rapidement à Buck les liens familiaux de leur Maître. Buck posa beaucoup de questions, auquelles Abatik répondit patiemment.
Buck resta enfin silencieux quelques minutes, méditant les explications, les sourcils froncés.
- Je m'interroge, mes nobles compagnons... Ce serviteur de la Lumière tolérera-t-il que nous usions de son influence pour aider un suppôt des Enfers ?
- On voit que tu ne le connais pas, Buck. Edualk n'est pas du genre à foncer dans le tas en massacrant tout ce qui ressemble de près ou de loin à un démon. Il est même plutôt sympa, et surtout, il est moins bête qu'il n'en a l'air.
- Et il porterait assistance à notre Maître ?
- Je crois qu'il s'ennuie comme un rat mort, et qu'il ne déteste pas Llégion. Si on lui propose d'intervenir, ça devrait l'amuser. Et puis, au pire, il pourra peut-être nous tuyauter.
- (voix caverneuse) Le problème, Abatik, c'est que nous ne savons pas où il se trouve. C'est grand, Azeroth, sans parler de l'Outreterre. Et des instances.
- On n'a qu'à faire le tour des tavernes, Mezz. Je parie qu'il en squatte une.
- (voix caverneuse) Il y en a beaucoup, Abatik, et nous n'avons qu'une nuit pour nous en occuper, pendant que Llégion dort.
- Mouais, c'est vrai... Quelqu'un a une idée ? Mezz ?
- (voix caverneuse) Non, désolé.
- Buck ?
- Je dois avouer que mon esprit n'est point en situation de...
- On a compris, vieux.
- "Vieux" ? Mon cher ami, je...
- Ouais, ouais... Seln ? On sait jamais, après tout...
- Qu'est-ce qu'il y a, Aba ? Tu as vu, j'ai peint mes sabots en rose, cette fois-ci !
- Seln... Tu pourrais suivre, de temps en temps... Bon, faut que je réfléchisse à tout ç...
- Waf !
- Mais oui, tu es joli avec ton beau collier, mon Zazounet ! Fais-moi un bisou !
- Wif ! Wof !
- Je crois que le clebs...
- Grrr...
- ... veut dire un truc.
- Waf ! Wouf wof wouf, waf wof. Bwouf ? *geint* Wof ? *grogne* Waf wof wouf, wouf wif. Waf wouf ? Wof ! Wf waf wouf. Wif ? *halète*
Tous restèrent silencieux devant Zaza remuant la queue et les regardant avec espoir. Puis Abatik, après s'être longuement caressé le menton en réfléchissant, finit par sourire.
- C'est loin d'être idiot, dis-donc. Pas mal, pour un clébard.
- Waf ! Grrr...
- J'ai pas compris les garçons...
Abatik leva les yeux au ciel et entreprit d'expliquer à Seln le plan astucieux de Zaza. Ce qui prit moins de temps, finalement, que ce que pensait le Diablotin.
- C'est pour ça qu'il nous faut une canne à pêche ! J'ai compris ! Tu vois, Abatik, que quand on m'explique je comprends.
- On va dire ça, oui...
- Mais pourquoi on le cherche, Edualk ?
Abatik se mordit les lèvres pour ne pas crier contre la Succube et décida de laisser tomber.
- Oublie ça, de toutes façons, toi, tu restes ici avec le clebs. Il faut quelqu'un pour surveiller Llégion pendant notre escapade.
- Il y a des boutiques là où vous allez ? *air innocent*
- Oui, plein...
- Chouette !
- ... mais seulement des trucs pour Guerriers. Tu veux qu'on te ramène une hache, Seln ?
- Pouah ! Ben en fait, moi, je vais rester avec mon Llélé. Peut-être qu'on pourra retourner à Lune d'Argent, s'il est de bonne humeur ?
- Faut voir. Bon, Mezz, Buck et moi, on y va. On a du boulot, et la nuit est déjà bien avancée. On sera de retour avant l'aube, Seln. Eh ! Seln !
La Succube avait sorti un épais catalogue et commençait à cocher des pages sans se préoccuper du reste, tandis que Zaza lançait à Abatik un regard du genre "Ne vous inquiétez pas, je reste avec elle, mais ne trainez pas en route quand même, j'ai vu qu'elle avait acheté tout un stock de rubans multicolores, et pas pour elle, si vous voyez ce que je veux dire".
Nos trois démons partirent donc à la recherche d'Edualk, selon le plan astucieux imaginé par Zaza.
- Notre aimable compagnon à quatre pattes se révèle plein de surprises, mes nobles compagnons. Et cette éloquence !
- Ouais, on lui dira... Bon, faut d'abord trouver une pelle...
Moustaches n'aimait pas ça. Il avait l'impression que tout allait de travers depuis que la chasse avait commencé. Il devait se reprendre, et garder son calme. Après tout, il l'avait prévu depuis longtemps.
Puis le rat entreprit de grignoter les restes du bâton du Démoniste.
***
- Eh ! Eh ! Le gros, là ! Ca vous dit, une p'tite instance, rapide ? Eh !
Vimayre se retint de se mettre en colère. C'était le quatrième aventurier à l'aborder pour lui proposer d'explorer Brassenoire, et ça commençait à doucement le courir.
Aucun d'entre eux n'aurait l'idée de se regrouper ?!
Néanmoins, il lui fallait des témoins, donc…
- Une instance, non, je suis déjà pris.
- Merde ! Fais chier ! Trois jours que j'attends ici !
- Trois jours, vous dites ?
- Foutus aventuriers de mes deux ! Y'en a pas un pour filer un coup de main à un Orc ! Génération de feignasses !
- Pas de chance. Dites, vous n'auriez pas vu traîner dans les parages un Mort-Vivant, grand, chauve, l'air con ?
- J'ai une tête à faire attention à ça ?
- Effectivement… Il avait un destrier infernal, assez classe apparemment.
Les yeux de l'Orc se mirent soudain à briller.
- Ah oui, ça, pour en jeter, il en jetait ! Foutus crevards de Démos ! Toujours pour eux les bons plans !
- Oui, oui. Vous l'avez vu alors ?
- L'est pas resté longtemps. Et entre nous, un aristo de son calibre, sur une plage pouilleuse comme celle-ci, ça faisait tâche.
- Je m'en doute. Vous savez où ils sont allés ?
- Ca… Je sais que ça gueulait beaucoup du côté du camp, mais à part ça… Par contre, il ne sont pas entré dans Brassenoire, sinon je les aurais vu.
- Le camp… Merci de l'information.
- Et vous êtes sûrs que ça ne vous tente pas, un p'tit coup d'instance, vite fait ?
Vimayre ne répondit même pas et se dirigea à grandes enjambées vers le petit camp de la Horde.
***
Chapitre 96 : Et la lumière fut…
- La pelle est sympa, mais non. Hors de question que je me mêle de ça.
- Mais...
- J'ai mes propres emmerdements. Donc : non.
Edualk se resservit un verre de vin qu'il avala cul-sec. Puis il fit signe à la serveuse Draeneie qui se contenta de hocher la tête devant les tentatives maladroites du Paladin de la séduire.
Abatik quêta du regard une aide auprès de ses compagnons, mais Mezz se contenta de hausser les épaules, et Buck, comme d'habitude, était planqué dans un coin sombre de la taverne, inquiet d'être reconnu par les aventuriers de haut niveau arpentant les lieux.
Le plan de Zaza avait été un succès complet, même si la partie avec les Défias avait failli échouer à cause d'un dysfonctionnement de la fusée. Grace à ça, Abatik avait pu retrouver Edualk qui, à ce moment-là, s'était installé à la Taverne du Bout du Monde à Shattrah où il reprenait des forces entre deux raids sur l'île de Quel Danas.
Heureusement, sans la présence de leur Maître en train de dormir à Orgrimmar, les démons pouvaient utiliser pleinement leurs pouvoirs et se transporter dans la capitale de l'Outreterre.
- Mais m'sieur, cette histoire d'impôts risque de créer des ennuis à notre Maître. Et c'est votre famille.
Edualk soupira.
- Ecoute, petit, en temps normal, j'aurais été ravi de t'aider. Surtout contre un Hordeux d'un niveau largement plus faible que le mien. Sauf que là, je suis coincé. Si je n'arrive pas à prouver ma valeur auprès du Soleil Brisé avant la fin du mois, le Grand Maître des Paladins de Hurlevent va me tomber dessus comme une tonne de brique. Et j'aime pas les briques.
- Pfff... Vous n'êtes pas très coopératif, m'sieur. Ca a le droit de faire ça, un palouf ?
Abatik avait pris un air innocent qui, malheureusement, fit un bide complet.
- Bien essayé, petit, mais ça ne marchera pas. On me fiche une paix royale, mais à la seule condition de bosser pour le Soleil Brisé. En plus, tu es du côté Hordeux, je te signale.
Abatik rumina sa déception en fusillant du regard le Paladin. Puis celui-ci poussa un soupir et se redressa sur sa chaise.
- Bon, écoute petit, j'ai peut-être une idée pour toi.
- Normalement, c'est plutôt mon truc les idées, m'sieur. J'y ai sûrement déjà pensé.
- Pas sûr, petit... Dis-moi, Llégion, il veut toujours devenir maître du monde ?
- "Maître du monde", m'sieur. Avec une majuscule. Il y tient. Et oui, il ne lâche pas le morceau, même si ça n'avance pas beaucoup.
- Alors voilà, il y a peut-être un truc qui pourrait marcher. Tu n'aurais pas un spécialiste en droit dans ton entourage ?
- (voix caverneuse) J'ai quelques connaissances dans ce domaine, monsieur.
- Et en droit fiscal ?
Mezz se rengorgea, au grand étonnement d'Abatik.
- (voix caverneuse) Sans vouloir me flatter, monsieur, j'oserais dire que je m'y connais. J'ai commencé ma carrière en droit fiscal infernal.
- Tu ne m'avais pas dit ça, Mezz !
- (voix caverneuse) J'ai eu l'honneur de suivre l'enseignement de l'honorable Physkal, Abatik.
Le Diablotin siffla d'admiration.
- Ah oui, quand même. Un sacré numéro, à ce qu'on m'a dit.
- C'est qui, ce Physkal ?
Edualk avait l'air intéressé.
- Un démon de l'ancien temps, m'sieur, qui a pratiquement créé le concept d'impôt aux Enfers et l'a exporté ensuite en Azeroth.
- (voix caverneuse) Une sordide histoire qui a mené à un exil injustifié. Mais il s'en est bien sorti, monsieur.
- Et le droit fiscal infernal, il s'applique en Azeroth ?
Mezz hocha la tête.
- (voix caverneuse) Privilège du primus creationis, monsieur. Pour la Guilde des Collecteurs chargée du recouvrement des créances - et ce Vimayre travaille pour eux - ce droit est supérieur aux autres. D'autant que la Guilde fut créée par Physkal lui-même.
Edualk plissa les yeux en hochant la tête.
- C'est bon, ça. Dis-moi, le gros bleu, il y a un chapitre sur les religions dans tes bouquins ?
- (voix caverneuse) Un aspect passionnant du sujet, monsieur. Une jurisprudence approfondie depuis des siècles.
- Dis-moi, j'ai remarqué qu'en général, les Prêtres sont souvent pleins aux as.
- (voix caverneuse) Techniquement, non, monsieur. Ce sont leurs temples... qui sont... riches...
- Toi, tu penses à un truc, Mezz.
- (voix caverneuse) Peut-être...
- En plus, j'ai entendu dire que les religions sont...
- (voix caverneuse) ... exemptées d'impôts, monsieur. Pour éviter un affrontement entre le temporel et le spirituel. Mais les temples font régulièrement des "dons gratuits" aux autorités histoire de rester en bons termes...
Mezz resta silencieux, sous le regard intéressé d'Abatik et d'Edualk.
- (voix caverneuse) Il va me falloir faire des vérifications, mais je crois que vous tenez quelque chose, monsieur.
- Genre, Mezz ?
- (voix caverneuse) Si notre Maître créait une religion, Abatik, il pourrait être exempté d'impôts, et même bénéficier de restitutions par le systême du don gratuit - qu'il se ferait à lui même en tant que futur Maître du monde.
- Un genre de circuit fermé.
- (voix caverneuse) En effet. Ce serait tordu, mais...
- ... assez dans le genre de notre Maître. Par contre, Mezz, ça ne règle pas la question de ses dettes. C'est ça son problème actuel.
Edualk se servit un nouveau verre.
- Vous n'allez pas me faire croire que des démons aussi futés que vous ne peuvent pas trouver un truc à ce sujet ?
- La pommade, c'est notre spécialité, m'sieur. N'essayez pas ça avec nous.
- (voix caverneuse) De plus, les lois et réglements fiscaux sont conçus pour toujours être au bénéfice de l'administration.
- Sauf erreur de ma part, Llégion était déjà dans le business de la conquête du monde du temps où il était en vie.
- (voix caverneuse) Conquérir le monde n'est pas la même chose que de devenir un dieu, monsieur.
- Mais le lien existe ?
Mezz réfléchit.
- (voix caverneuse) C'est tiré par les cheveux, monsieur, et techniquement difficile à faire passer.
- Difficile, pas impossible.
- (voix caverneuse) Rien n'est impossible, monsieur. Il suffit de connaître les textes et de savoir les utiliser.
- Et toi, tu ne les connais pas assez...
Mezz se redressa.
- (voix caverneuse) Ne me mettez pas au défi, monsieur. J'ai traité des cas plus complexes.
- Donc... ?
Le Marcheur du Vide échangea un regard avec Abatik, qui poussa un soupir.
- Fais-le, Mezz. Même si notre Maître va devenir insupportable, au moins, on sera débarassé du Tauren.
- (voix caverneuse) D'un autre côté, il est toujours insupportable, Abatik. Et puis, de toutes façons, déclarer une religion n'implique pas automatiquement de devenir un dieu. Il faut des fidèles ensuite pour concrétiser l'affaire.
- Ouais... Autant dire qu'on n'a pas fini d'en entendre parler...
Abatik se tourna vers le Paladin qui se grattait négligemment la barbe.
- Merci du coup de main, m'sieur. Je savais qu'on pouvait compter sur vous pour trouver des idées.
- T'es un vrai faux-cul, toi.
- Ouaip, m'sieur ! Je suis connu pour ça !
Edualk et les deux démons éclatèrent de rire tandis que la serveuse Draeneie retenait une grimace. Elle aimait bien son travail, mais parfois, elle en avait assez de se farcir tous les tarés d'Azeroth.
Loin de là, dans un recoin sombre, Moustaches poussa un soupir de soulagement. Ils avaient enfin compris ! Mais que de temps perdu... Au moins, maintenant, il allait pouvoir passer à l'étape suivante.
Puis le rat éternua.
***
- Un rude négociateur, ce Réprouvé. Dur en affaires. Mais j'en ai tiré un bon prix.
Vimayre hocha la tête en écoutant les explications du vendeur. Effectivement, tout le monde dans le petit camp de la Horde installé sur la grève de Zoram se souvenait de Llégion, et surtout de Buck, qui manifestement faisait forte impression.
- Et il faisait quoi ?
- Il voulait aller dans Brassenoire, à ce qu'il disait. Sauf que quand quelqu'un a parlé de flotte – c'est un poil humide là-dedans – il a changé d'avis.
- On m'a confirmé qu'il n'est effectivement pas allé dans ces cavernes. Et ensuite ?
- Ensuite ? Il est parti.
Vimayre attendit la suite quelques secondes puis poussa un soupir de rage contenue.
- … D'accord. Mais où ?!
- Ben, à Orgrimmar. En vous dépéchant, vous pourrez l'intercepter, il est parti il y a quelques heures seulement.
Vimayre sourit. Enfin ! Enfin il le rattrapait ! Enfin il allait l'avoir ! Enfin il…
- S'cusez. M'sieur… Vimayre ? Chasseur ?
Le Tauren se retourna brusquement et attrapa par le col le Gobelin en uniforme qui venait d'apparaître devant lui.
- Quoi encore ?!
- Eh ! Je n'suis qu'le facteur, moi ! J'ai un courrier pour vous. De Fossoyeuse. Ca a l'air important.
Vimayre lâcha le Gobelin et prit l'enveloppe qui portait le sceau de la Confrérie qu'il ouvrit avec rage.
Puis après l'avoir lu…
- RHHHAAA !!! FOUTUS MORTS-VIVANTS DE MERDE !!!
- Un problème, m'sieur ?
- Ta gueule !
Le Gobelin haussa les épaules et ramassa la lettre froissée que Vimayre avait jetée par terre avant de se précipiter vers les wyvernes.
- "Monsieur le Contrôleur Principal. Veuillez vous présenter toutes affaires cessantes et en urgence auprès du Conseil de la Confrérie. Signé, illisible" Où est le problème ? C'est sympa, Fossoyeuse, en cette saison…
***
Chapitre 98 : Où Llégion apprend l'existence de Vimayre
Après une bonne nuit de sommeil, et ayant pu récupérer suffisament de tissu pour reprendre son aiguille, Llégion s'installa à une table de l'auberge d'Orgrimmar et sortit son matériel de couture, jetant au passage un regard noir aux quelques guerriers traînant dans la salle pour leur faire comprendre que là, tout de suite, une remarque amusante serait très mal venue.
Les Guerriers comprirent, heureusement, et de toutes façons ils étaient trop occupés à se préparer des desserts.
Seln s'approcha de Llégion et s'assit à côté de lui.
- Tu as l'air fatigué, mon Llélé.
- Je suis occupé, Seln.
- Mais j'essaie juste d'être gentille, moi !
- On ne va pas à Lune d'Argent, Seln.
- Tu es méchant, crapaud ! Je n'y pensais même pas ! Enfin, c'est vrai que j'aimerais retourner dans quelques boutiques...
- Non.
- Bon, d'accord. C'est toi qui décides, chouchou.
Llégion continua à coudre pendant quelques secondes, puis s'arrêta et leva les yeux sur Seln.
- Euh... c'est tout ?
- Ben oui.
- Tu n'insistes pas ?
- Moi, je voulais juste être gentille. Les autres n'arrêtent pas de faire des trucs de garçon, et moi je m'ennuie à force.
Llégion soupira et reposa son ouvrage sur la table.
- Seln... Il y a un truc que tu dois me dire, c'est ça ?
- Pourquoi tu dis ça, mamour ?
- Tu n'es jamais comme ça avec moi. D'ailleurs, ça commence à m'inquiéter. Ou alors tu es malade. Un truc de Succube ? C'est grave ?
- Oh mais regardez-le ! Il s'inquiète pour sa Selneri d'amour ! Qu'il est trognon...
- Je ne suis pas trognon, je suis un cadavre desséché avec une sale tête qui ne fait jamais rien comme tu veux, et réciproquement. Alors ?
Seln se mordilla la lèvre avec un air gêné. A l'autre table, les Guerriers avaient cessé de battre leurs oeufs en neige et restaient bouche bée, les yeux rivés sur la Succube. L'un d'entre eux avait même un filet de bave coulant sur son menton.
- Ben, oui, il y a bien quelque chose, mamour, mais je ne veux pas te déranger...
- Tu m'as déjà dérangé, Seln...
- Ben voilà, les garçons...
- Quels garçons ?
- Ben les autres : Aba, Mezz, etc. Ce sont pas des filles comme moi !
Seln pouffa de rire en faisant un petit signe aux démons qui s'étaient regroupés un peu plus loin et semblaient attendre quelque chose.
Llégion leur trouva subitement l'air très louche.
- Donc, les garçons... ?
- Ben, ils m'ont dit de te dire que c'est pas grave, que tu ne t'inquiètes pas, que ça va bien aller, mais qu'en fait, la Maîtresse des Démonistes de Fossoyeuse, elle a dit à Aba qu'il y avait un Tauren, un Chasseur, qui travaillait pour un truc qui s'appelle la Confrérie des Collecteurs, et qu'il était venu la voir, pour lui poser des questions sur toi, parce qu'en fait, il te recherche parce que tu aurais des impôts en retard, et que tu devrais les payer, et le Tauren il s'appelle Vimayre et il se rapproche de toi, et tu ne trouves pas qu'il me va TELLEMENT bien ce bustier, mon choubichounet ?
Llégion resta silencieux une longue minute, le temps de faire le tri dans les propos que Seln venait de débiter d'un trait sans respirer. A leur table, le groupe semblait attendre d'un air inquiet.
- Donc, si je te comprends bien, la Confrérie des Collecteurs m'a collé un Chasseur Tauren du nom de Vimayre aux trousses pour me faire payer mes arriérés d'impôts ?
- C'est ça ! Et Aba qui disait que tu ne comprendrais pas ! Mais tu es TELLEMENT intelligent, mon Llélé !
- Rhhhaaa ! Par la malepeste ! Abatik ! Ramène-toi !
- Oui, Maître ? Et respirez, vous devenez bleu.
- Ce Tauren, tu es au courant depuis quand ?
- Quelques jours, Maître. Mais on avec Mezz, on a trouvé un truc.
- C'est pas d'un truc dont j'ai besoin, mais d'un moyen d'éliminer ce foutu chasseur de primes !
Abatik grimaça un sourire.
- Faites nous confiance, Maître.
- Tu rigoles ? Je vois bien comment vous me regardez, vous tous. Vous trouvez que je ne suis pas assez bien pour vous ! Je sais que vous complotez dans mon dos pour vous débarasser de moi !
- Mais, Maître...
- La ferme ! Mais si tu crois que je vais me laisser faire, tu te fourres le doigt dans l'oeil ! Je suis Llégion le Maléfique, et il est hors de question que je me laisse avoir par mes démons !
- Mais...
- Tu ne me connais pas, petite crotte ! Tu ignores mon véritable pouvoir ! Tu ignores qui je fus ! JAMAIS je ne céderai ! Vous allez rester à mon service, et vous allez en baver comme c'est pas permis !
- Nous...
- Silence ! Marre de vos remarques ! Marre de tous les emmerdements que vous provoquez ! Marre que vous vous foutiez de moi en permanence ! Marre de tes petits sourires ironiques quand je dis que je vais conquérir le monde !
- Sauf...
- Et le gros bleu ! Ras-le-bol de tes bouquins à la con ! Tu es à MON service, pas au service des bestioles de ce foutu pays !
- (voix caverneuse) Je...
- Ta gueule ! Et la soi-disant Succube, qui a autant de sex-appeal qu'un Murloc, et qui me considère UNIQUEMENT comme une banque ! Et ceinture avec ça, bien sûr !
- Mon Llélé...
- Non ! Et mets dehors ce satané clébard ! Son odeur m'insupporte ! Et surtout, espèce de vermine à quatre pattes, c'est MOI ton Maître, pas l'autre greluche !
- Wof...
- Couché ! Et puis, j'allais oublier, et comment peut-on l'oublier, cet abruti de canasson qui se la pête avec ses pseudo-manière d'aristo alors que tu n'es qu'un foutu plouc sorti de la fange !
- Monseigneur...
- La ferme ! Et le rat ! Le rat ! J'aurais dû livrer le gniard qui me l'a fourgué aux Allys ! En morceaux ! Il m'emmerde, mais il m'emmerde, cet foutu rongeur et ses plissements des yeux !
- ...
- Vous m'emmerdez tous ! TOUS ! Rhaaa ! Par la malepeste ! Je vous HAIS ! Je vous HAIS ! Mais j'ai pigé le truc, tas de cafards puants ! Personne, j'ai dit PERSONNE, ne peut quitter mon service. Vous êtes avec moi pour l'éternité ! Et je vous garantis, tas d'abrutis, que MAINTENANT, je vais vous en faire baver comme jamais !
- Maître...
- Finies les vacances ! Fini de se la couler douce ! Fini de discuter mes ordres ! Toi, la petite crotte, quand je te dis de me pondre un plan, tu le fais, et tu la fermes !
- Oh...
- Toi, le bleu, tes bouquins, tu me les fous au feu ! Quand je dis "Attaque", tu y vas, et je ne veux plus JAMAIS t'entendre !
- (voix caverneuse) Ah...
- Toi, Seln, ce soir tu passes à la casserole ! Même si je dois te casser les bras et les jambes ! Et tu as intérêt à assurer, femelle !
- Euh...
- Le clébard, au chenil ! Je veux plus le voir !
- Wouf...
- Et le canasson, je ne veux plus t'entendre ! Un cheval, ça fais tagada, tagada, ça ne raconte pas sa vie !
- Hem...
- Et le rat, tu dégages avant que je ne décide de te transformer en kebab !
- ...
- Rhhhaaa ! Par la malepeste ! A partir de maintenant, vous fermez vos gueules et vous obéissez !
- Nous...
- TA GUEULE !
Llégion resta silencieux, foudroyant d'un regard halluciné ses démons qui se tenaient serrés les uns contre les autres en tremblant. Puis Mezz essaya de pousser en avant Abatik pour parler en leur nom, mais le Diablotin avait prévu le coup et esquiva.
Enfin, après d'interminables secondes de silence géné, meublées par la respiration sifflante de Llégion, Selneri poussa un profond soupir et s'avança timidement vers le Démoniste.
- Euh...
- QUOI ?!
- Euh... Je ne sais pas si tu sais, mon Llélé, vu que tu es très occupé à conquérir le monde et tout, mais une de mes copines - tu sais, je t'en ai parlé, on était au lycée ensemble - à ouvert une boutique de bijoux. Mais pas à Lune d'Argent - même si j'aurais aimé retourner à Lune d'Argent, car c'est bientôt les soldes, et j'ai vu un petit haut très mignon et pour pas cher - mais à Shattrah. Oui, c'est vrai, tu ne peux pas encore y aller, mais quand tu le pourras, on pourra y faire un tour, en plus, il y a plein de gentils Elfes très riches qui ont toujours besoin d'un coup de main. Ce serait super, non ?
Llégion resta regarder Seln sans rien dire, comme s'il ne comprenait pas.
- Moi, je veux seulement être jolie, pour que tu sois fière de moi, parce que tu es mon Llélé, et que si je ne suis pas jolie, tu finira par en choisir une autre, et moi je serais très triste, parce que moi, je t'aime bien, car tu es gentil avec moi, alors que les autres Démonistes, ils sont toujours méchant et cruels, et ils demandent toujours des trucs horribles à leur Succube, et toi, tu es toujours très gentil et tu me laisses toujours faire ce que je veux, et ça, c'est ce que j'aime chez mon Llélé, surtout que je sais que tu es tellement fort, et doué, et intelligent, que tu vas conquérir le monde, même que je serai très fière de toi.
Le visage de Seln avait pris un air de tristesse inhabituel chez elle. Sa lèvre inférieure tremblait, son front était plissé et deux larmes commençaient à perler dans ses yeux.
- C'est... *snif*... c'est vrai que tu... que tu... *snif*... que tu me trouves... laide ? Bouhouhou...
La Succube pleurait maintenant ouvertement, seule devant le Démoniste au regard toujours injecté de sang. Puis il grimaça, se redressa en serrant les poings...
- Par la...
- Bouhouhou...
Llégion expira profondément.
- Par la malepeste... Je suis trop vieux pour ces conneries...
- Bouhouhou...
- Arrête de pleurnicher, greluche !
- Bouhouhou !
- Non, je veux dire... je ne veux pas... Bon, c'est pas grave, arrête de pleurer, on nous regarde. Arrête, par la malepeste !
- Bouhouhou !
- Ca te dirait un nouveau bracelet ?
- Bouhouhou...
- Ecoute...
- *snif* Comme le joli que j'ai vu à Lune d'Argent ? *snif*
- ... Tu ne perds jamais le nord, toi.
- On retourne à Lune d'Argent ? *snif*
- Plutôt crever. J'ai d'autres projets.
- Mais mon Llélé...
- Seln ?
- Oui mon choubichounet ?
- La ferme. Et vous, ramenez vous ! Tu disais quoi sur ton plan, Abatik ?
Le Diablotin tenta un sourire crispé et fila un coup de coude à Mezz pour qu'il le suive.
- Alors voilà, ô notre puissant Seigneur et Maître...
- Laisse tomber, Abatik. C'est passé.
- Euh... Vous êtes sûr, Maître ?
- De toutes façons, vous êtes des démons, impossible de vous changer, et les emmerdements, ça fait aussi parti de votre boulot.
- Faut pas dire ça, Maître. On vous aide quand même pas mal.
- Avec la dose d'ennuis qui vont avec, Abatik.
- Que vous gérez toujours remarquablement bien, Maître.
- Faux-cul.
- Oui, Maître. Ca fait aussi parti du boulot, comme vous dites.
Llégion grimaça un sourire.
- Bon, c'était quoi le truc avec Mezz pour se débarasser du Tauren ?
Abatik sourit alors ouvertement.
- Ca va vous plaire, Maître. Vu que c'est pas seulement le Tauren qui va se faire avoir, mais toute la Confrérie si on se débrouille bien.
- Ca réglera ces histoires de dettes ?
- Plus encore, Maître.
- Plus encore ?
- Oui, Maître. Mezz et moi, on a pensé à quelque chose qui, en plus, s'inscrit pile dans votre plan de conquête du monde.
- Hmmm... Vas-y.
- Dites-moi, Maître, vous en pensez quoi, des religions ?
Moustaches était rassuré. Le Démoniste avait failli tout fiche en l'air, mais cette pintade de Succube avait bien joué son rôle. Cela allait lui permettre de passer à l'étape suivant. Pas la plus simple, mais il avait connu pire.
Puis le rat pissa sur les bottes de Llégion.
***
- Nous constatons que vous avez fait diligence. C'est un bon point pour vous… qui ne compense malheureusement pas vos échecs répétés dans le suivi de votre dossier.
Vimayre était à deux doigts d'exploser. Llégion était à Orgrimmar, avec un peu de chance il aurait encore le temps de le rejoindre, et ces foutus dégénérés du Conseil semblaient prendre un plaisir infini à faire traîner les choses !
Il prit une profonde respiration avant de répondre.
- J'allais le rattraper quand vous m'avez convoqué. Il est à Orgrimmar, et...
- Flf plf glf.
Vimayre gémit intérieurement. Le Grand Maître n'avait toujours pas de mâchoire, ce qui ne semblait gêner personne.
- En effet, nous avons une affaire urgente à traiter, et vous êtes le seul disponible en ce moment.
- JE NE SUIS PAS DISPONIBLE, BANDE DE... de...
- Plaît-il ?
- J'ai déjà un dossier en cours - et là, vous êtes face au mur. Je suis de l'autre côté.
- Votre impertin... gnnn *cloc*
- Bon sang, le fil de fer, vous ne connaissez pas ?!
- Comment ?
- Espèces de dégénérés ! Et vous ! Quand est-ce que vous allez vous acheter des yeux ! Et lui ! Un grand Maître même pas foutu de parler ! Llégion est à moi ! A MOI ! Et il est à ma portée ! Et vous, vous me faites perdre mon temps !
Un long silence suivit la diatribe de Vimayre, à peine meublé par les grincements de la mâchoire du Mort-Vivant qu'il était en train d'essayer de remettre en place.
Puis le Grand Maître se mit à tapoter de son doigt desséché le dossier devant lui.
- Plf glf tfl rtl. Zlf.
- Ce dossier est essentiel pour la Confrérie. Plus que celui de Llégion. Et il ne prendra que peu de temps.
- Vous dev... gnnnn *cloc*
- Vous devez vous rendre à Kharanos...
- Kharanos ! C'est chez les Nains !
- ... à Kharanos pour redresser un Gnome du nom de Fizzban. L'affaire est simple, et ensuite, ensuite seulement, vous reprendrez la poursuite de Llégion.
- Je...
- C'est un ordre. A moins que vous n'ayez plus d'ambition au sein de notre Confrérie ?
Vimayre baissa la tête en serrant les dents.
- Je suis un fidèle serviteur de la Confrérie. J'exécuterai cet ordre. Mais je demande que mes observations soient consignées au procès-verbal de séance.
- Glf ?
- Oui : quel procès-verbal ?
Vimayre ouvrit la bouche, puis la referma lentement.
Ainsi il était dans ce cadre-là... Cela allait peut-être lui faciliter les choses...
- Une seule question : êtes-vous sûr que ce Gnome est bien à Kharanos ?
- Sûr et c... gnnn *cloc*
- Sûr et certain. Agissez promptement, et rendez-nous compte.
- Très bien.
- Flf glf vlf.
- Certes. Deux points importants : d'une part, il a été décidé de lancer une campagne de communication autour de nos activités mettant l'accent sur la qualité du service rendu envers le contribuable. Ce qui signifie concrétement : plus de violence, sinon...
- Sinon quoi ?
- Exactement ! Et deuxième point, Kharanos est un point d'appui de l'Alliance...
- Je suis au courant, merci.
- ... et les circonstances actuelles, en plus de notre neutralité séculaire, nous imposent de faire preuve de doigté et de souplesse avec les contribuables de l'Alliance. Avec les rumeurs venant du Norfendre, nous devons dorénavant ménager l'avenir.
- Donc évit... gnnn *cloc*
- Oui, évitez les esclandres.
- Très bien. C'est tout ?
- Oui. Disposez.
Vimayre tourna les talons et partit pour Kharanos.
Mais son esprit tournait à plein régime. Pas de procès-verbal de séance... Aucun secrétaire, d'ailleurs, depuis le début de cette histoire...
Oui, il y avait là quelque chose à creuser.
***
Chapitre 100 : C'est petit, ça !
- Vous voyez pas que je suis occupé, là ? Vous voulez quoi ?
Vimaire sentit son sang se retourner dans ses veines.
Globalement, la journée avait été passablement pourrie. Il avait dû supporter le numéro comique des trois débiles, puis il avait été obligé de se taper la route - à pieds ! - jusqu'à Kharanos, village de Nains non desservi par les wivernes de la Horde, puis ensuite négocier avec les gardes locaux pour ne pas se faire hâcher, et maintenant CA !
Alors là, franchement, ça n'était VRAIMENT pas le moment de l'emmerder !
Le puissant Tauren attrapa le petit Gnome par le col et le souleva à hauteur d'yeux, la hache dans l'autre main qu'il lui brandit devant le nez.
- Vous disiez ?
- *glapissement*
- Je viens pour affaire, alors on obtempère. Vu ?
- Eh ! J'ai un démon, moi !
- (voix caverneuse) Un démon ? Ahhh !
Les deux protagonistes tournèrent leur regard vers le Marcheur du Vide accompagnant le Démoniste Gnome. Celui-ci les regardait l'un après l'autre d'un air apeuré et tremblant.
- (voix caverneuse) Protégez-moi, Maître ! Je ne veux pas aller en Enfer !
Vimaire et le Gnome se regardèrent à nouveau. Le Tauren leva un sourcil et le Gnome soupira.
- Il débute... Mais sinon il est bien, hein...
- Je vois ça...
- A part ça, vous vouliez quoi en fait ?
Vimaire resta quelques secondes silencieux. Puis il lâcha le Gnome qui tomba par terre brutalement - "Aï-euh !" - prit une profonde inspiration, passa une main sur sa nuque raide et revint à son affaire.
- Vous êtes Fizzban, Démoniste Gnome ?
- Ben oui. Vous ne me reconnaissez pas ?
- Je suis sensé ?
- Alors ça, je n'y crois pas ! C'est moi ! Fizzban ! Le Gnome le plus célèbre d'Azeroth !
- ...
- Celui qui a tué la Belette de Dun Morogh !
- ...
- L'héritier de Riquiqui le Tueur de Lapins ! Lui, vous devez FORCEMENT le connaître !
- Effectivement, j'ai entendu parler de lui. Chez les Taurens, on l'appellait "le p'tit con".
- Mais non !
- Mais si.
- Mais... bref, ben moi, je suis son héritier. J'ai repris la suite quand il a été... enfin, vous connaissez l'histoire...
Fizzban réprima un frisson tandis que son regard se perdait dans le vague.
Vimaire se retint de l'attraper à nouveau pour le secouer. Ces Gnomes et leur Riquiqui ! Tout ça parce qu'il avait massacré plusieurs centaines de lapins ! Enfin, on a les héros qu'on mérite...
Et puis, les trois abrutis avaient été clairs : moins de violence. Sinon... Sinon quoi ? Exactement !
- Je m'en fiche. Je suis envoyé par la Confrérie des Collecteurs.
- La ?
- Confrérie des Collecteurs.
- ... Non, ça ne me dit rien. C'est un genre de secte ?
- Non. Nous sommes les impôts. Mais en pire.
- Les ?
- Impôts.
- ... Non plus. Désolé.
- Vous nous donnez une part de vos revenus, et en échange, on entretien les infrastructures, on paye les soldats, etc.
- Ca a l'air bien, dites-donc. Et ça existe depuis longtemps ?
- En fait, nous existons depuis toujours.
- Ah, c'est bien, c'est bien...
- Donc, on m'a chargé de régler avec vous vos versements en retard.
- Ah, bien, bien...
- Donc, vos versements... ?
- Désolé, mais ça ne m'intéresse pas.
- Pardon ?
- Votre truc a l'air super, et tout, mais en fait, j'ai d'autres trucs de prévus, alors désolé.
- "Désolé" ?
- Oui. Mais peut-être que plus tard... Vous avez une brochure ? Je pourrais regarder ça à tête reposée.
Vimaire resta silencieux quelques secondes interminables, tout en foudroyant du regard le Gnome qui eut l'honnéteté de prendre un air gêné.
- Bon, d'accord... Ca valait la peine d'essayer...
- Non.
- On peut s'arranger pour le paiement ? J'attends justement une grosse rentrée d'argent...
- Il s'agit d'or, en fait. De beaucoup d'or.
Vimaire sortit d'une poche un petit dossier qu'il ouvrit soigneusement. Il feuilleta les documents qui s'y trouvaient et en retira une simple feuille qu'il relit tranquillement, avant de lancer un regard acéré au Gnome qui se tortilla.
Puis Vimaire poussa un long sifflement.
Fizzban déglutit.
- Une sacrée somme, dites-donc. Je sais que vous n'êtes plus tout jeune, mais quand même... Vous n'avez pas été mort pendant un temps ?
- Euh... non. Enfin, presque...
Vimaire leva un sourcil étonné.
- En fait, quand j'étais jeune, il m'est arrivé... un genre d'accident.
- Un "genre d'accident" ?
- Euh... Oui. Je suis ingénieur, et j'ai voulu créer une machine pour faire des glaces, ça s'appelait le Fizzbanaire, et... hum...
- Oui ?
- Une erreur de connection. Je suis resté congelé quelques années... Heureusement que mes chats n'arrétaient pas de pisser sur la glace, ça a fini par la faire fondre...
Vimaire resta silencieux devant le Gnome extrémement gêné. Puis il regarda à nouveau sa feuille et la lui tendit sans un mot. Fizzban la prit en tremblant légèrement, ferma les yeux quelques secondes, puis les réouvrit et regarda la feuille.
- Oh.
- A régler avant 30 jours.
- Ah. Ca fait beaucoup.
- Oui. 5.000 PO.
- On peut régler en plusieurs fois ?
- Sur quel délai ?
- Euh... 10 PA maintenant, la même somme tous les mois ? Euh... enfin, pas les premiers mois, disons... à partir de l'année prochaine ?
Vimaire resta silencieux.
- Euh... Ca fait beaucoup, vous savez...
- Il fallait payer vos impôts. Surtout durant la période surlignée sur la feuille, à l'époque de la guerre.
- C'est-à-dire, c'est justement à ce moment-là que j'ai eu... hum... mon "accident".
- Ce n'est pas mon problème. 5.100 PO, voilà mon problème.
- C'était 5.000 tout à l'heure !
- Les intérêts continuent de courir.
- Mais c'est dégueulasse !
- C'est la loi.
Fizzban baissa à nouveau son regard chagriné sur la feuille dans sa main. Vimaire en profita pour lever le visage vers le ciel en fermant les yeux. Quel moment de bonheur... Voilà ce qu'il aimait, dans son travail : voir les contribuables angoisser devant lui. Et pas courir comme un clébard derrière un foutu Mort-Vivant ! Finalement, même s'il perdait du temps, cette histoire allait lui faire du bien au moral.
- Euh...
- Oui ?
- J'ai peut-être un moyen de vous payer les 5.100...
- 5.200.
- Euh... enfin, ce que je dois... J'ai monté un petit commerce de vente d'écureuils mécaniques. Le marché est en plein boum en ce moment, et je suis sur un projet de dragon mécanique grandeur nature qui, ma foi, devrait faire un malheur. Mais j'ai besoin d'un peu de temps...
- Vous en avez eu plus que nécessaire.
- Peut-être que si je vous offrais un écureuil...
- Tentative de corruption ?
- Non ! Juste une avance, en nature, voyez...
Vimaire réfléchit. Le Gnome était toujours aussi pâle et mal à l'aise, se trémoussant sous le regard dur du Tauren.
Un écureuil mécanique... Foutaise. Mais d'un autre côté, avec ces histoires de hauts-faits, tous les aventuriers d'Azeroth se battaient pour des familiers. Il s'en était rendu compte quand on lui avait proposé de lui racheter son perroquet vingt fois en une heure à Orgrimmar.
Et puis, il y avait les consignes des trois crétins. Faire preuve de doigté et de souplesse, surtout avec les contribuables de l'Alliance. Tout ça soi-disant pour "ménager l'avenir"... Il avait bien choisi son moment pour revenir, ce foutu Roi-Liche !
Vimaire grommela, faisant s'illuminer d'espoir le visage de Fizzban.
- Vous les vendez combien, vos écureuils ?
- 50PO ! Et il y a des crétins pour acheter ! J'ai un stock d'avance, des composants, un stand à Hurlevent... Je vous en donne dix d'avance...
- Vingt.
- QUOI ! Jamais... euh... D'accord, vingt. Topez-là !
Fizzban cracha dans sa paume et la tendit au Tauren qui se contenta de lui serrer le bout des doigts.
- Vous m'envoyez les écureuils par courrier. J'ai un autre contribuable à récupérer.
Vimaire prit une profonde respiration et sortit une carte de son manteau pour repérer le plus court chemin vers Orgrimmar.
- Espérons que Llégion...
- QUOI !!!
Loin de là, Moustaches frissonna. Un nouvel élément dans le jeu. De quoi le rendre encore plus intéressant...
Puis le rat éternua.
***
Chapitre 101 : Le plus grand fan
Le rugissement du Gnome ébranla les maisons de Kharanos et fit fuir les quelques loups trainant aux alentours dans l'espoir d'un ragout de Gnome.
Fizzban agrippa le devant la veste du Tauren et le força à se baisser à sa hauteur.
- QUEL NOM VOUS AVEZ DIT ???!!!
- Non mais...
- QUEL-NOM-VOUS-A-VEZ-DIT ???!!!
- Euh... Llé... Llégion.
Fizzban lâcha la veste de Vimaire et resta quelques instants silencieux, les yeux dans le vague - bien qu'injectés de sang.
- Llégion... Alors il est vivant...
Puis un sourire cruel - enfin, aussi cruel que puisse paraitre un sourire cruel sur un Gnome - apparut sur son visage.
- Enfin...
Fizzban éclata soudain d'un rire sadique tout en levant les poings vers le ciel.
- Llégion ! LLEGION ! Tremble dans ton slip car je suis revenu ! Et je ne suis PAS-CONTENT !!!
Vimaire leva un sourcil.
- "Tremble dans ton slip" ?
- Oui, bon, ça va, j'ai pas eu le temps de fignoler ce passage-là. Je croyais qu'il était mort, alors j'avais laissé tomber.
- Il vous a fait quoi, sans indiscrétion ?
- Ce qu'il m'a fait ? CE QU'IL M'A FAIT ???!!!
- ...
- Il m'a... il m'a... il m'a rejeté ! Moi ! Son plus grand fan ! Je... Il n'avait pas le droit ! Pas le droit !
- Son plus grand fan ? Un minable pareil ?
- Hein ? Quoi ? Non ! Llégion était le plus grand ! Le meilleur ! Le plus maléfique ! Le plus...
- Je crois que j'ai compris...
- Et moi, je voulais juste devenir son bras droit...
La voix du Gnome s'était faite geignarde.
- Je l'aurais aidé à conquérir le monde... J'aurais tenu son bâton quand il aurait déchainé ses malédictions sur ses ennemis... J'aurais lavé ses robes... J'aurais fait le ménage, même... Uniquement pour être à ses côtés... Le plus puissant Sorcier de l'univers... Le plus puissant... Mais il... Mais il...
Fizzban s'était mis à sangloter.
- Il m'a invité chez lui... Il m'a installé dans son petit salon - celui des hôtes de marque, avec la feutrine sur les sièges et les poignées de porte en argent... Même qu'il avait l'Epée des Mille Vérités ! Vous vous rendez compte ! Puis il m'a dit qu'il allait reve... revenir... Mais il... Mais il...
Vimaire, fasciné, tendit à Fizzban un mouchoir dans lequel le Gnome se moucha bruyamment avant de le lui rendre. Vimaire le prit du bout des doigts, resta le regarder quelques secondes, puis jeta loin de lui le bout de tissu imbibé.
- Il m'a... Il m'a trahi ! Trahi ! Un sort de téléportation ! Depuis quand les Démonistes font-ils de la téléportation ?! Mais il était le plus grand... Son plus grand fan, j'étais, son plus grand...
- Et vous êtes arrivé où ?
- La jungle... Ce salopard m'a envoyé dans une jungle !! Moi qui ai les bronches si fragiles... Cinq ans que j'ai mis pour en sortir... Salaud ! Les choses que j'ai dû faire avec les Trolls... Cinq ans... Son plus grand fan...
Un long silence pesant s'en suivit, à peine entrecoupé des reniflements du Gnome.
- Vous devez confondre avec un autre Llégion. Le mien est un minable. Il dit qu'il veut conquérir le monde, mais il n'est même pas capable de tenir ses démons...
- Il a de la famille ?
- Du côté de son frère, un Paladin disparu il y a...
- C'est bien lui. Le plus parfait des Paladins, et le plus puissant des Sorciers. Deux frères condamnés à s'affronter. Un destin contrecarré par une longue quête tragique.
Vimaire fronça les sourcils.
- C'est quoi encore cette histoire ?
- Vous ne savez pas ? C'est vrai, plus personne ne sait. Mais moi, je n'ai jamais oublié... Son plus grand fan...
Fizzban leva la tête vers le Tauren. Celui-ci sentit un frisson passer sur son échine en croisant le regard terriblement grave du Gnome.
Puis Fizzban sembla avoir pris une décision.
- Vous voulez l'entendre ?
- Entendre quoi ?
- Leur histoire. Celle du plus parfait des Paladins. D'une belle. Et d'un dragon.
Cela commencera comme une farce. Mais ne vous laissez pas abuser.
Ceci n'est pas une histoire amusante.
Mais entendez-la. Car elle mérite d'être contée.
L'histoire de ce qui aurait dû être, et qui ne fut pas…
***
Chapitre 102 : Il était une fois
Cela commence comme une histoire ordinaire, comme il y en a tant en Azeroth.
Donc : il était une fois…
Il était une fois un jeune Paladin. Enthousiaste, courageux et pieux. Cinq fois de suite lauréat du prix Interalliance de la Pureté et de la Valeur, catégorie Lumière. Capitaine de l'équipe Paladine universitaire de "Le mur ou ma tête", et quatre fois vainqueur du championnat royal contre la fameuse équipe des Guerriers "Là-un-truc-chargez !" (y'a pas que les Paladins qui ont du mal…).
Oui, je sais. Ca fait pitié. Mais que voulez-vous… Il faut de tout pour faire un monde.
Bref, un boulet de première. Mais gentil.
Un Paladin, quoi.
Ce jeune Paladin avait suivi sa formation avec l'enthousiasme, le courage et la piété de tout jeune Paladin de l'Alliance. Et il avait été reçu avec mention, parce qu'il était un Paladin enthousiaste, courageux et pieux.
Pour les autres Paladin, c'était le top en matière de Paladinat.
La référence absolue.
Le modèle à suivre.
Le must.
THE Paladin.
Pour un individu ordinaire, ça restait quand même un boulet...
Ce jeune Paladin était aussi, faut-il le préciser, beau comme un Dieu. Forcément. Quand on vous dit qu'il n'y a pas de justice… Même chez les Paladins…
Il arriva donc ce qui devait arriver : il tomba amoureux d'une belle jeune femme lors d'un bal donné à Hurlevent. Une prêtresse, gracieuse, élégante et aux cheveux blonds comme les blés.
Aux cheveux blonds, oui…
Cela va vous surprendre – si si - mais la belle jeune femme avait l'intelligence de sa beauté, autant dire qu'elle n'avait pas inventé l'eau froide – ne parlons même pas de l'eau chaude…
En un mot : une cruche.
Elle avait la capacité d'attention d'un Diablotin sous acide, ce qui expliquait son incapacité à penser à quelque chose plus de trois secondes d'affilée.
Vous remarquerez que je n'ai pas dit quelque chose "d'intelligent".
Bref, le couple idéal, dont la perfection faisait l'admiration de tous les Paladins, jamais les derniers pour s'extasier devant la beauté et la grâce.
Les Prêtresses, quant à elles, bavaient toutes devant le jeune Paladin, même celles qui avaient d'autres ambitions que d'épouser un type riche et toujours en vadrouille qui ne rechignerait pas à payer les factures sans poser de questions.
Et elles estimaient bien entendu, parce que la solidarité et la tolérance sont des vertus essentielles pour des Prêtresses de la Lumière, que leur consoeur étaient la plus belle salope de tout Azeroth, vu qu'elle avait réussi à mettre la main sur ce magnifique exemplaire du mâle contemporain.
Ah, les femmes…
Et bizarrement, il se trouva qu'elles n'avaient pas tout à fait tort…
Car il y avait un petit, un léger détail. Oh, trois fois rien, une broutille. La belle était, comment dire... une cruche, oui, on l'a dit. Non, le petit détail, c'est que... bon, on va dire que sa moralité ne correspondait pas tout à fait à sa grâce et à sa beauté.
Bon d'accord. Elle couchait avec tout ce qui bouge, et pas seulement humain. Ni humanoïde, si on en croit certaines rumeurs persistantes venant du camp des bûcherons de la forêt d'Elwyn.
Oui, vous voyez le genre.
Hum.
Une fille populaire, quoi.
TRES populaire.
Il va de soi que notre jeune Paladin, enthousiaste, courageux et pieux, je vous le rappelle, connaissait aussi bien la vie, je veux dire la VRAIE vie, que, disons... une planche de bois sur le toit d'une léproserie.
Et encore, pour la planche, je ne suis pas vraiment sûr... en fait, on ne sait pas vraiment ce qui se passe dans une léproserie, non ? Quelqu’un est déjà allé voir ?
Bref, un boulet + une cruche, ça pouvait donner un beau mariage. Affligeant, certes, mais beau.
Par contre, un boulet + une cruche à la jambe légère (on va dire comme ça)... ben... ça promettait une nuit de noce assez folklorique, déjà !
Le mariage du Paladin et de sa belle fut très vite l'évènement majeur de tout Azeroth. Non seulement tout ce que Hurlevent comptait d'aventuriers et de notables, mais aussi des délégations venues exprès de la lointaine Darnassus, avaient programmé un déplacement à la cathédrale de la capitale des Humains pour assister au mariage.
Et se payer la plus belle tranche de rigolade depuis un siècle, parce que la guerre, c'est marrant, mais ça... ça valait le coup de faire une trêve avec les Hordeux et même de leur abandonner quelques champs de bataille.
D'ailleurs, c'est étrange, mais un certain nombre de Hordeux, ayant en commun d'être tous vétérans de raids sur Hurlevent, avaient prévu d'attaquer la ville PILE ce jour-là.
Et pas pour le butin ou pour massacrer quelques gardes. La plupart n'avaient même pas pris la peine d'emporter leurs armes et leurs armures.
Hum.
TRES TRES populaire, on vous dit.
***
Chapitre 103 : Le vol du dragon
Mais notre jeune Paladin avait un frère cadet. Un Sorcier. Un garçon gentil, sympathique et serviable, qui avait choisi la voie de la sorcellerie pour apporter paix et prospérité aux peuples d'Azeroth.
Pas de la même façon que son frère, néanmoins. Pour ce jeune homme, un tel but altruiste nécessitait la conquête du monde et la soumission de toute vie à sa volonté.
Et puis, s'il lui restait un peu de temps libre à la fin, il n'était pas contre l'idée d'un petit génocide ou deux, pour la gourmandise.
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que ce jeune homme économisait pour s'acheter un repaire maléfique, et qu'il s'entraînait chaque jour à lancer son rire malfaisant.
Bref, un sale type.
Les deux frères avaient au moins une chose en commun : le sentiment d'avoir un Destin (avec une majuscule). Et ce Destin passait fatalement par leur affrontement.
En attendant ce jour, le cadet continuait à travailler son rire malfaisant, et l'aîné assumait avec modestie – parce qu'en plus d'être parfait, ce Paladin était modeste – ses devoirs de défenseur de la Lumière.
Néanmoins, le cadet n'approuvait pas franchement l'union de son aîné avec cette pét... cette sal... cette put... RHAAA !!! cette fille très populaire. Même si lui ne prenait pas l'air gêné de circonstance quand il parlait avec ses confrères des frasques de la belle, vu que tout le monde la connaissait.
Un peu.
Beaucoup.
Enfin...
Bon d'accord, il faut dire qu'il pleuvait, et puis y'avait un feu dans la cheminée, bref... Mais bon, ça n'était arrivé qu'une fois. Deux à tout casser. Pas plus de trois en tout cas. Quatre maxi. De toutes façons, au bout de la dixième, on arrête de compter...
Il avait bien essayé de prévenir son frère, mais celui-ci était un parfait Paladin. Et amoureux, en plus. Donc, un abruti au stade terminal, avec sourire béat et gouzi-gouzi de circonstance.
Mais il était dit qu'il y avait un dieu pour les abrutis. Pervers et tordu, certes, mais un dieu. Probablement le même qui leur évite de se faire tuer tous les trois pas à cause de leur sourire niais ou en voulant jouer au jeu du "le mur ou ma tête" - en les dotant notamment d'un physique à faire rougir de honte un barbare de Cimmérie ainsi qu'une capacité de résistance aux coups digne d'un Wil Coyote.
A la grande déception des invités et des Hordeux qui s'étaient tranquillement installés dans un coin de la cathédrale et avaient déjà attaqué le buffet – et aussi quelques gardes, histoire de ne pas perdre la main... - le mariage fut annulé.
Pourquoi ?
La belle fut enlevée par un dragon.
Sur le coup, tout le monde se dit que, décidément, cette fille avait VRAIMENT l'art de se rendre populaire. Même si un dragon... Les esprits les plus imaginatifs avaient du mal à imaginer la scène.
Un dragon... quand même...
Il y eut immédiatement un mouvement spontané pour porter assistance au jeune Paladin qui, bien évidemment, avait fait voeu de secourir sa belle de l'infâââme créature. Il fut quand même surpris de se retrouver avec un bon millier de volontaires, dont un certain nombre de bestioles diverses ayant la décence de regarder ailleurs d'un air gêné. Un tic très répandu ce jour-là.
Ainsi que, ô surprise, tout une délégation de Hordeux qui "passaient par hasard dans la région en se rendant à Orgrimmar - on était en plein milieu de la forêt d'Elwyn, je le rappelle - et étaient prêts à aider le jeune puc... le jeune Paladin à sauver sa belle", et qui s'était jointe au raid de leurs collègues précédemment évoqué.
Les gardes faisaient juste un peu la gueule à cause de la manie des Hordeux de s'essuyer les bottes sur leurs cadavres, mais dans l'ensemble, tout le monde montrait un formidable enthousiasme pour l'aventure à venir.
Ah oui, j'ai failli oublier. Oui, vous avez bien deviné. Ils regardaient tous leurs pieds d'un air quelque peu gêné.
Vraiment vraiment très très populaire. Vraiment.
Notre jeune Paladin était fou de joie à la vue de cette magnifique armée – malgré le tic dont ils étaient tous affligés, celui du regard quand il leur souriait d'un air ravi.
"Ravi", dans tous les sens du terme. C'est toujours notre jeune Paladin amoureux, n'oubliez pas.
L'armée ne dura que 4 minutes. Le temps que les compagnes, épouses, fiancées, mères, etc. de nos valeureux volontaires n'apprennent la nouvelle et se ruent sur leurs compagnons, époux, fiancés, fils, etc. pour leur rappeler que les conneries, ça va bien 5 minutes, et que si l'autre abruti veut récupérer sa garce de salope, il n'a qu'à se débrouiller tout seul.
Et tu rentres tout de suite à la maison ! Sans discuter ! Et tu en profiteras pour sortir les poubelles !
Notre jeune Paladin se retrouva donc subitement seul, avec quand même son jeune frère qui le regardait d'un air affligé et triste. Car comment voulez-vous conquérir le monde et imposer votre volonté à toute vie si votre aîné est affligé d'une bêtise crasse et a la fâcheuse tendance de foncer dans le tas en hurlant d'un air extatique "Pour la Lumière, espèce de sale méchant !" (depuis la dernière réforme du Ministère de la Lumière, les cris de guerre étaient soumis à la loi contre les propos discriminatoires).
Le fait que sa belle soit une "folle du cul", pour reprendre les termes élégants du Sorcier, et qu'elle se soit enfuie avec un dragon, ne pouvait que nuire à la réputation du futur Maître d'Azeroth.
On ne choisit pas sa famille, mais quand même…
Et dans le même temps, le jeune Paladin commençait à se demander si, éventuellement, peut-être, tout ceci ne cachait pas quelque affaire louche dont sa belle serait à l'origine.
Car il arrive aux Paladins, parfois, de réfléchir. Si si, j'vous jure ! Ca prend du temps, ça n'a rien de brillant ni de fulgurant, mais ça arrive.
Et notre jeune Paladin commençait à expérimenter cette situation des plus nouvelle pour lui : utiliser sa tête autrement que pour le jeu du "Le mur ou ma tête".
Notre Paladin partit donc en quête de sa belle et du dragon, accompagné de son frère qui n'avait pas voulu l'abandonner dans cette difficile affaire.
Et puis en plus, il était resté bloqué toute une journée devant un arbre en se demandant par quel côté le contourner tout en restant fidèle à son serment à la Lumière.
Oui, effectivement, à ce point-là, on ne l'avait quand même jamais vu. THE Paladin, on vous dit.
***
Chapitre 104 : On vous avait bien dit que ce n'était pas drôle !
Le jeune Paladin traversa beaucoup de régions. Il voyagea dans tout Azeroth, explora systématiquement tous les donjons, participa à toutes les batailles.
Il rencontrait toujours des gens connaissant sa belle. Et regardant leurs pieds d'un air gêné.
La quête dura longtemps. De très longues années. Le Paladin cessa d'être jeune, son visage commença à se rider, ses cheveux blanchirent, mais toujours il cherchait.
Son sourire niais avait disparu. Son enthousiasme avait fondu. Sa piété... il n'en parlait plus. Son courage était toujours là, mais il ne consistait plus à charger l'ennemi en hurlant. Il était devenu dur, méthodique, froid... et silencieux.
Et toujours ces mêmes regards gênés, toujours cette même absence d'indice.
Et ce doute qui s'était mué en quelque chose de froid et de dur en son coeur.
Puis un jour le Paladin trouva. Un antre sombre perdu au milieu de nulle part. Un village soumis à la volonté d'un monstre ailé. Et un paysan accompagné de ses deux enfants.
Qui baissa le regard d'un air gêné quand il posa sa question.
Lui aussi.
La suite, le Paladin ne souvient plus très bien. Il se souvient distinctement d'avoir attrapé les cheveux du paysan et de lui avoir soulevé la tête de force. De l'avoir regardé dans les yeux. De lui avoir enfoncé son épée dans la gorge.
Le sang qui gicle sur son armure.
Il se souvient du hurlement des enfants, qui s'interrompt brutalement dans un bruit d'acier.
L'épée qui se lève et s'abat. Sans s'arrêter. Sans faiblesse. Sans pitié. Des cris. Des suppliques. Des pleurs. Du sang. Des cadavres.
Et le silence qui s'abat soudain sur le village. Les corps partout. Hommes, femmes, vieillards, enfants. Hommes et bêtes.
Morts.
Sans exception.
Puis le Paladin pénétra dans l'antre.
Son frère était là. En tant que Sorcier, il en avait plus vu que n'importe qui en ce monde. Il était horrifié, mais tout ceci était tellement... logique. Tellement évident. Tellement inévitable.
Il le suivit dans l'antre du monstre ailé.
Le dragon était là. Il plongea son regard dans celui du Paladin. Pour la première fois depuis toutes ces longues années, une créature vivante le regardait en face, dans les yeux.
Le monstre ne dit rien. Et ne bougea pas. Le Paladin posa une question, une seule, la même qu'il posait depuis si longtemps :
- Où est ma belle ?
Le dragon répondit. Peut-être souriait-il. Difficile à dire.
- Un humain est venu. Un jeune Paladin. Enthousiaste, courageux et pieux. Il m'a affronté et vaincu. Il est parti avec la femme. Je crois savoir qu'ils se sont mariés. A Hurlevent. C'était il y a… longtemps.
Oui. Tellement logique. Tellement évident. Tellement inévitable.
Le Paladin regarda son frère. Longuement. Ses épaules étaient basses. Son regard las. Ce qui était froid et dur dans son cœur avait disparu, et il n'y avait plus rien.
Il ne dit rien. Il n'y avait rien à dire, et les paroles n'étaient plus nécessaires depuis longtemps entre eux. Il se contenta de graver dans sa mémoire le visage de celui qui ne l'avait jamais abandonné.
Son frère.
Son ennemi.
Puis il tourna les talons, et s'en fut.
Vers Hurlevent.
Vers sa belle.
Personne ne l'arrêta malgré le sang sur son armure. Le sang des innocents. Quelque chose en lui faisait reculer les plus valeureux. Comme un vide abyssal que rien ne pouvait combler.
…
Hurlevent. Capitale des Hommes.
Le dragon avait dit vrai. La belle était mariée et mère de famille.
Ou plutôt, avait été.
Toute la ville en parlait. Un drame affreux avait eu lieu. Un incendie avait détruit sa maison. Tous les membres de sa famille avaient péri, brûlés vifs. Elle-même avait survécu, mais son corps autrefois si parfait était atrocement mutilé.
Ce drame s'était produit au moment même où un monstre ailé parlait à un Paladin, loin de là, près d'un village rempli de cadavres.
Loin, très loin de là...
Tellement logique. Tellement évident. Tellement inévitable.
…
Le temps a encore passé. De longues années. Des guerres. Des batailles. De l'héroïsme et de la veulerie. Azeroth continua de vivre et les héros de se couvrir de gloire et de mourir.
Chaque semaine, sans aucune exception, un homme sans nom et sans passé vient voir celle qui autrefois fut belle et désirée, et qui n’est plus qu’une ombre solitaire. Dans cette demeure si vide, il lui tient la main, délicatement.
Je ne saurais vous dire s’ils parlent. Personne à Hurlevent ne vient plus voir cette femme mutilée. Sauf cet homme sans nom et sans passé, chaque semaine.
La femme est morte, dernièrement. Son enterrement fut décevant. Le soleil lui-même n'eut pas la décence de se cacher derrière la pluie.
La journée était belle et agréable, et dans le cimetière d'Elwyn, un homme sans nom et sans passé, entouré d'un Sorcier au regard dur et d'un prêtre peu inspiré, enterrait une femme mutilée qui autrefois fut belle et désirée.
***
Chapitre 105 : Révélations et compréhension
Vimayre resta silencieux. Il digérait l'histoire - une histoire qu'il connaissait, il s'en souvenait maintenant, mais qu'il avait oublié.
Etrange...
Fizzban soupira.
- J'étais gosse à l'époque. J'étais le plus grand fan de Llégion, vous savez. Il y avait ceux qui admiraient le Paladin - des crétins, comme leur idole - et ceux qui voulaient suivre le Sorcier - comme moi. Mais Llégion disait qu'il travaillait seul. Et puis, quand le crétin a rencontré l'autre salope... tout est parti en vrille. Ils ont disparu, nous, on s'est tous dispersés, et quand ils sont réapparus, tout était fini. Je me souviens...
- De quoi ?
- J'étais planqué dans les buissons quand je les ai vu... Leur dernière rencontre... Je voulais faire la peau de ce salopard qui avait osé me rejeter. Moi ! Son plus grand fan ! Lui montrer que j'était devenu plus grand que lui. Sauf que quand j'ai vu l'autre abruti...
Fizzban frissonna.
- Llégion avait la classe, une classe folle. En sa présence, tout le monde baissait la tête, par crainte de provoquer son courroux. Certains disaient que son abruti de frère avait aussi du charisme, mais franchement... C'est sûr que pour entraîner des pigeons à foncer dans le tas en hurlant, il était bon, mais pour le reste... Un Paladin, quoi ! Mais là... J'ai eu la trouille en le voyant. Comme... Comme une sorte de grand vide effroyable...
Fizzban frissonna à nouveau, les yeux perdus dans ses souvenirs.
- Oui, je me souviens de leur dernière rencontre, au cimetière d'Elwyn... Deux frères autour d'une tombe...
Vimaire restait silencieux, alors que Fizzban était perdu dans ses souvenirs. Il réfléchissait.
A la base, toute cette histoire était simplement pénible, vu la manie de Llégion de changer de continent en permanence, et de se fourrer dans des ennuis dont le Tauren récoltait les conséquences en passant après lui.
Et puis, il avait commencé à entendre parler de sa famille. Edualk était à la hauteur du bonhomme, mais en plus sympathique et sans aucune prétention.
Il avait aussi entendu parler - en mal ! - du père d'Edualk, un certain Arrsène. Vu ce qu'on lui disait du personnage, il rentrait bien dans le cadre général.
Mais ce frère disparu... Et cette histoire...
Vimaire avait profité d'un de ses passages forcés à Fossoyeuse pour fouiller les archives, histoire de glaner des informations. Elles étaient très endommagées, mais il n'avait eu aucun mal à trouver des traces de Llégion.
Beaucoup de factures impayées, de plaintes de voisins, de procès...
En tout point conforme à l'idée qu'il se faisait de lui. Un minable et un emmerdeur.
Puis Vimaire avait essayer de chercher plus loin, surtout après les sous-entendus d'Edualk.
Et là, il avait eu une mauvaise surprise. Aucune trace des jeunes années de Llégion. Il avait fini par se rendre compte que quelqu'un avait systématiquement détruit toute trace existante, grâce à des recoupements avec d'autres archives.
Par chance, Vimaire avait rencontré chez les Réprouvés quelques anciens qui se souvenaient de cette époque. Et qui tous, malheureusement, avaient refusé de parler. Même sous la menace d'un contrôle fiscal.
L'histoire de Fizzban introduisait une nouvelle vision de cette affaire. Un éclairage différent.
Différent... et inquiétant.
Et surtout, terriblement excitant !
Vimayre lança un regard au Gnome qui était toujours perdu dans ses souvenirs.
- Une histoire... intéressante. Et ma foi, fort utile.
Fizzban leva soudain un regard plein d'espoir sur le Tauren.
- Ca veut dire que je pourrais avoir des facilités...
Sa voix s'éteignit lentement sous le poids du regard de Vimayre.
- J'aurais essayé, au moins...
- N'oubliez pas : je veux ces écureuils dans les plus brefs délais. Et bien sûr, le reste de vos dettes à intervalles réguliers - très réguliers. Compris ?
- Ou... Oui. Et Llégion ? J'étais quand même sur le coup avant vous !
- Je m'en occupe. Personnellement.
- Je pourrais au moins regarder ?
Vimayre se baissa lentement jusqu'à ce que son visage se retrouve au niveau de celui du Gnome.
- Et vos dettes ?
- Euh... Ah. Oui. Mais...
- Non.
- Bon. D'accord.
Vimayre tourna les talons et repartit de Kharanos. Llégion devait sûrement avoir encore changé de continent, surtout le temps qu'il revienne à Orgrimmar.
Mais Vimayre était serein. Fizzban lui avait beaucoup appris. Le Conseil de la Confrérie aussi, paradoxalement.
Et il avait le temps. Llégion n'était plus une nuisance, mais un mets de choix. A savourer... lentement.
Mais avant de reprendre sa chasse, Vimayre devait faire une chose, pour faciliter ses voyages.
- Bougre d'imbécile. Si Llégion a pu récupérer un destrier, moi aussi ! Si seulement j'y avais pensé avant...
Loin de là, Moustaches poussa un soupir de soulagement. Finalement, tout s'était bien passé. Son plan continuait. Ne restait plus qu'à attendre la suite.
Puis le rat pêta bruyamment.
***
Chapitre 106 : C'est du boulot, Paladin
La porte de l'auberge de Hurlevent s'ouvrit avec fracas.
Edualk entra d'un air décidé, jeta par terre ses sacs, posa sa lourde masse sur une chaise, dégrafa son ceinturon qu'il posa par dessus, retira son bouclier et ses gants de plaques, desserra les lanières de son armure et se planta au comptoir.
L'aubergiste lui servit une chope de bière qu'il vida d'un trait, la reposa, fit signe de la remplir à nouveau, la re-vida, re-fit signe et emporta la troisième chope jusqu'à la table où il s'effondra plus qu'il ne s'assit.
Enfin, la chope à la main, affalé sur sa chaise et les jambes étendues, Edualk poussa un profond soupir de satisfaction.
Roxiane, assise en face de lui avec une menthe à l'eau, se permit un léger sourire amusé.
- Rude journée ?
Edualk but une gorgée et lui rendit son sourire.
- T'as pas idée, Roxi. Je viens de passer trois jours à massacrer et à voyager en Outreterre et sur cette foutue île de Quel Danas, et j'en ai RAS-LE-BOL. Mais bien, hein.
- Je croyais que vous ne goûtiez plus guère ces lieux ?
- Exact. Sauf qu'on a un nouveau Grand Maître à la tête des Paladins de Hurlevent. Et il est du genre peu compréhensif.
Roxiane sourit.
- Vous voilà donc obligé de faire votre devoir...
- Plutôt de faire du zéle, vu que mon dossier est un tantinet vide. Enfin, avec l'assaut sur Quel Danas, j'accumule des points et ça me met à jour.
- Vous... accumulez des points ?
- Un truc de palouf. Laisse tomber. Enfin, en plus, j'ai dû aller jeter un oeil dans les Mortemines, tout ça à cause de la prédiction de l'autre escroc de Sombrelune comme quoi il y avait un coffre pour moi là-bas.
- Et ?
- Il avait raison. Mais niveau butin, minable. Un peu de bouffe et du tissu - je l'ai mis de côté pour toi, d'ailleurs.
- Je vous remercie, Edualk. Cela me servira pour ma couture.
- C'est de toi le petit haut que tu portes ?
- Il vous plaît ?
- Ca, faut reconnaître...
Roxiane défia le Paladin du regard, mais comme d'habitude, celui-ci ne semblait porter aucune attention à son décolletée pourtant tout à fait charmant. Il fallait reconnaître que malgré ses "histoires de Draeneie" et sa décontraction, Edualk se comportait de façon tout à fait respectable avec elle. Ca la changeait agréablement, un homme qui ne passait pas son temps le regard dans ses seins.
Elle commençait même à se demander si en fait, ses goûts n'étaient pas... "autres". Non que cela la choque, mais...
Quelque part, c'en était quand même un peu vexant...
- Et toi ? Tu as l'air en forme.
- Ca va, merci. J'étais à Forgefer, tantôt, pour la Fête des Moissons. Mais il n'y avait pas grand monde encore
- De toutes façons, du moment qu'il n'y a pas un truc à gagner, ça n'intéresse personne. Tu verras quand la Fête sera bien lancée.
Roxiane hocha la tête. Elle s'attendait à beaucoup de choses lorsqu'elle avait décidé de partir seule à l'aventure en Azeroth, mais pas à une vie sociale aussi... primitive. En même temps, elle avait quitté sa Guilde pour justement être tranquille, donc...
- Au fait, Edualk, l'aubergiste de Comté de l'Or m'a dit qu'une femme vous cherchait.
Edualk leva un sourcil étonné.
- C'est bizarre, ça. D'habitude, elles ne me cherchent justement pas. Elle voulait quoi ?
- Je l'ignore. Mais elle a insisté. L'aubergiste m'a dit qu'elle allait repasser aujourd'hui.
- Bon, il n'y a qu'un moyen de savoir ce qu'elle me veut, c'est d'y aller. Mais après manger, car là, j'ai la dalle. Aubergiste ! Un poulet et un pichet de bière !
- A neuf heures du matin ?
- Pourquoi pas ?
- Vous n'êtes pas raisonnable.
- Bien sûr : je suis Paladin !
...
Une heure plus tard, Edualk et Roxiane marchaient tranquillement en direction de Comté de l'Or tout en bavardant. Edualk était en train de raconter ses combats près du Temple Noir contre les Solfuries, mimant les attaques des Démonistes et sa fuite devant le monstrueux démon qu'il avait libéré pour semer le chaos dans le camp des Elfes de Sang.
Il n'en revenait toujours pas d'avoir réussi à s'en sortir vivant malgré le démon, la demi-douzaine d'Elfes et leur chef, ainsi que deux chutes de vingt mètres de hauteur pour leur échapper.
Roxiane écoutait d'une oreille distraite le récit du Paladin. Elle n'était pas fan de ce genre d'histoires, mais elle devait au moins reconnaître qu'Edualk savait rendre les choses vivantes.
Arrivés au bourg, les deux aventuriers entrèrent dans l'auberge, vide à cette heure de la journée. Edualk nota que l'aubergiste n'avait toujours pas rangé sa hache de guerre qui trônait sur son comptoir, et qu'il ne quittait pas des yeux la serveuse, qui était aussi sa fille, d'un air renfrogné.
Au moins, la jeune femme était revenue, et vu sa tête, Arrsène avait dû la dépouiller avant de la laisser tomber comme le malpropre qu'il était.
Bienvenue au club, songea le Paladin - qui nota aussi mentalement de lui laisser un généreux pourboire, histoire de compenser les conneries de son père. Comme d'habitude, quoi...
Au moins, son Papy était toujours à l'asile de vieux. Ca faisait des vacances à tout le monde, et Edualk ne se sentait pas le courage de supporter ses remarques de plus en plus prononcées au sujet de son célibat. Surtout avec Roxiane à ses côtés...
En attendant l'arrivée de la femme mystérieuse, ils s'installèrent à une table et Edualk commença à raconter la fois où il avait tué Van Cleef. Plus exactement la 17e fois, quand il avait utilisé un épluche-légumes, histoire de changer un peu. Ca avait surpris le chef des Défias, mais il était quand même mort.
Pour la 17e fois.
Il en était au moment où il affrontait le chef cuistot du bateau quand...
- Mon chéri ! Je suis si contente de te revoir !
- Maman ?!
***
Chapitre 107 : Maman ?!
Edualk s'était levé avec une expression de profonde stupéfaction sur le visage. La femme plutôt âgée qui venait de franchir le seuil de l'auberge avait la peau mate, un visage ridé et les cheveux blancs. Et elle portait une robe de Prétresse plus que démodée.
- Mais... Qu'est-ce que tu fous là ?
- Mais je suis venu voir mon petit chéri. Une mère a bien le droit de venir voir son fils. Tu ne me fais pas la bise ?
- Euh... Ah... Euh... Oui. Bien sûr.
Edualk et sa mère s'embrassèrent, et celle-ci s'assit ensuite à la table, juste entre son fils et Roxiane.
- Et tu ne me présentes pas ta petite copine, mon chéri ?
- Maman ! Je suis plus un enfant !
- Je m'appelle Roxiane, madame.
- Appelle-moi Momma, ma chérie. Tu connais mon Dudu depuis longtemps ?
- Maman ! Ne m'appelle pas comme ça ! Je n'ai plus 5 ans !
- Mais pour moi, tu es toujours mon petit Dudu chéri. Je me rappelle quand tu jouais avec la fille du voisin, il était tout timide, le pauvre chéri ! Il fallait le voir rougir...
- Maman !
- Et même que tu voulais te marier avec elle. On a ri, mais on a ri ! Et toi qui était tout rouge ! Tu avais même fait pipi dans ta culotte !
- Maman !
Edualk avait un air à la fois effaré et hagard, et Roxiane devait se retenir de ne pas éclater de rire.
- Qu'est-ce qu'elle est devenue ensuite, ta petite copine ?
- Je... Elle... Elle a fait la pute à Baie du Butin pendant un moment.
Edualk avait réussi à reprendre contenance, surtout en se rappelant cette sale gamine qui l'avait humilié étant gosse et qui avait vendu ses charmes sur les quais de la ville gobeline.
Ca n'était pas digne d'un Paladin, mais il adorait ricaner en se remémorant la fois où il était tombé sur elle. Quelle salope ! Bien fait pour sa gueule !
(Bien sûr, après avoir bien ricané, il avait été voir son souteneur pour lui expliquer que ladite "salope" ne travaillait plus pour lui à partir de là, tout de suite, ce qu'il avait bien compris après qu'il lui ai fait les gestes avec sa masse. Il lui avait ensuite fait parvenir anonymement de quoi recommencer sa vie. Elle suivait maintenant une formation de coiffeuse, avait un petit ami qui travaillait à la Capitainerie et faisait du macramé le dimanche. Ben oui, on ne se refait pas...)
- Edualk ! Ne parle pas comme ça ! Où tu as appris ces vilains mots ?
- Maman... J'ai plus de 30 ans, je parle comme je veux. T'es pas ma m... Enfin, si, mais...
- Et tu fais quoi, ma petite ?
- Je suis Mage, mad... Momma.
- Tu m'as l'air très gentille. J'espère que mon Dudu n'est pas trop vilain avec toi. Il est gentil, mais parfois un peu soupe au lait. Surtout quand il n'a pas fait son caca.
- Bordel, Maman !
- Edualk !
La gifle frappa la joue du Paladin qui ne l'avait pas vue venir et resta tout penaud devant sa mère. Roxiane manqua de s'étrangler en essayant de ne pas rire, ce qui lui valut un regard desespéré du Paladin.
- Roxi.... !
- Désolé, Edualk... *rire étranglé*
- Ca t'apprendra à dire de vilains mots ! Ce n'est pas chez moi que tu les a entendu, ça c'est certain.
- Forcément, Arrsène s'était déjà barr... était déjà parti.
- Et un peu de respect pour ton père.
- C'est un escroc, Maman.
- Quand je l'ai connu, c'était un jeune homme charmant et poli.
- Qui s'est tiré avec tes économies quand tu lui as annoncé que tu étais enceinte de moi.
- Il a toujours eu une vie difficile, tu sais...
- Ben tiens...
Roxiane reprit son sérieux et écouta Edualk et sa mère échanger au sujet de cet Arrsène. Cela ressemblait à une de ces conversations commencée des années plus tôt et qui ne se terminait jamais.
Edualk ne parlait jamais de sa famille, en dehors de son grand-père. Roxiane en venait presque à se poser des questions. Savoir qu'il avait une mère était rassurant. Par contre, son père n'avait pas l'air d'être dans ses petits papiers...
- ... Et puis, il n'a jamais été prouvé que c'est lui qui m'avait volée. Si ca se trouve, je les ai juste perdu.
- Faut dire que tu atterrissais rarement à l'époque, d'après Papy.
- C'était une autre époque... Le pouvoir des fleurs, l'amour libre...
- Maman !
- Regarde-le rougir ! Il n'est pas mignon, mon fils ?
- Maman !
- C'est vrai qu'il est très gentil, Momma.
- Et puis, il a une bonne situation avec son travail de Paladin. Et c'est un garçon sérieux, pas comme son père.
- Maman...
- Je sais, Momma.
- Et toi, ma chérie, tu as un petit copain ? *air innocent*
- Maman ! C'est indiscret !
- Non, Momma. Je n'ai pas... encore... trouvé l'"homme" de ma vie.
- Vraiment, ma chérie ?
Roxiane et Momma regardèrent en même temps Edualk. Il nota l'hésitation de la Draeneie et le mot "homme", ainsi que le sourire timide. Il se dit que c'était vraiment une sale journée, et que Roxi le lui payerait cher de se fiche de lui devant sa mère.
Enfin, pas trop quand même...
- Bon, Maman, tu voulais quoi au fait ? Et je te croyais à Reflet-de-Lune ?
- J'ai décidé de rentrer. Ce n'est plus aussi amusant depuis que les anciens sont partis en Outreterre.
- J'imagine le genre d'amusements que tu y pratiquais...
- Il n'y a pas de mal à se faire du bien, mon chéri...
- Maman !
- Qu'il est mignon quand il rougit ! C'est la nature, mon chéri.
- N'empêche, tu n'es pas obligée de m'en parler à chaque fois. T'es ma mère quand même.
- Ca ne m'empêche pas d'avoir une sexualité épanouie et...
- Maman !
Momma éclata de rire tandis qu'Edualk devenait cramoisi. Il lança un regard suppliant à Roxiane qui essayait tant bien que mal de se retenir d'éclater de rire.
- Tu vois ce que je subis depuis que je suis gosse, Roxi ?
- Le psychologue a toujours dit que ça n'avait aucune conséquence sur ton développement personnel, mon chéri.
- Ce Gnome était un escroc. Déjà le fait que lui et Arrsène soient copains...
- Mais il savait se servir de ses mains... *soupir*
- Maman ! Mais arrête, merde !
- Edualk !
- Pardon... "Bon sang". Bon, sinon, tu restes ici un moment ?
- Pas longtemps, mon chéri. En fait, je cherche ton père. Tu l'as vu ces derniers temps ?
Edualk grimaça.
- Il a quitté les Mortemines et est venu me taper du fric. Puis il a disparu à nouveau. Ca fait... un mois maintenant. Pourquoi tu cherches cet escroc ?
- Ne parle pas comme ça de ton père.
- Maman...
- J'ai quelque chose à lui dire. C'est personnel.
Momma avait l'air gênée. Roxiane se leva.
- Je vais vous laisser. Je viens de me rappeler que j'ai une course à faire. On se revoit une prochaine fois, Edualk ?
- Fait attention à toi, Roxi.
- Au revoir, Momma. Ravie de vous avoir rencontrée.
- Moi aussi, ma chérie.
Roxiane sortit de l'auberge, laissant Edualk et sa mère en tête à tête.
***
Chapitre 108 : Il va se passer quelque chose
- Alors ? Qu'est-ce qu'il t'a encore fait cet escroc ?
- Ne parle pas de ton père...
- Je sais, je sais... Mais ça reste un escroc. Alors ?
- Je ne sais pas si je dois t'en parler...
- Si tu savais tous les trucs que je me farcis quotidiennement... Dont notre charmante famille qui, soit-dit en passant, cumule du côté de mon "cher" père tout un paquet de cinglés - et pas tous sympathiques comme Papy. Il n'y a que de ton côté qu'on me fiche la paix.
- Tu ne devrais pas être aussi cynique, Dudu...
- Maman...
- ... Papy est une crème d'homme, et même ton père a ses qualités.
- Ah bon ?
- Enfin, il en a sûrement... Au final, la famille ne t'encombre pas énormément...
- En fait... Non, je te raconterai tout ça une autre fois. Il y a eu des revenants. Mais cela ne te concerne pas directement.
- En fait, puisque tu parles de revenants...
Edualk termina de vider son verre, le reposa posément, posa ses deux mains à plat sur la table, prit une profonde inspiration et regarda sa mère qui avait les yeux baissés.
- Bon, je suis calme. Alors explique.
- Dudu...
- Maman, ça va. Tu me connais, je râle, je râle, mais au final, je fais ce que j'ai à faire. Alors ?
- Ton père a eu... une aventure.
Edualk écarquilla les yeux.
- Ne me dis pas que tu en es encore là ?! Cette raclure saute sur tout ce qui bouge ! Tu es quand même au courant ?!
- Oui, je sais, mais en dehors de toi, cela n'avait jamais de conséquence...
- Enfin, tu veux dire qu'on n'est pas au courant. Je ne serais pas surpris de voir débarquer un jour quelques bâtards que mon "cher" père aurait eu avec d'autres. Comme moi d'ailleurs, car sauf erreur, vous n'avez jamais été mariés.
- C'est drôle que tu parles de cela...
- Oh ?
Momma leva les yeux et regarda son fils.
- J'ai reçu une visite d'une jeune fille. Elle s'appelle Desde. Elle a 18 ans. Elle est très gentille. Et mignonne. Et polie aussi.
- Et ?
- C'est la fille d'Arrsène.
Edualk resta silencieux un moment. Puis il regarda sa mère.
- Desde... Et elle voulait quoi ?
- Retrouver son père. Entre autres.
- Elle risque d'être déçue. Surtout qu'Arrsène risque de lui sauter dessus...
Momma sourit.
- Ne t'inquiète pas. Elle est de taille à se défendre, et surtout elle semble déjà le connaître un peu.
- Et elle le cherche quand même ?
- Ton père a dépouillé sa mère...
- Tu vois ! C'est tout lui, ça ! Et va dire après que c'est un type bien !
- Dudu...
- Et donc, tu lui as dit quoi à cette Desde ? De rentrer chez sa mère, j'espère ?
- Sa mère est morte. Elle n'a plus de famille. Alors j'ai pensé qu'on pourrait...
Momma n'acheva pas sa phrase. Edualk sourit.
- Toujours à recueillir les chats perdus, Maman... C'est d'ailleurs comme ça que tu t'es faite avoir par Arrsène.
- Je ne me suis pas faite avoir, mon chéri...
- Maman...
- ... je t'ai eu toi.
La mère et son fils se prirent la main et se regardèrent en souriant. Puis Edualk fronça les sourcils.
- Tu as dit : "entre autres". Et le reste ?
- Et bien... Je n'ai pas tout compris. Elle suit des cours par correspondance de Démoniste, pour passer le concours à la rentrée.
- Super, une cinglée de plus dans la famille.
- Dudu !
- Maman, je plaisante... Quoi que...
- Enfin, elle m'a dit qu'elle voulait reprendre le flambeau familial. Là, je lui ai dit que du côté de ton père, on était plutôt Paladins...
- Sauf le salopard.
- ... et pas Démoniste. Et là, elle m'a dit que non, pas que. Et qu'elle espérait pouvoir être prête à temps - mais elle n'a pas voulu me dire pour quoi. Alors comme tu connais bien l'histoire de la famille, j'ai pensé... Dudu ? Ca va ?
Edualk avait pris un air sévère.
- C'est ce qu'elle t'a dit ?
- Oui. Mais je ne comprends pas...
- ... Je n'aime pas ça. Ca voudrait dire qu'elle saurait des choses... Elle a déjà rencontré Papy ? Ou le vieux Nain ?
- Non, elle n'avait jamais quitté Elwyn jusqu'à présent.
- Il n'y a qu'eux pour...
- Pour quoi ?
Edualk regarda sa mère en silence, puis secoua la tête et sourit.
- Ne t'inquiète pas, je m'en occupe.
- Tu as toujours été un garçon serviable, depuis tout petit, quand tu aidais la petite voisine...
- ... Maman...
- Desde est très gentille, alors ne sois pas trop soupe au lait avec elle.
- Mais oui...
Edualk grimaça quand sa mère se pencha pour l'embrasser. Il lança un regard noir à l'aubergiste, le défiant de ricaner - ce qu'il fit quand même.
- Sinon, tu la connais depuis longtemps, cette Roxiane ?
- Quelques semaines. Je lui donne un coup de main de temps en temps, même si elle sait se débrouiller toute seule.
- Elle est jolie.
- Ca, il faut reconnaître.
- Et elle a l'air gentille.
- Elle l'est. Bien qu'un peu bêcheuse.
- Une Mage, elle doit être intelligente et cultivée.
- Bien sûr, comme tous les Mages.
- Tu prends tes précautions, j'espère.
- Pardon ?
- Oui, quand vous couchez ensemble.
- Maman !
- Si tu veux, je peux te donner ce qu'il faut. J'en ai toujours sur moi...
- Maman !!!
Très loin de là, Moustaches grimaça. Là, ça commençait à devenir pénible. Tous ces nouveaux protagonistes, le Voleur, la Mage, maintenant cette vieille femme et la gamine... Franchement pénible. Et surtout, elle savait...
Puis le rat éternua de nervosité.
***